Les manœuvres de recrutement alvéolaire au cours ... - reannecy.org
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Résumé<br />
Mise <strong>au</strong> point<br />
<strong>Les</strong> <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> <strong>au</strong> <strong>cours</strong> du syndrome<br />
<strong>de</strong> détresse respiratoire aiguë<br />
Recruitment maneuvers in acute respiratory distress syndrome<br />
J.M. Constantin *, S. Cayot, E. Futier, J.E. Bazin<br />
Service <strong>de</strong> réanimation adulte, Hôtel-Dieu, CHRU <strong>de</strong> Clermont-Ferrand, boulevard Léon-Malfreyt, 63000 Clermont-Ferrand, France<br />
Reçu et accepté le 15 octobre 2003<br />
Le syndrome <strong>de</strong> détresse respiratoire aiguë est caractérisé par un collapsus et un œdème <strong>alvéolaire</strong> responsables d’une hypoxémie<br />
profon<strong>de</strong>. La ventilation protectrice est utilisée pour limiter les lésions pulmonaires induites par la ventilation. Cependant, l’utilisation d’un<br />
faible volume courant est à l’origine d’une dé<strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong>. Dans ce sens, les <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> (MRA) semblent<br />
un outil intéressant pour lutter contre ce dé<strong>recrutement</strong>. Un certain nombre d’étu<strong>de</strong>s surtout animales sont en faveur <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong>s MRA<br />
dans le SDRA. En pratique clinique, il persiste <strong>de</strong> nombreuses interrogations pour réaliser ces MRA <strong>de</strong> façon routinière.<br />
© 2004 Société <strong>de</strong> réanimation <strong>de</strong> langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.<br />
Abstract<br />
Acute respiratory distress syndrome (ARDS) is characterised by lung collapse and alveolar œ<strong>de</strong>ma which result in a profond hypoxemia.<br />
The use of protective ventilation is well known to reduce ventilator-induced lung injury. However, reduction of tidal volume is associated with<br />
lung <strong>de</strong>recruitment. In this setting, recruiting maneuvers (RMs) can be a useful tool to prevent <strong>de</strong>recruitment. Many experimental and<br />
physiological studies support RMs in ARDS, but at bedsi<strong>de</strong>, a lot of questions remain to be answered to find the best way to perform RMs.<br />
© 2004 Société <strong>de</strong> réanimation <strong>de</strong> langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.<br />
Mots clés : SDRA ; Manœuvre <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> ; Étu<strong>de</strong>s animales ; Étu<strong>de</strong>s cliniques ; Ventilation protectrice<br />
Keywords: Acute respiratory distress syndrome; Recruiting maneuvers; Protective ventilation<br />
1. Introduction<br />
Traditionnellement, la prise en charge du syndrome <strong>de</strong><br />
détresse respiratoire aiguë (SDRA) par la ventilation mécanique<br />
reposait sur l’utilisation d’un volume courant (Vt) <strong>de</strong><br />
l’ordre <strong>de</strong> 10–15 ml/kg associé à une pression expiratoire<br />
positive (PEP) dans le but d’améliorer l’oxygénation tout en<br />
minimisant le dé<strong>recrutement</strong> et la FiO 2 [13,22,35].<br />
Depuis quelques années, <strong>de</strong> nombreuses publications [12]<br />
résultant <strong>de</strong> trav<strong>au</strong>x menés principalement chez l’animal<br />
* Auteur correspondant.<br />
Adresse e-mail : jmconstantin@chu-clermontferrand.fr<br />
(J.M. Constantin).<br />
Réanimation 13 (2004) 29–36<br />
© 2004 Société <strong>de</strong> réanimation <strong>de</strong> langue française. Publié par Elsevier SAS. Tous droits réservés.<br />
doi:10.1016/j.re<strong>au</strong>rg.2003.10.011<br />
www.elsevier.com/locate/re<strong>au</strong>rg<br />
insistent sur le rôle potentiellement délétère <strong>de</strong> la ventilation<br />
mécanique (VM) dans le SDRA. Ces effets délétères ont<br />
attiré l’attention sur les données <strong>de</strong> la mécanique ventilatoire<br />
et sur l’importance <strong>de</strong>s réglages du ventilateur <strong>au</strong> <strong>cours</strong> <strong>de</strong><br />
cette situation pathologique.<br />
L’analyse <strong>de</strong> la courbe pression/volume (P/V) a débouché<br />
sur le concept <strong>de</strong> la ventilation protectrice [38] suite à la<br />
<strong>de</strong>scription <strong>de</strong>s points d’inflexion inférieur et supérieur. En<br />
réglant la PEP <strong>au</strong>-<strong>de</strong>ssus du point d’inflexion inférieur, interprété<br />
comme correspondant à la pression critique d’ouverture<br />
<strong>de</strong> certaines alvéoles pulmonaires, certains <strong>au</strong>teurs ont<br />
pensé pouvoir éviter le collapsus télé-expiratoire et ainsi<br />
limiter les phénomènes <strong>de</strong> collapsus–réouverture <strong>au</strong> nive<strong>au</strong><br />
<strong>de</strong>s zones lésées qui sont une <strong>de</strong>s caractéristiques du SDRA
30 J.M. Constantin et al. / Réanimation 13 (2004) 29–36<br />
sous ventilation mécanique. De même, la réduction du Vt à<br />
6–8 ml/kg permet <strong>de</strong> maintenir la pression <strong>de</strong> plate<strong>au</strong> en<br />
<strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> 30 à 35 cmH 2O dans le but d’éviter la surdistension<br />
