Quartett par Heiner Müller - Odéon Théâtre de l'Europe
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› Les Liaisons dangereuses, le roman<br />
4 - LLeess LLiiaaiissoonnss ddaannggeerreeuusseess ou le masque et le visage<br />
Le thème central <strong>de</strong>s Liaisons dangereuses est <strong>par</strong>faitement défini <strong>par</strong> son titre. Mais ce titre ne fait pas seulement<br />
allusion aux mauvaises rencontres qui pervertissent Cécile <strong>de</strong> Volanges et provoquent la mort <strong>de</strong> madame<br />
<strong>de</strong> Tourvel. Comme l’écrit Laurent Versini, «le mot liaisons signifie en fait relations sociales» ; les «liaisons<br />
dangereuses» sont donc en fait le lien social lui-même et ses effets <strong>de</strong>structeurs sur l’individu, dans une société<br />
dominée <strong>par</strong> le conformisme, c’est-à-dire le mimétisme.<br />
La caractéristique du jeu <strong>de</strong>s relations sociales dans les Liaisons est précisément <strong>de</strong> ne laisser aucun jeu aux<br />
personnages, aucun espace <strong>de</strong> liberté. Les libertins, malgré les ap<strong>par</strong>ences et l’étymologie, n’y sont pas plus libres<br />
dans leur rôle que les jeunes filles entre les murs <strong>de</strong>s couvents. L’intelligence souveraine <strong>de</strong> Mme <strong>de</strong> Merteuil et <strong>de</strong><br />
Valmont fait illusion sur leur souveraineté. Laclos enferme au contraire ces princes du libertinage dans les rouages<br />
d’une intrigue qu’ils croient conduire mais qui les mène inéluctablement à leur perte.<br />
De la même façon, il n’y a pas <strong>de</strong> place dans ce roman pour les mythes <strong>de</strong> la méchanceté et du satanisme qui<br />
donneraient à Mme <strong>de</strong> Merteuil et à Valmont une sorte <strong>de</strong> transcendance, en les dotant d’un pouvoir supérieur. Aucun<br />
«mensonge romantique» dans les Liaisons, mais, <strong>par</strong>tout et toujours, jusque dans les inventions les plus<br />
tortueuses <strong>de</strong> ces maîtres <strong>de</strong> l’intrigue, les lois du mimétisme.<br />
L’étu<strong>de</strong> du mimétisme dans ce roman permet en effet <strong>de</strong> mettre clairement en relief le double conformisme social<br />
dans lequel vivent les personnages, la réduction qu’ils subissent <strong>de</strong> l’être au <strong>par</strong>aître, et l’effet produit, dans une telle<br />
société, <strong>par</strong> l’ap<strong>par</strong>ition <strong>de</strong> madame <strong>de</strong> Tourvel qui, elle, ignore le conformisme et la distinction entre être et<br />
<strong>par</strong>aître.<br />
Société et conformisme dans les LLiiaaiissoonnss<br />
La société que décrit Laclos est dominée <strong>par</strong> <strong>de</strong>ux conformismes opposés et complémentaires : la pru<strong>de</strong>rie et le<br />
libertinage. Tous <strong>de</strong>ux sont présentés comme réducteurs et <strong>de</strong>structeurs pour l’individu, l’un <strong>par</strong> sa négation du<br />
corps, l’autre <strong>par</strong> sa négation du cœur et <strong>de</strong> l’âme.<br />
Le conformisme <strong>de</strong> la pru<strong>de</strong>rie est évi<strong>de</strong>mment une perversion du christianisme, qui consiste à confondre péché et<br />
sexualité, sainteté et virginité. Il concerne essentiellement les femmes : une femme qui ne s’y plie pas, au moins en<br />
ap<strong>par</strong>ence, est impitoyablement rejetée. L’enfermement <strong>de</strong>s jeunes filles dans les couvents, l’étroite<br />
surveillance à laquelle on les soumet, l’ignorance dans laquelle on veille à les maintenir, les mariages arrangés,<br />
sont quelques-unes <strong>de</strong>s manifestations <strong>de</strong> ce conformisme. Cécile et Mme <strong>de</strong> Volanges sont <strong>de</strong> purs produits <strong>de</strong> cette<br />
éducation. Plus généralement, Mme <strong>de</strong> Merteuil décrit ce que <strong>de</strong>viennent les femmes du «<strong>par</strong>ti pru<strong>de</strong>» (LXXXI) dans<br />
leur vieillesse : «sans idées et sans existence, elles répètent, sans les comprendre et indifféremment, tout ce<br />
qu’elles enten<strong>de</strong>nt dire, et restent <strong>par</strong> elles-mêmes absolument nulles» (CXIII).<br />
<strong>Quartett</strong> / 28 sept. › 2 déc. 06<br />
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