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Franck Corbery est un mec speed et<br />
ça se voit à <strong>la</strong> première seconde. Speed et droit<br />
dans ses bottes. Snowboarder et diplômé<br />
de droit (y a-t-il un lien ?), constamment sur <strong>la</strong><br />
route, il suit ses riders partout, des<br />
g<strong>la</strong>ces du Groen<strong>la</strong>nd jusqu’aux îles perdues du<br />
Pacifique. Quand il a débarqué dans le<br />
surf en 2003, le challenge était difficile, <strong>la</strong> majorité<br />
des tops surfeurs européens étant déjà sous contrat.<br />
Après trois ans de boulot, le team O’Neill<br />
commence à faire parler de lui et ce n’est qu’un début.<br />
Propos receuillis par Stéphane Robin<br />
C’est ton boulot qui te rend speed, ou tu es né comme ça ?<br />
Un peu des deux ! Je suis passionné par ce que je fais<br />
et j’imagine que c’est cette passion qui me fait courir<br />
partout comme un débile. Mon travail me demande aussi<br />
de solutionner constamment une multitude de problèmes,<br />
d’où mon “style“, iPhone dans une main et caméra vidéo<br />
dans l’autre. Mais bon, il y a des limites à tout, pour<br />
l’instant je refuse encore de me faire B<strong>la</strong>ckberryser.<br />
Team manager, c’est <strong>la</strong> vie rêvée avec abonnement<br />
gratuit au jet <strong>la</strong>g ?<br />
C’est vrai que <strong>la</strong> majorité des gens pense que c’est un pur<br />
job. Mais le boulot du team manager ne se limite pas à se<br />
ba<strong>la</strong>der sur <strong>la</strong> p<strong>la</strong>ge (ou sur <strong>la</strong> neige également dans son<br />
cas, ndlr) en jouant de <strong>la</strong> carte bleue. Et même si je passe<br />
un quart de l’année sur <strong>la</strong> route, le gros du travail se fait au<br />
bureau. Au final, on est loin des 35 heures.<br />
En quoi consiste exactement ton job ?<br />
Découvrir et suivre les riders qui véhiculeront au mieux<br />
l’image O’Neill. Des surfeurs qui déchirent c’est pas ça<br />
qui manque, mais ça ne suffit pas. Un surfeur pro doit<br />
l’être sur toute <strong>la</strong> ligne. Moi, je suis là pour gérer leur<br />
calendrier, leur image et leur participation à <strong>la</strong> recherche<br />
et développement de <strong>la</strong> marque. Construire <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion du<br />
rider avec les médias, c’est <strong>la</strong> grosse partie du travail. Je<br />
crois qu’il faut bien faire <strong>la</strong> différence entre le coach et le<br />
team manager. Je ne suis pas leur coach, je suis là pour<br />
les aider à construire une carrière en travail<strong>la</strong>nt avec nous.<br />
Pas besoin d’être un bon surfeur pour faire ça. Je suis un<br />
des rares team managers à gérer plusieurs sports, ce qui<br />
permet d’avoir une autre approche.<br />
Pas été trop difficile de te faire respecter dans le surf<br />
alors que tu viens du snowboard ?<br />
On a fait plus facile c’est sûr. Gérer le team snow à partir<br />
de nos Headquarters en Hol<strong>la</strong>nde était faisable, mais <strong>la</strong><br />
réalité du marché nous empêchait de faire <strong>la</strong> même chose<br />
pour le surf. On est donc quasi reparti à zéro en 2002 lors<br />
de notre instal<strong>la</strong>tion à Anglet.<br />
Le surf est quand même un milieu à part. Comment astu<br />
constitué ton team, malgré <strong>la</strong> différence de budget<br />
avec les majors du surf business ?<br />
Ma meilleure carte de visite ce sont les riders eux-mêmes.<br />
C’est vrai que le surf est un milieu à part, avec ses propres<br />
codes. Au niveau européen, il y a beaucoup moins de riders<br />
