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N. 16 Italia : Imaginations Passions Parcours - ViceVersaMag

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.5<br />

30<br />

PASSIONS<br />

C A R N E T S<br />

Par hasard, Firenze<br />

À traiV p,dn de monde qui s-agite> ,ève les bras m<br />

ciel. Ça parle fort. Ça crie par-dessus les haut-parleurs qui grésillent des renseignements pour moi encore incompréhensibles<br />

: « Il treno in partenza per Roma dal binario dodici ». Je ne sais pas encore si je suis contente. Les déplacements me font<br />

toujours un peu mourir. Enfin... Il fait beau. Il faut d'abord trouver un téléphone, comprendre comment ça fonctionne, téléphoner<br />

aux Conti qui parlent un peu français, pour qu'ils soient sur place quand j'arriverai Via Saffi. Puis trouver un taxi. Il<br />

devinera tout de suite que je suis touriste. Ça me déplaît. Mais bon. Le chauffeur prend mes bagages, regarde mon porte-folio<br />

de l'air de celui qui en a vu des pires. Il est poli. C'est tout. Il fait déjà chaud. Je pense que j'aurais dû laver mes dents. Il y a sur<br />

toutes choses une belle lumière rose. On passe devant un grand édifice de pierres noires et vertes. J'imagine que c'est le<br />

Duomo. Je n'en éprouve aucune émotion. Les rues sont étroites. Les maisons plutôt semblables. Beiges, roses, brunes. Pas tellement<br />

hautes. Il n'y a pas de gratte-ciel. On passe devant une petite piazza verte. Deux personnes sortent d'un café en riant.<br />

J'entends le dernier mot de la conversation : « vedremo ». Je ne sais pas encore ce que cela veut dire. Riche idée que de venir<br />

ici sans savoir un mot d'italien, sans ce petit guide Berlitz qu'on lit dans l'avion Montréal/Paris puis dans le train Paris/Firenze.<br />

