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SPECIAL MODE ET MEDIA - Magazine

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« Malcolm est un mégalomane.<br />

Ce n’est pas la puissance<br />

à l’état pur qui l’intéresse,<br />

mais plutôt l’usage de la<br />

communication. Vous faites ou<br />

dites quelque chose,<br />

et cela influence dix ou cent<br />

ou un million d’individus… »<br />

de se planter des épingles à nourrice dans les joues et<br />

de changer l’art du chant en râle d’agonie. » 6<br />

1978 Alors que « Malcolm développe une certaine schizophrénie<br />

sur la façon d’être un anarchiste tout en<br />

étant un homme d’affaires accompli », note la secrétaire<br />

du groupe dans son journal de bord, les rumeurs les<br />

plus désobligeantes sur ses méthodes de management<br />

courent dans la presse. « C’est à ce moment qu’il a commencé<br />

à considérer le groupe comme sa propre création.<br />

Malcolm s’est mis à croire les choses que l’on rêvait de<br />

dire à son sujet. Il pensait vraiment qu’il était un génie<br />

du situationnisme qui avait absolument tout planifié »,<br />

témoigne Julian Temple, réalisateur du film The Great<br />

Rock’n’Roll Swindle. « C’est un mégalomane. Il ne s’intéresse<br />

à un milieu qu’à partir du moment où il peut y<br />

exercer un certain pouvoir. Ce n’est pas exactement la<br />

puissance à l’état pur qui l’intéresse, mais plutôt l’usage<br />

de la communication. Vous faites ou dites quelque<br />

chose et cela influence dix ou cent ou un million d’individus…<br />

», rapporte le producteur Dave Goodman. Une<br />

réputation que McLaren se garde bien de contester,<br />

sachant combien cette publicité peut servir ses intérêts.<br />

Les déclarations de John Lydon et Sid Vicious ajoutent<br />

de l’huile sur le feu et sonnent le glas de leur collaboration.<br />

Malgré trois 45-tours classés dans le Top 10 et<br />

un album n o 1 (Never Mind the Bollocks), le groupe ne<br />

résiste pas au chaos interne et aux pressions extérieures.<br />

Une scission qu’avait cependant anticipée McLaren, qui<br />

considérait qu’un groupe de punk, par définition, ne<br />

MAGAZINE N O 7<br />

44<br />

pouvait se fondre dans le conformisme d’un succès de<br />

longue durée. « Le management en a assez de s’occuper<br />

d’un groupe de rock’n’roll à succès. Le groupe en a assez<br />

d’être un groupe de rock à succès. Mettre le feu pendant<br />

les concerts et foutre en l’air les compagnies de disques<br />

est plus créatif que de réussir », annonce-t-il par communiqué,<br />

avant même que Sid Vicious ne soit inculpé<br />

pour le meurtre de sa petite amie et décède d’overdose.<br />

“We’re so pretty oh so pretty vacant and we don’t care…” 7<br />

Après Seditionary, la boutique est rebaptisée World’s<br />

End. John Lydon entame une procédure devant la Haute<br />

Cour afin de se voir attribuer la paternité du groupe et<br />

se venger du « traître égocentrique ». Le traître égocentrique<br />

s’exile à Paris, dans un accès de paranoïa, avec<br />

ses derniers billets bourrés dans les chaussettes… “I was<br />

a capitalist-terrorist that escaped to Paris.”<br />

1983 Ce qui ne l’empêche pas, une fois revenu chez<br />

lui, de fabriquer des groupes pop (Bow Wow Wow,<br />

Adam & The Ants) comme on lance des concepts. Des<br />

divergences qui auront bientôt raison du couple<br />

Westwood/McLaren. Leur seconde boutique londonienne,<br />

Nostalgia of mud, ferme ses portes l’année<br />

suivante, marquant définitivement la fin de leur collaboration<br />

intellectuelle. Vivienne s’en va présenter ses<br />

collections à Paris. Malcolm fuit le plus loin possible…<br />

et atterrit à Hollywood, « la seule ville où peuvent se<br />

vendre les idées ». Fasciné par l’industrie du film et son<br />

business, il parvient à y dégoter un job chez Columbia,<br />