au top niveau que dans le snowboard. Chez O’Neill, c’est <strong>la</strong><br />
re<strong>la</strong>tion humaine qui prédomine sur le gros chiffre en bas<br />
du contrat. Notre team est restreint, mais on préfère faire<br />
dans <strong>la</strong> qualité. Je me suis toujours refusé à signer des<br />
riders pour avoir un nom de plus sur une ‘team list’.<br />
Comment se passe <strong>la</strong> chasse aux nouveaux talents ?<br />
Auparavant, on s’appuyait sur notre réseau de<br />
distributeurs. Maintenant, je tourne pas mal sur les<br />
compétitions, je fais du repérage. Je peux aussi compter<br />
sur les riders eux mêmes. À côté de ça, on commence<br />
à bosser avec des agents ‘free sports’, qui rendent les<br />
choses plus professionnelles, mais aussi plus chères ! En<br />
général, je ne fais pas dans <strong>la</strong> surenchère, je n’ai pas les<br />
moyens. Par contre, il y a des coups à ne pas rater. L’entrée<br />
de Caroline Sarran dans le team était une belle réussite.<br />
Pareil pour Charly Martin, il est venu nous voir à douze ans,<br />
alors que personne ne s’intéressait à lui. Les riders restent<br />
chez nous, par ce qu’ils savent qu’ils sont bien suivis.<br />
Comment expliques-tu que certains jeunes gagnent<br />
des fortunes sur le WQS, alors que d’autres plus vieux<br />
tournent sur le WCT sans sponsors ?<br />
C’est <strong>la</strong> loi de l’offre et de <strong>la</strong> demande. Il y a aussi des<br />
différences entre les marchés américains, australiens<br />
et européens, qui créent cette situation. Ensuite,<br />
c’est c<strong>la</strong>ir qu’un Cory Lopez ou un Jordy Smith font<br />
plus rêver que d’autres surfeurs, peut être aussi<br />
talentueux, mais moins médiatisés. Leurs sa<strong>la</strong>ires<br />
sont donc proportionnels à leurs talents, mais surtout<br />
à leurs potentiels dans <strong>la</strong> durée et à <strong>la</strong> manière dont<br />
ils ont géré leurs résultats passés. D’où l’importance<br />
pour eux d’être maintenant accompagnés de manière<br />
Passant constamment<br />
de team houses en<br />
chambres d’hôtels,<br />
encore un mec qui paye<br />
un loyer pour rien!<br />
continue et sérieuse, tant par leurs sponsors que par des<br />
intervenants extérieurs, spécialisés dans <strong>la</strong> gestion de leurs<br />
carrières.<br />
Certains riders ont l’air assez ingérables… Il y a des<br />
moments où tu en prends plein <strong>la</strong> tronche?<br />
Dire que gérer près de soixante-dix riders européens se<br />
fait sans c<strong>la</strong>sh serait évidemment se foutre du monde. Ça<br />
arrive que ça se passe mal avec un rider, mais c’est rare.<br />
Tant que leurs demandes sont justifiées, je ne dis pas non.<br />
Les riders savent ce qu’on attend d’eux. Après, il faut savoir<br />
faire <strong>la</strong> part des choses, garder de <strong>la</strong> distance pour ne pas<br />
se faire bouffer. À partir du moment où ils commencent<br />
à s’apercevoir de tout ce qu’on fait pour eux, ça va déjà<br />
mieux. Je me sens plutôt fier de <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion que j’ai avec le<br />
team ; sans les surfers, notre industrie n’existerait pas.<br />
Tu penses qu’on est arrivé à un tournant dans<br />
l’évolution du surf professionnel ?<br />
Oui, j’ai l’impression que l’on est rentré dans une phase<br />
post S<strong>la</strong>ter. J’ai envie de dire : enfin ! Les jeunes riders sont<br />
une véritable locomotive pour le sport. Le niveau monte en<br />
Europe, et le changement est bon pour tout le monde, tant<br />
pour le surf que pour notre industrie.<br />
STÉPHANE ROBIN