Je me livre ... Eric Vincent

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46 ALEXA CUISINE LES CHEFS scène. Encore quelques secondes et Yann et ses acolytes apparurent. Trop tard ! Le meurtrier venait de sauter dans un véhicule stationnant à l'écart. Il avait démarré en trombe, faisant hurler le moteur de l'antique Porsche, dégageant un nuage de fumée en jaillissant hors de sa cachette. - Merde ! S'exclama d'Aquin qui n'avait pas prévu cette ruse. - En voiture ! On le file ! Aboya Yann. Tout le monde embarqua dans les véhicules de service et se lança à la poursuite du suspect. Mais avec des diesels poussifs, les pauvres flics auraient des difficultés à suivre le pilote d'une Porsche. En conséquence, Yann prit la précaution d'avertir ses collègues afin de mettre en place des barrages. Ils avaient le bolide en point de mire mais cette situation ne durerait pas des lustres. Bonnet, un jeune inspecteur talentueux au volant, déployait tout son savoir-faire pour rester dans le sillage de la Porsche. A cette heure-ci, la nationale 7 était fluide, la puissance du véhicule allemand allait faire la différence. Yann, assis à la place du passager avant, s'empara d'une paire de jumelles. - 707 TVA 75 ! Allô ! Le central ? Vérifiez-moi cette immatriculation : 707 TVA 75 ! Une Porsche Carrera noire ! Pendant que vous y êtes, vous cherchez le propriétaire d'une 206 blanche immatriculée 13 AJT 92 ! Merci ! Bonnet, on va le perdre ! - Je fais ce que je peux avec ce tas de boue, bon sang ! Grogna le conducteur. - Dubois ! Colin ! Vous me recevez ? - Oui, chef ! - Vous avez sorti la victime du frigo ? - Affirmatif ! Il est endormi mais hors de danger. Par précaution, nous avons appelé les secours. - Son identité ? - Il est connu ! C'est Alain Secasse ! Yann poussa un ouf de soulagement. Un instant, il avait crû que le flagrant délit tournerait au vinaigre. Alain Secasse, le chef du prestigieux "Royal Gargantua" à Nice et du célèbre "Escargot fin" à Paris. Le seul cuisinier cumulant deux fois les plus hautes distinctions : 38 sur 40 et six étoiles. Le couronnement d'une carrière exceptionnelle. Le meurtrier avait voulu y mettre un terme prématurément ! Très loin derrière, miss Sarbacane avait rejoint la nationale chantée par Charles Trénet. Elle avait repris la direction de Paris sur un rythme bien plus respectueux des rotules de direction de son antiquité préférée. Inutile de se presser puisqu'elle savait où se rendre. Au point de départ, au domicile de Pierre Gagnant, jouxtant le restaurant "Le brochet". Là, à coup sûr, elle retrouverait son cher inspecteur et ses adjoints, le quartier bouclé, Pierre Gagnant menotté. Il rentrait droit chez lui, comme si de rien n'était, une fois son forfait accompli. Pourquoi ? Souffrait-il d'une variété de schizophrénie lui faisant oublier ses crimes ?
ALEXA SARBACANE, DETECTIVE EXTRALUCIDE : TOME 7 Redevenait-il le cuisinier audacieux, génial, affable, reconnu et aimé de son personnel après un "intermède" de folie ? Cheminant avec tranquillité, Alexa sentait que toute cette histoire reniflait le scénario parfaitement mis en scène depuis le début. Elle avait l'étrange impression d'être l'objet d'une manipulation. Enfin, quoi ! Comment Pierre Gagnant pouvait-il se jeter dans la gueule du loup alors que toute la presse avait fait sa une des mesures de sécurité entourant Rungis ? Comment pouvait-il être assez ingénieux pour attirer ses victimes dans un traquenard, les endormir à leur insu et les piéger dans des chambres froides dont il manipulait l'ouverture à sa guise, tout en agissant au nez et à la barbe de la police, tout en filant droit chez lui, en se couchant probablement en toute hâte et en affirmant qu'il avait fermé l'œil jusqu'à ce que l'inspecteur et ses collègues viennent le tirer brusquement de son lit ? C'était contradictoire. Ou alors, c'était une forme de suicide. * * * L'interpellation avait eu lieu comme l'avait prévu la détective (Note de l'auteur : normal puisqu'elle est voyante sur les bords !). Yann, suivi d'une meute de policiers, avait surgi dans l'appartement de Pierre Gagnant. Ce dernier avait joué les divas en criant au harcèlement, clamant son innocence, pérorant, jurant, hurlant. En pure perte ! La Porsche noire, dont il était le propriétaire, avait été retrouvée dans son garage. La 206 lui appartenait tout pareil. A l'intérieur, une cartouche de gaz somnifère avait été retrouvée, ainsi que le masque protecteur. Ces deux véhicules étaient couverts de ses empreintes. Un faisceau d'indices l'accablait. Miss Sarbacane se sustentait d'un bol de carottes râpées en rêvassant. La nuit avait été courte et mouvementée. Une image l'obsédait : celle de Pierre Gagnant, quittant son domicile, descendant l'escalier, traversant le hall de l'immeuble où il résidait. Elle s'attendait à une vision, à un mot de son ange gardien, une preuve accréditant sa clairvoyance sur cette affaire, le mot "Fin" s'inscrivant au bas de la page. Rien de tout de cela. Pierre Gagnant était passé en lui jetant un regard de chien battu, d'homme défait, mis à terre une fois de plus, une fois de trop. Son aura avait blanchi, curieusement, comme s'il était à la fois résigné et soulagé. Elle aurait dû lire un coloris bien plus noir ou ressentir la colère, le désir de vengeance. Il n'en était rien. C'était… inattendu… et ennuyeux, dans la mesure où ses dons auraient dû la protéger des surprises désagréables. Au contraire, au fur et à mesure que l'affaire des chefs assassinés avançait, le trouble, l'imprécision et la panique s'insinuaient progressivement dans son esprit. La crainte de perdre ses pouvoirs l'effleurait de plus en plus. Pourtant, en s'exerçant dans la rue, elle était en mesure d'affirmer que sa capacité à lire les auras était existante. De même, elle s'était concentrée sur Colin et Dubois alors qu'elle planquait en leur compagnie à Rungis, hier soir. Quelques visions spécifiques, à vérifier dans le futur, laissaient entendre qu'elle fonctionnait bien de ce côté. Quant au troisième don, l'aptitude à percevoir les spectres et à communiquer avec eux, elle n'était utile qu'en face d'un revenant. D'ailleurs, en parlant de revenant, le grand Escoffier, cuisinier des cuisiniers, n'avait 47
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