Turkestan chinois, LE MUQAM DES DOLAN - Document sans titre ...
Turkestan chinois, LE MUQAM DES DOLAN - Document sans titre ...
Turkestan chinois, LE MUQAM DES DOLAN - Document sans titre ...
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
des Ouïgours. Bien qu’ils peuplent une<br />
région parfaitement délimitée sur les marges<br />
du Taklamakan, ils n’ont jamais fait l’objet<br />
d’un véritable recensement et il existe peu<br />
d’études sur leur origine. Un mythe raconte<br />
cependant qu’ils descendent d’un clan mongol<br />
émigré au Xinjiang, comme semble l’indiquer<br />
l’origine du mot dolan. Agriculteurs et<br />
éleveurs de moutons, ils ont un système<br />
social assez différent de celui des Ouïgours et<br />
leur langue est une variante dialectale du<br />
ouïgour. Ils revendiquent enfin une tradition<br />
musicale spécifique, le muqam dolan, qu’ils<br />
considèrent à juste <strong>titre</strong> comme très différente<br />
du muqam ouïgour. Du reste, les traditionalistes<br />
préfèrent au terme muqam qu’ils<br />
jugent trop savant, celui de bayawan (littéralement<br />
: désert) qui rend mieux compte de<br />
l’enracinement de cette musique dans leur<br />
culture minoritaire et leur environnement.<br />
Cinq grandes caractéristiques distinguent en<br />
effet le muqam dolan du muqam ouïgour : il<br />
est entièrement dansé ; chaque suite est<br />
beaucoup plus courte que la suite ouïgoure<br />
(de 6 à 10 mn au lieu d’une à deux heures) ;<br />
l’interprétation vocale et instrumentale est<br />
très libre en ce sens que chaque musicien<br />
interprète à sa manière la mélodie commune,<br />
il en résulte un effet d’hétérophonie<br />
qui est le résultat d’un véritable choix esthétique,<br />
d’une recherche d’épaisseur sonore, et<br />
pas du tout d’un manque de compétence des<br />
musiciens. Ce principe hétérophonique qui<br />
prévalait encore au début du XX e siècle dans<br />
– 4–<br />
beaucoup de cultures musicales du monde<br />
islamique et qui s’est altéré, <strong>sans</strong> doute, au<br />
contact des musiques occidentales, reste<br />
donc ici le témoignage bien vivant d’une<br />
culture attachée à ses valeurs esthétiques. Le<br />
onikki muqam se fonde sur l’utilisation de<br />
douze modes musicaux, le muqam dolan en<br />
utilise neuf fondés sur des échelles de cinq,<br />
six ou sept degrés. Enfin, si la musique classique<br />
ouïgoure témoigne déjà d’une vigueur<br />
et d’un dynamisme rythmiques étonnants,<br />
les Dolan portent cette énergie à un véritable<br />
paroxysme, ce qui conduit des musicologues<br />
locaux à comparer le muqam ouïgour<br />
à la musique classique et le muqam dolan au<br />
jazz, allant parfois jusqu’à le surnommer<br />
jazz ouïgour.<br />
Cette musique est avant tout une musique<br />
de fête et de réjouissance. Traditionnellement,<br />
les muqam dolan sont joués lors des<br />
mashrap, ces grands rassemblements festifs<br />
et ritualisés, qui se déroulent après les<br />
récoltes ou pour un mariage, une circoncision<br />
ou tout autre événement heureux, et<br />
qui sont l’occasion de festoyer, de faire de la<br />
musique, de danser et de jouer à divers jeux<br />
de société et d’adresse. La fête se déroule<br />
dans un grand espace carré, les musiciens<br />
occupant l’un des quatre côtés et les danseurs<br />
évoluant au centre.<br />
L’ensemble musical se compose de chanteurs<br />
solistes (muqamqi) et d’instrumentistes<br />
qui participent également au chant. Les instruments<br />
sont le rawap dolan, un luth à