<strong>de</strong>s zones normalement aérées.<br />
Cette stratégie ventilatoire a montré qu’elle pouvait réduire<br />
la mortalité chez <strong>de</strong>s patients atteints <strong>de</strong> SDRA, probablement<br />
en diminuant les lésions induites par la ventilation<br />
mécanique [1–3]. Le principal écueil <strong>de</strong> cette attitu<strong>de</strong> est que<br />
la réduction du Vt, nécessaire <strong>au</strong> contrôle <strong>de</strong> la pression <strong>de</strong><br />
plate<strong>au</strong>, semble potentiellement responsable d’un dé<strong>recrutement</strong><br />
<strong>alvéolaire</strong> [19]. Ce dé<strong>recrutement</strong> participe à l’effet<br />
shunt et <strong>au</strong>x phénomènes inflammatoires. Essayer <strong>de</strong> réexpandre<br />
les zones pulmonaires collabées pourrait être un<br />
objectif <strong>au</strong> <strong>cours</strong> <strong>de</strong> la prise en charge du SDRA et justifier<br />
les <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong> (MRA). La conférence <strong>de</strong><br />
consensus américano-européenne [5] a d’ailleurs proposé<br />
l’utilisation <strong>de</strong> MRA lors <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong> stratégies ventilatoires<br />
utilisant <strong>de</strong> faibles volumes courants et <strong>de</strong> bas nive<strong>au</strong>x<br />
<strong>de</strong> PEP.<br />
L’objectif <strong>de</strong> cette revue est <strong>de</strong> faire le point sur l’intérêt<br />
potentiel <strong>de</strong>s MRA <strong>au</strong> <strong>cours</strong> du SDRA.<br />
2. Pourquoi proposer <strong>de</strong>s <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong> ?<br />
<strong>Les</strong> étu<strong>de</strong>s tomo<strong>de</strong>nsitométriques ainsi que les modèles<br />
mathématiques ont montré que le <strong>recrutement</strong> est un processus<br />
dynamique qui se produit tout le long <strong>de</strong> la courbe<br />
pression–volume. La PEP a toutefois du mal à lutter contre le<br />
dé<strong>recrutement</strong>. En effet, l’analyse tomo<strong>de</strong>nsitométrique<br />
(Fig. 1) <strong>de</strong> la répartition <strong>de</strong>s gaz et <strong>de</strong> tissu intrapulmonaire<br />
<strong>au</strong> <strong>cours</strong> du SDRA permet <strong>de</strong> comprendre l’incapacité <strong>de</strong> la<br />
Fig. 1. Répartition en pourcentage <strong>de</strong>s zones aérées (noir), p<strong>au</strong>vrement<br />
aérées (hachuré) et non aérées (blanc) <strong>de</strong> la totalité du parenchyme pulmonaire<br />
sans PEP. Chaque barre représente une zone du parenchyme situé à une<br />
distance (indiquée en cm) sur l’axe céphaloc<strong>au</strong>dal et antéropostérieur. <strong>Les</strong><br />
zones aérées sont situées majoritairement en antérieur et céphalique, diminuant<br />
selon un axe céphaloc<strong>au</strong>dal et antéropostérieur. D’après [36].<br />
PEP à lutter contre le dé<strong>recrutement</strong> dans certaines situations.<br />
Puybasset et al. [36], ont montré que l’atteinte pulmonaire<br />
n’est pas homogène (Fig. 1). Il existe en effet une<br />
<strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong>s zones non aérées selon un axe antéropostérieur<br />
et céphaloc<strong>au</strong>dal. La PEP agit essentiellement en<br />
s’opposant <strong>au</strong>x forces <strong>de</strong> compression extrinsèques qui<br />
s’exercent sur les bronchioles. Elle est d’<strong>au</strong>tant plus efficace<br />
que cette pression est faible, c’est-à-dire dans les régions non<br />
dépendantes et céphaliques du parenchyme pulmonaire. Elle<br />
génère donc une distension, voire une surdistension, <strong>de</strong>s<br />
territoires normalement aérés avant <strong>de</strong> pouvoir « réouvrir »<br />
les territoires p<strong>au</strong>vrement voire non aérés. D’après la loi <strong>de</strong><br />
Laplace, P =2×c/r, la pression P nécessaire à stabiliser une<br />
alvéole qui a une tension <strong>de</strong> surface c, est inversement proportionnelle<br />
à son rayon r. On peut en déduire que la pression<br />
nécessaire pour ouvrir une alvéole collabée est plus importante<br />
que celle permettant <strong>de</strong> la maintenir ouverte. Sur la base<br />
<strong>de</strong> cette hypothèse, certains <strong>au</strong>teurs ont proposé d’appliquer<br />
une pression très élevée et <strong>de</strong> courte durée afin « d’ouvrir le<br />
poumon », suivie d’un nive<strong>au</strong> <strong>de</strong> PEP suffisant pour le maintenir<br />
« ouvert », c’est l’« open lung concept » [21]. L’application<br />
<strong>de</strong> cette pression était appelée manœuvre <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong><br />
<strong>alvéolaire</strong>.<br />
Sur ces bases, <strong>de</strong>s trav<strong>au</strong>x expériment<strong>au</strong>x et cliniques ont<br />
évalué les effets physiologiques <strong>de</strong> <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong><br />
lors du SDRA.<br />
3. Arguments expériment<strong>au</strong>x pour l’efficacité<br />
<strong>de</strong>s <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong><br />
De nombreuses étu<strong>de</strong>s expérimentales ont montré l’efficacité<br />
<strong>de</strong>s <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> (MRA) sur<br />
