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Discours social - Marc Angenot

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Émile Durkheim, Roberto Michels, Georg Simmel, Gustave Le Bon (ce<br />

dernier déconsidéré sans doute aujourd’hui, mais immensément influent<br />

en son temps), qui tous ont cherché à identifier ce qui subsistait et s’altérait<br />

en se déplaçant des croyances religieuses dans un monde moderne censé en<br />

voie de sécularisation aboutie. L’historique de la notion et de son cortège<br />

de polémiques n’est pas séparable en effet d’un autre ensemble de théories<br />

antagonistes, celui des paradigmes désignant la logique évolutive supposée<br />

propre à la civilisation occidentale et retraçant la genèse de la modernité,<br />

paradigmes qui travaillent des conceptions, passablement divergentes elles<br />

aussi, de la sécularisation et du désenchantement. De Carl Schmitt et Karl<br />

Löwith à Hans Blumenberg, rien n’est plus conflictuel, on le sait, que<br />

lesdites théories de la sécularisation.<br />

Vers 1900, alors que les progrès de l’Internationale semblent irrésistibles<br />

et frappent les observateurs, l’équation <strong>social</strong>isme = religion nouvelle fait à<br />

4<br />

peu près l’unanimité des sociologues allemands et français. Le<br />

rapprochement des idéologies de masse et des antiques religions révélées<br />

permettait des ironies polémiques à l’égard de doctrines et de programmes<br />

soutenus par de prétendus athées et anticléricaux : «Le <strong>social</strong>isme est une<br />

religion. C’est là ce qui lui donne sa grandeur et sa puissance d’attraction<br />

sur les masses. C’est là aussi sa faiblesse. (...) La religion <strong>social</strong>iste comme<br />

les autres a son paradis que nous pouvons décrire très exactement sur la foi<br />

5<br />

de ceux qui en ont rêvé», écrit H. Monnier. «Convenons, écrit de son côté<br />

le philosophe Alfred Fouillée, que le <strong>social</strong>isme actuel, au lieu d’être une<br />

’science’ est une religion. Comme toutes les religions, il a ses éléments de<br />

6<br />

vérité et ses effets en partie heureux, en partie malheureux». Manœuvre de<br />

disqualification adroite qui a inspiré le plus grand nombre des analystes:<br />

4. Ce n’est pas par hasard que le seul cours qu’Émile Durkheim consacra au <strong>social</strong>isme porte<br />

en fait sur Saint-Simon et sur la religion saint-simonienne, remontée aux origines censée<br />

mettre en lumière le caractère essentiellement religieux du phénomène et conforter par là<br />

les théories de Durkheim sur le sacré et le <strong>social</strong>. On se réfèrera à sa définition fameuse de<br />

la religion dans Les formes élémentaires de la vie religieuse. Paris: Alcan, 1912, 65: «Une<br />

religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées,<br />

c’est à dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même<br />

communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhérent».<br />

5. H. Monnier, Le paradis <strong>social</strong>iste et le ciel. Paris: Fischbacher, 1907.<br />

6. Alfred Fouillée, Le <strong>social</strong>isme et la sociologie réformiste, 1909, 48.<br />

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