SPECIAL MODE ET MEDIA - Magazine
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LOGO<br />
DESIGN<br />
POLITIQUE<br />
Manier des signes, c’est comprendre l’évolution du monde<br />
– ce qui n’est pas inutile en politique non plus. La pub (politique) se révèle souvent<br />
maladroite et mesure mal les potentialités d’Internet. Exemples…<br />
Easy-E, Snoop Dogg, Tupac Shakur, Suge Knight,<br />
François Hollande. Après les Bloods et les Crips, légendaires<br />
gangs rivaux de Los Angeles, ce sont aujourd’hui<br />
les partisans du candidat socialiste à l’élection présidentielle<br />
qui se rallient autour d’un geste de la main, d’un<br />
« Gang Sign 1 » mystérieux et identifiant. Pas question<br />
ici de dessiner un « W » pour West Coast avec sa main<br />
droite pour intimider ses rivaux mais plutôt de tracer<br />
deux tirets avec les mains, dans un rappel gesticulaire<br />
et quelque peu absurde du logo de François Hollande.<br />
On pourrait questionner la cohérence et l’à-propos<br />
du symbole « = » avec le slogan « le changement c’est<br />
maintenant », mais l’acrobatie gestuelle nécessaire à la<br />
représentation du symbole « ≠ » aurait sans doute été un<br />
effort de trop pour des sénateurs octogénaires.<br />
Mais cet épisode, aussi risible soit-il, vient<br />
souligner que l’effort typographique déployé autour<br />
de la campagne du PS est hors du commun. Un logo<br />
propre, simple, étonnamment austère et minimal 2 . Une<br />
typographie sans sérif, avec la cédille du « ç » habilement<br />
décalée vers… la gauche. Un travail du graphiste<br />
Robin King, un Anglais installé en France, symbole à<br />
lui seul de l’intégration des populations immigrées ou<br />
bien (au choix) signe flagrant des étrangers qui nous<br />
volent notre travail. Faut-il importer des cerveaux (ou<br />
des crayons) pour avoir des affiches politiques qui ne<br />
ressemblent pas à un fichier Microsoft Word ? L’histoire<br />
des affiches de campagne présidentielle, en France,<br />
semble indiquer qu’un apport de main-d’œuvre graphique<br />
étrangère serait la bienvenue.<br />
Certains se souviendront encore avec nostalgie<br />
des posters « Génération Mitterrand » 3 en typographie<br />
Machine à l’interlignage minimum, laissant apparaître,<br />
en incrustation dans les lettres, un bébé tendant sa main<br />
vers celle d’un homme en costume, tel Adam et Dieu<br />
dans la chapelle Sixtine. Message flou, mais graphisme<br />
fort. Mais, depuis cette campagne en 1988, les promesses<br />
typographiques des candidats ont été bien maigres. En<br />
1995, Lionel Jospin a donné un coup de déprime à la<br />
France entière rien qu’en lui infligeant son affiche : vert<br />
pâle à la Tiffany mais sans le luxe inhérent à la marque<br />
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new-yorkaise, typographie mièvre sans hiérarchie d’information,<br />
portrait des plus déprimants 4 . Une douche<br />
froide pour l’enthousiasme des militants socialistes.<br />
Léger espoir en 2007 : quand Ségolène Royal s’inspire<br />
très fortement de l’esthétique de Barbara Kruger 5 , mais<br />
sans la rigueur typographique qui a fait le succès de<br />
l’artiste américaine (et du magasin Supreme), et sans la<br />
valeur subversive de ses slogans.<br />
Et c’est aujourd’hui Nicolas Sarkozy qui<br />
s’expose à la culture cruelle et immédiate du “meme”<br />
sur Internet 6 . Son affiche est minimale, le nom du<br />
candidat est presque invisible, et y trône simplement<br />
une phrase (La France Forte) en typographie Trade<br />
Gothic. Après avoir été comparée à une campagne de<br />
Valéry Giscard d’Estaing au slogan très similaire 7 , elle<br />
a été reprise et prestement détournée par des centaines<br />
de citoyens possesseurs du logiciel Photoshop, trop<br />
heureux de pouvoir retoucher le visuel à leur aise. La<br />
France Forte est devenue La France Frotte, La France<br />
Flotte et autres calembours plus ou moins réussis. Si<br />
seulement le fond choisi avait été un peu plus complexe,<br />
moins uni qu’un ciel bleu (extrait par ailleurs d’une<br />
banque d’images de la mer Égée), la tâche de retouche<br />
aurait été plus ardue, et la déferlante de blagues<br />
moins immédiate. Mais l’amateurisme et le manque<br />
d’imagination des responsables de l’image du président<br />
n’a pas tenu compte de l’habileté numérique croissante<br />
de la population. Quand, en 1988, Mitterrand a usé d’un<br />
visuel de campagne similaire dans la forme et dans<br />
la phrase, seuls des graphistes chevronnés, disposant<br />
de matériel adéquat, auraient pu le détourner, et peutêtre<br />
en imprimer quelques centaines. Quand, vingt<br />
ans plus tard, Barack Obama utilise le langage visuel<br />
de Shepard Fairey pour son visuel « Hope », il ouvre<br />
la porte à des millions de reprises et détournements.<br />
Mais quand un président français mal aimé, tourné en<br />
dérision maintes fois, se risque à l’exercice, on assiste à<br />
un naufrage numérique en direct.<br />
Yorgo Tloupas<br />
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[…] Faut-il importer<br />
des cerveaux (ou des<br />
crayons) pour avoir des<br />
affiches politiques qui<br />
ne ressemblent pas à un<br />
fichier Microsoft Word ?<br />
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