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23-474-B-10
Incidences cliniques des postures
de la zone orolabiale
M. Raberin
Le rôle morphogénétique des postures céphalique, mandibulaire, linguale et labiale est abordé à travers
leur maturation et les facteurs de régulation physiologiques. Les corrélations puissantes entre ces postures
incitent à une vigilance dans l’établissement du diagnostic et du plan de traitement. Les pathologies de la
zone orolabiale provoquent des contraintes physiopathologiques en cascade sur les autres chaînes
musculaires posturales corporelles. Le diagnostic orthodontique doit ainsi s’appuyer sur les examens
clinique et complémentaires de ces postures afin de révéler toute posture anormale. L’incidence des
postures pathologiques sur l’apparition des dysmorphies faciales permet de mettre en évidence l’intérêt
du traitement précoce en dentures lactéale ou mixte pour permettre une normalisation rapide de la
croissance faciale. La fonction ventilatoire est un facteur déterminant dans la normalité des postures de la
zone orofaciale. La rééducation fonctionnelle semble essentielle après maturation des postures et des
fonctions, et doit être entreprise simultanément à la réhabilitation du cadre squelettique. Les
modifications posturales provoquées par les thérapeutiques doivent permettre l’acquisition ou le maintien
d’un « équilibre postural », garant d’une stabilité thérapeutique.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Comportement musculaire ; Posture linguale ; Posture labiale ; Posture céphalique ;
Posture mandibulaire ; Rééducation fonctionnelle
Plan
Introduction 1
Posture céphalique 2
Facteurs déterminants 2
Moyens d’étude de la posture céphalique 3
Postures céphaliques pathologiques 3
Incidences de la posture céphalique 3
Posture mandibulaire 5
Éléments de diagnostic 5
Aspects neurophysiologiques de la posture mandibulaire 6
Posture mandibulaire et articulations temporomandibulaires 9
Relations entre posture mandibulaire et posture céphalique 9
Pathologies ventilatoires et posture mandibulaire : syndrome
d’apnée obstructive du sommeil 10
Incidences des thérapeutiques sur la posture mandibulaire 10
Posture linguale 11
Définitions de la posture linguale 11
Moyens d’étude de la posture linguale 11
Maturation et physiologie de la posture linguale 13
Facteurs modérateurs de la posture linguale 14
Rôle morphogénétique de la langue 15
Principales anomalies de la posture linguale 15
Modifications thérapeutiques de la posture linguale 16
Posture labiale 18
Définition de la posture labiale 19
Moyens d’étude de la posture labiale 19
Physiologie du contact labial 19
Maturation de la posture labiale 20
Pathologie de la posture labiale 20
Variabilité de la posture labiale en fonction
de la dysmorphie faciale 21
Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Incidences morphogénétiques des pathologies labiales primitives 21
Incidences de la thérapeutique sur la posture labiale 21
Conclusion 22
■ Introduction
La connaissance de la régulation et des anomalies des postures
orofaciales permet d’optimiser le diagnostic clinique, et de
mieux comprendre le mode d’action et les modifications
physiologiques apportées par les moyens thérapeutiques orthopédiques,
et plus particulièrement par appareillages
fonctionnels.
Les relations entre forme et fonctions, ainsi que le rôle
primaire dans la morphogenèse craniofaciale de la fonction, ont
été depuis longtemps discutés. Les anomalies fonctionnelles ou
musculaires dégénératives ont montré l’importance de leurs
répercussions sur le schéma squelettique. Le développement
d’une malocclusion doit être considéré comme le résultat
d’interactions entre la génétique, qui détermine certains facteurs
de croissance, et des facteurs environnementaux, externes et
internes, dont la première place est occupée par les fonctions
orofaciales. Les objectifs actuels des travaux de recherche en
orthodontie tentent de comprendre les mystères de l’expression
génétique et son devenir au cours de la croissance, et les
facteurs qui l’influent.
La station érigée stable dépend d’un ensemble de postures
actives, établies à partir de contractions musculaires hypoénergétiques
obéissant à des réflexes coordonnés. L’interdépendance
entre ces différentes postures est largement admise et un
dysfonctionnement de l’une d’elles peut avoir des conséquences
sur l’équilibre de la posture adjacente.
1

23-474-B-10 Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale
La langue, médiateur embryonnaire morphologique et conformateur
naturel [1] au sein du « complexe mandibulosacré »,
témoigne dans un « concept occlusodontique » des liaisons et
répercussions réciproques avec les éléments concourant à la
posture céphalique.
La connaissance des facteurs influençant ces postures orofaciales
facilite la détermination du calendrier thérapeutique. La
thérapeutique mise en jeu a pour but de corriger les défauts
structuraux induits sur des sujets en pleine ou en fin de
croissance, et de s’assurer de la viabilité et de la stabilité de ces
transformations, malgré les contraintes liées au perpétuel
remaniement, aux phénomènes d’adaptation, de réparation et
de vieillissement qui se produisent chez tout être vivant.
Parmi les nombreux facteurs qui contribuent à la stabilité de
nos traitements, l’examen statique des positions mandibulaires,
labiales et linguales, au début, en cours et en fin de traitement
se révèle être obligatoire pour une conduite thérapeutique
correcte, face à une nouvelle position des incisives qui modifie
le schéma d’équilibre dentopostural initial.
Pourquoi les relations entre la posture céphalique, la posture
mandibulaire et les anomalies de la ventilation en présence de
dysmorphies squelettiques sont-elles l’objet de récents axes de
recherche thérapeutique ? Les modifications thérapeutiques de
la dimension verticale provoquent-elles des retentissements sur
la posture mandibulaire et l’équilibre postural des articulations
temporomandibulaires ?
Une évaluation des méthodes de diagnostic, des bases physiologiques
de leur maturation et des conséquences des traitements
permettra de mieux cerner l’incidence des postures
céphalique, mandibulaire, labiale et linguale dans la sphère
orofaciale.
■ Posture céphalique
L’examen clinique de l’attitude céphalique peut se révéler être
une piste non négligeable dans la recherche de la pathogénie
des dysmorphies faciales. Les incidences des anomalies de la
posture céphalique sont considérables dans la croissance des
bases maxillaires et une normalisation de la verticalité céphalique
est un facteur de stabilité d’un traitement orthodontique ou
chirurgical.
Facteurs déterminants
Posture céphalique et mode ventilatoire
Huggare et Laine-Alava [2] ont étudié les relations entre la
fonction de la respiration nasale et la posture céphalique. Les
résultats céphalométriques montrent la relation étroite entre la
position d’inclinaison antérieure céphalique et l’espace aérien
postérieur dégagé. Ces résultats confirment que, en présence
d’une obstruction des voies aériennes supérieures ou inférieures,
la posture céphalique est modifiée en extension antérieure de
compensation (Fig. 1). L’index de sévérité des apnées du
sommeil repose sur des facteurs essentiels tels l’obésité, la taille
du cou, le degré de posture antérieure céphalique, la position
basse de l’os hyoïde et la diminution des dimensions du
nasopharynx [3] .
Une diminution de la perméabilité des voies aériennes
oropharyngées, par la présence d’hypertrophies amygdaliennes
ou adénoïdiennes, ou celle de problèmes respiratoires chroniques
a souvent été associée chez les enfants à une posture
adaptative céphalique [4] . Des relations étroites semblent exister
entre les inclinaisons craniocervicales et la résistance des voies
aériennes supérieures : la posture céphalique semblerait être un
modérateur face aux variations de la résistance des voies
aériennes [5] . Des études ont montré que des augmentations de
10° de l’inclinaison craniocervicale, et de 10 mm de la distance
entre la troisième vertèbre et le menton (correspondant à une
extension céphalique) provoquent un élargissement de l’espace
pharyngé des voies aériennes d’environ 4 mm [6] .
Posture céphalique et articulations
temporomandibulaires
Les articulations temporomandibulaires (ATM) jouent un rôle
important selon Planas [7] dans la croissance mandibulaire et
faciale par la fonction masticatoire. Une mastication dysfonctionnelle
et une inclinaison du plan occlusal peuvent être à
l’origine d’un déplacement compensatoire de la colonne
cervicale : le déplacement latéral de la mandibule conduirait à
une posture céphalique de compensation [8] .
Un déséquilibre occlusal latéral par interférences ou articulé
inversé provoque un déséquilibre musculaire dans le sternocléido-mastoïdien,
à l’origine d’une torsion du cou : les relations
entre l’occlusion et la posture céphalique sont donc très
intimes [9] .
NSL
VER
OPT
HOR
VER
A
B
Figure 1. Relations entre la fonction de la respiration nasale et la posture céphalique, étudiées par Huggare et Laine-Alava [2] .
A, B. La posture céphalique est étudiée par trois angles : le plan antérieur de la base du crâne (Na-S) par rapport à l’axe vertical et par rapport à la tangente
dorsale à l’odontoïde, et la situation de cette tangente par rapport au plan horizontal. Les résultats céphalométriques montrent la relation étroite entre la
position d’inclinaison antérieure céphalique et l’espace aérien postérieur dégagé.
2 Odontologie/Orthopédie dentofaciale

Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale 23-474-B-10
Figure 2.
A, B. Intérêt de l’examen clinique de la posture
céphalique pour dépister les risques de compensations
mandibulaires à l’origine de scolioses faciales
chez l’enfant. Pseudotorticolis congénital avec inclinaison
droite céphalique permanente en relation
avec une anomalie posturale des épaules.
Des études récentes ont montré les relations entre la posture
craniocervicale et certains signes ou symptômes de désordres
temporomandibulaires [10] . Il est communément acquis que des
relations existent entre l’ATM et la posture céphalique ; cependant,
seulement quelques études ont quantifié cette liaison.
L’étude de tomographies de 50 patients présentant des troubles
d’ATM avant traitement indique que le recentrage des condyles
par augmentation de l’espace libre postérieur s’accompagne
d’une diminution de la posture antérieure de la tête et donc
favorise un redressement céphalique [11] .
Posture céphalique et paramètres visuels
Des études récentes indiquent que des relations existent entre
la posture céphalique, la posture mandibulaire et l’axe de la
focale visuelle. Des enfants présentant des convergences
visuelles ou un strabisme auraient davantage de risques de
présenter une latérodéviation fonctionnelle mandibulaire que
des enfants ne présentant pas d’anomalies de la vision [12] .
D’autre part, la posture transversale de la tête serait fortement
dépendante de l’œil dominant, qui participerait à la détermination
du plan frontal d’horizontalité céphalique [13] .
Posture céphalique et variation du centre
de gravité
Une posture antérieure de la tête se révèle être un phénomène
d’accoutumance à une modification du centre de gravité
chez les femmes enceintes [14] .
Moyens d’étude de la posture céphalique
Un examen clinique de face et de profil est indispensable, si
possible pieds nus, pour examiner l’horizontalité des épaules et
la verticalité du cou.
Des analyses céphalométriques sont utilisées pour déterminer
la divergence entre le plan horizontal vrai et l’horizontalité
céphalique, souvent déterminée à partir de l’horizontalité du
regard et ses rapports avec le plan de Francfort selon Epker et
Fish (in Raberin [15] )(Fig. 2).
Postures céphaliques pathologiques
Formes cliniques
Les principales formes cliniques pathologiques de la posture
céphalique se regroupent en :
• anomalies sagittales par extension antérieure ou postérieure ;
• anomalies frontales de posture céphalique par inclinaison
permanente ou transitoire d’un côté.
Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Étiologie
Anomalies sagittales ou extensions céphaliques
La posture céphalique est souvent le reflet d’un comportement
respiratoire normal ou pathologique : une extension
céphalique peut être le reflet d’une respiration buccale. Les
causes d’une respiration buccale sont nombreuses, mais sont
parfois liées à un obstacle des voies aériennes supérieures ou à
un rétrécissement de l’oropharynx.
Récemment, il a été démontré que les patients avec syndrome
d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) présentent une extension
craniocervicale avec une posture en avant de la tête. Les
travaux de Ozbek et al. [4] concluent à une posture céphalique
en extension antérieure pour les patients obèses présentant un
SAOS. L’index de sévérité des apnées du sommeil repose sur des
facteurs essentiels tels l’obésité, la taille du cou, le degré de
posture antérieure céphalique, la position basse de l’os hyoïde
et la diminution des dimensions du nasopharynx [3] .
Ces anomalies posturales céphaliques sagittales peuvent aussi
être les conséquences de postures pathologiques de la colonne
vertébrale.
Anomalies frontales
Elles sont le reflet d’un blocage musculaire d’une chaîne
cervicale d’un côté (sterno-cléido-mastoïdien, trapèze), qui peut
être congénital, suite d’un torticolis congénital même a minima,
ou acquis par syndrome viral ou traumatisme. Elles peuvent
aussi être l’expression d’une souffrance vertébrale à des étages
divers avec compensation frontale de la ceinture scapulaire.
Réhabilitation posturale
Korn et al. [16] ont mis en évidence la nécessité d’un travail
multidisciplinaire dans la réhabilitation posturale. Une rééducation
par kinésithérapie est nécessaire à partir de séances de
rééducation de la musculature cervicoscapulaire. La découverte
de l’anomalie posturale céphalique est souvent réalisée lors de
la constitution du bilan, à la prise des photographies.
Incidences de la posture céphalique
Incidences de la posture céphalique
sur les dysmorphies
Solow et Tallgren [17] , ainsi que de nombreux auteurs, ont
démontré que l’extension de la tête était souvent associée à une
hyperdivergence mandibulaire. Cette posture céphalique serait
une adaptation à la fonction respiratoire, l’extension de la tête
facilitant le passage de l’air. Cette posture céphalique serait un
déterminant de la posture mandibulaire et aurait des incidences,
d’une part sur les pressions labiales exercées sur les incisives, et
3