<strong>de</strong>s modèles anim<strong>au</strong>x <strong>de</strong> SDRA. Il s’agit essentiellement <strong>de</strong><br />
modèles expériment<strong>au</strong>x <strong>de</strong> déplétion en surfactant<br />
[15,24,40]. Dans un modèle expérimental <strong>de</strong> lavage <strong>alvéolaire</strong><br />
<strong>au</strong> sérum salé chez le lapin, Bond et al. [6] ont montré<br />
une amélioration <strong>de</strong> la mécanique ventilatoire et <strong>de</strong> l’oxygénation<br />
sous ventilation à h<strong>au</strong>te fréquence (pression<br />
moyenne 15 cmH 2O) après réalisation d’une MRA. Cette<br />
amélioration n’existait pas lorsque la MRA était suivie<br />
d’une ventilation à h<strong>au</strong>t volume courant et h<strong>au</strong>t nive<strong>au</strong> <strong>de</strong><br />
PEP (17,5 cmH 2O). Utilisant le même modèle <strong>de</strong> SDRA,<br />
mais chez le mouton, Fujino et al. [15] ont retrouvé une<br />
amélioration <strong>de</strong> la PaO 2 en appliquant une pression <strong>de</strong><br />
40 cmH 2O. Le <strong>recrutement</strong> optimal n’était pas obtenu dès la<br />
première MRA, mais à la secon<strong>de</strong> MRA chez la plupart <strong>de</strong>s<br />
anim<strong>au</strong>x. En répétant la MRA toutes les 30 minutes, l’effet<br />
bénéfique en terme d’oxygénation n’était pas accompagné<br />
<strong>de</strong> lésions histologiques. Toujours chez le mouton, Lu et al.<br />
[25] ont démontré que l’application d’une MRA après une<br />
aspiration bronchique permettait <strong>de</strong> supprimer complètement<br />
les atélectasies et la désaturation induites par l’aspiration.<br />
Le modèle <strong>de</strong> SDRA utilisé semble influencer la réponse<br />
<strong>au</strong>x MRA. En effet, Kloot et al. [20] ont étudié la
éponse <strong>au</strong>x MRA en termes d’oxygénation et <strong>de</strong> volume<br />
pulmonaire dans trois situations différentes : lavages <strong>au</strong><br />
sérum salé, pneumopathie et injection intraveineuse<br />
d’aci<strong>de</strong> oléique. L’amélioration <strong>de</strong>s paramètres mesurés<br />
n’était visible que dans le cas du lavage. Dans le même<br />
sens, Rosenthal et al. [41] avaient étudié la plupart <strong>de</strong>s<br />
modèles expériment<strong>au</strong>x <strong>de</strong> SDRA, rapportant une évolution<br />
spontanément favorable en quelques dizaines <strong>de</strong> minutes<br />
pour tous les modèles s<strong>au</strong>f pour l’injection intraveineuse<br />
d’aci<strong>de</strong> oléique. Au <strong>de</strong>meurant, les trav<strong>au</strong>x <strong>de</strong> Cakar et al.<br />
[9] sur l’influence <strong>de</strong> la position (décubitus ventral ou<br />
dorsal) sur la réponse <strong>au</strong>x MRA ont montré une amélioration<br />
<strong>de</strong> l’oxygénation dans le modèle à l’aci<strong>de</strong> oléique.<br />
Cette amélioration était significativement plus importante<br />
et plus durable pour les anim<strong>au</strong>x placés en décubitus ventral.<br />
4. Arguments cliniques en faveur <strong>de</strong> l’efficacité<br />
<strong>de</strong>s <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong><br />
Si <strong>de</strong>puis l’éditorial <strong>de</strong> Lachmann sur l’« open lung<br />
concept » <strong>au</strong> début <strong>de</strong>s années 1990 [21] <strong>de</strong> nombreuses<br />
étu<strong>de</strong>s animales ont été conduites, les données cliniques dans<br />
ce domaine sont plutôt rares.<br />
En effet, en <strong>de</strong>hors <strong>de</strong> trav<strong>au</strong>x portant sur <strong>de</strong> petits<br />
effectifs, il n’existe que peu d’étu<strong>de</strong>s randomisées et<br />
contrôlées évaluant l’effet <strong>de</strong>s MRA sur la survie <strong>de</strong>s patients<br />
en SDRA. L’étu<strong>de</strong> d’Amato et al. [2] comportait <strong>de</strong>s<br />
MRA dans le groupe ventilation protectrice. Au <strong>de</strong>meurant,<br />
les patients du groupe témoin étaient ventilés à bas nive<strong>au</strong><br />
<strong>de</strong> PEP avec un Vt <strong>de</strong> 12 ml/kg, ce qui est très différent <strong>de</strong>s<br />
standards actuels. <strong>Les</strong> effets <strong>de</strong>s <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong><br />
sur l’oxygénation et leur tolérance n’étaient pas rapportés.<br />
Il est donc impossible <strong>de</strong> déterminer l’influence <strong>de</strong>s MRA<br />
sur l’amélioration <strong>de</strong> la survie dans le groupe ventilation<br />
protectrice. L’étu<strong>de</strong> conduite par l’ARDS Network du National<br />
Institute of Health (étu<strong>de</strong> ALVEOLI) ainsi que<br />
l’étu<strong>de</strong> multicentrique canadienne ne sont pas encore publiées<br />
à ce jour [7,27]. <strong>Les</strong> résultats préliminaires communiqués<br />
sous forme <strong>de</strong> résumé ne sont pas encourageants. En<br />
effet, l’étu<strong>de</strong> américaine qui propose la réalisation d’une<br />
MRA<strong>de</strong>35à40cmH 2O pendant 30 secon<strong>de</strong>s, montre une<br />
<strong>au</strong>gmentation transitoire <strong>de</strong> la PaO 2 après MRA sans que<br />
celle-ci puisse influencer significativement les nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong><br />
