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Cela peut avoir des conséqu<strong>en</strong>ces sur la filiation<br />
: <strong>en</strong> effet, un père qui appr<strong>en</strong>d qu'il n'est<br />
pas le père biologique de l'<strong>en</strong>fant dont il est<br />
le père légal pourrait demander à remettre <strong>en</strong><br />
question le li<strong>en</strong> de filiation qui les unit : l'<strong>en</strong>fant<br />
pourrait donc se retrouver sans père. Inversem<strong>en</strong>t,<br />
un homme pourrait découvrir qu'il<br />
est le père biologique d'un <strong>en</strong>fant dont il n'est<br />
pas le père légal, et demander un li<strong>en</strong> de filiation<br />
paternelle avec cet <strong>en</strong>fant. On imagine le<br />
tableau : qui est le père, s'il faut <strong>en</strong> choisir un ?<br />
Celui qui a élevé l'<strong>en</strong>fant ? Celui qui l'a conçu ?<br />
Peut-on remettre <strong>en</strong> question une filiation<br />
construite au nom d'un li<strong>en</strong> biologique ? La<br />
question de la recherche <strong>en</strong> paternité seraitelle<br />
indissociable d'un débat plus large sur la<br />
question de la recherche des origines et des<br />
fondem<strong>en</strong>ts de la filiation ?<br />
En Europe, les positions sont diverses. En<br />
France, on l'a bi<strong>en</strong> vu dans le cas de l'accouchem<strong>en</strong>t<br />
sous X, le secret des origines<br />
est <strong>en</strong>raciné dans le droit – mais régulièrem<strong>en</strong>t<br />
remis <strong>en</strong> question. Dans l'Hexagone, il<br />
est interdit à des particuliers de consulter<br />
des laboratoires à des fins de vérifications<br />
de filiation pour, év<strong>en</strong>tuellem<strong>en</strong>t, servir de<br />
prélude à une action <strong>en</strong> justice : seul le juge<br />
peut ordonner une expertise génétique. Procéder<br />
à une analyse <strong>en</strong> dehors de ce cadre<br />
est puni d'un an de prison et de 15000 euros<br />
d'am<strong>en</strong>de. En revanche, <strong>en</strong> Allemagne ou<br />
<strong>en</strong> Suisse, où la pièce de théâtre Le Test a<br />
été écrite, la Constitution garantit le droit à<br />
connaître ses origines génétiques, mais cette<br />
connaissance n'a pas obligatoirem<strong>en</strong>t de li<strong>en</strong><br />
avec la filiation au s<strong>en</strong>s juridique du terme.<br />
Chez nous, il suffit de googliser « recherche<br />
de paternité + Belgique » pour découvrir sur<br />
une dizaine de sites proposant aux internautes<br />
de réaliser à peu de frais un test de<br />
paternité fiable à 99,99 % : ce n'est pas interdit,<br />
mais ça n'a aucune valeur juridique. Vous<br />
êtes un peu perdu ? Jehanne Sosson, avocate<br />
familialiste professeur à l'UCL et spécialiste<br />
des questions de filiation, a accepté d'éclairer<br />
notre lanterne. Le résultat des courses, vous<br />
allez voir, est instructif, mais nous laisse un<br />
peu sur notre faim : <strong>en</strong> effet, les conditions<br />
de recevabilité dans lesquelles, <strong>en</strong> Belgique,<br />
un test de paternité peut être réalisé légalem<strong>en</strong>t,<br />
sont <strong>en</strong> train d'évoluer sous l'influ<strong>en</strong>ce<br />
de la jurisprud<strong>en</strong>ce de la Cour constitutionnelle<br />
belge et de la Cour Europé<strong>en</strong>ne des<br />
Droits de l'Homme de Strasbourg. Vers quelle<br />
direction ? Des questions rest<strong>en</strong>t <strong>en</strong> susp<strong>en</strong>s,<br />
et qui ne sont pas de l'ordre de la procédure.<br />
Dans la par<strong>en</strong>té, l'homme et la femme ne<br />
sont pas égaux, et la recherche d'un équilibre<br />
<strong>en</strong>tre leurs droits et celui de l'<strong>en</strong>fant peut paraître<br />
nécessaire, mais a du mal à s'exprimer<br />
clairem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> termes juridiques. Peut-être<br />
parce que l'on arrive pas à exclure totalem<strong>en</strong>t<br />
le biologique du débat au nom d'une conception<br />
purem<strong>en</strong>t volontaire de la par<strong>en</strong>té. Au<br />
fond, est-ce que ce n'est pas une histoire de<br />
compromis à la belge ? Et puis, n'assiste-t-on<br />
pas aujourd'hui à une remise <strong>en</strong> question de<br />
l'adage mater sempre certa est, avec notamm<strong>en</strong>t<br />
la gestation pour autrui, tandis que les<br />
tests de paternité font que le pater est de<br />
moins <strong>en</strong> moins incertus ?<br />
S.P.<br />
<strong>Filiatio</strong> : Avons-nous, <strong>en</strong> Belgique, une vision<br />
claire de la filiation ?<br />
