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SeSSiOn 1 - AHTeR

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table ronde<br />

ministères car c’est la règle : ce sont les Etats et non les communautés ou collectivités qui présentent les dossiers.<br />

M.S : Mais avant, les collectivités pouvaient proposer des candidatures de façon spontanée ?<br />

F.B : La volonté naît toujours au niveau local, mais la signature finale vient toujours de l’Etat, même pour les<br />

Etats fédéraux.<br />

M.S : Quand on voit les images d’Haïti après le tremblement de terre, et qu’on voit un certain nombre d’immeubles<br />

modernes détruits alors que les maisons traditionnelles sont toujours debout, ça nous fait réfléchir<br />

à notre façon de bâtir aujourd’hui, et nous fait envisager l’avenir d’une autre façon.<br />

Daniel Elie : Je voudrais d’abord revenir sur la transmission des valeurs du patrimoine. Je pense qu’il nous<br />

faudrait analyser ces valeurs, les préciser, les hiérarchiser, pour distinguer le fondamental de l’accessoire, le<br />

durable du non-durable. Je suis le patrimoine en Haïti depuis 30 ans, et je pense que la valeur cognitive du<br />

patrimoine devrait être au cœur et le point de départ des pratiques et utilisations de ce patrimoine. Pour<br />

reprendre votre question, il faut revenir aux les années 50 et à la grande mutation de la société haïtienne, qui<br />

continue encore aujourd’hui. Cette mutation s’est accompagnée d’une rupture -progressive mais complète-<br />

de la transmission de la connaissance, de la mémoire de l’art de bâtir, qui a contribué à une perte de qualité<br />

de la construction. On est arrivé très rapidement à l’auto-construction avec des artisans pas ou peu formés<br />

pour manipuler le béton.<br />

On sait aujourd’hui que ce sont ces constructions qui ont tué 300 000 personnes en Haïti pendant le séisme,<br />

cela est vrai. Ces exemples sont multiples. En particulier, nous travaillons sur un canal en terre construit et<br />

aménagé pendant la colonisation française suite à un déboisement systématique des plaines et des montagnes<br />

près de Port-au-Prince, pour faire place aux structures caféières et sucrières. Le résultat de ces déboisements<br />

a été la perte du contrôle des crues et des inondations à répétition. Ce canal, qui reliait un étang à la<br />

mer, a donc été creusé pour évacuer les eaux excédentaires des pluies et a fonctionné pendant tout le 19ème<br />

jusqu’au début du 20ème, puis il a été oublié. Lors des grandes pluies de 2004, les eaux excédentaires de cet<br />

étang ont cherché en vain le chemin jusqu’à la mer, ont envahi la terre et causé la perte de nombreuses vies<br />

et de nombreux biens. Peu de temps après, les autorités ont décidé de réhabiliter ce canal, faisant par là une<br />

réhabilitation sans le savoir. A l’ISPAN, nous considérons ce canal comme bien culturel patrimonial, car il nous<br />

permet précisément de mettre en exergue cette rupture de la transmission des connaissances.<br />

Dans nos réflexions à l’ISPAN, nous pensons que la valeur essentielle de la sauvegarde du patrimoine, qui est la<br />

valeur cognitive, devrait être elle-même préservée. Et les valeurs économiques, avec le poids du tourisme de<br />

masse, devraient être aménagées en tant qu’accessoires, ce qui signifie probablement qu’il faudrait imposer<br />

des limitations ou des réglementations. Il faut également investir dans la connaissance du patrimoine.<br />

M.S : Comment allez-vous tirer parti de cet aspect tragique de l’histoire d’Haïti pour mobiliser les architectes,<br />

les urbanistes, les acteurs sociaux, les inciter bien construire à nouveau et répondre en même temps<br />

aux besoins économiques et sociaux ?<br />

D.E : Nous avons évidemment identifié que c’est précisément par là qu’il fallait commencer : la création de<br />

codes de la construction -qui avaient été abandonnés depuis plus de 60 ans-, la formation au recyclage d’ingénieurs,<br />

d’architectes, et surtout des maçons, des ouvriers de la construction, qui sont ceux qui ont la plus<br />

grande influence sur le bâti de Port-au-Prince.<br />

M.S : Est-ce à dire que vous allez défabriquer, démodulariser la construction en Haïti aujourd’hui ? C’est un<br />

grand saut.<br />

D.E : Nous l’espérons, mais ces projets partent dans tous les sens. Ce sont encore des initiatives isolées. Il faut<br />

comprendre que l’Etat haïtien est faible et n’arrive pas encore à centraliser ces efforts des ONG, des associations<br />

et des fondations qui nous aident. Le chemin sera encore très long et nous en sommes conscients.<br />

17<br />

Le patrimoine, moteur de déveLoppement<br />

Heritage, driver of deveLopment

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