PEPou<strong>de</strong>FiO 2 utilisés. <strong>Les</strong> MRA utilisées dans le protocole<br />
canadien sont un peu plus élevées en terme <strong>de</strong> pression<br />
et la durée <strong>de</strong> CPAP est <strong>de</strong> 40 secon<strong>de</strong>s. <strong>Les</strong> effets sur la<br />
PaO 2 ne semblent pas supérieurs et il est souligné dans le<br />
groupe MRA <strong>de</strong>s effets indésirables graves [27].<br />
5. Modalités <strong>de</strong> réalisation<br />
<strong>Les</strong> techniques proposées pour réaliser <strong>de</strong>s MRA chez<br />
l’homme sont <strong>au</strong> nombre <strong>de</strong> quatre dans la littérature.<br />
J.M. Constantin et al. / Réanimation 13 (2004) 29–36<br />
5.1. H<strong>au</strong>ts nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong> CPAP<br />
Cette métho<strong>de</strong> consiste à appliquer une pression expiratoire<br />
élevée (35 à 60 cmH2O) pendant un temps bref, <strong>de</strong><br />
l’ordre <strong>de</strong> 30 à 40 secon<strong>de</strong>s [2,6,9,15,19–21,24,25,36,40,41].<br />
Pour ce faire, on utilise le mo<strong>de</strong> CPAP du respirateur en<br />
réglant le nive<strong>au</strong> <strong>de</strong> pression désirée.<br />
Grasso et al. [17] ont étudié 22 patients atteints <strong>de</strong> SDRA,<br />
ventilés selon la stratégie proposée dans l’étu<strong>de</strong> du National<br />
Institue of Health (NIH), chez lesquels on appliquait <strong>de</strong>s<br />
MRA par l’intermédiaire d’une CPAP appliquée pendant<br />
40 secon<strong>de</strong>s à 40 cmH2O. <strong>Les</strong> patients étaient classés en<br />
« répon<strong>de</strong>urs » et « non répon<strong>de</strong>urs » selon qu’ils amélioraient<br />
<strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 50 % leur rapport PaO2/FiO2 après la MRA.<br />
Après <strong>de</strong>ux minutes, les <strong>au</strong>teurs observaient une <strong>au</strong>gmentation<br />
du rapport PaO2/FiO2 <strong>de</strong>20±3%pour les « non<br />
répon<strong>de</strong>urs » contre 175 ± 23 % dans le groupe « répon<strong>de</strong>ur »<br />
qui par ailleurs présentait une compliance pariétale et pulmonaire<br />
plus gran<strong>de</strong> que les « non répon<strong>de</strong>urs ».<br />
Amato et al. ont utilisé la même technique <strong>de</strong> CPAP à<br />
40 cmH2O chez leurs patients en SDRA dans le groupe<br />
ventilation protectrice [2].<br />
5.2. Soupirs intermittents<br />
La secon<strong>de</strong> technique fait appel à l’utilisation <strong>de</strong> « soupirs<br />
» qui correspond à une <strong>au</strong>gmentation transitoire <strong>de</strong> la<br />
pression d’insufflation <strong>au</strong>x dépens <strong>de</strong> la PEP ou du Vt<br />
[30–33]. Pelosi et al. [33] ont étudié dix patients ventilés<br />
selon une approche protectrice pendant <strong>de</strong>ux heures, suivi<br />
d’une pério<strong>de</strong> d’une heure où trois soupirs par minute à une<br />
pression <strong>de</strong> plate<strong>au</strong> <strong>de</strong> 45 cmH 2O étaient appliqués avec<br />
retour à la ventilation initiale <strong>au</strong> <strong>cours</strong> <strong>de</strong> l’heure suivante. Ils<br />
ont observé une <strong>au</strong>gmentation du rapport PaO 2/FiO 2 ainsi<br />
que du volume pulmonaire télé-expiratoire, une diminution<br />
<strong>de</strong> l’admission veineuse et <strong>de</strong> la PaCO 2 pendant la phase <strong>de</strong>s<br />
soupirs. Ces effets étaient fugaces dans le temps avec un<br />
retour <strong>au</strong>x valeurs <strong>de</strong> base dans les 30 minutes qui suivaient<br />
l’arrêt <strong>de</strong> la ventilation avec soupirs.<br />
Barbas et al. [42] ont étudié dix sujets atteints <strong>de</strong> SDRA<br />
ventilés avec une PEP réglée 2 cmH 2O <strong>au</strong>-<strong>de</strong>ssus du point<br />
d’inflexion inférieur <strong>de</strong> la courbe pression–volume associé à<br />
un volume courant <strong>de</strong> 6 ml/kg. <strong>Les</strong> patients étaient ensuite<br />
randomisés en <strong>de</strong>ux groupes. Un groupe recevait trois cycles<br />
en pression contrôlée à 40 cmH 2O pendant six secon<strong>de</strong>s<br />
toutes les trois heures. Le <strong>de</strong>uxième groupe recevait trois<br />
cycles en pression contrôlée à 40, 50, 60 cmH 2O pendant six<br />
secon<strong>de</strong>s toutes trois heures. <strong>Les</strong> <strong>au</strong>teurs observaient une<br />
meilleure oxygénation évaluée par le rapport PaO 2/FiO 2 dans<br />
le <strong>de</strong>uxième groupe après une heure et jusqu’à six heures<br />
sans altérations hémodynamiques majeures.<br />
Patroniti et al. [29] ont également montré que l’addition<br />
d’un soupir par minute à <strong>de</strong> h<strong>au</strong>ts nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong> PEP<br />
(38 ± 3,2 cmH 2O) pendant une ventilation <strong>de</strong> type BIPAP<br />
31
32 J.M. Constantin et al. / Réanimation 13 (2004) 29–36<br />
Fig. 2. Schéma <strong>de</strong> la manœuvre <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong>. <strong>Les</strong> phases d’inflation et <strong>de</strong><br />
déflation se font par paliers. <strong>Les</strong> pointes marquées (A, B, C et D) correspon<strong>de</strong>nt<br />
à <strong>de</strong>ux insufflations faites avec le Vt du palier précédant. <strong>Les</strong> <strong>au</strong>tres<br />
