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Rapport du jury 2005

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figure, l’éclat de rire divin final (p. 156 : a guffawing peal of thunder) et l’arrivée de la pluie qui exauce<br />

littéralement et ironiquement la prière de Shiftlet (p. 156 : “Oh Lord!” he prayed. “Break forth and wash<br />

the slime from this earth!”) laissent deviner que celui-ci tente en vain de se soustraire à son passé<br />

ainsi qu’à son destin de prophète : Dieu est à ses trousses, même s’il essaie de ne pas le voir.<br />

Dans « The Displaced Person », Mrs. Shortley est d’abord prophète autodidacte avant de devenir<br />

prophète malgré elle (et d’en mourir). En tant que prophète autodidacte, elle use de l’imposture dans<br />

la mesure où la parole divine ne s’impose pas à elle : caractérisée comme une personne à la vision<br />

limitée, comme l’indiquent son nom et sa façon de regarder (p. 195 : [her] vision narrowed on [the<br />

Displaced Person] … She looked closer, squinting; etc.), c’est d’abord elle qui recherche la bonne<br />

parole, non par vraie vocation mais par nécessité, quand elle est confrontée à l’arrivée des Guizac et<br />

bousculée dans ses habitudes. (p. 203-204 : She had never given much thought to the devil […] With<br />

the coming of these displaced people, she was obliged to give new thought to a good many things.)<br />

Quand elle reprend sa Bible et se met à citer les Prophètes, elle participe activement à l’élaboration<br />

de la parole divine qu’elle s’apprête à recevoir. (p. 209 : She poured over the Apocalypse and began<br />

to quote from the Prophets and before long she had come to a deeper understanding of her existence.<br />

[…] She felt that she would be ready when she was called.) Elle use ensuite de ses talents<br />

nouvellement développés pour impressionner les deux ouvriers noirs de Mrs. McIntyre, prédisant que<br />

l’arrivée massive de réfugiés transformera le pays—c’est-à-dire le Sud—et con<strong>du</strong>ira les noirs à l’exil et<br />

à la pauvreté, tandis qu’elle même se projette dans le rôle d’un ange apaisant. Ses prophéties, qui<br />

frappent par leur théâtralité (p. 199, dans la scène où elle prédit l’avenir des noirs : Mrs. Shortley said<br />

with a wave of her arm […] she said and nodded her head […] she said in a sing-song voice […] Mrs.<br />

Shortley said in a ringing voice), sont un pastiche de la rhétorique des prédicateurs qu’elle a vus et<br />

enten<strong>du</strong>s. Elle a en fait une conception très utilitariste de la religion, comme l’indique également sa<br />

façon d’envisager l’avenir de son fils, H.C. : comme il a une bonne voix et qu’il pourrait vendre<br />

n’importe quoi, il pourra fonder sa propre église. Le renversement qui révèle son aveuglement à Mrs.<br />

Shortley a lieu quand la comédie de la fausse prophétie se transforme en vraie vision prophétique<br />

intérieure—et que mort s’ensuit.<br />

• la vision prophétique dénonçant l’hypocrisie religieuse comme une imposture<br />

La prophétie prend souvent une forme inachevée, incomplète car non verbalisée, par le biais<br />

d’une vision prophétique qui s’impose à un personnage et con<strong>du</strong>it à une illumination, une révélation,<br />

en même temps qu’est dénoncée une imposture, par exemple celle que constitue l’hypocrisie <strong>du</strong> faux<br />

bon chrétien—ou plutôt de la fausse bonne chrétienne.<br />

Dans « Revelation », Ruby Turpin se présente comme une bonne chrétienne ; travailleuse,<br />

assi<strong>du</strong>e à la messe, aimable, elle prêche l’amour de son prochain, même des noirs qui travaillent pour<br />

elle et son mari Claud, et dont elle pense, dans sa charité, et contrairement à ce que suggère une<br />

voisine visiblement aigrie, qu’ils ne devraient pas avoir besoin de retourner d’où ils viennent, en<br />

Afrique. Elle est moralisante, suffisante, et ressasse des clichés sur le monde jusqu’au moment où<br />

elle est agressée par une jeune fille qui la traite de truie. De retour chez elle, encore sous le choc,<br />

alors qu’elle s’active dans la porcherie, elle a une révélation, une vision dans laquelle une procession<br />

monte vers le paradis ; les noirs et les pauvres blancs y sont en tête, tandis que les braves gens<br />

comme elle sont les derniers. C’est tout l’ordre social et les valeurs des gens bien-pensants comme<br />

Ruby Turpin qui sont renversés par cette inversion, tandis qu’elle même est fortement ébranlée : par<br />

ce moment de vision prophétique, le récit fait voler en éclats toutes ses certitudes. La scène<br />

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