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Rotary Magazin 11/2020

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DE GOUVERNEM SCHWERPUNKT

DE GOUVERNEM SCHWERPUNKT – ROTARY SUISSE LIECHTENSTEIN – NOVEMBER 2020 PHILOSOPHIE PLAIDOYER POU 34 Au temps de la Grèce antique, le philosophe Aristote étudia la politique (polis en grec ancien pour la cité), notamment en analysant ses différents modèles de gouvernement. Comme il regrettait qu’aucun d’eux ne privilégie réellement l’intérêt public, il préférait le modèle d’un gouvernement hybride composé d’aristocratie et de république pour permettre aux riches et aux pauvres d’assumer ensemble la conduite des affaires de l’État. Aristote : « La démocratie offre les clés de l’État à des hommes libres et pauvres qui forment un gouvernement à l’utilité du plus grand nombre, en l’occurrence les pauvres. » Le traité de philosophie politique de la Grèce antique, La Politique du philosophe Aristote (385–322 av. J.-C.), marqua durablement la théorie politique occidentale en matière d’organisation de la cité. Ce recueil expliquait que trois modèles de gouvernement régentent l’exercice du pouvoir suprême dans l’Etat : la monarchie, l’aristocratie et la république. Tous s’évertuent à se mettre au service de l’intérêt général, dans le seul but d’apporter le bonheur aux citoyens. Néanmoins, ces gouvernements ne sont pour autant pas dépourvus de « perversion ». Ainsi, la monarchie peut « dégénérer » en tyrannie, l’aristocratie en oligarchie et la république en démocratie ... Pour Aristote, la tyrannie est la monarchie tournée à l’unique utilité (pouvoir) et au seul intérêt (enrichissement) du monarque, autrement dit un gouvernement despotique, dictatorial, exercé par un seul homme sur l’Etat ; l’oligarchie revêt la même forme « dépravée » que la tyrannie, en plus insidieuse toutefois, mais elle concerne un petit nombre de riches (qui s’entend du gouvernement des riches) ou de puissants, soit une minorité qui s’octroie des postes et fait passer des lois la favorisant ; quant à la démocratie, elle offre les clés de l’Etat à des hommes « libres » et « pauvres » qui forment un gouvernement à l’utilité du plus grand nombre, en l’occurrence les pauvres (qui s’entend du gouvernement des gens non fortunés) tels les agriculteurs, les artisans, les commerçants, les gens de mer, les manouvriers, les guerriers, etc. Encourageant la médiocrité, voire l’oisiveté, la démocratie affecte l’égalité absolue, c’est-à-dire que la loi place les pauvres au niveau des riches pour que les uns n’aient pas plus de

SCHWERPUNKT – ROTARY SUISSE LIECHTENSTEIN – NOVEMBER 2020 R UN MODÈLE ENT HYBRIDE droits que les autres au gouvernement, que leurs conditions soient semblables. Le philosophe reconnaissait que la misère est la source de tous les maux dans la démocratie. « Il faut donc trouver le moyen de mettre tout le monde à l’aise d’une manière durable ; cela servira aux riches euxmêmes. Le meilleur emploi des revenus publics, quand leur perception est achevée, est d’aider largement les pauvres pour les mettre en état d’acheter un morceau de terre ou les instruments du labour, ou encore de faire un petit commerce », préconisait-t-il. Aristote regrettait qu’aucun des trois modèles de gouvernement ne s’occupe véritablement de l’intérêt public. Dans la monarchie, un seul homme concentre son autorité sur l’armée, la surintendance du culte et des choses sacrées ; il s’agit d’une sorte de généralat perpétuel avec la plénitude du pouvoir et plusieurs variantes selon les types de populations. L’aristocratie, pour sa part, constitue un régime composé de « gens de bien », « de réputation », d’« honnêtes hommes » élus en raison de leur fortune et de leurs mérites. Le philosophe constatait que la savoir et la connaissance se trouvaient parmi eux, les riches, et qu’ils étaient moins exposés à la tentation de « mal faire », ayant par-devers eux ce qui séduit les autres ... Mélange « dévié » des deux « perversions » oligarchie et démocratie, la république se caractérise, elle, par la pluralité des avis et par le choix des lois exprimé par le plus grand nombre de ceux ayant rang de citoyens, nommés au gouvernement. Pour constituer cette république, Aristote considérait nécessaire de réunir les deux législations de l’oligarchie et de la démocratie, puis de « prendre le milieu » pour FRAGILITÉ INSTITUTIONNELLE L’histoire de la démocratie a été progressivement exemplaire dans la prise de parole : revendications sociales et politiques en faveur des droits individuels et sociaux, luttes contre l’humiliation, pour l’égalité et le respect du droit de chacun à mener sa vie librement, notamment. Cependant, elle a aussi connu des reculs, des perversions et des trahisons, selon l’historien et sociologue Pierre Rosanvallon. Le cas européen est symptomatique à cet égard. L’Europe est certainement la région du monde qui a connu les expériences démocratiques les plus précoces et qui a su lui donner des formes très efficaces d’incarnation institutionnelle. Mais c’est en Europe qu’on trouve également les pires perversions de l’idée démocratique et les visages les plus sinistres de sa dénégation. « Je pense ici au totalitarisme soviétique et au nazisme qui sont nés au XX e siècle sur le continent européen et qui ont prétendu être, chacun à leur tour, des réponses à la crise des démocraties. Partir de la notion d’expérience permet, à mon sens, de redonner sa double dimension d’impératif social et de fragilité institutionnelle à l’idée démocratique », rappelle Pierre Rosanvallon. finalement ne garder que ce qu’elles avaient de bon : « Il faut, dans une république bien tempérée, que les deux éléments s’y remarquent et que ni l’un ni l’autre n’y soient trop saillants ; qu’elle ait, en outre, des moyens pour se conserver elle-même, sans avoir besoin de secours étrangers ; en sorte qu’elle doive son salut non à la bienveillance de ses voisins, de ce qui peut arriver aux Etats dépravés, mais au contentement de tous ses membres, tel qu’il n’y en ait aucun qui désire un autre modèle de gouvernement », conseillait-il. SATISFAIRE LES RICHES ET LES PAUVRES Le meilleur modèle de gouvernement, selon le philosophe, est celui qui adopte des critères de « justice distributive », soit qui prend en compte les caractéristiques les plus importantes de la population d’une cité, à l’instar de la vertu et du pouvoir économique. Comme celles-ci sont difficilement quantifiables dans les deux modèles de l’aristocratie et de la république pour satisfaire pleinement tout le monde, les riches et les pauvres, Aristote préconisait un modèle de gouvernement hybride, dans lequel participeraient aux affaires publiques conjointement les classes au faible pouvoir économique, les pauvres formant la république, et l’aristocratie, les riches. Leur concours serait toutefois différencié, car certains actes et décisions de gouvernance requièrent des connaissances techniques et une capacité de dévouement aux affaires publiques que détiennent exclusivement les plus fortunés... Dans l’idéal, Aristote concevait que l’aristocratie était le meilleur des modèles de gouvernement, mais que, dans les faits, le modèle de gouvernement hybride avec une démocratie « restreinte » s’avérait comme incontournable ... K Rot. Didier Planche | A zvg Bibliographie : Collectif d’auteurs, Philosophies et pensées de notre temps, 2011 ; Aristote, La Politique, 1964 ; Clélia Fortier-Kriegel, Aristote, 2016 35

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