J'attends le numéro 63
Laboratoire de recherches créatives
Laboratoire de recherches créatives
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
vers une plus grande mobilité
mentale, comme si nous choisissions
après avoir expérimenté
plusieurs chemins. Cela à
l’air anodin, parce qu’on s’y est
vite habitué, mais je pense que,
dans la pensée artistique, c’est
une vraie révolution. D’ailleurs,
je remarque que de nombreux
artistes, même si leur travail
n’est pas totalement numérique,
s’aident de l’ordinateur
pour faire des recherches, puis
ils finalisent le rendu de leurs
oeuvres, avec des outils traditionnels,
parfois sans mentionner
ce détail…
JN1 : Alors sans ordinateur,
point de salut ?
I.S. : Je ne sais pas ce que
vous entendez par salut, mais
je pense que si nous venions
à perdre cet outil, cela serait
une terrible régression. Bien
sûr, on pourrait vivre, l’homme
s’adapte toujours, mais cela serait
une vraie perte. Un abaissement
de notre intellect.
JN1 : Comment êtes-vous perçu
en tant qu’artiste numérique ?
I.S. : La plupart du temps, les
gens ne connaissent pas vraiment
les logiciels, ni de quelle
manière, nous travaillons, nous
ne sommes pas toujours bien
perçus. Je dirais qu’il y a souvent
deux catégories : ceux
qui nous prennent pour des
idiots qui ne font que cliquer
sur des boutons sans avoir de
talent ou de pensées et ceux
qui nous prennent pour des
sortes de matheux qui font
de la programmation toute la
journée, je tiens à préciser que
les deuxièmes sont les plus
rares, on est plus souvent pris
pour des imbéciles rivés à nos
écrans s’abreuvant bêtement
d’images que pour des petits
génies. Les deux visions sont
fausses. En ce qui me concerne.
Je ne fais qu’utiliser des logiciels,
je ne les invente pas et je
réfléchis à ce que je fais. Je ne
clique pas au hasard, je connais
le logiciel, je l’ai appris, parce
que c’est une des notions qui
est aussi souvent ignorée, nous
apprenons les logiciels, comme
un peintre apprenait son métier.
La plupart des logiciels
sont complexes et on ne peut
pas se lancer comme ça. Et
même si on le fait, il vient toujours
un moment où l’on est
obligé pour aller plus loin, de se
former. J’ai moi-même été formatrice
et j’ai vu des gens pleurer
parce qu’ils réalisaient que
ce n’était pas aussi simple qu’ils
le croyaient.
Finalement, l’arrivée dans nos
vies de l’ordinateur est récente,
elle nous a tous marqués, bien
plus qu’on ne le pense, ce qui
entraine des réactions qui sont
toujours un peu les mêmes
face à la nouveauté. J’avais lu,
il y a longtemps, qu’à l’arrivée
de l’imprimerie, les sociétés de
l’époque avaient été traversées
par des courants violents et
contradictoires, il y avait ceux
qui se réjouissaient de cette invention
parce qu’ils en avaient
compris l’énorme potentiel,
notamment de démocratiser
le livre et il y avait ceux qui disait
que ça allait faire perdre
la mémoire aux gens, parce
qu’on passait d’une civilisation
de l’oral à celle de l’écrit. Vous
voyez, c’est toujours un peu les
mêmes tensions.
JN1 : Que pensez-vous des gens
qui passent leur temps sur les
réseaux sociaux ?
I.S. : Vivre peut être difficile, on
est confronté à la solitude, à
des difficultés de tous ordres, je
suppose que ça aide ou que ça
comble un manque. Comme
tout le monde, je suis souvent
excédée par certains comportements,
mais je pense que,
sur le fond, toutes ces applications
nous réunissent bien plus
qu’on ne voudrait le croire. À
une époque quand les images
étaient peintes à la main,
13