dis raconte moi la bible pdf - Vincent-Paul Toccoli a-nous-dieu-toccoli
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Invitation au voyage<br />
J’ai toujours aimé les histoires, surtout celles qu’on me racontait. C’est ma grand-mère<br />
maternelle qui a commencé, ma mère a continué. Ce sont toujours les mêmes histoires, celles de <strong>la</strong><br />
famille, où se mêlent les souvenirs transformés par l’imagination d’une tradition et capables à chaque<br />
fois de recréer l’événement dans un surgissement originaire. Ces histoires, je les ai entendues<br />
maintes et maintes fois mais <strong>la</strong> conteuse sait faire en sorte que je les redécouvre chaque fois. Le ton,<br />
<strong>la</strong> voix, le mouvement de <strong>la</strong> tête, le geste de <strong>la</strong> main, l’arrêt subit, <strong>la</strong> reprise aussi imprévisible, <strong>la</strong><br />
chronologie légèrement bousculée, le développement de telle séquence à tel moment, tout concourt à<br />
faire de chaque « remake » une œuvre originale. C’est ainsi que je connais toujours, sans <strong>la</strong> connaître<br />
jamais tout à fait, <strong>la</strong> saga de <strong>la</strong> famille. Et c’est pourquoi, j’ai pris goût, <strong>moi</strong> aussi, à <strong>raconte</strong>r d’autres<br />
histoires<br />
Ainsi qu’il en va souvent, c’est d’abord l’intuition qui m’a guidé. Très tôt ! Dès mes<br />
balbutiements dans l’enseignement des lettres, je racontais plus que je ne traitais les aventures de<br />
Molière, <strong>la</strong> résistance de Voltaire, les démêlés de Ver<strong>la</strong>ine et de Rimbaud, <strong>la</strong> révolte de Zo<strong>la</strong> et les<br />
épousailles de <strong>la</strong> littérature avec le septième art.<br />
Mais c’est en ouvrant <strong>la</strong> Bible pour de bon que je me suis souvenu de ma grand-mère. Je me suis<br />
retrouvé devant une saga de famille, celle d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Joseph, de Moïse, de<br />
David, de Salomon, <strong>la</strong> saga d’un peuple avec ses héros, sa gloire, ses malheurs, ses historiens, ses<br />
poètes, ses romanciers, ses prophètes, ses artistes, <strong>la</strong> saga d’un Dieu et de ses démêlés avec les<br />
hommes. Avec <strong>moi</strong> ! Je me suis à nouveau retrouvé devant <strong>la</strong> saga de ma famille, l’autre, celle de<br />
chacun, <strong>la</strong> vôtre donc !<br />
Et je m’en suis emparé, parce que cette histoire est mon histoire ! Je me suis mis, non plus<br />
seulement à dire, mais à croire que mon père était un araméen nomade. Je me suis mis à tressaillir en<br />
entendant : Écoute, Israël ! Le Seigneur notre Dieu est l’unique Seigneur ! C’est pourquoi, je veux<br />
inculquer ce<strong>la</strong> à mes enfants, en parler chez <strong>moi</strong> comme en voyage, quand je me couche et me lève ;<br />
je veux l’attacher à mes mains en guise de signe, le porter comme un bandeau frontal entre mes<br />
yeux, l’inscrire sur les poteaux de ma maison et sur les portes ! (Deutéronome, 6, 4-9).<br />
C’est pourquoi, je veux voir ma main se sécher, si je t’oublie, Jérusalem !<br />
Mais quelle déception je vivais régulièrement, lors de célébrations de <strong>la</strong> parole, lors<br />
d’assemblées eucharistiques, lors de cérémonies pénitentielles ! Quand j’entendais, quand j’entends<br />
encore lire du haut d’une chaire ou depuis un ambon ces textes de <strong>la</strong> Bible, je ne les reconnais plus,<br />
je ne m’y reconnais plus, ils me sont étrangers, ils ne me <strong>dis</strong>ent rien, ils ne me concernent pas. Ou<br />
parfois, quand le lecteur s’identifie tellement avec sa proc<strong>la</strong>mation qu’elle devient sa propre parole,<br />
son propre souffle, sa propre histoire, alors je ne puis m’empêcher de m’asseoir au pied d’une tente,<br />
à <strong>la</strong> halte près d’un puits ou dans une palmeraie, et de m’abandonner à <strong>la</strong> matérialité spirituelle d’un<br />
ton et d’une voix, à <strong>la</strong> cadence confiante de l’art du conteur, à <strong>la</strong> présence enfin retrouvée d’un<br />
membre de ma famille. Alors, c’est un événement !<br />
Je décidai de me mettre au travail. Je m’armai de tout l’appareil scientifique in<strong>dis</strong>pensable, de <strong>la</strong><br />
critique impitoyable et tendre d’une paire d’amis lucides, et j’entrepris de me <strong>raconte</strong>r à <strong>moi</strong>-même<br />
d’abord cette histoire et ces histoires. Il fal<strong>la</strong>it que je voie devant <strong>moi</strong> mes parents, mes proches, mes<br />
alliés, que je les entende parler ma <strong>la</strong>ngue ; il fal<strong>la</strong>it que je sente et que je goûte le mouton âcre, le<br />
sable sec, le thé brû<strong>la</strong>nt, <strong>la</strong> grenade juteuse, le jasmin étour<strong>dis</strong>sant ; il fal<strong>la</strong>it que je touche <strong>la</strong> tente<br />
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