pointes correspon<strong>de</strong>nt <strong>au</strong>x insufflations faites avec le Vt du palier. La<br />
manœuvre dure trois minutes. D’après [23].<br />
avec ai<strong>de</strong> inspiratoire améliorait les échanges gazeux et le<br />
volume pulmonaire chez 13 patients en SDRA. Ces approches<br />
ne prennent pas en compte le facteur « temps dépendant<br />
» [18] du <strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> ni la mécanique ventilatoire<br />
propre <strong>de</strong> chaque patient.<br />
Le <strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> induit par le volume courant<br />
n’est pas négligeable. Nous avons proposé [34], en guise <strong>de</strong><br />
MRA, d’utiliser une PEP fixée à 10 cmH2O <strong>au</strong>-<strong>de</strong>ssus du<br />
point d’inflexion inférieur lu sur la courbe pression volume,<br />
pendant 15 minutes en limitant si besoin le Vt afin <strong>de</strong> gar<strong>de</strong>r<br />
une pression <strong>de</strong> plate<strong>au</strong> inférieure à 35 cmH2O. Comparativement<br />
à l’application d’une pression <strong>de</strong> 40 cmH2O pendant<br />
40 secon<strong>de</strong>s chez <strong>de</strong>s patients en SDRA, les résultats en<br />
termes <strong>de</strong> volume recruté et d’oxygénation sont significativement<br />
plus importants. La PaO2 <strong>au</strong>gmente <strong>de</strong> 208 % avec la<br />
métho<strong>de</strong> PEP + 10 cmH2O contre 158 % pour la CPAP. Plus<br />
récemment, d’<strong>au</strong>tres <strong>au</strong>teurs [23,43] ont proposé d’appliquer<br />
une PEP croissante (soupir prolongé) en conservant un volume<br />
courant. Cette MRA (Fig. 2) était réalisée <strong>de</strong>ux fois<br />
avec un intervalle d’une minute (sept minutes <strong>au</strong> total). À la<br />
condition <strong>de</strong> conserver une PEP élevée après la MRA, les<br />
<strong>au</strong>teurs rapportent une nette amélioration <strong>de</strong>s paramètres<br />
ventilatoires chez les 20 patients en SDRA une heure après la<br />
MRA. L’utilisation <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s ventilatoires « non conventionnels<br />
» comme la ventilation à percussion, la jet-ventilation ou<br />
l’oscillation à h<strong>au</strong>te fréquence peuvent également réaliser<br />
<strong>de</strong>s MRA.<br />
5.3. Application <strong>de</strong> nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong> PEP croissants associés à<br />
une ventilation à pression ou volume contrôlée<br />
Bugedo et al. [8] ont utilisé <strong>de</strong>ux stratégies <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong><br />
chez dix patients en SDRA. Une appliquait <strong>de</strong>s nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong><br />
PEP croissants par palier <strong>de</strong> 5 cmH 2O jusqu’à 30–40 cmH 2O<br />
sur une ventilation à volume contrôlée sans dépasser<br />
50 cmH 2O <strong>de</strong> pression <strong>de</strong> plate<strong>au</strong>. L’<strong>au</strong>tre consistait à appliquer<br />
<strong>de</strong>s nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong> PEP croissants par palier <strong>de</strong> 10 cmH 2O<br />
jusqu’à 30 cmH 2O sur une ventilation à pression contrôlée<br />
maintenue à 20 cmH 2O. Une tomo<strong>de</strong>nsitométrie pulmonaire<br />
était réalisée à différentes étapes <strong>au</strong> <strong>cours</strong> <strong>de</strong> ces <strong>manœuvres</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>recrutement</strong>. <strong>Les</strong> données recueillies montrent que <strong>de</strong><br />
h<strong>au</strong>ts nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong> PEP « aérent » le parenchyme pulmonaire<br />
sans altérer <strong>de</strong> manière majeure l’hémodynamique tout en<br />
améliorant l’oxygénation.<br />
5.4. MRA associées <strong>au</strong> décubitus ventral<br />
Chez les patients en SDRA ne répondant pas à l’<strong>au</strong>gmentation<br />
<strong>de</strong> la PEP, il a été proposé <strong>de</strong> réaliser <strong>de</strong>s séances <strong>de</strong><br />
décubitus ventral. La ventilation posturale permet dans certains<br />
cas une homogénéisation <strong>de</strong> l’entrée <strong>de</strong> gaz dans les<br />
alvéoles réduisant ainsi le shunt.<br />
Pelosi et al. [30] ont récemment étudié dix patients en<br />
SDRA avant et après <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong> (soupirs) en<br />
décubitus dorsal puis ventral. Ils ont rapporté une <strong>au</strong>gmentation<br />
<strong>de</strong> la PaO 2 et <strong>de</strong> la capacité résiduelle fonctionnelle dans<br />
les <strong>de</strong>ux positions. Toutefois, le <strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> était<br />
plus complet en décubitus ventral. La PaO 2 <strong>au</strong>gmentait <strong>de</strong><br />
95 ± 26 mmHg à 155 ± 3 mmHg lors du passage en décubitus<br />
ventral. L’application d’un soupir entraînait une <strong>au</strong>gmentation<br />
<strong>de</strong> la PaO 2 <strong>de</strong> 37 ± 17 mmHg en décubitus ventral contre<br />
16 ± 11 mmHg en dorsal. <strong>Les</strong> <strong>au</strong>teurs concluaient que l’association<br />
MRA et décubitus ventral peut favoriser un <strong>recrutement</strong><br />
