les liaisons

40 Les Liaifons dangereufes.
fuices, afin de les forcer tous deux a une drconfpeétion
que je crois néceffaire pour le
fuccès.
Enlüite j'ai été chez Ia fille. Vous ne
fauriez croire combien la douleur 1'embellit!
Pour peu qu'elle prenne de coquetterie,
je vous garantis qu'elle pleurera fouvent
: pour cette fois, elle pleuroit fans
malice.... Frappée de ce nouvel agrément
que je ne lui connoifibis pas, & que j'étois
bien-aife d'obferver, je ne lui donnai
d'abord que de ces confolations gauches,
qui augmentent plus les peines qu'elles ne
les foulagent; & par ce moyen, je 1'amenai
au point d'être véritablement fuffoquée.
Elle ne pleuroit plus, & je craignis un mo
ment les convulfions. Je lui confeillai de
fe coucher, ce qu'elle accepta; je lui fervis
de femme-de-chambre :elle n'avoit point
fait de toilette, & biemót fes cheveux épars
tomberent fur fes épaules & fur fa gorge
entiérement découvertes: je 1'embraflai; elle
fe laiffa aller dans mes bras, & fes larmes
recommencerent a couler fans effort. Dieu l
qu'elle étoit belle! Ah! fi Magdelaine étoit
ainfi, elle dut être bien plus dangereufe,
pénitente que péchereflè.
Quand la belle défolée fut au lit, je me
mis a la confoler de bonne foi. Je la raffurai
d'abord fur la crainte du Couvenr. Je
fis naitre en elle 1'efpoir de voir Dance-