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PRÉPARATION<br />

Crois-moi, très cher père, nul dessein égoïste ne me pousse (et pourtant, je<br />

serais heureux de revoir Jenny), mais une idée me travail<strong>le</strong>, et je me garderai<br />

de l’exprimer. Ce serait même, à maints égards, une décision pénib<strong>le</strong> mais,<br />

comme me l’écrit ma douce, mon unique Jenny, ces considérations s’effacent<br />

toutes quand il s’agit d’accomplir des devoirs qui sont sacrés.<br />

Je te prie, cher père, quoi que tu décides, de ne pas montrer ce feuil<strong>le</strong>t à<br />

maman, notre ange. Mon arrivée inattendue pourrait peut-être contribuer<br />

au rétablissement de cette admirab<strong>le</strong>, cette nob<strong>le</strong> femme.<br />

La <strong>le</strong>ttre que j’ai écrite à petite maman a été rédigée longtemps avant que<br />

m’arrivent <strong>le</strong>s chères lignes de Jenny, si bien que, sans <strong>le</strong> vouloir, j’ai peut-être<br />

trop parlé de choses qui ne convenaient guère.<br />

J’espère que <strong>le</strong>s nuages qui assombrissent la vie de notre famil<strong>le</strong> se dissipe-<br />

ront peu à peu, et qu’il me sera donné à moi-même de souffrir et de p<strong>le</strong>urer<br />

avec vous. Peut-être pourrai-je ainsi montrer auprès de vous ma sympathie<br />

sincère et profonde, l’amour infini que souvent je ne sais exprimer que si<br />

maladroitement. J’espère que toi aussi, père toujours aimé, songeant aux<br />

tribulations incessantes de mon âme, tu pardonneras <strong>le</strong>s égarements apparents<br />

du cœur assourdi par <strong>le</strong>s bruits de l’esprit au combat. J’espère que, bientôt, tu<br />

seras complètement rétabli, et que je pourrai moi-même te serrer sur mon<br />

cœur et m’ouvrir à toi entièrement.<br />

Ton fils éternel<strong>le</strong>ment aimant,<br />

Karl M.<br />

Pardonne, père chéri, mon écriture illisib<strong>le</strong> et ce sty<strong>le</strong> affreux. Il est bientôt<br />

quatre heures, la chandel<strong>le</strong> vient de s’éteindre et mes yeux se troub<strong>le</strong>nt. Je<br />

suis en proie à une vive inquiétude et ne pourrai apaiser <strong>le</strong>s esprits irrités<br />

avant de me retrouver parmi vous.<br />

Je t’en prie, salue de ma part ma douce, ma nob<strong>le</strong> Jenny. Douze fois j’ai<br />

relu sa <strong>le</strong>ttre, et toujours j’y découvre des charmes nouveaux. C’est à tous<br />

<strong>le</strong>s égards, par <strong>le</strong> sty<strong>le</strong> et <strong>le</strong> reste, la plus bel<strong>le</strong> <strong>le</strong>ttre que je puisse imaginer<br />

venant de dames. 1<br />

1. K. Marx, Lettre de Marx à son père (1837) in Œuvres III, Philosophie, Paris, Gallimard,<br />

Bibliothèque de la Pléiade, 1982, p. 1370-1379.<br />

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