optimal chez les patients initialement non répon<strong>de</strong>urs<br />
en associant <strong>de</strong>ux mécanismes différents.<br />
À ce jour, la meilleure façon <strong>de</strong> pratiquer une MRA<br />
<strong>de</strong>meure incertaine. S’il s’avère dans l’avenir que les MRA<br />
soient utiles <strong>au</strong> <strong>cours</strong> du SDRA, il f<strong>au</strong>dra préciser la technique<br />
à utiliser, la fréquence <strong>de</strong>s <strong>manœuvres</strong>, les nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong><br />
pression à utiliser ainsi que leur durée.<br />
6. Facteurs prédictifs <strong>de</strong> la réponse et <strong>de</strong> la tolérance<br />
<strong>au</strong>x <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong><br />
L’efficacité <strong>de</strong>s <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong> est probablement<br />
dépendante du mo<strong>de</strong> ventilatoire utilisé pour la prise en<br />
charge du SDRA, <strong>de</strong> sa c<strong>au</strong>se, <strong>de</strong> son sta<strong>de</strong> (précoce <strong>au</strong><br />
tardif) et du rôle <strong>de</strong> la paroi thoracique dans les anomalies<br />
mécaniques observées.<br />
6.1. Influence du mo<strong>de</strong> ventilatoire utilisé<br />
La stratégie ventilatoire utilisée, protectrice ou conventionnelle,<br />
influence probablement la réponse <strong>au</strong>x MRA. La<br />
ventilation protectrice, qui fait appel à <strong>de</strong> faibles volumes<br />
courants, est génératrice <strong>de</strong> dé<strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> [19].<br />
<strong>Les</strong> nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong> PEP ne suffisent pas toujours à prévenir ce<br />
dé<strong>recrutement</strong>. <strong>Les</strong> MRA permettent <strong>de</strong> s’opposer <strong>au</strong> moins<br />
transitoirement <strong>au</strong> dé<strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> et diminuent<br />
ainsi la baisse <strong>de</strong> la PaO 2 observée lors <strong>de</strong> la réduction <strong>de</strong><br />
volume. Medoff et al. [28] rapportent la nécessité d’un nive<strong>au</strong><br />
<strong>de</strong> PEP élevé, <strong>au</strong>-<strong>de</strong>ssus du point d’inflexion inférieur
<strong>de</strong> la courbe P/V, afin <strong>de</strong> limiter le retour <strong>au</strong>x conditions<br />
initiales. Dans une étu<strong>de</strong> portant sur 11 patients, Richard et<br />
al. [39] rapportaient une diminution du volume recruté par la<br />
PEP après réduction du Vt <strong>de</strong> 10 à 6 ml/kg. L’application<br />
d’une MRA permettait d’éviter ce dé<strong>recrutement</strong>, mais était<br />
moins efficace qu’une <strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> la PEP <strong>de</strong> 4 cmH2O. Ces données soulignent parfaitement la relation entre nive<strong>au</strong><br />
<strong>de</strong> PEP et MRA.<br />
Outre le dé<strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> induit par la réduction<br />
du Vt, l’utilisation <strong>de</strong> FiO2 proches <strong>de</strong> 1 est pourvoyeuse<br />
d’atélectasies. En effet, la survenue d’un collapsus <strong>de</strong> dénitrogénation<br />
est un phénomène d’apparition progressive qui<br />
vient aggraver les lésions préexistantes [33]. Paradoxalement<br />
les nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong> pression nécessaires à la levée <strong>de</strong> ces atélectasies<br />
sont bien plus élevés, <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 30 cmH2O contre<br />
12à20cmH2O pour les atélectasies <strong>de</strong> compression [33].<br />
L’utilisation <strong>de</strong> MRA permettrait donc <strong>de</strong> lever ces atélectasies<br />
qui semblent inaccessibles à la PEP lorsqu’elle est réglée<br />
à un nive<strong>au</strong> proche du point d’inflexion inférieur <strong>de</strong> la courbe<br />
P/V.<br />
J.M. Constantin et al. / Réanimation 13 (2004) 29–36<br />
6.2. Influence <strong>de</strong> l’origine du SDRA et <strong>de</strong> son histoire<br />
L’origine du SDRA, pulmonaire (SDRAp) ou extrapulmonaire<br />
(SDRAep), a été considérée comme un facteur prédictif<br />
<strong>de</strong> réponse <strong>au</strong>x MRA par certains <strong>au</strong>teurs [16,33]. Dans<br />
leur travail, Grasso et al. [17] ont évalué l’effet <strong>de</strong>s MRA<br />
(CPAP 40 cmH 2O, 40 secon<strong>de</strong>s) chez 22 patients en SDRA<br />
(11 SDRAp et 11 SDRAep) (Fig. 3). Il n’existait pas <strong>de</strong><br />
différence significative en termes <strong>de</strong> type <strong>de</strong> SDRA (6 répon<strong>de</strong>urs<br />
SDRAp et 5 SDRAep), mais les <strong>au</strong>teurs ont retrouvé<br />
une nette différence en termes <strong>de</strong> durée <strong>de</strong> ventilation antérieure,<br />
7,1 ± 1,5 jours pour les non répon<strong>de</strong>urs vs<br />
1 ± 0,3 jours pour les répon<strong>de</strong>urs. <strong>Les</strong> <strong>au</strong>teurs insistent sur<br />
l’importante diminution <strong>de</strong> la compliance <strong>de</strong> la paroi thoracique<br />
chez les non répon<strong>de</strong>urs. La mesure <strong>de</strong> la pression<br />
œsophagienne leur a permis <strong>de</strong> mesurer la pression transpulmonaire<br />