23-474-B-10 Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale
NSL
NL
HOR
n
sp
pm
s
cv2tg
cv2ip
cv4ip
al. [19] ont étudié les relations entre la posture céphalique et les
différentes dysmorphies sagittales. Les résultats les plus intéressants
indiquent que les enfants de 9 à 10 ans en classe III
squelettique présentent un angle de lordose cervicale significativement
inférieur aux enfants en classe I ou II. Les enfants en
classe II présentent une extension plus grande par rapport à
l’axe de la colonne vertébrale que les enfants en classe I ou III.
En conclusion, les enfants présentent en fonction de leur
dysmorphie sagittale des inclinaisons différentes des bases
maxillaires et mandibulaires par rapport à la colonne vertébrale
: la posture céphalique serait corrélée aux dimensions
verticales mais aussi sagittales de la face.
Un angle mandibulaire important est reconnu être une
caractéristique d’une extension de la tête et d’une inclinaison de
la colonne cervicale, c’est-à-dire d’une posture craniocervicale
en extension. De façon identique, les hypodivergents ont une
posture céphalique orientée vers le bas et ont une lordose
cervicale supérieure marquée [10] .
VER
OPT CVT
Figure 3. Analyse de la posture céphalique et du cou en fonction des
malocclusions par analyse céphalométrique en position naturelle de repos
à travers l’angulation craniocervicale, par Solow et Sonnesen [18] .Des
relations significatives ont été trouvées entre la posture céphalique et le
degré d’encombrement dentaire.
d’autre part sur la posture basse induite de la langue qui
conduirait à la constriction de l’arcade maxillaire et à une
béance antérieure suite à la différence de vitesse d’éruption
entre les secteurs antérieurs et postérieurs, complétant ainsi le
syndrome de long face.
Solow et Sonnesen [18] indiquent qu’il existerait des relations
entre la posture craniocervicale et le degré d’encombrement
dentaire. Leurs résultats sont en accord avec l’hypothèse d’un
étirement des tissus mous provoqué par la posture craniocervicale
en extension et réduisant le développement transversal lors
de la morphogenèse des arcades dentaires. Au-delà d’un encombrement
de 2 mm, l’angle craniocervical serait plus grand de 3°
à 5°. Un tel mécanisme pourrait avoir des implications dans la
stratégie d’alignement des arcades et, en particulier, dans la
décision d’extraction lors d’un traitement orthodontique
(Fig. 3).
La revue de la littérature indique que la posture céphalique
serait corrélée aux dimensions verticales de la face. D’Attilio et
Incidences de la posture céphalique
sur la direction de croissance
Solow et Tallgren [17] ont montré les relations existant entre
la posture céphalique, la langue et les structures associées.
Solow et al. [20] ont montré, par des études longitudinales,
l’existence de corrélations significatives entre elles. Il semble
qu’une diminution de l’angle craniocervical soit reliée à une
croissance mandibulaire de type antérieur ; inversement, un
angle craniocervical important pourrait être en relation avec des
dimensions mandibulaires plus petites, un rétrognathisme
mandibulaire ou un angle mandibulaire ouvert (Fig. 4).
Les relations trouvées entre les angulations craniofaciales et le
type de croissance de la mandibule soulèvent les questions
suivantes :
• la posture céphalique peut-elle être un facteur déterminant du
schéma de croissance mandibulaire ?
• quels facteurs peuvent-ils induire des changements à long
terme de l’angulation craniocervicale, indicateurs des changements
de posture céphalique ?
Les études de Solow et Kreiborg [21] apportent des réponses en
montrant les relations existant entre la posture céphalique, la
morphologie craniofaciale et le mode de respiration, ou encore
par les résultats des études sur les conséquences du syndrome
d’obstruction nasopharyngée, qui associe une augmentation de
l’angulation craniocervicale et un développement vertical de la
mandibule et de la face dans son ensemble.
A
B
Figure 4.
A, B. Mise en évidence par Solow et Siersback-Nielsen [20] , par des études longitudinales, de l’existence de corrélations significatives entre le changement de
l’angulation craniocervicale et le type de croissance mandibulaire : il semble qu’une diminution de l’angle craniocervical soit reliée à une croissance
mandibulaire de type antérieur ; inversement, un angle craniocervical important pourrait être en relation avec des dimensions mandibulaires plus petites, un
rétrognathisme mandibulaire ou un angle mandibulaire ouvert.
4 Odontologie/Orthopédie dentofaciale

Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale 23-474-B-10
Cooke et Huggare [22] ont montré que la morphologie de l’arc
dorsal de l’atlas a une incidence sur la posture mandibulaire et
la direction de croissance mandibulaire. La hauteur de l’atlas
serait un facteur prédictif significatif de la direction de la
croissance mandibulaire. Pour ces auteurs, l’association de la
morphologie de l’atlas avec la posture céphalique déterminée
par l’angulation craniocervicale pourrait permettre d’analyser
précocement la direction de la croissance faciale.
Incidences de la posture céphalique sur la posture
corporelle
La posture céphalique est en relation avec la position au
repos du cou et du reste du corps.
Les postures pathologiques céphaliques sont parfois les
conséquences de malformations de la colonne cervicale ou
d’anomalies musculaires pathologiques de type myopathies,
congénitales ou traumatiques. Le torticolis congénital ou les
myopathies provoquent des activités asymétriques des muscles
sterno-cléido-mastoïdiens, des muscles masséters et des muscles
temporaux. Cet asynchronisme musculaire pendant la posture
mandibulaire, la déglutition et l’occlusion maximale entraîne
parafonctions et compensations dans la posture corporelle à
l’origine de contractures musculaires dorsales pathologiques [23] .
■ Posture mandibulaire
Les traitements orthopédiques sont basés sur la sollicitation
des sites de croissance maxillaire et mandibulaire pour obtenir
une normalisation du cadre squelettique. Des modifications de
la posture mandibulaire sont ainsi obtenues consécutivement
aux changements structuraux des bases osseuses. La variation de
la posture mandibulaire se réalise progressivement, contrairement
aux modifications induites par les mouvements chirurgicaux.
La dynamique des articulations temporomandibulaires, la
valeur de l’espace libre, l’orientation des muscles élévateurs qui
participent à la position de repos mandibulaire, sont des
paramètres susceptibles de bouleversements au cours des
traitements orthodontiques.
Une analyse clinique approfondie met en valeur les examens
indispensables pour une prévention et une surveillance de
l’acquisition de nouvelles données physiologiques nécessaires à
la stabilité thérapeutique.
Éléments de diagnostic
Définitions
La position de repos a été décrite comme la posture de la
mandibule déterminée par la longueur au repos des muscles
élévateurs et abaisseurs, lorsque le sujet est assis ou debout en
position verticale. Le terme position de repos physiologique a
été employé pour indiquer que la musculature de la mandibule
se trouve dans une position de contraction tonique minimale
afin de maintenir la posture et de contrebalancer la force de
pesanteur.
Ramford et Ash [24] définissent de nombreuses positions de
repos qui déterminent une « zone de repos », admettant des
changements mineurs avec la croissance et le vieillissement,
mais qui est relativement stable. La position de repos varie
cependant au cours de la journée en fonction de l’activité de
l’individu.
Posselt [25] pense que la posture mandibulaire définit la
« dimension verticale de posture » et qu’elle ne peut être étudiée
qu’en « présence d’un rythme respiratoire calme et d’une
tranquillité émotionnelle et psychique », en relation avec une
résistance élastique des tissus rétrocondyliens.
La posture mandibulaire varie constamment et ne peut pas
être considérée comme une référence craniomandibulaire
puisqu’elle dépend strictement de la posture céphalique selon
Woda et al. [26] .
Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Moyens d’étude
Examen clinique de la position de repos
Cet examen met en évidence l’existence d’une distance
interocclusale, ou espace libre, en moyenne de 1,7 mm.
Lorsqu’elle est déterminée par électromyographie, sur une base
d’une activité musculaire minimale, on obtient un espace libre
à 3,3 mm de moyenne dans une zone de repos mandibulaire
dont l’étendue est de 11 mm [24] .
Cet espace libre entre les arcades, défini par la position de
repos, est une caractéristique individuelle et serait immuable
pour de nombreux auteurs. Une augmentation de la dimension
verticale d’occlusion (par exemple, lors de port d’une plaque de
surélévation interincisive), suite à des modifications occlusales
dues à des mouvements orthodontiques incisifs ou molaires, ne
modifie pas la dimension de l’espace libre.
L’examen facial de face permet de juger de la symétrie faciale,
au repos et en relation d’intercuspidation maximale, et d’effectuer
un diagnostic différentiel lors de suspicion de déviation
fonctionnelle du chemin de fermeture. L’examen endobuccal
permet la mesure de l’espace libre antérieur et en regard des
molaires de lait, et de vérifier la concordance des points
interincisifs.
Chez l’enfant en denture mixte, des douleurs unilatérales, que
l’enfant situe au tympan ou à la face interne du bord basilaire
mandibulaire, doivent éveiller l’attention du praticien et faire
soupçonner un début de dysfonction craniomandibulaire
(DCM).
La palpation des temporaux, des masséters et des ptérygoïdiens
internes est essentielle.
Cet examen doit se faire aussi en cours de traitement, qu’il
soit orthodontique ou orthopédique, afin de connaître le
potentiel d’adaptation de l’équilibre musculaire aux interférences
créées pendant le traitement.
Études posturales et kinésiologie, selon la méthode
de Clauzade et Darraillars [27]
Un examen postural doit être pratiqué avec enregistrement
sur plate-forme ; une modification de l’occlusion aurait une
répercussion immédiate sur le système postural et inversement.
Examen des articulations temporomandibulaires
Avant d’entreprendre le traitement orthodontique en présence
de perturbations de la cinétique mandibulaire ou de
dysfonctions temporomandibulaires, il est important d’effectuer
un diagnostic précis de cette position de repos par l’examen
préalable et la localisation des perturbations articulaires.
L’examen clinique de la position de repos mandibulaire comporte
un examen des ATM à la recherche d’une pathologie
intra-articulaire pouvant donner lieu à de mauvaises interprétations.
Divers moyens de diagnostic sont proposés.
Interrogatoire à la recherche de symptômes céphaliques.
Egermark-Erickson et al. [28] ont montré que, chez les enfants,
les dysfonctions des ATM pouvaient ne produire aucun symptôme
classique, mais une symptomatologie particulière, comme
la présence de maux de tête ou de douleurs d’oreille, peut ne
pas être retenue par le pédiatre ou l’oto-rhino-laryngologiste.
Les symptômes les plus révélateurs chez un enfant d’une
DCM seraient, pour Sonnesen et al. [29] , des signes de migraine
hebdomadaire, des tensions du temporal antérieur, de l’occipital,
du trapèze, et des faisceaux superficiel et profond du
masséter.
Examen électromyographique des tensions minimales des
muscles masticateurs superficiels (temporal, masséter et
hyoïdiens). Le septième concept de la philosophie bioprogressive
selon Gugino [30] est basé sur des données diagnostiques
précises des dysfonctions à l’aide de l’électromyogramme
monocanal Zérobase à la recherche de l’état de relaxation des
masséters et des sus-hyoïdiens, et pour apprécier l’équilibre
musculaire bilatéral. Cet électromyogramme permet une éducation
fonctionnelle de la musculature périorale [31] .
Étude radiologique. Elle permet de préciser les rapports plus
spécifiques entre la position de repos mandibulaire et la
position condylienne, à l’aide :
5

