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BOUNFOUR, Abdellah, « Hemmu u Namir ou l'Œdipe berbère

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fille (chien, m<strong>ou</strong>ton) humilient davantage son ép<strong>ou</strong>se et, au lieu d’ad<strong>ou</strong>cir la<br />

pulsion maternelle, elle l’aiguise davantage au point que la me` re peut voir dans<br />

cette protection paternelle le signe du statut privile´ gié de la fille aupre` sdupe` re.<br />

En d’autres termes, la rivalite´ est telle que la fille peut eˆ tre perc¸ ue par la me` re<br />

comme une co-e´ p<strong>ou</strong>se et la pre´ fe´ re´ e de son mari. En la cachant, dans un coffre,<br />

dans une chambre, évoque l’enfermement de Tanirt par H. emmu et,<br />

par conse´ quent, peut consolider le phantasme maternel. L’exigence maternelle<br />

– que ce soit le père qui exe´ cute la fille – consolide cette interpre´ tation. Ainsi la<br />

confusion des ge´ nérations irait-elle jusqu’a` sugge´ rer un inceste entre le père et<br />

sa fille, a` moins que cela ne soit une projection de la me` re. Ce qui montre bien<br />

que celle-ci prend son phantasme p<strong>ou</strong>r de la re´ alité. Face a` cette pathologie, les<br />

ruses du pe` re ne suffisent plus. A défaut d’eˆ tre le support d’une parole qui<br />

tranche dans le mensonge incestueux et mortife` re de la mère, il se re´ s<strong>ou</strong>d à<br />

abandonner sa fille dans la forêt p<strong>ou</strong>r la sauver de la mort. Ainsi l’abandon<br />

d’enfant apparaıˆ t-il, ici, comme une <strong>ou</strong>verture par rapport au cercle infernal<br />

du triangle familial. Grande et muˆ re, Tanirt peut maintenant voler de ses<br />

propres ailes et s’e´ loigner de sa me` re-ogresse.<br />

2. La famille ambivalente<br />

On sait que les c<strong>ou</strong>ples d’ogres sont la figure ne´ gative du cercle familial dans<br />

les contes berbe` res 9 . T<strong>ou</strong>tefois, ce n’est pas le cas dans cette version :<br />

– En n<strong>ou</strong>rrissant les petits ogres, en leur donnant des friandises et en j<strong>ou</strong>ant<br />

avec eux, Tanirt se comporte non seulement comme une sœur aıˆ née – elle est<br />

ainsi nomme´ e par les petits ogres –, mais en femme muˆ re et potentiellement<br />

me` re. Elle est n<strong>ou</strong>rricie` re, éducatrice et donneuse de plaisir aux petits des<br />

autres. Tanirt, contrairement a` sa me` re, est <strong>ou</strong>verte sur l’alte´ rite´ la plus<br />

sauvage et la plus dangereuse p<strong>ou</strong>r elle-meˆ me ; elle l’apprivoise. A cette<br />

<strong>ou</strong>verture elle devra son salut.<br />

– En effet, l’ogresse, en bonne me` re, l’épargnera et la sauvera de son mari<br />

qui, contrairement au pe` re de Tanirt, v<strong>ou</strong>drait la manger. Elle lui indiquera<br />

comment retr<strong>ou</strong>ver son chemin vers un ailleurs plus cle´ ment. Second abandon<br />

qui apparaît, la` aussi, comme une <strong>ou</strong>verture par rapport a` un cercle familial<br />

mortifie´ et sans issue. C’est dans ce chemin qu’elle rencontrera H. emmu.<br />

Que conclure de ces deux épisodes ?<br />

– Tanirt apparaît comme un sujet <strong>«</strong> apathique ». Elle n’a de re´ action propre,<br />

lors des deux e´ pisodes, que lorsqu’elle s’occupe des enfants des ogres. Ce qui<br />

9. E. La<strong>ou</strong>st, Contes berbe`res du Maroc, Institut des Hautes Etudes Marocaines, 1945,<br />

volume 2, <strong>«</strong> Des noms <strong>berbère</strong>s de l’ogre et de l’ogresse », p. XVII-XXVIII. L’auteur conclut<br />

que le <strong>«</strong> concept » d’ogre en <strong>berbère</strong> retient essentiellement deux traits, la férocité et le cannibalisme.<br />

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