Prema - La revue de l'Organisation Sathya Sai France

« Il vaut plus, bien plus qu’un souverain d’or », lui répondit l’Abbé. « C’est un livre de grande valeur. »
Et il laissa le marchand repartir tout heureux.
Le marchand repartit pour sa bourgade, savourant le fait que le livre serait bientôt sa propriété et que
c’était l’Abbé Anastase en personne qui l’avait conseillé. Le lendemain, lorsque le moine revint, le
marchand l’informa qu’il serait heureux de lui acheter le livre et qu’il était disposé à lui payer le prix
demandé. Il ajouta qu’il avait fait estimer la valeur du livre.
Le moine ne put contenir sa joie. « À qui l’avez-vous montré ? » lui demanda-t-il.
« À l’Abbé Anastase. »
Le vendeur pâlit. « Et qu’a-t-il dit ? »
« Il a dit que le livre valait un souverain d’or. »
« Et qu’a-t-il dit encore ? »
« Rien. »
Le moine (voleur) était en état de choc, et sa tête se mit à tourner. Il regarda autour de lui pour voir s’il ne
s’agissait pas d’un traquenard et si on n’allait pas l’arrêter. Mais il constata que rien n’avait changé dans
la pièce tranquille de la maison du marchand. Il se rendit compte alors que l’Abbé avait refusé de
réclamer le trésor perdu afin que lui, le voleur, n’en souffre pas les conséquences. Il en était étourdi…
personne ne lui avait montré un tel amour… personne n’avait encore agi aussi noblement envers lui.
« J’ai ch-ch-changé d’avis, je ne ve-ve-veux plus le vendre », bégaya-t-il. Et il reprit aussitôt le livre au
marchand qui ne cacha pas son étonnement.
« Je vous en offre deux souverains d’or… mettons même trois », insista le marchand.
Mais le moine resta insensible. Son agitation intérieure était trop grande pour qu’il entende un quelconque
bruit extérieur. Il s’éloigna simplement, se rendant compte que Dieu Lui-même avait tramé cet incident
pour lui donner une leçon importante. Il réalisa qu’Anastase était l’instrument de Dieu et que, maintenant,
il devait se rendre auprès de lui et lui demander son pardon compatissant – même si cela signifiait être
puni ou expulsé de l’Ordre (monastique). Mais, d’une manière ou d’une autre, il doutait que l’Abbé
agirait ainsi envers lui.
Le moine se rendit directement au monastère et, les yeux pleins de larmes, remit le livre à l’Abbé.
« Garde-le », lui dit Anastase. « Lorsque j’ai appris que tu l’avais emprunté, j’ai décidé de te le donner. »
« Je vous en prie, reprenez-le », plaida le moine en bégayant, « mais laissez-moi rester ici pour apprendre
de vous la Sagesse de Dieu. »
Anastase lui accorda son vœu. Transformé, le moine passa le reste de sa vie au monastère, prenant
comme modèle d’existence l’exemple saint d’Anastase. Quant à Anastase, il ne se souciait pas trop de ce
livre, ni d’aucun autre livre d’ailleurs. Sa richesse était faite des âmes de ceux dont il avait la charge.
Ainsi chérissait-il particulièrement l’âme transformée du fils prodigue, revenu à Dieu avec autant de
sincérité et consacrant à nouveau sa vie à la sainteté. Et il décida désormais de laisser le livre coûteux
bien en vue dans la bibliothèque… juste au cas où.
64
L’équipe de Heart2Heart
Illustrations : Mlle Lyn Kriegler Elliot
Prema n°80 – 1 er trimestre 2010