Je me livre ... Eric Vincent

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50 ALEXA CUISINE LES CHEFS Cependant, Démétrios Ouzo doutait autant de la culpabilité de Pierre Gagnant qu'elle-même. Oui… Elle doutait, à présent. Elle doutait. Comme si une mouche l'avait piquée, elle se décida à filer au commissariat de police où il était détenu et interrogé. Quai des orfèvres, lieu de travail habituel de son ami Yann Delaunay. Elle devait en avoir le cœur net, se poser les bonnes questions. * * * Après une fouille en règle de ses effets personnels et de sa personne, à la grande joie du policier de faction devant l'entrée du quartier d'incarcération temporaire, la jeune détective avait été introduite dans la cellule de Pierre Gagnant. A son grand étonnement, l'homme avait souri. Une visite d'une personne au minois aussi charmant ne pouvait être qu'annonciatrice d'une belle journée. Il n'était pas rancunier ! - Bonjour, mademoiselle ! Dit-il simplement. - Bonjour, Pierre ! Vous permettez que je vous appelle par votre prénom ? - Oui. Vous pouvez tout vous permettre. Vous savez, ici, je n'ai plus aucun droit. Je vais être condamné. - J'ai raté un épisode ou quoi ? Vous avez avoué en mon absence ? - Non mais toutes les apparences sont contre moi. Que voulez-vous ? M'enfoncer un peu plus ? - Pas du tout ! Au contraire ! - Vous venez accompagner le veau partant à l'abattoir ? - Quel humour ! Vous allez me servir toutes vos vieilles blagues de cuisinier ? - Non… - Bien ! Parlons peu mais parlons bien ! Je ne crois pas à votre culpabilité ! - Ah bon ? Pourquoi ? - Disons que… tout vous accable de manière trop évidente ! C'est presque comme si… on avait attaché un écriteau au-dessus de votre tête, mentionnant : "coupable idéal". Ce qui me plairait, ce serait de connaître votre version des faits. - Je ne les ai pas tués. - C'est un peu court, mon ami ! Etes-vous déjà allé à Rungis ? - Oui. - Les nuits où les meurtres ont eu lieu ? - Si je vous réponds, je me condamne ! - Le mutisme ne vous sera d'aucune utilité, le jour du procès ! Parlez, confiez-vous, bon sang ! - Je ne peux pas… - Alors, je ne peux plus rien pour vous. Pour l'instant… - Qu'allez-vous faire ? - Tenter de trouver le véritable coupable !
ALEXA SARBACANE, DETECTIVE EXTRALUCIDE : TOME 7 En entendant le mot "coupable", Pierre Gagnant baissa la tête, cherchant à tout prix à éviter le regard de miss Sarbacane (Note de l'auteur : un comportement anormal ! Il devrait consulter un ophtalmologue !). Il ne la releva que pour voir la jeune femme repartir et s'éloigner de la geôle. Toutes les apparences étaient contre lui. Il n'y pouvait rien et elle non plus. Tout était perdu. C'était sans compter sur l'acharnement, l'entêtement de la blonde à houppette ! * * * L'absence d'alibi, les preuves accablantes (empreintes dans les voitures, moteur encore chaud de la Porsche à l'arrivée des policiers, double témoignage d'Alain Secasse ayant reconnu le visage de Pierre Gagnant dans la voiture avant de sombrer dans l'inconscience et ayant identifié la voix de l'appel téléphonique l'invitant au Lido comme étant celle du patron du restaurant "Le brochet") et le silence évocateur de l'accusé l'avaient conduit tout droit à la prison de Fleury Mérogis en détention préventive en attendant que son procès ait lieu. Alexa avait eu beau faire des pieds et des mains, jouant de ses relations politiques, la loi devait s'appliquer. Puisqu'elle disposait d'un délai confortable avant la traduction du suspect en justice, elle avait entrepris un gigantesque travail de fourmi, sillonnant la France, écumant les trois étoiles, les deux étoiles, les 19, les 18, les 17, jusqu'au fin fond de la campagne, sondant l'âme des cuisiniers, des maîtres des lieux, jusqu'aux humbles apprentis se faisant houspiller par leurs patrons. Elle venait à peine de s'attabler à une table réputée de la région parisienne qu'un serveur zélé s'empara d'une carte et vint lui remettre en mains propres. Si elle avait été inspectrice d'un célèbre guide jaune ou d'un illustre guide rouge, elle aurait apprécié de ne point attendre exagérément. Elle se trémoussa quelque peu sur son siège. Bien qu'il ne fût pas inconfortable, elle éprouvait une gêne sérieuse. Ses cuisses affichaient un excédent en centimètres et débordaient du coussin. De plus, des rondeurs étaient apparues sur toute la surface de son corps, alourdissant sa silhouette d'une vingtaine de kilos. Un désagrément inévitablement dû à la fréquentation d'établissements où le compteur de calories était jeté aux orties. De tous les grands noms, seul son séjour chez Michel Guépard l'avait laissée sur sa faim ! Au sens propre du terme ! Face à l'habituelle profusion de foie gras, d'huile, de crème fraîche des confrères, la légèreté des mets de monsieur Guépard avait créé un manque dans l'organisme de la jeune détective. Un choc alimentaire, en quelque sorte ! La gêne pondérale n'avait aucune importance ! Seule la libération d'un innocent avait grâce à ses yeux. Les kilos seraient perdus plus tard ! Pour l'instant, elle devait faire bombance pour sonder les âmes avec efficacité ! Sans se départir, elle héla le serveur et le pria de se munir d'un bloc note et d'une poignée de stylos pour prendre la commande. - A l'attaque ! Lança-t-elle. Je prendrai un hamburger de foie gras aux cèpes, du homard en lasagnes, un craquant de polenta aux escargots, un biscuit sablé aux langoustines, une truffade de navet avec raviolis de tourteau, une paupiette de saint jacques au chèvre, des écrevisses aux trompettes de la mort, une truite farcie à la saucisse de Morteau, un pavé de 51
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