Travailler 2.0 - Le Monde
Travailler 2.0 - Le Monde
Travailler 2.0 - Le Monde
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
dossier | travailler <strong>2.0</strong><br />
18 / <strong>Le</strong> <strong>Monde</strong> Campus lundi 18 mars2013<br />
«Mutinerie », dans le 19 e arrondissement<br />
de Paris, estunlieuétrange quirassemble<br />
et faitcollaborer travailleurs indépendants,<br />
entrepreneurs et start-up. Immersion.<br />
<strong>Le</strong>sMutinsàl’abordage<br />
de la viedebureau<br />
C<br />
omme toutes les îles autrésor,<br />
celle-ci n’est pas spécialement<br />
indiquée sur les cartes. On<br />
pourrait passer et repasser<br />
dans cette petite rue du 19e arrondissement<br />
deParis, virer de bord àla<br />
place du Colonel-Fabien, changer de trottoir<br />
et revenir buter cent fois contre la<br />
vieille halle dumarché Secrétan, sans remarquer,<br />
parmi les sandwicheries, bazars<br />
et boucheries halal, cette devanture<br />
opaque et anonyme coiffée d’un auvent<br />
de toilenoire.<br />
Il faut s’avancer jusqu’à la porte du local,<br />
un peu en retrait, pour voir la feuille<br />
A4 placardée là en guise d’enseigne et qui<br />
annonce sobrement «Mutinerie» pardessus<br />
une tête de pirate souriant à<br />
pleines dents et dont la barbe rousse<br />
forme comme une pieuvre.<br />
De l’extérieur, l’ensemble fait penser à<br />
un local commercial désaffecté, mais la<br />
porte franchie, c’est un autre monde qui se<br />
dévoile. La pièce sur laquelle donne l’entrée<br />
ressemble àuncafé un peu bohème<br />
qu’on imagine bien àLilleouàBerlin.<br />
Il ne s’agit pas d’une association de<br />
quartier ni d’un bar,quoiqu’il en paraisse.<br />
Mutinerie est un espace de travail pour les<br />
entrepreneurs et indépendants en quête<br />
d’un port d’attache. Ici se croisent et<br />
échangent des développeurs informatiques,<br />
des graphistes, des journalistes…<br />
mais aussi plusieurs start-up.<br />
Adroite de l’entrée, quelques personnes<br />
discutent, assises dans de confortables<br />
fauteuils dépareillés à côté d’un piano<br />
droit sur lequel trônent des objets aussi<br />
divers que des casse-têtes en bois, des<br />
balles de jonglage ou un vieux clairon en<br />
métal. Agauche, une grande table familialerectangulaire<br />
couverte d’une nappe à<br />
carreaux et flanquée de deux bancs jouxte<br />
la rampe de l’escalier qui descend àla<br />
cave. Aufond, une jeune femme, derrière<br />
un zinc de bar, pianote sur un ordinateur<br />
portable qui diffuse par deux hautparleurs<br />
un morceauderock.<br />
«Bienvenue à Mutinerie. Tu veux un<br />
café?», accueille dans un sourire Samia<br />
Zouari, manageur du lieu. Attention àrespecter<br />
lescodes des Mutins. On ne ditpas<br />
«LaMutinerie», au risque de s’attirer les<br />
foudres du capitaine, mais «Mutinerie»<br />
toutcourt –etonsedonne du «tu».<br />
Descônes De circulation<br />
serventD’abat-jour.unsiège<br />
De toilette posé Dans un coin<br />
fait un ravissantpot<br />
De plante verte<br />
Sur lesite Internet, une vidéo humoristique<br />
s’adresse auxcandidats àl’aventure.<br />
«Vous êtes libres. Très libres», commencet-elle,<br />
avantd’asséner «Trop libres», tandis<br />
que l’image montre un jeune obèse qui<br />
grignote, la télécommande àlamain. <strong>Le</strong><br />
reste est àl’avenant et passe en revue les<br />
malheurs supposés de l’indépendance :<br />
solitude, procrastination… «Jecrois qu’on<br />
s’est tous un peu reconnus», s’amuse Pascale,<br />
traductrice et adepte de Mutinerie<br />
depuis un peu plus d’un an.<br />
Moyennantunforfaitde190 euros hors<br />
taxes pour dix jours par mois, 250 euros<br />
pour un accès mensuel illimité ou 340 euros<br />
pour un bureau personnel, les<br />
membres peuvent venir du lundi au vendredi<br />
de 9 heures à 21 heures. «Nous<br />
sommes presque àsaturation, explique Samia<br />
Zouari. Il yaquelques jours, nous avons<br />
atteintunpic de 70 personnes sur place.»<br />
<strong>Le</strong>s mercredis et vendredis sont les<br />
jours les plus calmes. On peut alors trouver<br />
sans aucun mal de quoi s’installer<br />
dans les350 m 2 qu’offre Mutinerie. Face à<br />
l’entrée, un couloir mène àl’espace de travail<br />
proprement dit. Sous une charpente<br />
de bois peinte en gris qui soutient une<br />
grande verrière, souvenir de l’ancienne<br />
usine qui adûpréexister dans ces lieux,<br />
sont agencées tables etchaises de manière<br />
assez baroque.<br />
Ici, comme dans l’entrée, les matériaux<br />
de récupération sont à l’honneur pour<br />
donner àl’ensemble une touche créative<br />
et fantasque. Une table de ping-pong fait<br />
office de bureau. Des cônes de circulation<br />
orange et blanc suspendus au plafond servent<br />
d’abat-jour. Unsiège de toilette posé<br />
dans un coin fait un ravissant pot de<br />
plante verte. «C’est ce qui est très agréable<br />
ici. Contrairement àbeaucoup d’espaces<br />
partagés, notammentpublics, qui sontdes<br />
bureaux classiques, très froids, on se sent<br />
un peu chez nous», estime Pascale.<br />
Musique et conversations<br />
«Etpour autant, ce n’est pas un prétexte<br />
pour moins travailler, au contraire»,<br />
ajoute Rodolphe, un des premiers clients<br />
de l’espace, qui amonté son entreprise de<br />
communication et emploie un autre Mutin.<br />
Effectivement, si l’espace de détente à<br />
l’entrée est fréquemment animé par la<br />
musique et lesconversations, dès que l’on<br />
arrive dans la zone de travail, l’ambiance<br />
est studieuse. <strong>Le</strong> bruitselimite au ronron<br />
de l’aération et aux discussions à voix<br />
basse. Chacun ason écran sous les yeux,