BOUNFOUR, Abdellah, « Hemmu u Namir ou l'Œdipe berbère
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V<br />
AHMED OUNAMIR<br />
(Version Malika Edda<strong>ou</strong>di, re´gion d’Agadir, 1992/1993)<br />
Ahmed Ounamir e´ tait un jeune homme qui vivait avec sa me` re. Chaque matin,<br />
quand il se réveillait, il tr<strong>ou</strong>vait ses mains teintes de henne´ . Son maıˆ tre le frappa.<br />
Ahmed, d’un air innocent, lui dit : <strong>«</strong> Ce n’est pas moi qui les peins de henne´ , je suis moimeˆ<br />
me surpris de les tr<strong>ou</strong>ver ainsi. » Le maıˆ tre lui conseilla de veiller jusqu’a` ce qu’il<br />
surprenne celui qui lui appliquait le henne´ .<br />
Le temps passa, et un j<strong>ou</strong>r trois fe´ es pénétre` rent dans la chambre d’Ahmed.<br />
– Moi, je pre´ fe` re lui pre´ parer le henne´ , annonc¸ a la premie` re.<br />
Quant à la seconde, elle dit :<br />
– Moi j’aimerais bien le lui appliquer sur les mains.<br />
La dernie` re désira faire sécher le henne´ .<br />
T<strong>ou</strong>t a` c<strong>ou</strong>p, Ahmed Ounamir se re´ veilla, les deux premie` res réussirent a` s’e´ chapper<br />
et il ne put capturer que la troisie` me.<br />
– Laisse-moi partir, le supplia-t-elle, tu n’accepteras gue` re mes conditions.<br />
– Quelles sont tes conditions ? demanda Ahmed.<br />
– J’exige d’eˆ tre enferme´ e derrie` re les sept portes qui s’<strong>ou</strong>vrent et se ferment avec une<br />
meˆ me clef et que personne ne me voie, meˆ me ta me` re.<br />
Ahmed Ounamir accepta les conditions de la fe´ e et elle l’e´ p<strong>ou</strong>sa.<br />
Chaque fois que sa me` re pre´ parait le repas, le fils demandait un plat de plus. Elle se<br />
d<strong>ou</strong>ta alors de l’existence d’une tierce personne dans la maison.<br />
Au petit matin, lorsque Ahmed partit a` la chasse, la me` re, curieuse de percer le<br />
secret de son fils, chercha la clef de sa chambre, mais ne la tr<strong>ou</strong>va point. Elle dit a` ses<br />
p<strong>ou</strong>les :<br />
– Celle qui tr<strong>ou</strong>vera la clef d’Ahmed, je la re´ compenserai par une l<strong>ou</strong>che de maïs<br />
s<strong>ou</strong>ffle´ et une l<strong>ou</strong>che de fèves.<br />
Les p<strong>ou</strong>les ne la tr<strong>ou</strong>ve` rent pas, mais un coq borgne indiqua a` la me` re le sac de<br />
chasse d’Ahmed.<br />
En arrivant a` la chambre de son fils, la me` re commenc¸ aa` <strong>ou</strong>vrir les portes. Elle<br />
tr<strong>ou</strong>va la belle ép<strong>ou</strong>se dans la septie` me pie` ce en train de coiffer sa longue chevelure.<br />
Ebl<strong>ou</strong>ie par son extraordinaire beaute´ , elle dit a` sa belle-fille :<br />
– Quelle chance a eue mon fils d’avoir e´ p<strong>ou</strong>se´ une telle beaute´ !<br />
Lafe´ e indigne´ e lui répondit :<br />
– Quelle chance aura certainement ton fils s’il ne me tr<strong>ou</strong>ve plus jamais !<br />
Lafe´ e se transforma s<strong>ou</strong>dain en colombe et déposa ensuite une bague sur le rebord<br />
de la feneˆ tre.<br />
A son ret<strong>ou</strong>r, Ahmed chercha sa clef, mais en vain. Il demanda a` sa me` re si elle ne<br />
l’avait pas vue.<br />
– Voila` ta clef, c’est le coq borgne qui m’a indique´ sa place.<br />
Le jeune e´ p<strong>ou</strong>x s’en alla vers sa chambre impatient de revoir son ange´ lique e´ p<strong>ou</strong>se.<br />
Mais grande fut sa déception lorsqu’il vit ses larmes au seuil de la porte et la chambre<br />
déserte. Il prit alors la bague qu’il tr<strong>ou</strong>va sur le rebord de la feneˆ tre. Il quitta la maison<br />
et son unique désir était de retr<strong>ou</strong>ver sa femme à t<strong>ou</strong>t prix. Submerge´ par la me´ lancolie,<br />
il s’assit s<strong>ou</strong>s le nid d’un aigle et se mit a` chanter :<br />
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