Re-médiation de l'oralité et transferts médiatiques dans les cultures ...
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le caractère « fondamentalement kaléidoscopique <strong>de</strong> sa nature 20 » qu’est né, chez <strong>les</strong> jeunes <strong>de</strong>s<br />
lycées <strong>et</strong> <strong>de</strong>s collèges au début <strong>de</strong>s années 1980, le camfranglais, c<strong>et</strong>te sorte <strong>de</strong> « langue<br />
spontanée qui mélange <strong>dans</strong> une syntaxe parfois désastreuse, un lexique principalement local <strong>et</strong><br />
anglais autour d’une syntaxe française simplifiée, <strong>dans</strong> le but <strong>de</strong> semer <strong>les</strong> aînés curieux 21 ». La<br />
prolifération <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> mélange linguistique trouve à l’époque <strong>de</strong>ux supports <strong>de</strong> diffusion<br />
privilégiés : la musique <strong>et</strong> l’humour.<br />
Musique <strong>et</strong> poésie populaires<br />
Dans la logique <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> Paul Zumthor 22 sur la poésie orale, la spécificité <strong>de</strong> la<br />
pratique chansonnière se fon<strong>de</strong> sur son caractère oral <strong>et</strong> sur sa nature performancielle. Issue<br />
d’une tradition distincte <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> la poésie <strong>de</strong>stinée au support écrit, la chanson populaire<br />
camerounaise en porte la trace tant sur le plan <strong>de</strong> la prosodie <strong>et</strong> <strong>de</strong> la poétique que sur celui <strong>de</strong> la<br />
réception <strong>et</strong> <strong>de</strong> la légitimité. C<strong>et</strong>te inscription <strong>de</strong> l’oralité <strong>dans</strong> la poésie populaire laisse<br />
percevoir une parenté avec le genre théâtral : le carrefour <strong>de</strong>s textes <strong>et</strong> <strong>de</strong>s performances qui<br />
passent <strong>dans</strong> l’enregistrement sonore.<br />
L’année 1985 est celle où le très célèbre musicien Lapiro <strong>de</strong> Mbanga, affectueusement<br />
appelé « Ndinga man », est au zénith <strong>de</strong> sa gloire. Celui-ci bâtit sa réputation sur la thématique<br />
<strong>de</strong>s revendications socia<strong>les</strong> qui trouve un écho très favorable auprès <strong>de</strong>s jeunes diplômés réduits<br />
au chômage <strong>et</strong> qui se sont rabattus sur <strong>de</strong>s activités insignifiantes comme la vente à la sauv<strong>et</strong>te,<br />
le taxi, le p<strong>et</strong>it commerce <strong>et</strong> la débrouillardise <strong>dans</strong> <strong>les</strong> gran<strong>de</strong>s vil<strong>les</strong>, ce qui a donné naissance<br />
aux néologismes comme « sauv<strong>et</strong>eurs », « taximan », <strong>et</strong>c. Mais ce qui est saisissant, <strong>et</strong> qui a<br />
davantage attiré <strong>les</strong> jeunes, c’est la langue qu’utilisait ce musicien, un mélange <strong>de</strong> pidgin <strong>et</strong> <strong>de</strong><br />
français, <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s titres aussi célèbres que « no make erreur » (pas d’erreur, attention), « mimba<br />
we » (pense à nous) où l’on r<strong>et</strong>rouve <strong>de</strong>s structures hybri<strong>de</strong>s comme « rémé ana djaka don dry<br />
20 P. Dumont, La francophonie par <strong>les</strong> textes, Paris, Édicef/Aupelf, 1992. p. 39.<br />
21 Z. D. Bitja’a Kody, « Problématique <strong>de</strong> la cohabitation <strong>de</strong>s langues », <strong>dans</strong> Mendo Ze (dir.), Le français langue<br />
africaine. Enjeux <strong>et</strong> atouts pour la francophonie, Paris, Publisud, 1999, p. 94.<br />
22 Paul Zumthor, Introduction à la poésie orale, Paris, Éditions du Seuil, 1983.<br />
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