BOUNFOUR, Abdellah, « Hemmu u Namir ou l'Œdipe berbère
BOUNFOUR, Abdellah, « Hemmu u Namir ou l'Œdipe berbère
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sacrifice entame´ e p<strong>ou</strong>r qu’ait lieu la rencontre am<strong>ou</strong>reuse. Immoler les signes<br />
exte´ rieurs de la virilite´ narcissique, c’est m<strong>ou</strong>rir un peu p<strong>ou</strong>r acce´ der au<br />
véritable statut d’e´ p<strong>ou</strong>x et de pe` re potentiel. En effet, H. emmu retr<strong>ou</strong>vera<br />
Tanirt et son fils qui, ne´ en son absence, le reconnaıˆ tra en acc<strong>ou</strong>rant a` sa vue.<br />
Le fils institue le père du fait qu’il a consenti a` sacrifier son moi social p<strong>ou</strong>r<br />
retr<strong>ou</strong>ver sa famille. Cette perte concerne aussi son corps puisqu’il en c<strong>ou</strong>pe un<br />
morceau de chair et l’offre a` l’aigle dans l’espoir d’arriver au but. Ces sacrifices<br />
inscrivent H. emmu dans la succession des géne´ rations (e´ p<strong>ou</strong>x et père) alors que<br />
leur sauvegarde l’aurait maintenu dans une fusion tribale et maternelle. J’y<br />
reviendrai.<br />
4. Le drame<br />
Les retr<strong>ou</strong>vailles de la famille au septie` me ciel p<strong>ou</strong>rraient être la fin de cette<br />
histoire. Certaines versions s’arreˆ tent la` <strong>ou</strong> concluent sur le ret<strong>ou</strong>r de l’ensemble<br />
de la famille vers le monde terrestre. Or, le noyau le plus dur et le plus<br />
fre´ quent est autre.<br />
Tanirt interdit a` H. emmu de regarder vers le monde terrestre. Cette interdiction<br />
est associe´ ea` la feˆ te musulmane du sacrifice perpe´ tuant le rite abrahamique.<br />
Vivant dans la comple´ tude, H. emmu sera saisi par le désir de savoir p<strong>ou</strong>rquoi<br />
son ép<strong>ou</strong>se lui a fait cette interdiction. Encore une question de savoir ! En<br />
regardant vers la terre, il aperc¸ oit sa me` re sans personne p<strong>ou</strong>r immoler son<br />
m<strong>ou</strong>ton. Il se jette ainsi vers elle p<strong>ou</strong>r le faire.<br />
N’a-t-elle vraiment personne ? Certaines versions se taisent sur la pre´ sence/<br />
l’absence du pe` re de H. emmu. Mais celle que j’ai promue comme version<br />
comple` te pre´ sente la sce` ne comme suit : la me` re est en compagnie du pe` re, ce<br />
dernier tient le m<strong>ou</strong>ton et elle le c<strong>ou</strong>teau. Etrange tableau qui inverse les roˆ les.<br />
Le sacrifice abrahamique est une affaire d’hommes en islam. C’est l’homme qui<br />
immole, particulie` rement le père 8 . La femme peut y aider en tenant le m<strong>ou</strong>ton<br />
<strong>ou</strong>, dans certaines re´ gions berbe` res du Haut Atlas, en recueillant le sang de la<br />
victime. P<strong>ou</strong>rquoi cette inversion ? La me` re de H. emmu, repre´ senterait-elle une<br />
me` re phallique et dessaisirait-elle son ép<strong>ou</strong>x de son roˆ le de sacrificateur ?<br />
Assure´ ment, d’autant plus que la me` re appelle son fils p<strong>ou</strong>r tenir ce roˆ le<br />
comme si le père, depuis qu’il y a un fils, ne p<strong>ou</strong>vait plus tenir ce roˆ le. Que<br />
H. emmu re´ ponde a` cette demande, voila` qui montre la force du lien maternel<br />
malgre´ les sacrifices consentis p<strong>ou</strong>r s’inscrire dans la succession des ge´ nérations.<br />
Vivant dans la comple´ tude ce´ leste, H. emmu, a` la vue de cette sce` ne, est<br />
8. On se rappellera que ce sacrifice est la remémoration annuelle du sacrifice d’Abraham (voir<br />
A. B<strong>ou</strong>nf<strong>ou</strong>r, Origine, meurtre et sacrifice selon le Coran et sa re´ception, a` paraître chez Brill,<br />
Leiden).<br />
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