durant la MRA. Celle-ci était <strong>de</strong> 18 cmH 2O chez les<br />
non répon<strong>de</strong>urs et <strong>de</strong> 29 cmH 2O chez les répon<strong>de</strong>urs. Cela<br />
souligne l’importance d’adapter le nive<strong>au</strong> <strong>de</strong> pression <strong>de</strong> la<br />
MRA à chaque patient.<br />
Fig. 3. Valeurs individuelles du rapport PaO 2/FiO 2, compliance pulmonaire statique et volume recruté durant les trois phases <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong> (avant, <strong>de</strong>ux minutes et<br />
20 minutes après MRA). <strong>Les</strong> barres horizontales indiquent les valeurs moyennes.<br />
* p < 0,01 [analyse <strong>de</strong> variance pour mesures répétées avec correction <strong>de</strong> Bonferroni ].<br />
† p < 0,05.<br />
# p < 0,01 [test <strong>de</strong> Wilcoxon, non répon<strong>de</strong>urs vs répon<strong>de</strong>urs]. D’après [17].<br />
33
34 J.M. Constantin et al. / Réanimation 13 (2004) 29–36<br />
L’efficacité <strong>de</strong>s MRA s’explique par la levée du collapsus<br />
<strong>alvéolaire</strong> initié soit par les forces <strong>de</strong> compression<br />
externes, soit par les atélectasies <strong>de</strong> résorption. Or, il<br />
coexiste <strong>au</strong> sein du poumon <strong>de</strong>s patients atteints <strong>de</strong> SDRA,<br />
<strong>de</strong>s zones caractérisées par la perte <strong>de</strong> gaz et d’<strong>au</strong>tres où<br />
siège un œdème <strong>alvéolaire</strong> majeur [37]. La formation <strong>de</strong> cet<br />
œdème <strong>alvéolaire</strong> résulte pour partie d’une altération <strong>de</strong> la<br />
clairance <strong>alvéolaire</strong>. <strong>Les</strong> mécanismes actifs <strong>de</strong> résorption<br />
<strong>de</strong> l’œdème sont influencés par le mo<strong>de</strong> ventilatoire [14].<br />
Dans ce travail, l’équipe <strong>de</strong> Matthay a montré que la réduction<br />
du Vt entraînait une élévation <strong>de</strong> la clairance <strong>alvéolaire</strong>.<br />
D’après les <strong>au</strong>teurs, la protection <strong>de</strong> l’épithélium <strong>alvéolaire</strong><br />
par cette stratégie ventilatoire est à l’origine <strong>de</strong> la résorption<br />
<strong>de</strong> l’œdème. Dans un travail mené chez 11 patients en<br />
SDRA [10], nous avons montré que l’application d’une<br />
MRA entraîne, chez les répon<strong>de</strong>urs, une diminution <strong>de</strong><br />
l’œdème. Il est probable qu’en diminuant les cycles ouverture–fermeture<br />
<strong>au</strong> nive<strong>au</strong> <strong>alvéolaire</strong>, les MRA permettent<br />
une résorption active <strong>de</strong> l’œdème pulmonaire. Chez les non<br />
répon<strong>de</strong>urs, l’application d’une MRA entraîne une diminution<br />
<strong>de</strong> la clairance <strong>alvéolaire</strong>. L’explication pourrait être,<br />
comme le montrent les trav<strong>au</strong>x <strong>de</strong> Malbuisson et al. [26],<br />
que chez les patients présentant une atteinte pulmonaire <strong>de</strong><br />
type lobaire, l’<strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> la PEP entraîne une distension<br />
<strong>de</strong>s territoires normalement ventilés avec un dé<strong>recrutement</strong><br />
dans les zones p<strong>au</strong>vrement aérées.<br />
6.3. Tolérance <strong>de</strong>s MRA<br />
Même si elles sont efficaces chez certains patients et<br />
semblent assez bien tolérées, les MRA ne sont pas dénuées<br />
<strong>de</strong> risques. <strong>Les</strong> effets secondaires les plus courants sont une<br />
altération <strong>de</strong>s conditions hémodynamiques globales ainsi<br />
qu’une désaturation. Certains <strong>au</strong>teurs ont rapporté récemment<br />
une moins bonne tolérance <strong>de</strong>s MRA chez les patients<br />
non répon<strong>de</strong>urs à ces <strong>manœuvres</strong> [17]. Claesson et al. [11]<br />
ont récemment évalué l’effet <strong>de</strong> trois MRA (35, 40 et<br />
44 cmH 2O) sur le débit cardiaque et la perfusion <strong>de</strong> la<br />
muqueuse gastrique chez 14 patients en SDRA. <strong>Les</strong> <strong>au</strong>teurs<br />
ont pu montrer une diminution significative du débit cardiaque<br />
à chaque MRA, alors que la pression artérielle<br />
moyenne ne diminuait que pour la pression la plus élevée.<br />
La perfusion gastrique n’était pas significativement diminuée<br />
même en comparant les données avant la première et<br />
après la troisième MRA. La tolérance <strong>de</strong>s MRA chez les<br />
patients neurochirurgic<strong>au</strong>x est encore très discutée. Bein et<br />
al. [4] ont montré que la réalisation d’une MRA entraînait<br />
une <strong>au</strong>gmentation <strong>de</strong> la pression intracrânienne et une<br />
baisse <strong>de</strong> la pression artérielle responsables d’une diminution<br />
<strong>de</strong> la pression <strong>de</strong> perfusion cérébrale <strong>de</strong> 72 ± 8 mmHg<br />
à 60 ± 10 mmHg. Dans le même temps, la saturation<br />
veineuse en O 2 passait <strong>de</strong> 69 ±6%à59±7%.Wolfetal.<br />
[44] ont étudié l’effet d’une stratégie « d’open lung »<br />
associant ventilation protectrice et MRA chez <strong>de</strong>s patients<br />
avec hypertension intracrânienne. Ils ne relevaient pas d’effet<br />
