Le Petit Pointilleux
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les trois enfants en avaient vu un peu partout, ces derniers<br />
mois : sur des murs et sur des portes et jusque sur des sacs à<br />
main, sans parler d’essaims entiers dans leurs cauchemars. Ils<br />
avaient beau se demander ce que pouvaient signifier tous ces<br />
yeux, ils étaient si las de les voir que l’idée ne leur serait pas<br />
venue d’y regarder à deux fois.<br />
Et pourtant… Pourtant il est des choses, dans la vie, qui<br />
prennent un aspect différent pour peu qu’on s’accorde le temps<br />
de les considérer. Et là, devant les trois enfants en arrêt, le motif<br />
qui ornait l’entrée de la tente de Madame Lulu semblait se<br />
métamorphoser à vue, jusqu’à n’être plus une image mais plutôt<br />
une sorte de signe…<br />
Un signe, mais pour signifier quoi ?<br />
<strong>Le</strong>s trois enfants n’en savaient rien. Tout ce qu’ils savaient,<br />
c’était que ce signe, ce signe étrange qui changeait d’aspect à<br />
vue d’œil, avait quelque chose à voir avec eux, quelque chose<br />
d’important même s’ils ignoraient quoi. À croire que celui qui<br />
l’avait tracé là s’était douté qu’ils viendraient un jour, à croire<br />
qu’il avait voulu les attirer à l’intérieur.<br />
ŕ À votre avis… commença Klaus, clignant des yeux vers le<br />
motif.<br />
ŕ Au début, je n’avais rien remarqué, dit Violette. Mais à<br />
force de regarder…<br />
ŕ Vol… fit Prunille.<br />
Sans un mot de plus, les enfants passèrent le nez sous le pan<br />
de toile qui fermait l’entrée. Ne voyant personne, ils avancèrent.<br />
Si un espion embusqué là avait épié les faux monstres, il les<br />
aurait vus se couler sous la tente de Madame Lulu.<br />
Mais nul n’était là pour épier. Nul n’était là pour voir le rabat<br />
de toile retomber sans bruit, ni la tente frissonner tout doux, ni<br />
l’œil peint frissonner aussi. Non, nul n’était là pour voir les trois<br />
enfants Baudelaire avancer en tapinois, persuadés de toucher<br />
presque aux réponses tant attendues, à la solution du mystère<br />
qui planait sur leurs jeunes vies.<br />
Non, nul n’était là pour examiner l’œil peint sur la toile de<br />
cette tente, et pour découvrir qu’en fait d’œil, comme on l’aurait<br />
cru à première vue, il s’agissait d’une sorte d’insigne, un insigne<br />
recélant trois lettres : V.D.C.<br />
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