Jehanne Sosson : Notre droit et notre conception<br />
de la question du fondem<strong>en</strong>t biologique<br />
ou socio-affectif de la filiation sont <strong>en</strong> sandwich<br />
<strong>en</strong>tre différ<strong>en</strong>tes traditions culturelles.<br />
Nous sommes à la recherche d'un équilibre<br />
<strong>en</strong>tre le biologique et le sociologique, ce qui<br />
est à la fois très compliqué et très technique.<br />
Au nom du li<strong>en</strong> biologique, peut-on remettre<br />
<strong>en</strong> cause une filiation construite, ou bi<strong>en</strong><br />
peut-on imposer une filiation à un père qui<br />
n'<strong>en</strong> veut pas ? Il y a ce que dit la loi, ce que<br />
dit la Cour Constitutionnelle, qui elle-même<br />
s’<strong>en</strong> réfère à ce que dit la Cour Europé<strong>en</strong>ne<br />
des Droits de l'Homme de Strasbourg. Dans<br />
ce kaléidoscope, l’équilibre est subtil : la filiation<br />
est <strong>en</strong> principe fondée sur l’exist<strong>en</strong>ce<br />
d’un li<strong>en</strong> biologique, mais ce n’est pas toujours<br />
le cas et le droit reconnaît aussi une<br />
place au li<strong>en</strong> socio-affectif. Dans les procréations<br />
médicalem<strong>en</strong>t assistées, on t<strong>en</strong>d par<br />
ailleurs à la fonder sur le « projet par<strong>en</strong>tal ».<br />
F. : Alors qui est le père, selon la loi belge ?<br />
J. S. : En termes juridiques, le li<strong>en</strong> légal est le<br />
li<strong>en</strong> <strong>en</strong>tériné par le droit, et ce li<strong>en</strong> n'a jamais<br />
été uniquem<strong>en</strong>t biologique. Ainsi, le mari de<br />
la mère est présumé être le père de l’<strong>en</strong>fant ;<br />
<strong>en</strong> principe, il est le père biologique, mais<br />
même si ce n'est pas le cas, s’il se comporte<br />
comme un père, ce li<strong>en</strong> légal ne pourra <strong>en</strong><br />
principe pas être remis <strong>en</strong> cause. Hors mariage,<br />
la paternité est établie par une reconnaissance.<br />
A nouveau, <strong>en</strong> principe un homme<br />
reconnaît un <strong>en</strong>fant parce qu’il <strong>en</strong> est le père<br />
FILIATIO - n°6 - avril & mai 2012<br />
POUR ALLER PLUS LOIN<br />
Les familles et le droit, une collection dirigée par Jehanne<br />
Sosson aux éditions De Boeck. L'objectif : fournir<br />
aux citoy<strong>en</strong>s une information accessible, claire<br />
et précise sur les règles de droit organisant actuellem<strong>en</strong>t<br />
les relations familiales : relations de couple,<br />
relations de filiation et de par<strong>en</strong>té, relations personnelles<br />
et patrimoniales…<br />
http://superieur.deboeck.com/collections/20231_6_23906/lesfamilles-et-le-droit.html<br />
Et <strong>en</strong> particulier : Dev<strong>en</strong>ir père ou mère <strong>en</strong> droit, le<br />
droit belge de la filiation, Collection Les familles et le<br />
droit, De Boeck, 2010.<br />
La possession d'état, article 331 nonies du Code Civil,<br />
fait référ<strong>en</strong>ce à un <strong>en</strong>semble de faits qui montr<strong>en</strong>t<br />
qu'une personne s'est toujours comportée comme un<br />
par<strong>en</strong>t et que le monde extérieur l'a toujours considérée<br />
comme tel. La possession d'état est, selon le Code<br />
civil, une cause d’irrecevabilité de toute procédure <strong>en</strong><br />
contestation de paternité ou de maternité. Si l'on s'est<br />
toujours comporté comme un par<strong>en</strong>t vis-à-vis de l'<strong>en</strong>fant<br />
et que l'on a toujours été considéré comme tel<br />
par son <strong>en</strong>tourage, le li<strong>en</strong> de filiation établi ne peut <strong>en</strong><br />
principe pas être contesté. (source : SPF Justice).<br />
Art. 331nonies. .<br />
La possession d'état doit être continue. Elle s'établit<br />
par des faits qui, <strong>en</strong>semble ou séparém<strong>en</strong>t, indiqu<strong>en</strong>t<br />
le rapport de filiation.<br />
Ces faits sont <strong>en</strong>tre autres :<br />
- que l'<strong>en</strong>fant a toujours porté le nom de celui dont<br />
on le dit issu;<br />
- que celui-ci l'a traité comme son <strong>en</strong>fant;<br />
- qu'il a, <strong>en</strong> qualité de père ou de mère, pourvu à son<br />
<strong>en</strong>treti<strong>en</strong> et à son éducation;<br />
- que l'<strong>en</strong>fant l'a traité comme son père ou sa mère;<br />
- qu'il est reconnu comme son <strong>en</strong>fant par la famille et<br />
dans la société;<br />
- que l'autorité publique le considère comme tel.<br />
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