23-474-B-10 Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale
• des radiotomographies, de l’arthroscanner et de l’imagerie par
résonance magnétique en cas de position méniscale pathologique
;
• de l’axiographie et de l’étude tridimensionnelle de la position
mandibulaire par l’indicateur de position mandibulaire (MPI
du système SAM), selon la méthode de Slavicek [32] .
Palpation préauriculaire. Elle permet de saisir le trajet
condylien lors des mouvements d’ouverture et de fermeture. En
présence d’une latérodéviation fonctionnelle, les condyles ont
une position symétrique dans les cavité glénoïdes, en bouche
ouverte, et en occlusion centrée le condyle du côté opposé à la
déviation occupe une position plus antérieure, réalisant une
diminution de la hauteur de l’étage inférieur, illustrant ainsi la
loi de la dimension verticale de Planas.
L’exploration de ces moyens permet dans de nombreux cas
d’éliminer ou d’affirmer une pathologie intracapsulaire vraie et
le cas échéant d’avoir recours à une gouttière de
repositionnement.
Postures mandibulaires pathologiques
Les incoordinations posturales du nourrisson peuvent être
liées à des anomalies anatomiques (fentes labiales) ou à un
trouble psychologique primaire. Elles peuvent être supprimées
par un apprentissage rapide des fonctions buccales aidé par le
réflexe de nutrition. Cette rééducation de la posture mandibulaire
dépend de l’apprentissage de la déglutition grâce au
maintien de l’alimentation maternelle, de la stimulation des
lèvres et de la zone palatine antérieure pour obtenir une
herméticité buccale.
Les pathologies de la posture mandibulaire de l’enfant ou de
l’adolescent sont en relation avec une anomalie du chemin de
fermeture lors de la présence de dysmorphoses des classes II, III
ou d’endoalvéolies supérieures associées respectivement à une
« double occlusion », un proglissement, une latérodéviation
mandibulaire complétant le syndrome de Cauhepe-Fieux.
Les adultes peuvent présenter des pathologies de la posture
mandibulaire qui sont le témoignage d’un déséquilibre musculaire
en relation possible avec une pathologie occlusale ou
articulaire. Une approche thérapeutique psychoémotionnelle ou
l’élimination d’épines irritatives occlusales permet de soulager
les hyperactivités des muscles élévateurs responsables d’une
absence ou d’un trouble du rythme de l’activité posturale
mandibulaire, qui peut faire partie du tableau clinique du
bruxisme.
Le bruxisme se situe aux confins de la psychologie, de
l’odontologie et de la psychiatrie. La thérapeutique par gouttières
de désengrènement occlusal permettrait de retrouver un
espace libre au repos et un interligne articulaire myofonctionnel
asymptomatique. Slavicek [32] considère « qu’il est complètement
faux de considérer l’occlusion et l’articulation comme
causalité de cette parafonction » : la cause principale du
bruxisme serait d’origine psychique et non d’origine occlusale.
Posture mandibulaire et dysmorphies
Peut-on associer une dysmorphie squelettique à une posture
mandibulaire particulière ?
Posture mandibulaire et dysmorphies verticales
Chez les hyperdivergents, Konchak et al. [33] ont trouvé que
l’espace libre serait réduit ; chez les hypodivergents, au
contraire, il serait augmenté. Michelotti et al. [34] confirment
que la position de repos mandibulaire est plus basse pour les
hypodivergents que pour les hyperdivergents. Ils ont constaté
une nette diminution de l’activité électromyographique
au-dessous d’un espace libre de 3à4mm;unespace libre faible
serait donc accompagné d’une réduction sensible de l’activité
des muscles masticateurs [34] .
Depuis Haas [35] , on admet que la sangle ptérygomassétérine
est large chez les hypodivergents, insérée en avant des molaires,
alors qu’elle est étroite et insérée postérieurement aux molaires
chez les hyperdivergents.
Lowe et al. [36] confirment ces résultats en trouvant des
corrélations significatives entre les localisations sur le ramus du
masséter et du ptérygoïdien médial, et l’ouverture de l’angle
goniaque : plus l’angle goniaque est ouvert et le ramus court,
plus les insertions du masséter et du ptérygoïdien médial sont
postérieures.
Certains auteurs ont trouvé des activités électromyographiques
différentes au repos, en fonction du schéma squelettique
vertical : pour Ahlgren et al. [37] , seule l’activité du faisceau
postérieur du temporal serait corrélée avec la divergence
mandibulaire.
Posture mandibulaire et dysmorphies sagittales
Le sens sagittal n’aurait pas d’incidence sur l’importance de
l’espace libre. Konchak et al. [33] trouvent des valeurs allant de
2,9 mm ± 1,4 mm pour, respectivement, les classes I et III.
Ricketts [38] a noté que l’espace libre est nettement supérieur
dans les classes II division 2.
Antonini et al. [39] ne peuvent obtenir de silence électromyographique
lors de la position de repos dans les dysmorphoses de
classe II/2 et de classe III, ce qui signerait une « zone de repos
musculaire » très étendue, avec une apparition possible de
fatigue musculaire.
Aspects neurophysiologiques de la posture
mandibulaire
Différents intervenants
La posture habituelle de la mandibule, ou position de repos,
résulte de l’action combinée des forces qui s’appliquent à la
mandibule. Les principaux facteurs sont :
• le tonus des muscles élévateurs et abaisseurs ;
• la pesanteur ;
• l’élasticité musculaire ;
• la différence de pression entre le milieu extérieur et la cavité
buccale.
Une activité tonique des motoneurones trigéminaux et des
muscles élévateurs a pu être enregistrée pendant la position de
repos par la plupart des expérimentateurs [40] .
La posture mandibulaire varie comme le tonus, qui est défini
comme étant la tension légère à laquelle est soumis un muscle
squelettique à l’état de repos et qui disparaît après section du
nerf moteur.
Le mécanisme fondamental du tonus musculaire réside dans
la contraction asynchrone des unités motrices et donc des fibres
musculaires qui sont tour à tour activées.
Le fonctionnement alterné des fibres musculaires est entretenu
par les motoneurones qui émettent des potentiels d’action
dont la fréquence dépend du niveau de dépolarisation des
membranes cellulaires et dendritiques de la cellule.
Pour comprendre la genèse du tonus, il faut connaître
l’origine des influx susceptibles de modifier la polarisation
membranaire du motoneurone.
Les différents facteurs neurophysiologiques pouvant influencer
la posture mandibulaire se situent à un ou plusieurs des
étages suivants :
• issus des formations suprasegmentaires de la formation
réticulée et du cervelet ;
• issus de structures segmentaires spécialisées comme les
récepteurs vestibulaires et ceux des vertèbres cervicales ;
• facteurs d’origine segmentaire, directement liée au réflexe
myotatique et à la boucle c.
Rôle des formations suprasegmentaires
La formation réticulée reçoit des informations en provenance
de toutes les structures sensitives impliquées dans le tonus : c’est
donc un élément essentiel dans le contrôle du tonus musculaire.
De même, la très grande richesse des connexions efférentes
du cervelet lui permet d’assurer un contrôle sur les grandes
voies motrices impliquées dans le tonus.
Le syndrome de Moebius est une rare maladie congénitale
caractérisée par la paralysie du nerf facial, accompagnée d’un
strabisme unilatéral [41] . Au plan facial, le syndrome de Moebius
induit de multiples anomalies : agénésies multiples, micrognathie
mandibulaire, paralysie ou hypoplasie de la langue, absence
de mimique faciale et paresse du voile du palais [42] .
6 Odontologie/Orthopédie dentofaciale

Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale 23-474-B-10
Figure 5. A à E. Syndrome de Moebius chez une enfant de 9 ans avec une inocclusion sévère, une posture basse linguale qui conduira à la verticalisation
sévère de l’étage inférieur. Le syndrome de Moebius est caractérisé par une paralysie du nerf facial, une micrognathie mandibulaire, une paralysie ou une
hypoplasie de la langue, une absence de mimique faciale et une paresse du voile du palais [42] . La paralysie faciale induit une posture mandibulaire
pathologique due à l’aplasie des muscles élévateurs de la mandibule, à l’inocclusion labiale et à une posture linguale anormale.
La paralysie faciale induit une posture mandibulaire pathologique
due à l’aplasie des muscles élévateurs de la mandibule, à
l’inocclusion labiale et à une posture linguale anormale. Cette
atonie musculaire faciale est le résultat de la dysplasie ou de
l’aplasie du nerf facial [43] . Le système nerveux périphérique
facial n’est pas affecté par le syndrome de Moebius. La neurochirurgie
pourrait être une solution pour permettre les prémices
d’une motricité faciale et serait envisagée par l’innervation du
masseter à partir d’une branche nerveuse du trijumeau, permettant
ainsi une élévation des commissures lors du sourire et la
fermeture buccale [44] (Fig. 5).
Rôle des formations segmentaires spécialisées,
récepteurs visuels, vestibulaires,
et des articulations cervicales
Mécanisme
Les récepteurs visuels et vestibulaires, capables de renseigner
l’individu sur sa position dans l’espace par rapport à la verticale
(canaux semi-circulaires ou organes utriculaires), informent les
métamères spinaux et céphaliques qui mettent en jeu les
motoneurones a et c (oculomotricité) : les afférences vestibulaires
interviennent dans la genèse du tonus de posture mandibulaire
par leur action dans le positionnement de la tête (Fig. 6).
L’étude de Perinetti [45] par enregistrements posturologiques
en variant le facteur de perception visuelle confirme l’influence
significative des récepteurs visuels sur la variation de la position
de repos mandibulaire.
Facteurs de variation
La viscoélasticité musculaire et des tissus mous est un facteur
de la posture mandibulaire.
Les opinions varient sur la présence d’une activité électromyographique
des muscles élévateurs pendant la posture
mandibulaire. Il semblerait qu’il se produise une faible activité
électromyographique, difficile à interpréter. Les études récentes
de Ormero et al., et de Rilo et al., (in Woda et al. [26] ) indiquent
la présence d’une activité musculaire des muscles élévateurs
pendant la position habituelle mandibulaire. Le fait que sous
Odontologie/Orthopédie dentofaciale
anesthésie générale ou sous l’effet du curare la mandibule puisse
être manipulée sans aucune résistance suggère aussi la présence
d’activité musculaire au repos.
Cette activité musculaire est modulée par l’activité oculaire :
l’ouverture de l’œil entraîne une augmentation de l’activité du
temporal antérieur, et modifie la posture céphalique et corporelle
[26] . Elle est aussi sous la dépendance de l’état de relaxation
ou de fatigue du patient.
Lors de la station érigée et de la locomotion, la pesanteur
impose un axe vertical de référence pour le développement des
tensions musculaires.
L’impact de la marche et de la course sur le port de la tête
est très faible. Les mouvements de la mandibule par rapport au
maxillaire dépendent du type et de la rapidité du déplacement
du corps, et des effets de la décélération sur la posture céphalique.
Le déplacement maximal de la mandibule par rapport au
crâne est de 1 mm, même au cours d’une course très rapide. Les
mécanismes qui limitent les mouvements verticaux de la
mâchoire à l’origine de cette étroite marge ne sont pas connus,
mais dépendent de la viscoélasticité des tissus mous et des
réflexes d’étirement des muscles élévateurs de la mandibule [46] .
La posture mandibulaire pendant le sommeil chez les adultes
sains est influencée par le degré de profondeur du sommeil,
mais non par la position du corps : le relâchement musculaire
produit une descente de la mandibule et une ouverture buccale
qui est maximale au stade de sommeil profond [47] .
De nombreuses études ont rapporté les relations entre la
posture mandibulaire et la performance sportive et athlétique.
Le port d’un protège-dents ou d’une gouttière a ainsi été proposé.
Les résultats de ces études indiquent que le repositionnement
orthopédique mandibulaire peut amener une diminution
de la fatigue musculaire et donc augmenter la performance
athlétique [48] .
Mécanisme du réflexe myotatique
Concept musculorécepteur
Les muscles élévateurs sont soumis en permanence à l’action
de la pesanteur, qui tend à étirer de façon passive les formations
7

