Je me livre ... Eric Vincent

22
ALEXA CUISINE LES CHEFS
vocabulaire se limitait à "oui", "non", "peut-être" et "faut voir", plus quelques onomatopées
échappées d'un dictionnaire informatique, selon miss Sarbacane. Faire appel aux services de
cet iconoclaste rencontré lors d'une visite au ministère de l'intérieur désolait miss Sarbacane.
Si le personnage s'avérait totalement méprisant avec la quasi totalité de ses congénères, il n'en
allait pas de même avec elle. Ce cartésien forcené, adepte du mode de raisonnement binaire,
ne tarissait pas de qualificatifs odieux à l'égard de la détective. Il était ulcéré, révulsé par ses
dons prodigieusement étonnants, paranormaux. Il faisait alors preuve d'une poésie insultante
digne des maîtres de la littérature argotique, prouvant une fois de plus que l'homme descend
bien du cochon. Malheureusement pour lui, l'égérie de la fonction policière affichait des
relations idylliques avec le ministre de l'intérieur depuis une certaine affaire à Kourou.
Faisant contre fortune, bon cœur, elle tapota sur l'écran tactile de la tablette. Il possédait
évidemment une mini-caméra et tout ce qu'il fallait pour mener une conversation télévisée de
qualité. Pour une fois, l'informaticien n'était pas le plus mal chaussé ! Elle consulta l'horloge
au bas de l'écran : onze heures. Un dimanche matin... Vu qu'il était complètement barjo, il
pianotait inévitablement derrière son écran. Elle brancha une minuscule caméra sur son
ordinateur, un oeil miniaturisé, le dernier cri de la technologie acquis chez Ali Gator. Elle
soupçonnait l'affable Egyptien de s'approvisionner chez les mêmes fournisseurs que le super
technicien des Renseignements Généraux.
La connexion s'établit par l'intermédiaire de son téléphone portable. L'homme, aux cheveux
frisés, noirs, aux sourcils épais comme deux paquets de chewing-gum à la réglisse, au teint
pâle, conséquence de sa sédentarité perpétuelle, apparut dans un encadré artificiel de la
tablette.
- Ouais ? Qu'est-ce que c'est ? Oh ! Sarbacane ! Seigneur ! Quel déshonneur ! J'espérais ne
plus jamais vous revoir ! Vous, la célébrité des célébrités, la protégée du ministre et du grand
patron !
- Bonjour, Démétrios.
- Je ne vous salue pas ! Vous me dérangez en plein boulot !
- J'imagine, Démétrios. Cependant, j'ai un souci informatique et j'ai pensé qu'il serait dans vos
cordes. Après tout, je me trompe peut-être ! Une société de services me dépannera
probablement.
- Quoi ? Des minus, des petits ingénieurs fils à papa, sortis de boîtes à couillons à dix mille
euros l'année ? Vous rigolez ! Si c'est pour vous dire d'appuyer sur un bouton, ils y
parviendront dans une heure, dans le meilleur des cas ! Si c'est du costaud, du champion, je
règlerai le problème dans les dix minutes !
- Vous êtes présomptueux et vantard, Démétrios !
- Quoi ? Qu'est-ce que c'est, votre truc ?
- Vous ne connaissez pas le serveur du ministère de la santé recensant toutes les causes de
mortalité depuis dix ans ?
- Vous rigolez ? J'ai mes entrées.
- Moi aussi. Hélas, ce petit bijou n'indique pas les noms et adresses des cas répertoriés !
- Exact ! Mais le fichier possède fatalement une clef unique pour distinguer chaque cas. Ou
alors, c'est un beau merdier séquentiel inexploitable donnant inévitablement des