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J. R. R. TOLKIEN LE SEIGNEUR DES ANNEAUX La Communauté ...

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Après quelques remarques sur le temps et les perspectives agricoles (qui n'étaient pas plus mauvaises qu'à<br />

l'ordinaire), le père Maggotte posa son gobelet et les regarda tous l'un après l'autre.<br />

- Alors, monsieur Peregrïn, dit-il, d'où venez-vous donc, et où allez-vous? Veniez-vous me voir? Car, dans<br />

ce cas, vous auriez passé ma porte sans que je vous aperçoive.<br />

- Eh bien, non, répondit Pippin. A vrai dire, puisque vous l'avez deviné, nous sommes entrés dans le chemin<br />

par l'autre bout: nous étions venus par vos champs. Mais c'était tout à fait par accident. Nous nous étions perdus<br />

dans les bois, presque en partant de Castelbois, en essayant de gagner le Bac par un raccourci.<br />

- Si vous étiez pressés, la route aurait mieux fait votre affaire, dit le fermier. Mais ce n'était pas ça qui me<br />

préoccupait, vous pouvez vous promener sur toute ma terre si vous le voulez, monsieur Peregrïn. Et vous aussi,<br />

monsieur Baggins encore que vous aimiez toujours les champignons, je suppose! (Il rit.) Eh oui, j'ai reconnu le<br />

nom. Je me rappelle le temps où le jeune Frodo Baggins était l'un des pires petits garnements du Pays de Bouc.<br />

Mais ce n'était pas aux champignons que je pensais. Je venais d'entendre le nom de Baggins avant votre apparition.<br />

Que croyez-vous que ce drôle de client m'avait demandé?<br />

Ils attendirent la suite avec impatience.<br />

- Eh bien, reprit le fermier, approchant son sujet avec une savoureuse lenteur, il est venu, monté sur un grand<br />

cheval noir, par le portail qui se trouvait ouvert, jusqu'à ma porte même. Tout noir, qu'il était lui-même aussi, et<br />

enveloppé dans un manteau et un capuchon comme s'il ne voulait pas être connu. «Et alors, qu'est ce qu'il peut bien<br />

vouloir dans la Comté? » Que je me suis demandé. On ne voit pas beaucoup de Grandes Gens de ce côté de la<br />

frontière, et, de toute façon, je n'avais jamais entendu parler de rien de pareil à ce noiraud.<br />

- «Bonjour à vous, que je lui dis, allant à lui. Ce chemin ne mène nulle part, et où que vous alliez, le plus<br />

court c'est de retourner à la route. » J'aimais pas son allure, et quand Étau est sorti, il a flairé une seule fois, et il a<br />

lancé un jappement comme s'il avait été piqué: il est parti en hurlant, la queue basse. Le type noir est resté<br />

parfaitement immobile.<br />

- «Je suis venu de par-là, dit-il, lent et raide, désignant l'ouest, pardessus mes champs, s'il vous plaît.<br />

Avez-vous vu Baggins? » Qu’il a demandé d'une voix bizarre, et il s'est penché vers moi. Je ne voyais pas de<br />

figure, car son capuchon descendait très bas, et j'ai senti une sorte de frisson me parcourir le dos. Mais je ne voyais<br />

pas pourquoi il traversait avec tant d'audace ma terre à cheval.<br />

Fichez-moi le camp! que je lui dis. Il n'y a pas de Baggins ici. Vous êtes dans une mauvaise partie de la<br />

Comté. Vous feriez mieux d'aller vers l'ouest, à Hobbitebourg... mais vous pouvez y aller par la route, cette fois. »<br />

«Baggins est parti, répondit-il dans un murmure. Il vient. Il n'est pas loin. Je voudrais le trouver. S'il passe,<br />

voudrez-vous me le dire? Je reviendrai avec de l'or. »<br />

Non, vous ne reviendrez pas, que je lui ai dit. Vous allez retourner là où est votre place, et en vitesse. Je vous<br />

donne une minute avant d'appeler tous mes chiens. »<br />

Il a émis une sorte de sifflement. Ce pouvait être un rire, ou ne l'être pas. Puis il éperonna son grand cheval<br />

pour le lancer sur moi, et je n'ai eu que le temps de sauter de côté. J'ai appelé les chiens, mais il s'est retourné, il est<br />

parti, il a passé la porte et monté le chemin jusqu'à la chaussée, tout cela comme un éclair. Que pensez-vous de ça?<br />

»<br />

Frodo resta un moment à contempler le feu, mais sa seule pensée était de savoir comment diable ils allaient<br />

atteindre le Bac.<br />

- Je ne sais que penser, finit-il par dire.<br />

- Eh bien, moi, je vais vous le dire, reprit Maggotte. Vous n'auriez jamais dû aller vous mêler aux gens de<br />

Hobbitebourg, monsieur Frodo. Ils sont bizarres, là-haut. (Sam remua sur sa chaise, jetant un regard hostile au<br />

fermier.) Mais vous avez toujours été casse cou. Quand j'ai entendu dire que vous aviez quitté les Brandebouc pour<br />

aller chez ce vieux M. Bilbo, j'ai dit que vous alliez au devant d'ennuis. Notez bien ce que je dis: tout ça vient des<br />

actes étranges de M. Bilbo. Il a acquis son argent d'une façon étrange dans les régions lointaines, qu'on dit. Peutêtre<br />

qu'y en a qui veulent savoir ce que sont devenus l'or et les joyaux qu'il a enfouis dans la colline de Hobbitebourg,<br />

à ce que j'ai entendu dire.<br />

Frodo ne répondit rien: la perspicacité des hypothèses du fermier était assez déconcertante.<br />

- Enfin, monsieur Frodo, poursuivit Maggotte, je suis heureux que vous ayez eu le bon sens de revenir au<br />

Pays de Bouc. Mon avis est: restez-y! Et ne vous mêlez plus à ces gens d'ailleurs. Vous aurez des amis par ici. Si<br />

jamais un de ces noirauds revient vous chercher, je m'occuperai de lui. Je dirai que vous êtes mort, que vous avez<br />

quitté la Comté, ou tout ce que vous voudrez. Et ce pourrait être assez vrai, car il est bien probable que c'est du<br />

vieux M. Bilbo qu'ils veulent avoir des nouvelles.<br />

- Peut-être avez-vous raison, dit Frodo, les yeux fixés sur le feu pour éviter le regard du fermier.<br />

Maggotte l'observa d'un air pensif:<br />

- Eh bien, vous avez vos idées, dit-il. Il est clair comme l'eau de roche que ce n'est pas un accident qui vous a<br />

amenés ici, le même après-midi, vous et ce cavalier, et peut-être ma nouvelle n'en était guère une pour vous, après<br />

tout. Je ne vous demande pas de me dire quoi que ce soit que vous voulez garder pour vous, mais je vois que vous<br />

avez des ennuis de quelque sorte. Peut-être vous dites-vous qu'il ne sera pas facile d'atteindre le bas sans être pris?<br />

- En effet, dit Frodo. Mais il nous faut tenter d'y arriver, et ce n'est pas en restant assis à réfléchir que ce sera<br />

fait. Alors je crains qu'il ne nous faille partir. Merci infiniment pour votre amabilité! J'ai été terrifié par vous et vos<br />

chiens pendant plus de trente ans, père Maggotte, bien que cela puisse vous faire rire. C'est grand dommage, car je

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