23-474-B-10 Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale
V
Nerf
trijumeau
VII
Nerf facial
IX
Nerf
glossopharyngien
X
Nerf
pneumogastrique
XI
Nerf spinal
XII
Nerf
grand hypoglosse
Temporal 1
Masséter 2
Ptérigoïdien médial 4
Orbiculaire 3
Stylohyoïdien 9
Digastrique postérieur 6
Stylopharyngien 8
Muscles du palais
Larynx
Pharynx
Sterno-cléido-mastoïdien 10
Trapèze 12
Styloglosse 7
Hypoglosse 5
Digastrique antérieur 6
Sterno-cléido-hyoïdien et omohyoïdien 11
12 3
9
Musculature
5
postérieure
céphalique
8
6
1
4
7
10 11
2
Oculomotricité
récepteurs vestibulaires
Ventilation
nasale
Figure 6. Influence du système musculaire hyoglossien dans la posture mandibulaire. La posture mandibulaire au niveau des muscles temporal, masséter et
ptérygoidien médial, induit un abaissement de la mandibule et une augmentation synchrone de l’activité de certains muscles linguaux par des inhibitions du
nerf hypoglosse [40] .
annulospirales et les formations en « bouquet », ce qui provoque
la dépolarisation du motoneurone (réflexe myotatique
trigéminal).
Les récepteurs de Golgi, grâce à leur faible seuil d’excitation,
pendant une contraction musculaire pourraient exercer une
action frénatrice sur le réflexe myotatique : il en résulterait un
équilibre entre les deux influences.
La position de repos mandibulaire n’est pas définie comme
une position stable de référence, mais comme un champ
d’oscillation de positions dont l’amplitude est dépendante des
facteurs de régulation du tonus musculaire.
La participation des récepteurs articulaires dentaires à la
régulation de la posture mandibulaire n’a pas été démontrée ; il
existe des récepteurs intracapsulaires capables de renseigner le
système nerveux central à tout moment sur la position du
condyle dans la cavité glénoïde et de jouer un rôle dans
l’activité tonique des muscles de l’appareil manducateur.
Concept de la boucle c. Intervention du motoneurone
Les recherches ont abouti à concevoir le réflexe d’étirement
comme responsable des compensations actives se réalisant
pendant la posture mandibulaire (in [26] )(Fig. 7).
Les motoneurones c provoquent la contraction des fibres
musculaires fusoriales et produisent l’étirement des formations
annulospirales qui déclenchent le réflexe myotatique. Ce circuit,
motoneurone c, fibre Ia, motoneurone c, est appelé « boucle c »
de rétroaction. Sa fonction principale est de replacer le muscle
étiré ou compressé dans sa longueur initiale.
La régulation de l’activité c peut être effectuée par les centres
suprasegmentaires (formation réticulée et cervelet) et par deux
boucles de rétroaction, dans le métamère et dans les centres
supérieurs. En effet, il est important de savoir que la réponse
réflexe engendrée par l’étirement musculaire n’est pas stéréotypée
mais est continuellement modulée par une grande convergence
d’implusions segmentaires et descendantes reçues par le
motoneurone a. Des déplacements importants opérés par le
réflexe d’étirement sont sous l’influence de servomécanismes
transcorticaux [49] . La posture du corps, et de la mandibule en
particulier, est programmée de façon centrale et résulte de la
coordination de plusieurs sous-programmes. Une revue
récente [50] rapporte un modèle d’organisation de la posture
dévié des expérimentations de microgravité. Ces chercheurs
suggèrent l’existence d’une représentation interne du corps non
Occlusion
HMP
RRP
0 10 20 30
Distance interocclusale (mm)
Figure 7. Représentation schématique des liaisons entre la distance
interocclusale en abscisse, la force musculaire de fermeture en ordonnée,
l’activité électromyographique (EMG) et les différentes positions de la
mandibule comme la posture habituelle mandibulaire (HMP), la position
de repos (RRP), la position de fermeture maximale (HMBF). Construction
à partir d’une méta-analyse de Woda et al. [26] .
basée sur des informations sensorielles, mais sous la dépendance
de la masse et de l’inertie corporelles, et de l’orientation du
corps par rapport à la verticale.
Facteurs de variation
Cette régulation de la boucle peut se manifester dans trois
circonstances :
• en fonction de différents paramètres (modification des
contacts occlusaux), l’activité c décide du nouveau seuil de
sensibilité du réflexe myotatique et donc impose une nouvelle
longueur du muscle lors de la posture mandibulaire (ce
qui expliquerait la théorie de l’invariabilité de l’espace libre) ;
• en raison d’une modification du niveau de vigilance, l’activité
c est différente pendant le sommeil ou lors d’une activité
physique intense (postures et marathoniens) ;
• lors d’une activité phasique, liée aux mouvements volontaires
(contrairement à l’activité tonique liée aux postures), la
boucle de rétroaction longue intervient afin de régler la
sensibilité du fuseau musculaire.
Certaines fibres du temporal interviendraient dans la posture
mandibulaire. Ericson et Thornell [51] attribuent au ptérygoïdien
HMBF
EMG
Force
de morsure
maximale
8 Odontologie/Orthopédie dentofaciale

Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale 23-474-B-10
latéral et au masséter profond, qui offrent une forte contraction
de fibres musculaires à fréquence de tétanisation basse, l’essentiel
des efforts toniques. Le muscle ptérygoïdien latéral serait
responsable des mouvements horizontaux de la mandibule
mais, pour Murray et al. [52] , ne jouerait aucun rôle dans la
posture mandibulaire.
Slavicek [32] insiste sur le rôle de la boucle d’asservissement
qui lie ces intervenants musculaires posturaux aux zones
psychiques du système nerveux central.
Posture mandibulaire et articulations
temporomandibulaires
Normalité articulaire
Slavicek [32] considère, à l’aide de l’axiographie et à partir de
la détermination des trois positions mandibulaires, de repos,
d’intercuspidation maximale et de relation centrée, l’inclinaison
de la pente condylienne par rapport au plan axe charnièreorbitale
qui est de 60° chez l’adulte et de 30° chez l’enfant au
début de son stade de denture mixte.
L’interligne articulaire en position de repos serait plus
important pour les brachycéphales, notamment dans les classes
II division 2, présentant une supraclusion accentuée. La linguoversion
des incisives supérieures exercerait une compression
méniscale lors de l’occlusion terminale habituelle.
Un soulagement réflexe se produirait par glissement le long
de la pente incisive jusqu’à une position de confort mandibulaire
qui objectiverait une position de repos mandibulaire plus
basse, avec un espace libre molaire plus important.
Dysfonctions craniomandibulaires
Les dysfonctions craniomandibulaires témoignent de la
présence de troubles des postures autres que mandibulaires,
telles les pathologies dorsales, cervicodorsales et rachidiennes.
Ces constatations d’un possible syndrome pathologique général
sont à l’origine de théories étiologiques faisant appel aux
concepts des chaînes musculaires, des chaînes articulaires et des
chaînes faciales.
Dans le concept des chaînes musculaires, on admet que le
déséquilibre musculaire d’un muscle engendre une réaction
analogue sur les muscles du même système dynamique.
Dans le concept des chaînes articulaires, on admet qu’une
dysfonction articulaire fait apparaître à distance une autre
dysfonction en un point où convergent les principales
contraintes induites par la lésion initiale.
Dans le concept des chaînes faciales (concept proche des
théories de Delaire [53] ), on admet que les aponévroses ainsi que
les méninges constituent un système de tension réciproque sur
lequel se répercutent les déséquilibres engendrés par les
contraintes, les traumatismes et la pathologie inflammatoire.
L’équilibre fonctionnel de la mandibule par rapport au crâne,
pour certains auteurs, ne peut être considéré comme fonctionnellement
correct qu’à condition que les éléments qui composent
le système manducateur ne provoquent sur le reste de
l’organisme aucune lésion.
Ces conceptions incitent à connaître :
• si les perturbations fonctionnelles sont causales ou adaptatives
;
• si la dysfonction doit être considérée comme la cause ou
comme l’effet d’une pathologie d’ordre général ;
• si la lésion est descendante ou ascendante.
La posture corporelle pourrait favoriser l’apparition de DCM
et affecter la position du disque temporomandibulaire. Landouzy
et al. [54] ont montré les liens étroits entre la posture
corporelle et l’équilibre mandibulaire. La posture, par son action
sur la charnière cervico-occipitale et les muscles hyoïdiens,
participe à l’équilibre de la mandibule et des ATM.
Une étude récente sur des sujets atteints n’a pas permis de
mettre en évidence une relation entre la posture rachidienne et
la présence de dysfonctions intracapsulaires [55] .
Une hyperactivité musculaire a été révélée chez les patients
présentant une DCM d’origine musculaire. De nombreuses
études ont démontré que le port d’une gouttière occlusale
Odontologie/Orthopédie dentofaciale
provoquait des changements des postures céphalique et mandibulaire,
et une modification de l’activité musculaire cervicale.
Ormeno et al. [56] ont montré que le port d’une gouttière
occlusale pendant le sommeil et les heures de loisirs amène une
relaxation musculaire et réduit l’apparition de spasmes musculaires,
ce qui est objectivement démontré par une diminution
de l’activité électromyographique des muscles élévateurs
mandibulaires et cervicaux, des muscles masséters et des
sterno-cléido-mastoïdiens.
Relations entre posture mandibulaire
et posture céphalique
Synchronisme de maturation des postures
céphalique et mandibulaire
L’absence d’oropharynx chez le nouveau-né avec une situation
très haute de l’os hyoïde, à hauteur de C1-C2, l’absence
d’inflexion basicrânienne, l’horizontalité des choanes, permettent
au nourrisson de ventiler et d’avaler simultanément [57] .
Les importantes modifications cervicocéphaliques comme la
descente de l’os hyoïde et l’inflexion basicrânienne réalisées
avec la maturation des fonctions, la création de l’oropharynx,
influent sur la posture mandibulaire. Le développement axial de
la gouttière pharyngée est l’événement dominant de l’évolution
architecturale marquée par l’ascension du crâne par rapport à
l’os hyoïde. La croissance du rachis cervical fournit ainsi la
hauteur d’appui nécessaire à la musculature nucale pour
soulever le crâne et augmenter la distance du rachis à l’os
hyoïde.
L’allongement postnatal du pharynx est plus ample que la
croissance concomitante des vertèbres cervicales correspondantes.
La position de l’os hyoïde en C1-C2 se retrouve en quelques
années à la hauteur de celui de C3-C4.
La croissance rachidienne cervicale provoque une divergence
entre les ancrages crâniens et hyoïdiens des muscles linguaux,
ce qui modèle la base linguale et provoque la coudure de la
portion antérieure à hauteur des insertions des piliers antérieurs
du voile [58] . Ces modifications ont aussi de lourdes conséquences
sur la posture mandibulaire assujettie à la posture linguale
et aux déplacements par la croissance de la cavité glénoïde liée
à l’évolution de la base du crâne.
La maturation de la posture crâniocervicale et le contrôle de
la lumière pharyngée sont deux mécanismes concomitants.
La descente de l’os hyoïde en rapport à la croissance du
rachis cervical varie en fonction du schéma vertical : la descente
serait moindre chez les brachyfaciaux que pour les
dolichofaciaux.
Le contrôle de la position sagittale et verticale de l’os hyoïde
par rapport au rachis cervical est indispensable à une ventilation
normale.
L’ontogenèse de l’oropharynx a un retentissement sur la
conformation de la mandibule. L’action des muscles mylohyoïdiens
en association avec les ligaments ptérygomandibulaires et
leurs annexes jouent un rôle, selon Talmant et al. [59] , dans la
soutenance du plancher, permettant ainsi la détermination de la
posture primitive mandibulaire dans les 2 premières années
alors que le cartilage symphysaire est encore actif. Les lignes
mylohyoïdiennes fournissent une référence géométrique permanente
à la musculature concernée par la maintenance des
postures : linguale, mandibulocrânienne et craniocervicale.
Modifications des postures corporelle
et céphalique
La modification de la posture céphalique influe sur la
position verticale mandibulaire. Le tonus de l’appareil manducateur
varie avec la position de la tête par rapport à la verticale.
En position allongée, l’activité électromyographique du temporal,
du digastrique et du ptérygoïdien latéral est réduite.
L’activité du muscle ptérygoïdien latéral est maximale lorsque la
posture céphalique fait un angle de 45° par rapport à la verticale
et présente un espace libre augmenté de 1 mm.
La posture corporelle aurait des influences sur la posture
mandibulaire. Tecco et al. [60] ont trouvé une augmentation des
9