le royaume de Spielberg. Et se perfectionne dans l’art<br />

du langage pour devenir le maître de la bonne formule.<br />

“Hollywood teaches you to tell stories as succinctly,<br />

quickly and efficiently as possible [...] If the story last<br />

longer than five minutes, you’re gone.”<br />

1986 Les Sex Pistols remportent leur procès – le<br />

procès originel aboutit à une impasse, ce qui décida<br />

Johnny Lydon à porter l’affaire devant un tribunal. Ils<br />

réaffirment leur autonomie vis-à-vis de McLaren et<br />

récupèrent les droits sur ce film qu’ils détestent, The<br />

Great Rock’n’Roll Swindle. La conclusion du tribunal :<br />

« McLaren nous a apporté le punk violent et agressif ;<br />

c’était littéralement son travail de création. » Défaite<br />

cuisante pour McLaren, il doit céder au groupe ses<br />

deux sociétés et se fait déposséder de son film. “The<br />

Pistols were like my work of art. They were my canvas.”<br />

John Lydon tient sa vengeance : entre l’artiste, le<br />

manager et le public, le tribunal prend toujours le parti<br />

de l’artiste. Lydon se fait dédommager d’un million<br />

de livres. McLaren est sur la paille. « Ça m’a harcelé<br />

constamment pendant huit ans. Maintenant j’en suis<br />

débarrassé », confesse celui qui s’en sort toujours... “All<br />

things that appear to be uncool turn out to be cool.”<br />

1999 Après quelques errances musicales (de la scène<br />

hip hop des années 80 au glamour patiné de l’album<br />

Paris Paris réalisé en duo avec Catherine Deneuve), le<br />

désormais célèbre entertainer n’aime jamais rester dans<br />

l’ombre trop longtemps… Briguant la candidature de<br />

la mairie de Londres, avec un programme incluant la<br />

vente d’alcool en librairie, il fait un passage dans une<br />

émission de téléréalité abjecte avant de s’essayer à un<br />

retour en grâce dans le milieu de l’art.<br />

2010 Réfugié en Suisse, Malcom McLaren décède<br />

des suites d’un cancer. Autrefois accusé de tous les<br />

maux, le renard escroc-mytho-mégalo reçoit cette fois<br />

les hommages les plus élogieux de ses frères ennemis.<br />

“Oscar Wilde said something very wise: ‘When you’re<br />

young, you know everything. When you get to middle<br />

age, you’re suspicious of everything. And when you get<br />

old, you believe in everything.’ I haven’t reached that<br />

point yet. I prefer to be bad. Unquestionably.”<br />

Marlène Van de Casteele<br />

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45<br />

1. Les King Mob tirent leur nom d’un mouvement insurrectionnel londonien<br />

du xviii e siècle.<br />

2. Propos cités par Helen Mininberg, son amie du Goldsmiths’ College en 1968.<br />

3. The Guardian, “Searching for a way to break the rules”, interview de<br />

Malcolm McLaren, 15.09.2007.<br />

4. Jon Savage, England’s Dreaming: les Sex Pistols et le punk, Allia, 2002.<br />

5. Traduction de la chanson God Save the Queen : « Dieu sauve la Reine /<br />

Son régime fasciste / Fait de vous un connard / Une bombe H en puissance /<br />

Dieu sauve la Reine / Ce n’est pas un être humain / Il n’y a pas d’avenir /<br />

Dans le rêve anglais. »<br />

6. Fred et Judy Vermorel, Les Sex Pistols – L’histoire intérieure, Le mot et le<br />

reste, 2011. Propos cités par Francis Dordor, p. 9.<br />

7. Traduction des paroles de la chanson Pretty Vacant : « Nous sommes si<br />

jolis / Oh si joliment vides et on s’en fout. »<br />

IMAGES<br />

p. 42 : Malcolm McLaren ©DR.<br />

p. 43 : 1. Malcolm McLaren et les Sex Pistols devant Buckingham Palace en<br />

1977. 2. Boutique « Sex » au 430 King’s Road, London, ©DR.<br />

p. 44 : 1. couleur – Malcolm McLaren et Vivienne Westwood, 1971 ©David<br />

Parkinson. 2. Malcolm McLaren et Vivienne Westwood, ©DR.<br />

p. 45 : Malcolm McLaren, Vivienne Westwood and friends dans la boutique<br />

« Sex » ©DR.

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