Rien. Niente. Je plonge au beau milieu du lac.<br />

Au fond je le fais exprès. Je dois aimer ça. J'ai<br />

huit mois pour apprendre. On s'éloigne du<br />

centre. Les maisons sont toujours pareilles.<br />

Les toits toujours en tuiles de faïence brune.<br />

ça sent toujours le café. On passe par une rue plus achalandée.<br />

avec des magasins : Pizzicheria, Trattoria, Merceria,<br />

Forno... Les marchands sortent des tables, des auvents<br />

rouges et verts ; autour s enlignent des ports remplis de<br />

fleurs coupées. Les comptoirs se garnissent de fruits, de<br />

légumes, de souliers, de vêtements. Ponte al Pino. On passe<br />

par-dessus la voie ferrée. Campo di Marte. Le stade. On y<br />

est.<br />

C'est une maison grise à trois étages, avec des persiennes<br />

aux fenêtres. Les propriétaires sont sur le trottoir. Le<br />

signor Minzoni aux cheveux blancs, habillé comme pour<br />

des noces, me fait de grands signes de bienvenue avec les<br />

deux bras. Us ont l'air très sympathiques. Les bagages. Les<br />

accolades. Les présentations. Personne ne connaît personne.<br />

Tout le monde examine tout le monde à la dérobée.<br />

Sont-ils gentils ? Discrets ? Ouverts ?<br />

Les bagages passent à peine par la demi-porte qui s'ouvre.<br />

Alors on m'ouvre la deuxième moitié. C'est mieux. Je<br />

monte au 2 e . Tout le monde suit. L'appartement est grand,<br />

bien éclairé, confortable. Derrière, il y a un jardin où poussent<br />

un sapin et un palmier ! Des dahlias, des iris, des roses<br />

rouges, des roses blanches et des fines herbes dans de grandes<br />

urnes de terre cuite. Mon coeur palpite, monte au bord<br />

des lèvres. 11 y a un goût d'eau salée dans ma gorge. Est-ce<br />

le sapin qui me ramène à la forêt de chez nous ? Est-ce le<br />

palmier qui me rappelle la plage et la mer de la Californie<br />

où j'ai vécu pendant trois ans ?<br />

J'ai envie d'un café tout à coup. Moi qui en buvais rarement<br />

à Montréal, serais-je déjà contaminée ? Tout de même.<br />

je suis « merdeuse ». J'ai trouvé l'appartement sans me<br />

déplacer d'un poil. Un téléphone un jour à une amie, qui<br />

en connaît une autre, qui en connaît une autre, et tac... Une<br />

chance merveilleuse. C'est comme ça que je me retrouve<br />

à Florence.<br />

En fait, c'aurait pu aussi être Rome ou Milan. Seulement<br />

il y a eu ce coup de fil. Cette fille, que je ne connaissais<br />

pas tellement et à qui j'ai parlé par hasard, allait être<br />

sans le savoir un point tournant de mon destin. 11 est inouï<br />

de pouvoir isoler ainsi, à un moment de sa vie, un fait qui<br />

en changera tout le cours.<br />

28 octobre, 15h 40<br />

Devant l'Église Santa Croce. La journée est grise et<br />

terne comme si toute entière elle baignait dans une machine<br />

à laver. Un vrai lundi. Je vois des touristes ahuris descendre<br />

un à un d'un gigantesque autobus. En un temps record,<br />

ils prennent mon banc d'assaut. Et pourquoi mon banc,<br />

justement? Ils sont comme des pigeons tous rassemblés<br />

autour d'une guide-petit-tailleur-bleu-marine qui agite son<br />

parapluie magenta dans tous les sens pour indiquer le lieu<br />

du rassemblement. Trois minutes plus tard, ils disparaissent<br />

aussi magiquement qu'ils étaient apparus.<br />

J'apprendrai plus tard que Florence est envahie chaque<br />

année par 6 millions de touristes. L'entière population<br />

du Québec. De quoi décourager lame la plus sociable.<br />

II commence à pleuvoir. À côté de Santa Croce,<br />

immense église verte, rose et blanche, il y a une construction<br />

du même âge (XIII e siècle), d'un gris terreux assez<br />

sombre et dont la surface a commencé de s'effriter. Sur ces<br />

murs sont peints d'admirables personnages, vierges,<br />

nymphes, anges, figés dans des poses gracieuses. La surface<br />

qui se détériore tranquillement les retourne au néant.<br />

Assise sur mon banc, silencieuse et rêveuse, j'imagine des<br />

danses en robes longues et coiffes décorées, des chevaux<br />

enguirlandés, des hommes en collants et pourpoints brodés,<br />

des bouffons qui sautillent, des clochettes attachées<br />

à leurs chevilles. J'entends les tambourines, les flûtes,... Les<br />

fresques se rajeunissent. Il y a une noce bourgeoise. Tout<br />

le village est présent.<br />

Il pleut pour vrai. Je quitte mon rêve, et Santa Croce.<br />

En chemin, j'arrête au Caffè délia via Dei Neri pour manger<br />

un Canollo siciliano. Deux minutes au moins je m'extasie<br />

devant cette petite crête croustillante, fourrée à la<br />

crème et aux fruits confits. Che meraviglia !<br />

29 octobre<br />

Piazza Santo Spiriio, numéro quattro, primo piano. La<br />

Scuola Machiavelli. J'étais déjà venue voir. J'aimais le style<br />

pas compliqué. Les profs avaient mon âge. Relax. Je me suis<br />

inscrite. Et ce matin, c'est le premier cours. Dans ma classe<br />

il y a quatre Allemands, un Japonais, deux Américains, un<br />

Anglais. Je suis la seule francophone. On décline nos noms,<br />

nationalités et ce qui nous amène en Italie. Pour faire parler<br />

neuf personnes, ça prend presque une heure. Je suis<br />

découragée. À chaque minute qu'ils ont de libre, les Aile-

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