Bastiat, Frédéric (1801-1850). Oeuvres complètes de Frédéric ...

ABONDANCE, DISETTE; 7
teur gagne moins. Si tous les producteurs sont dans ce cas,
ils sont tous misérables : donc c'est I'abondance qui ruine
la soc'iété. Et combe toute conviction cherclie à se traduire
en fait, on voit, dans beaucbup dc pays, les loisdès hommes
lutter contre I'abondance des clioses.
Ce sopliisme, revêtu d'une forme générale, ferait peut-être
peu.dlimpression; maisaappliqrié à un ordre particulier de
faits, à telle ou telle industrie, à une classe donnée de Ira-
vûilleurs; il est extrêmement spécieux, ct cela s'explique.
C'est un syllogisme clui n'est pas'jfaux, mais incon2plet. Or,
ce qii'il y a de vrai dans un sgllogisme est toiijours et né-
cessairemerit présent .à l'esprit. .Mais l'incomplet est une
qualité négative, une donnée absente dont il est fort possible
et mênie furt aisé de ne pas tenir compte.
L'honime produit pour consommer. Il est à la fois pro-
ducteur et consoirimatcur. Le raisonnement que je viens
d'établir ne le*consid$re qiic sous le premier de ces poistr
dc vue. Sous le second, il aurait conduit à une conclusion
opposéc. Xe pourrait-on pas dire, en effet : .
Le consommateur est d'autant plus riche qu'il achète toutes
choses à meilleur marclié; il acliètelles choses à meilluur
nlarclié, en proportion de ce qiielles abondent, donc l'abon-
dance l'enrichit ; et ce raisopement, étendu à tous les con-
sominaterirs, conduirait à la théarie de i'ubondance !
C'est la notion imparfaitement comprise de l'échange qi,.
produit ces illusions. Si nous consultons notre intérêtaper-
sonnel, nous reconi~aissons distinctementcqu'il est double.
Comme uendeurs, nous avons intérêt à la.clierté, et par con-
séquent à la rareté; comme acheteurs, au bon marché, 011,
ce qui revient au mênie, à I'abondance des choses. Noiis nc
pouvons donc point baser un raisonnement sur l'un oii
l'autre de ces intérêts avant d'avoirreconnu lequel des deux
coïncide et s'identifie avec l'intérêt géndral et permanent de
l'espece Iiumaine.