indésirable grave et seuls <strong>de</strong>ux patients avaient nécessité<br />
un traitement supplémentaire <strong>de</strong> l’hypertension intracrânienne<br />
après MRA, et <strong>au</strong>cun n’avait dû être exclu <strong>de</strong> l’étu<strong>de</strong><br />
pour intolérance. Il semble néanmoins que l’usage <strong>de</strong>s<br />
MRA en neurotr<strong>au</strong>matologie nécessite une surveillance <strong>de</strong><br />
plusieurs variables (pression intracrânienne, saturation veineuse<br />
jugulaire, pression <strong>de</strong> perfusion cérébrale...) et une<br />
pru<strong>de</strong>nce particulière.<br />
Le risque barotr<strong>au</strong>matique est réel. L’étu<strong>de</strong> canadienne<br />
[27] en <strong>cours</strong> <strong>de</strong> réalisation vise à optimiser le <strong>recrutement</strong><br />
en comparant l’algorithme <strong>de</strong> l’ARDS network vs <strong>de</strong> h<strong>au</strong>ts<br />
nive<strong>au</strong>x <strong>de</strong> PEP associés à <strong>de</strong>s <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong>.<br />
Ces <strong>manœuvres</strong> sont réalisées à l’ai<strong>de</strong> d’une CPAP <strong>de</strong><br />
35 cmH 2O pendant 20 secon<strong>de</strong>s et répétées <strong>de</strong>ux fois par<br />
jour. En l’absence d’efficacité évaluée sur l’<strong>au</strong>gmentation<br />
<strong>de</strong> la SaO 2 <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 3 % dans les cinq minutes qui suivent<br />
la manœuvre <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong>, une nouvelle manœuvre est<br />
réalisée, toujours à l’ai<strong>de</strong> d’une CPAP, mais cette fois à<br />
45 cmH 2O pendant 40 secon<strong>de</strong>s. Dans le travail préliminaire<br />
qui incluait 28 patients, les <strong>manœuvres</strong> <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong><br />
n’amélioraient pas significativement l’oxygénation.<br />
En revanche, <strong>de</strong>s effets secondaires ont été observés sous la<br />
forme <strong>de</strong> désynchronisation du ventilateur, d’épiso<strong>de</strong>s<br />
d’hypotension et <strong>de</strong> pneumothorax (4/28).<br />
Aucune étu<strong>de</strong> ne précise la nécessité ou l’intérêt d’une<br />
curarisation lors <strong>de</strong> ces <strong>manœuvres</strong>.<br />
7. Conclusion<br />
Dans les dix <strong>de</strong>rnières années, les étu<strong>de</strong>s tomo<strong>de</strong>nsitométriques<br />
ont permis <strong>de</strong> progresser significativement dans<br />
la compréhension <strong>de</strong> la physiopathologie du SDRA. <strong>Les</strong><br />
notions <strong>de</strong> dé<strong>recrutement</strong> et <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> sont<br />
plus claires permettant une approche thérapeutique peutêtre<br />
plus rationnelle <strong>de</strong>s patients atteints <strong>de</strong> SDRA. Il existe<br />
un grand nombre d’étu<strong>de</strong>s animales et humaines soutenant<br />
l’efficacité en termes d’oxygénation et <strong>de</strong> volume recruté<br />
<strong>de</strong>s MRA. Au <strong>de</strong>meurant, les quelques données dont nous<br />
disposons sur <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s randomisées et contrôlées sont<br />
décevantes. Trop d’incertitu<strong>de</strong>s persistent à ce jour. Quelle<br />
est la meilleure façon <strong>de</strong> recruter un patient ? Il existe <strong>de</strong>s<br />
pistes vers <strong>de</strong>s MRA adaptées <strong>au</strong>x caractéristiques physiopathologiques<br />
<strong>de</strong> chaque patient qui exploitent <strong>au</strong>tant le<br />
<strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> induit par la PEP que celui produit<br />
par l’insufflation du volume courant. L’étu<strong>de</strong> tomo<strong>de</strong>nsitométrique<br />
pourrait apporter <strong>de</strong>s réponses à ces questions en<br />
évaluant la part <strong>de</strong> <strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> et <strong>de</strong> distension<br />
pendant la MRA.<br />
À quelle fréquence réaliser les MRA ? Quels patients<br />
doivent bénéficier <strong>de</strong> quelles <strong>manœuvres</strong>, et à quel moment<br />
dans l’évolution du SDRA ? Il semble qu’une politique <strong>de</strong><br />
lutte active contre le dé<strong>recrutement</strong> soit nécessaire. <strong>Les</strong> c<strong>au</strong>ses<br />
<strong>de</strong> dé<strong>recrutement</strong> sont en effet nombreuses (aspirations<br />
trachéales, déconnexions intempestives du respirateur...) expliquant<br />
probablement l’inefficacité d’une à <strong>de</strong>ux MRA par<br />
jour.
<strong>Les</strong> arguments en faveur <strong>de</strong> l’utilisation <strong>de</strong>s <strong>manœuvres</strong><br />
<strong>de</strong> <strong>recrutement</strong> <strong>alvéolaire</strong> durant la ventilation protectrice ne<br />
manquent pas. Toutefois, avant <strong>de</strong> recomman<strong>de</strong>r une utilisation<br />
routinière, d’<strong>au</strong>tres étu<strong>de</strong>s sont nécessaires pour déterminer<br />
leur tolérance et la MRA idéale, avec laquelle une<br />
étu<strong>de</strong> multicentrique, randomisée et contrôlée pourrait être<br />
conduite.<br />
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