23-474-B-10 Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale
activités électromyographiques des muscles temporal antérieur,
masséter, sterno-cléido-mastoïdien et trapèze inférieur sur des
patients présentant des lésions d’un ligament croisé antérieur
d’un genou et une activité plus faible en contraction maximale
de ces muscles par rapport à un groupe témoin sain.
Une modification de la position du centre d’appui du corps
entraîne un changement d’activité électromyographique de la
tête, du cou et des muscles du tronc.
Ces auteurs démontrent ainsi les corrélations entre le système
masticateur et la posture corporelle.
Les variations de l’occlusion induites par le port d’une
gouttière de repositionnement mandibulaire provoquent des
modifications de la position posturale. Des études ont montré
que ces modifications dans l’attitude dynamique posturale
peuvent se manifester et continuer après la dépose de la
gouttière par les effets du feed-back musculaire [61] .
Pathologies ventilatoires et posture
mandibulaire : syndrome d’apnée
obstructive du sommeil
Ingervall et Thuer [62] ont observé, lors de la posture mandibulaire,
des pressions jugales différentes exercées sur les molaires
supérieures, en fonction de la posture céphalique : des hausses
de pression très sensibles ont été trouvées sur les procès
alvéolaires lorsque la tête était en extension et la mandibule en
position de repos. Ces auteurs ont ainsi évoqué le facteur
respiratoire comme responsable, par modifications des pressions
musculaires.
La position allongée produit une diminution des dimensions
des voies aériennes au niveau du pharynx. Smith et Battagel [63]
confirment qu’une posture mandibulaire plus avancée pendant
le sommeil dégage l’espace aérien et ainsi réduit le potentiel de
survenue de ronflements. Une étude menée sur des ronfleurs
non apnéiques a montré que la propulsion mandibulaire
provoquée pendant la position allongée produisait une augmentation
de l’espace fonctionnel pour la langue [15] .
La perméabilité nasale est directement liée aux postures
mandibulaire et céphalique, et décroît progressivement de la
position assise à la position allongée [64] .
Les enregistrements électromyographiques du génioglosse et
du géniohyoïdien indiquent des activités différentes en fonction
du mode de respiration, nasal ou buccal, et de la posture
corporelle, debout ou couchée.
Le port des appareils de propulsion mandibulaire dans les cas
d’apnée obstructive a été étudié et provoque au bout de 7 ans
une augmentation de l’angle mandibulaire et de l’angle ANB, la
diminution des surplombs et recouvrement incisifs, la labioversion
des incisives mandibulaires et l’augmentation de la hauteur
faciale. Cette étude à long terme montre que les traitements
orthopédiques des patients présentant un SAOS provoquent un
changement des positions dentaires et peuvent aussi affecter la
posture mandibulaire [65] .
Les apnées obstructives du sommeil ne sont pas souvent
diagnostiquées et présentent un grave danger pour la santé
puisque ce syndrome serait coresponsable d’une élévation du
taux de mortalité chez ces malades. La médecine du sommeil
est un champ de recherche relativement nouveau auquel notre
questionnaire médical ciblé pourrait éviter un dépistage tardif.
Les patients atteints de SAOS sévère présentent un rétrognathisme
maxillomandibulaire très important, avec un angle
mandibulaire élevé et une hauteur faciale postérieure
diminuée [66] .
Incidences des thérapeutiques
sur la posture mandibulaire
Orthodontie posturale
L’orthodontie posturale s’intéresse à la posture mandibulaire
aux plans musculaire, squelettique et dentaire simultanément.
Elle combine des mécaniques fonctionnelles et fixes, et respecte
la posture mandibulaire pendant les étapes de biomécanique
dentaire. Elle repositionne la mandibule, rééduque la musculature
et mobilise la denture dans le même temps. Les appareils
utilisés sont : les plans de propulsion, les plans de morsure, le
propulseur mandibulaire et les appareils interocclusaux [16] .
Modifications de la dimension verticale
d’occlusion (DVO) et posture mandibulaire
La dimension verticale posturale varie en fonction de modifications
de l’occlusion dentaire induites par les forces orthodontiques
et de modifications induites par la croissance des
bases osseuses et la morphogenèse des arcades. Ces variations
ont-elles des conséquences sur la posture mandibulaire et sur
l’équilibre postural des ATM ?
Dawson (in [26] ) disait : « Il ne faut pas changer la dimension
verticale et ne pas ouvrir l’occlusion ».
Les retentissements sur la physiologie des ATM font l’objet de
controverses.
Plusieurs auteurs, comme l’ont rapporté Rivera-Morales et
Moht [67] , ont confirmé que les modifications de la dimension
verticale peuvent être la cause de désordres articulaires, de la
mastication, de perforations méniscales, de dyspraxies de la
déglutition, de paresthésie linguale, de vertiges, de sécheresse
salivaire, de maux d’oreilles et de perte du tonus des muscles
masticateurs.
D’autres études ont montré qu’il n’y a pas de preuve de lien
direct entre une altération provisoire de la dimension d’occlusion
et l’apparition de désordres temporomandibulaires.
Aucune relation n’existerait entre les désordres craniomandibulaires
et une diminution de la DVO.
Une augmentation de la DVO, selon Gross et Ormianer [68] ,
au-delà de l’espace libre peut provoquer une ingression dentaire,
une résorption de l’os alvéolaire, une fatigue musculaire, un
bruxisme et des douleurs myofaciales.
Le système manducateur [69] ne souffrirait pas de détérioration
lors de l’augmentation de la DVO suite à une réhabilitation
prothétique, ce qui est utilisé avec succès lors du port d’une
gouttière dans le traitement des désordres craniomandibulaires.
Un certain degré de récidive peut être rencontré cependant
suite à une augmentation de la DVO et la dimension verticale
ne retourne pas à sa valeur initiale, même si l’augmentation a
été faite de plusieurs millimètres [68] .
La récidive après augmentation de la DVO serait due à
l’augmentation des tensions des muscles masticateurs [70] .Le
tonus musculaire diminuerait pour préserver l’espace libre lors
d’une augmentation de la DVO.
Ces mécanismes physiologiques servent de base à la détermination
de la dimension verticale physiologique et de la posture
mandibulaire idéale d’un patient, qui s’effectue par tâtonnement,
en déterminant une zone maximale d’augmentation de la
DVO, jusqu’à trouver une position confortable.
Influence de la chirurgie orthognathique
La propulsion mandibulaire chirurgicale provoque un déplacement
en avant de l’os hyoïde et la région labiomentonnière
migre vers l’avant et le bas, selon Faure et Casteigt [71] et Laine-
Alava et al. [72] .
L’espace aérien pharyngé dans l’oropharynx et l’espace
rétrolingual à la base de la langue bénéficient une augmentation
immédiate. L’ostéotomie d’avancée mandibulaire permet une
augmentation du couloir aérien et peut constituer un traitement
primaire pour certains patients présentant des apnées du
sommeil.
Les postures mandibulaire et linguale subiront de par les
modifications d’orientation des muscles élévateurs, hyoglosse et
stylohyoïdiens, des bouleversements et de nouvelles programmations
neurophysiologiques s’organiseront progressivement.
La chirurgie de recul mandibulaire provoque un déplacement
inférieur et caudal de l’os hyoïde et un redressement de la tête.
Cette chirurgie de recul mandibulaire altère les relations entre
l’os hyoïde, l’espace aérien pharyngé et la posture céphalique.
Le contact palatolingual est augmenté et l’espace aérien oropharyngien
est réduit ; de ce fait, l’angulation craniocervicale est
augmentée, signant une hyperflexion cervicale de compensation.
Les conséquences iatrogènes du recul chirurgical de la
10 Odontologie/Orthopédie dentofaciale

Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale 23-474-B-10
mandibule sont donc à prendre en compte dans la décision
chirurgicale en fonction du type respiratoire diurne et nocturne
du patient [73] .
L’augmentation de la dimension verticale par chirurgie
d’abaissement du plateau palatin et greffes associées est instable
et le gain final serait une augmentation de 15 % de l’étage
inférieur. Les interactions musculaires des masséters et temporaux
seraient importantes dans ce processus de récidive selon les
études de Ellis et al. [70] .
Les enregistrements électromyographiques, avant et après
chirurgie bimaxillaire de normalisation de la dimension de
l’étage inférieur, signent un profond bouleversement du tonus
musculaire au repos. Une augmentation du tonus au repos
semble être constante lors des augmentations de l’étage inférieur,
engendrant des craintes pour la stabilité postchirurgicale
[74] .
“ Point fort
Les résultats des recherches ont montré que la DVO peut
être augmentée sans conséquences néfastes en raison des
mécanismes d’adaptation basés sur un contrôle
physiologique et sur la structure des muscles
masticateurs [74] .
■ Posture linguale
Définitions de la posture linguale
Après le stade de denture mixte stable, selon Fournier [75] ,la
pointe de la langue doit être normalement au contact de la
papille rétro-incisive, le dos de la langue affleure la concavité du
palais dans son ensemble, et les bords sont étalés contre les
collets des dents latérales et antérieures supérieures, ce qui
permet à la base de la langue de libérer le carrefour aérien
supérieur et de faciliter la respiration nasale : selon Talmant et
al. [59] , la fonction ventilatoire impose à l’appareil hyolingual de
se maintenir en avant du plan rachidien et ces conditions
respiratoires sont inséparables de la statique craniovertébrale.
Cette posture linguale physiologique permet aussi le développement
sagittal et transversal du palais, et le positionnement
correct de la mandibule.
Moyens d’étude de la posture linguale
Examen clinique
La langue au repos implique une position des lèvres jointes
et les muscles orofaciaux détendus, ce qui interdit l’examen
clinique direct. La posture linguale est dépendante en grande
partie des caractéristiques anatomiques du frein lingual et de
son volume.
Il reste déterminant par l’inspection de sa surface, de ses
bords et de son frein, qui peut être responsable d’une posture
trop basse ou trop antérieure.
L’inspection du site appositionnel de la pointe de la langue
se réalise après la déglutition salivaire ou suite aux pressions
digitales provoquant un déplacement lingual en arrière puis vers
le bas. En présence d’une brièveté du frein lingual, la langue
dans le mouvement d’ascension est partagée en deux lobes, la
partie médiane étant retenue par le frein court et, lors de la
protraction, la langue s’enroule autour du frein et se recourbe
vers le bas (Fig. 8).
Dahan [76] insiste sur l’examen du frein lingual qui permet de
diagnostiquer une posture anormale en relation avec une
brièveté du frein ou une ankyloglossie à l’origine d’une langue
basse. La présence d’un frein anormalement court limite en effet
Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Activités EMG des TA et MS
Activités EMG des TA et MS
8
7
6
5
4
3
2
1
Td
0 Tg
0 1 2 3 4 5 Md
Phases de traitement
Mg
5
4
3
2
1
0
0
1
2
Figure 8. Exemples de modifications électromyographiques postchirurgicales
pour deux patients (A, B) ayant subi des variations extrêmes du
FMA (en abscisse, les phases de traitement : 1. avant chirurgie ; 2. immédiatement
après la chirurgie ; 3. 6 mois après la chirurgie ; 4. 1 an après la
chirurgie), en ordonnée les niveaux d’activités électromyographiques des
muscles temporal antérieur (TA) et masséter superficiel (MS) droits et
gauches (in Raberin [74] ).
Figure 9. Ankyloglossie linguale partielle par frein lingual court avec
diminution de la mobilité et bifidité de la pointe due à une zone d’insertion
trop large.
les déplacements de la langue et la maintient dans une position
antérieure (Fig. 9). Si le frein lingual est d’une longueur
normale, la pointe de la langue peut s’élever et toucher la
papille rétro-incisive tout en ayant une ouverture buccale de
trois doigts.
Pour Dahan [76] , le type de lésion observé dépend de la
hauteur d’insertion du frein labial :
• si l’insertion alvéolaire est haute, au tiers coronaire de la
racine des incisives, on observe une linguoversion des
incisives ;
• si l’insertion alvéolaire est basse, la traction s’effectue aux
apex, provoquant une linguoposition des apex et une vestibuloversion
des incisives ;
• si l’insertion est basale, la langue déserte l’arcade maxillaire,
et favorise une endognathie et une endoalvéolie maxillaires.
Wilder et Gelesko [77] pensent que la longueur du frein
lingual doit correspondre à la moitié de l’ouverture buccale
mesurée entre les incisives. Kotlow [78] donne des critères pour
évaluer l’intensité de l’ankyloglossie et en propose une classification
en quatre classes, de modérée à sévère, en fonction de la
hauteur du frein lingual (de 3 à 15 mm).
L’examen clinique du volume de la langue peut être effectué
selon le test proposé par Romette [79] qui permet d’établir le
diagnostic différentiel entre la projection linguale antérieure et
3
4
5
A
Td
Tg
Md
Mg
B
11

23-474-B-10 Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale
S
N
Spp
I
Spa
II
Go
Usp
Go
III
H
Me
A
Figure 10. Examen téléradiographique de la posture linguale.
A. Analyse de la position de l’os hyoïde par rapport à la base du crâne et à son ancrage mandibulaire.
B. Analyse de la position de la base de la langue, et mesures de la hauteur et de la profondeur de l’espace aérien pharyngé, en corrélation avec les longueurs
du plan palatin et de la mandibule (cas d’extension céphalique antérieure) [82] .
Me
B
la macroglossie, à l’aide d’un miroir situé au niveau du plan
d’occlusion mandibulaire : on demande au patient d’abaisser la
langue en dessous de ce plan ; s’il s’agit d’une macroglossie,
cette opération est impossible à réaliser pour le patient.
Les marques des dents ou indentations sur les bords de la
langue sont pour la plupart des auteurs des signes significatifs
de volume lingual excessif.
Examens complémentaires de la posture
et du volume lingual
Examen téléradiographique
Il est utilisé pour permettre d’apprécier la langue en fonction
de :
• sa situation par rapport au pharynx et à l’os hyoïde ;
• son volume à l’aide de mesures de la hauteur de son dôme
ou des pesées comparatives de surfaces ;
• ses rapports par des constructions géométriques (triangle de
Talmant).
Pae et Lowe [80] ont étudié à travers des téléradiographies la
morphologie linguale chez des sujets présentant des apnées du
sommeil et des sujets sains, en stations érigée et allongée. Des
variations morphologiques linguales ont été observées entre les
groupes apnéiques et non apnéiques. Cette analyse morphologique
en position allongée peut permettre de diagnostiquer les
sujets apnéiques.
Tangugsorn et al. [81] étudient à l’aide d’une analyse céphalométrique
de la morphologie cranio-cervico-faciale et des tissus
mous des voies aériennes supérieures le possible dépistage de
patients susceptibles de développer de SAOS graves. Les patients
présentant un rétrognathisme maxillomandibulaire important,
avec un angle mandibulaire élevé dû à une augmentation de
l’étage inférieur facial, seraient des sujets à risque de développer
un SAOS grave.
En présence d’un déplacement ontogénique excessif de l’os
hyoïde, chez les ronfleurs et les apnéiques, le dos étiré de la
base de la langue s’aligne sur la perpendiculaire élevée de la
grande corne vers le bord postérieur de la voûte palatine et
représente un critère céphalométrique de pronostic. L’aplatissement
de la surface basilinguale semblerait être la conséquence
de l’adaptation en extension de la posture craniocervicale des
apnéiques. La position de l’os hyoïde serait l’expression d’une
adaptation au changement de postures céphalique et linguale,
et serait le principal paramètre permettant la mesure de la
sévérité du SAOS [8] (Fig. 10).
L’analyse céphalométrique permet ainsi de déterminer un
plan de traitement cohérent en rapport avec la gravité du SAOS,
et de différencier les patients à SAOS grave et ceux à SAOS
modéré.
Étude des pressions linguales au repos
Les pressions de la langue sur les dents ont été mesurées par
de nombreux auteurs comme Proffit et Philipps [83] .
De fins capteurs de pression linguale ont été utilisés pour
enregistrer les mouvements linguaux lors de la respiration et
l’activité électromyographique du génioglosse.
Ces microcapteurs ont été insérés dans une très fine plaque
linguale pour les travaux de Takahashi et al. [84] . Les résultats
prouvent une relation étroite entre l’activité du génioglosse et
les mouvements respiratoires. La pression linguale serait
maximale pendant les mouvements respiratoires d’expiration et
minimale pendant l’inspiration. En corollaire, l’activité du
génioglosse montre une amplitude maximale pendant l’inspiration
et minimale pendant l’expiration. La pression de la langue
est significativement plus grande en cas de respiration buccale
que nasale, et dépend de la position debout ou couchée [84] .
Milidonis et al. [85] utilisent des capteurs électromyographiques
pour réaliser une étude de l’activité du génioglosse en
fonction de la posture céphalique neutre ou antérieure. Les
résultats montrent que l’activité du génioglosse est maximale en
extension céphalique antérieure.
Examens complémentaires du volume lingual
Un diagnostic précis du rapport masse linguale/contenant
alvéolodentaire permet d’identifier la macroglossie relative de la
macroglossie vraie.
Les études portant sur le volume de la langue ont utilisé des
techniques variées :
• les téléradiographies de profil déterminent la taille en deux
dimensions, mais les limites musculaires sont floues ;
• la taille de la langue a été déterminée par des empreintes de
la langue ;
• l’imagerie par résonance magnétique reconstitue le volume
lingual, à partir de coupes longitudinales et transversales de
faible épaisseur, ainsi que les volumes de l’oropharynx et de
la cavité buccale ;
• la palatographie permet l’étude des contacts entre la langue
et le palais comme le montrent de nombreux travaux dont
ceux de Hiki et Engelke (cités par Gibbon [86] ) ; Gibbon
précise le rôle de l’élévation du dôme lingual et étudie la
surface de contact langue-palais dans les fonctions et au
repos.
Examens oto-rhino-laryngologiques
Ces examens peuvent être pratiqués afin d’effectuer le
diagnostic différentiel entre langue volumineuse, et posture
antérieure due à une anomalie de la ventilation liée à une
obstruction des voies aériennes supérieures ou postérieures.
12 Odontologie/Orthopédie dentofaciale

Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale 23-474-B-10
Maturation et physiologie de la posture
linguale
Maturation embryonnaire et neurophysiologique
de la langue
La posture linguale décrite précédemment s’installe progressivement.
Chez le nourrisson, la posture linguale normale est
basse et antérieure, entre les arcades gingivales, voire entre les
lèvres à la naissance.
La langue recule peu à peu pour s’orienter vers le palais entre
l’âge de 4 et 8 mois, et définitivement au palais vers l’âge de 1
à 2 ans.
Il ne semble exister aucune corrélation significative entre
l’allaitement au sein ou au biberon et les troubles de la posture
linguale, ni même avec les rhinopharyngites à répétition ou les
problèmes oto-rhino-laryngologiques au cours de la première
année de la vie [87] .
De nombreux phénomènes de maturation embryonnaire se
succèdent.
Le développement volumétrique de la langue commence à se
réaliser vers le quarantième jour, lors de la fusion des ébauches
mésenchymateuses de la langue issues des crêtes neurales avec
les myoblastes provenant des premiers somites céphaliques.
La musculature somitique de la langue est innervée par les
deux nerfs hypoglosses qui sont des nerfs de type rachidien
appartenant à la colonne somitique de la moelle. Ces noyaux
hypoglossiques se sont trouvés incorporés dans le contenu
crânien au cours de la phylogenèse, en raison de l’augmentation
volumétrique du cerveau. Couly [1] précise que l’occipital, formé
par la fusion des trois ébauches primitives vertébrales isolées, va
constituer, avec les deux nerfs hypoglosses et la musculature de
la langue, une entité embryologique. La proprioception de la
langue et le contrôle de sa position temporospatiale pourraient
être déterminés par des anastomoses du nerf hypoglosse avec le
plexus cervical profond ; en effet, certains troubles de la statique
musculaire cervicale s’accompagnent de troubles de la posture
linguale.
Couly [1] révèle cependant que l’hyoglosse, le styloglosse et le
génioglosse ne possèdent pas de contrôle fusoriel neuromusculaire,
ce qui permet d’envisager une conception différente du
contrôle positionnel lingual à point de départ nociceptif et
épicritique.
Au cours du troisième mois intra-utérin s’ébauche le réflexe
de l’ouverture buccale à la stimulation labiale, la déflexion
céphalique et l’approche progressive des mains au contact des
lèvres. Le réflexe de succion est objectivable vers la dixième
semaine, la déglutition suit vers la treizième semaine.
Le tronc cérébral exerce donc sur la maturation embryonnaire
statique et motrice de la langue un important contrôle afin de
l’intégrer aux impératifs des régulations respiratoires, cardiaques
et digestives qui s’opèrent dans la même localisation
anatomique.
Cette activité du couple réflexe succion-déglutition permet au
fœtus d’assurer le maintien et la maturation des fonctions
rénales. La défaillance de ce couple moteur a pour conséquence
une rétrognathie par défaut de stimulation condylienne et un
palais creux, par défaut de pression linguale palatine.
Chez le fœtus et le nourrisson, les muscles extrinsèques de la
langue sont courts. La partie pharyngée de la langue est
maintenue en position reculée dans le pharynx, l’épiglotte
affleure la luette et les piliers postérieurs du voile. La langue
reste en position active avec le voile, le palais osseux, les joues
et la lèvre inférieure. La stabilité de ce contact fait du nourrisson
un ventilateur nasal obligatoire [88] .
Au cours de la migration ontogénique postnatale de l’os
hyoïde par rapport au crâne, des tensions divergentes apparaissent
entre les ancrages crâniens et hyoïdiens de la partie
pharyngée de la langue.
Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Maturation neurophysiologique postnatale
de la posture linguale
Phénomènes d’oculomotricité
Les études de Mamelli et al. [89] ont montré que les signaux
visuels induisent des réponses spécifiques des motoneurones
situés dans la partie médiocaudale du noyau de l’hypoglosse. La
régulation visuelle de l’activité des neurones de l’hypoglosse se
manifeste par une modification de l’activité électromyographique
des muscles linguaux, notamment le génioglosse. Il se
produirait une oculomotricité, une inhibition ou une excitation
réflexe en fonction des impacts visuels.
Les suggestions visuelles sur la préparation de la cavité
buccale à la réception du bol alimentaire ont été depuis
longtemps admises, mais les influx visuels participeraient aussi
au contrôle de la posture linguale, comme le démontrent les
études expérimentales effectuées sur le rat par l’Université de
Turin. Pour Mamelli et al. [89] , la vision intègre les informations
spatiales dans le labyrinthe pour moduler la tension posturale
des muscles de la langue.
Maturation de la posture linguale et de l’architecture
dentosquelettique
L’interposition linguale entre les arcades est de règle chez le
nouveau-né, et se transforme avec le changement d’alimentation
et l’apparition de la denture.
La modification de la posture linguale peut être interprétée
comme son adaptation à une conformation spatiale nouvelle,
consécutive à trois phénomènes essentiels :
• la morphogenèse des arcades temporaires, qui contribue à
augmenter le volume de la cavité buccale ;
• la descente de l’os hyoïde, qui s’éloigne de la mandibule et
suit les structures pharyngées lors de la croissance des
vertèbres cervicales ; cette descente entraîne une obliquité du
muscle géniohyoïdien et une ouverture de l’éventail du
génioglosse, diversifiant ainsi les mouvements de cet
organe [58] ;
• une augmentation du volume lingual : la langue présente
jusqu’à 9-12 ans un taux de croissance accéléré par rapport à
son environnement ; il y a dysharmonie buccolinguale
transitoire ; la croissance linguale se stabilise ensuite et n’est
plus un facteur de modification de la posture linguale.
Au cours de la migration ontogénique postnatale de l’os
hyoïde par rapport au crâne, des tensions divergentes apparaissent
entre les ancrages crâniens et hyoïdiens de la partie
pharyngée de la langue.
Les muscles styloglosses et palatoglosses retiennent les bords
latéraux aux apophyses styloïdes et à l’aponévrose palatine, qui
suivent le mouvement ascendant de la base du crâne, poussé
par la croissance du rachis cervical. Quant à la partie médiane,
le squelette fibreux et les insertions osseuses migrent dans une
direction caudale et viscérale en raison des liens avec l’os
hyoïde, lui-même dépendant de connexions cervicothoraciques
[88] .
Pour Talmant et Renaudin [58] , la migration de l’os hyoïde par
rapport au crâne entraîne avec lui la portion pharyngée ou
« base » de la langue. Le passage de la posture horizontale du
voile chez le nourrisson à celle plus verticale observée chez
l’adulte, pourrait être, selon eux, la manifestation du « recul
apparent » de la partie basse des apophyses ptérygoïdes et des
insertions ventrales du voile, et de la migration caudale de la
base linguale au cours de l’ontogenèse oropharyngée. Solow et
Siersbaek-Nielsen [20] ont démontré au cours de la croissance le
mécanisme géniohyoïdien qui permet ce contrôle sagittal afin
d’ajuster la profondeur de l’oropharynx, quel que soit le degré
d’extension céphalique. En état de veille et au cours du sommeil,
le muscle géniohyoïdien est l’objet d’une activation
phasique inspiratoire. Il existe une double régulation de la
lumière pharyngée par les géniohyoïdiens et les génioglosses.
13

23-474-B-10 Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale
Facteurs modérateurs de la posture linguale
Fonction ventilatoire
La langue intervient directement dans la fonction ventilatoire
[58, 87, 88] , grâce à l’os hyoïde, ancrage supérieur de l’arbre
respiratoire : la posture du massif hyolingual permet ainsi le
passage de l’air à travers le carrefour aéropharyngien.
Lors de l’inspiration, les muscles géniohyoïdiens, mylohyoïdiens
et le ventre antérieur du digastrique permettent la traction
antérieure de la mandibule et le dégagement du couloir
oropharyngé.
Les données récentes sur la neurophysiologie des muscles
linguaux au cours de la ventilation ont montré que, par
l’intermédiaire des stimulations sur les noyaux moteurs du
trijumeau et du facial, adressées par le centre respiratoire
bulbaire, le génioglosse, appelé safety muscle, contrebalance
l’action du styloglosse et empêche la langue d’obstruer l’oropharynx.
La chute de cette activité tonique dans certains cas
d’hypersomnolence peut entraîner une glossoptose et l’arrêt
respiratoire.
Cette posture linguale est donc soumise aux contraintes
respiratoires administrées par le système nerveux central,
réajustée sans cesse par les effecteurs linguaux et indissociables
de l’équilibre céphalique. Toute pathologie à un ou plusieurs
niveaux est à l’origine d’une posture linguale pathologique.
Position du corps
Le passage de la position érigée à la position allongée chez
des patients présentant des anomalies de la respiration provoque
une diminution des dimensions antéropostérieures des
voies aériennes oropharyngées, pouvant être assimilée à une
réduction de 40 % avec une perte d’espace postérolingual de
20 % [63] .
L’activité phasique du génioglosse modulateur de la respiration
diminue avec la rotation de la tête et la position latérale
du corps [65] .
Les muscles responsables de la protrusion linguale comme le
génioglosse sur des sujets sains ont-ils une activité maximale en
position allongée et latérale lors de l’endormissement et
pendant le sommeil profond ? Le déplacement postérieur de la
langue est-il la cause d’une occlusion pharyngienne ? Smith et
Battagel [63] ont montré que sur des sujets sains la position
allongée provoque une diminution significative des dimensions
de l’espace aérien pharyngé et la protrusion mandibulaire
entraîne une augmentation de l’espace fonctionnel lingual.
Le traitement des patients présentant des apnées ou un
syndrome de résistance des voies aériennes supérieures a pour
but d’éviter cette diminution de l’oropharynx en position
allongée. De nombreuses études ont montré que le poids du
patient est un facteur aggravant dans le pronostic de traitement
des apnées : les obèses présentent, de par l’épaisseur des tissus
mous, une diminution plus importante de l’oropharynx.
“ Point fort
La position du corps a un impact important sur
l’expressivité musculaire du génioglosse face aux
pressions négatives qui s’établissent lors de
l’endormissement, alors que le muscle tenseur du voile du
palais présente au même moment une chute de son
activité.
Différenciation sexuelle de la posture linguale
Selon Pae et al. [90] , l’activité du génioglosse serait plus
importante et de façon continue pour les femmes. Les femmes
présenteraient une activité électromyographique du génioglosse
50
(15)
20
(10)
Figure 11. Représentation schématique des pressions de la langue et
des lèvres au repos (entre parenthèses) et pendant la déglutition. En
posture et lors de la fonction, Proffit et Phillips [83] ont montré que la
pression linguale est plus grande que la pression des lèvres pour des
patients présentant des occlusions normales.
plus élevée au repos. En revanche, les hommes présenteraient
une résistance plus intense des voies aériennes pharyngées à
une occlusion partielle.
Maturation des tissus lymphoïdes
L’acquisition de la position linguale physiologique serait en
relation avec la réduction de l’espace aérien postérieur qui aurait
tendance à augmenter avec l’âge lors de l’involution des tissus
lymphoïdes qui se produit jusqu’à la puberté.
Maturation des pressions linguales
De nombreuses études rapportent une fréquence élevée de la
pulsion linguale jusqu’à 8 ans et une diminution après cet âge.
Cette pulsion serait sans incidence sur la typologie squelettique,
qui se détermine plus tard.
Selon Proffit et Mason [91] , certaines conditions anatomiques
prédisposent des enfants normaux à un positionnement antérieur
de la langue, qui disparaît à la puberté. Pour ces enfants,
la pulsion linguale doit être considérée comme une étape de
transition ; pour d’autres enfants, cette pulsion constitue une
adaptation nécessaire. La thérapeutique myofonctionnelle, pour
ces auteurs, ne devrait pas être appliquée avant la puberté
(Fig. 11).
Particularités anatomiques linguales
La posture linguale peut être antérieure en raison :
• d’un volume lingual trop important ;
• d’une anomalie de son insertion symphysaire ;
• d’une macroglossie vraie liée à un tableau syndromique ou
d’une « dysharmonie linguosquelettique ».
Posture linguale et croissance linguale pure
La courbe de croissance de la langue est interprétée différemment
selon les auteurs. La croissance linguale cesserait pour
certains à 7 ans ou, pour d’autres, pourrait continuer jusqu’à
14 ans ou plus tard encore.
Le taux de croissance pure de la langue varie en fonction de
l’âge : ce taux est très important jusqu’à 5 ans, puis diminue
entre 6 et 12 ans (courbes de Scammon, in Doual et al. [92] ).
L’enfant a acquis à 10 ans 90 % de son volume lingual.
Kopriva et Dale [93] ont rapporté des cas de syndrome de
Wiedemann et Beckwith où la langue peut présenter un taux de
croissance très élevé jusqu’à l’âge de 6 ans. L’hypoglycémie est
alors présente dans 50 % des cas avec une hyperinsulinémie.
Des recherches récentes impliquent l’insulin growth factor 2 dans
l’accroissement du taux d’insuline et donc dans la pathogénie
de ce syndrome. La macroglossie du syndrome de Wiedemann
et Beckwith tend à régresser avec le temps en relation avec le
taux d’insulin growth factor 2.
14 Odontologie/Orthopédie dentofaciale

Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale 23-474-B-10
Frein lingual
Les anomalies du frein lingual sont responsables de troubles
de la posture linguale, par insertions trop hautes ou par une
densité importante des fibres musculaires. L’ankyloglossie ou
brièveté du frein contribue à l’acquisition d’une mobilité
réduite, et d’une posture basse et antérieure.
Volume lingual relatif
Il existe deux types de macroglossies : les macroglossies vraies
et les macroglossies relatives.
Macroglossies vraies. Elles correspondent pour Deplagne [94]
à des langues dont le volume excessif est cliniquement évident
(proéminence de la langue, incontinence salivaire...), pouvant
être liées à un syndrome phénotypique d’une anomalie chromosomique
ou d’origine tumorale, ou faisant partie d’un
syndrome (syndrome de Downs, syndrome de Wiedemann et
Beckwith).
Macroglossies relatives. Considérées comme des compressions
linguales, elles sont dues à :
• une langue atone ou hyperactive ;
• un trouble volumétrique extérieur : obstruction pharyngée
(amygdales, végétations) ;
• un trouble fonctionnel de la ventilation narinaire (obstruction
nasale : cornets inférieurs volumineux) ;
• une dysharmonie alvéololinguale ou squeletticolinguale
(rétrognathie mandibulaire).
Rôle morphogénétique de la langue
La participation de la langue à la morphogenèse des arcades
dentaires a été décrite depuis 1873 par Tomes. Deux écoles vont
s’opposer sur les conceptions de l’action morphogénétique de la
langue sur les procès alvéolaires et sur les bases osseuses : l’école
anglaise et l’école française.
Cette dernière considère l’équilibre des groupes musculaires
antagonistes comme le facteur déterminant de la direction de
croissance des arcades dentaires, dont font partie les groupes
antagonistes langue-lèvres et langue-joues, et considère le
génome comme inducteur de la morphologie de bases osseuses.
L’action morphogénétique de la posture linguale n’est pas
contestée, mais la localisation de sa ligne d’action fait encore
l’objet de nombreuses controverses ; des auteurs la situent au
niveau dentaire, d’autres au niveau alvéolaire et enfin certains
au niveau basal.
Dahan [76] rapporte les théories contradictoires des auteurs
tels que Eschler, qui limite l’influence de la langue aux structures
dentoalvéolaires, alors que Proffit et Mason [91] ne croient
pas que la langue ait une influence sur les arcades dentaires.
Cette différenciation entre l’action alvéolaire et l’action basale
de la langue n’apparaît plus comme évidente.
À la lumière des travaux de Charlier et Petrovic [95] sur la
croissance du jeune rat, l’action de la langue serait également
capitale dans la croissance mandibulaire et maxillaire : la langue
agirait sur la croissance mandibulaire de par sa participation au
cycle cybernétique, directement lors de sa croissance propre
régulée par l’hormone somatomédine, et indirectement par
stimulation des ptérygoïdiens latéraux, qui induirait la croissance
condylienne.
Fellus [96] estime qu’une croissance eumorphique n’est
possible qu’en présence d’une position normale de la langue et
des lèvres avec un contact bilabial dépendant d’informations
proprioceptives occlusales, rejoignant ainsi les idées de Petrovic.
En effet, ce triple équilibre postural met en tension le ptérygoïdien
latéral, facteur déterminant de la croissance mandibulaire.
La perturbation d’un de ces éléments contribue à dévier la
croissance et à être à l’origine de dysmorphoses dont les plus
fréquentes sont la rétromandibulie fonctionnelle et la prognathie
mandibulaire. La rétromandibulie serait en relation avec
une hyperactivité du digastrique, abaisseur et rétracteur mandibulaire,
et une hypoactivité des ptérygoïdiens latéraux. La
promandibulie résulterait d’une posture linguale basse et
propulsive qui entraînerait une hyperactivité du ptérygoïdien
latéral.
Odontologie/Orthopédie dentofaciale
L’action morphogénétique de la posture linguale sur la
croissance sagittale et transversale de la voûte palatine est, en
revanche, admise par tous les auteurs.
Principales anomalies de la posture linguale
Plus de 80 % des enfants présentent une poussée linguale et
une béance antérieures à l’âge de 8 ans et montrent une
normalisation sans traitement à l’âge de 12 ans.
Suite à la définition de la posture linguale normale, après
8 ans environ, les principales anomalies de posture linguale au
repos se regroupent ainsi.
Anomalies sagittales
Interposition antérieure
C’est une posture antérieure avec une interposition des bords
mobiles entre les arcades dans la région incisive.
Une enquête menée aux États-Unis dans une population de
8 000 enfants sélectionnés pour représenter les 24 millions
d’enfants âgés de 6à11ansamontré que seulement 7%des
enfants présentaient une béance, avec une forte influence de la
race (16,3 % de sujets de race noire versus 3,9 % de sujets de
race blanche), mais que plus de 50 % présentaient une posture
linguale antérieure.
La plupart des auteurs sont d’accord pour indiquer que la
posture linguale antérieure associée à la position antérieure
normale de la déglutition infantile est universelle pendant
l’enfance.
Les forces verticales délivrées par les pressions linguales
antérieures au repos sembleraient, selon Proffit et Mason [91] ,
être en partie responsables des béances antérieures. En effet, si
la relation de cause à effet entre la posture antérieure linguale
et la béance antérieure n’est pas mise en évidence dans tous les
travaux chez le jeune enfant, il ne faut cependant pas nier les
relations existant après entre l’anomalie posturale antérieure
linguale et la vestibuloversion des incisives, avec apparition de
diastèmes inférieurs, signe d’une boîte à langue trop exiguë,
pouvant être une manifestation possible d’une rétrognathie
mandibulaire.
Dans les classes II/1, la langue occupe une position haute et
antérieure de la langue qui serait une posture d’accommodation
pour permettre l’obtention du verrouillage antérieur. La position
de repos réelle de la langue correspondrait à une position plus
postérieure et plus basse.
Interposition linguale postérieure
Ces troubles de la posture linguale ont été souvent associés à
des dysmorphoses spécifiques ; mais la discussion est encore
ouverte entre les auteurs pour connaître si ces troubles font
partie des facteurs étiologiques ou ne sont qu’une caractéristique
clinique de la dysmorphose.
Dans les classes II/2, la langue est plus haute mais postérieure,
en « crosse ». Pour de nombreux auteurs, ce type de posture
linguale soutient peu la région antérieure et permet ainsi sa
linguoversion sous l’action des lèvres, favorisant l’installation
d’une forte supraclusion incisive.
En conclusion, on constate que les anomalies sagittales
s’accompagnent d’un comportement neuromusculaire adaptatif
qui existe au repos et en fonction pour recréer un verrouillage
antérieur par participation des lèvres et de la langue.
Anomalies verticales
Dans la posture basse, la pointe de la langue est située
derrière l’arcade incisive inférieure. La posture linguale basse est
souvent avancée comme un facteur important dans l’apparition
des dysmorphoses transversales par défaut en raison de
l’absence de sollicitation de la suture intermaxillaire lors de la
croissance. Les excès de croissance alvéolaire transversale du
maxillaire sont aussi en partie liés à une posture linguale haute
et postérieure, souvent associée à une rétrognathie mandibulaire.
Frolich et al. [97] confirment les résultats de Proffit sur les
aborigènes australiens, et pensent que les relations entre la
15

23-474-B-10 Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale
forme des arcades et la pression linguale sont faibles. Ces
auteurs ont constaté que les pressions lors de la posture linguale
étaient souvent faibles ou négatives sur les incisives supérieures
chez un échantillon d’adultes en occlusion normale, sans
répercussions sur la forme de l’arcade dentaire.
Particularité syndromique : syndrome de Robin
Couly [1] constate dans le syndrome de Robin une perturbation
de la précession de la succion sur la déglutition. Le défaut
de synchronisation de cette séquence motrice céphalique et
orale, par anomalie de la neurogenèse du rhombencéphale,
perturbe l’intégration normale de la langue dans la cavité
buccale et empêche la fermeture du palais secondaire. Cette
défaillance précoce de la motricité orale constitue pour Couly le
phénomène majeur responsable du syndrome néonatal de
Robin.
Dans ce syndrome, la fente vélopalatine est alors un exceptionnel
marqueur encore visible à la naissance. Le nouveau-né
porteur de la triade du syndrome de Robin, rétromandibulie,
glossoptose, division palatine discrète, présente une détresse
respiratoire liée à la bascule de la langue vers le pharynx.
La sémiologie du syndrome de Robin s’est enrichie de
données cliniques récentes et électrophysiologiques. Au syndrome
morphologique périphérique s’associent des anomalies
fonctionnelles [1] , tels : des troubles de la commande centrale de
la succion et de la déglutition, objectivés par électromyographie
; des troubles de la régulation de la ventilation se manifestant
par des apnées obstructives et centrales, consécutives à des
troubles toniques glosso-pharyngo-hyoïdiens. Ces données
suggèrent que le syndrome de Robin est bien une anomalie
précoce de l’organisation motrice du tronc cérébral.
Pour Talmant et al. [59] , la « glossoptose » est le résultat de la
suspension de la langue au crâne limitée aux styloglosses.
L’ancrage crânien est ainsi plus dorsal que celui des palatoglosses,
entraînant la partie pharyngée linguale dans la fente
postérieure. Le syndrome de Robin serait la conséquence d’un
déficit d’ancrage musculaire lingual.
Modifications thérapeutiques de la posture
linguale
Normalisation des conditions physiologiques
En présence d’une propulsion linguale au repos, un diagnostic
étiologique doit être réalisé afin de déterminer la place d’une
dysharmonie des voies aériennes dans ce contexte postural
pathologique.
L’obstruction rhinopharyngée responsable d’une posture
linguale antérieure doit être éliminée avant toute phase
thérapeutique.
L’apport de la chirurgie des voies aériennes permet le rétablissement
d’un couloir aérien normal et le repositionnement
postérieur lingual spontané. Cette chirurgie fait appel à la
chirurgie des tissus lymphoïdes.
Petit [98] estime que, dans de nombreux cas, les désordres
fonctionnels oto-rhino-laryngologiques peuvent être améliorés
par une chirurgie des tissus lymphoïdes (in [99] ) des freins
linguaux et labiaux, de façon à créer des conditions favorables
aux thérapies myofonctionnelles orthophoniques.
Rééducation de la posture linguale
Principes et modalités
La controverse sur les conséquences de la posture antérieure
linguale se concentre sur le dilemme suivant : ce schéma
fonctionnel a-t-il un effet défavorable sur l’occlusion ou
représente-t-il une adaptation à la malocclusion ? De toute
évidence, pour la plupart des auteurs, la pulsion linguale
pendant la déglutition n’est pas la cause des malocclusions ; en
revanche, la posture linguale antérieure, qui lui est très souvent
associée, affecte l’éruption dentaire. Une posture linguale basse
est susceptible d’entraîner une propulsion mandibulaire puisque
la durée d’application de la langue sur les apophyses géniennes
est plus critique que l’amplitude de la force délivrée selon Proffit
et Mason [91] .
“ Point fort
La rééducation de la posture linguale est liée à la
rééducation de toutes les fonctions orofaciales auxquelles
elle participe, et de façon prioritaire à la fonction
ventilatoire puisque, selon la théorie des effecteurs en
commun, toute perturbation d’une fonction retentit sur
les autres fonctions.
Des auxiliaires orthodontiques comme les perles à langue
peuvent être utilisées pour la correction des pulsions linguales,
mais le principal effet de ces appareils est de normaliser
l’activité linguale ; ils ne modifient pas profondément la posture
linguale au repos.
Se basant sur la normalisation à long terme de la posture
linguale, certains auteurs pensent que la thérapie myofonctionnelle
ne semble donc pas indiquée très précocement chez le
jeune enfant et propose d’intervenir lors de la préadolescence.
Fellus [100] pense en revanche que la rééducation vers l’âge de
4 ans est préférable puisqu’elle s’inscrit dans une physiologie
des acquisitions. À cet âge, il est possible de lui indiquer le
schéma corporel normal de posture et de fonction linguale afin
qu’il puisse l’imprimer dans le cortex.
Pour Benkert, cité par Mauhourat [101] , l’âge n’est pas un
facteur dans la prévision de succès de la rééducation fonctionnelle.
Soulet précise que le terme de « rééducation » n’est pas
approprié puisque l’objectif du traitement est l’acquisition d’un
comportement qui n’a jamais existé et doit être remplacé par le
terme « éducation » fonctionnelle.
Petit [98] distingue la rééducation active dite musculante,
comme la myothérapie fonctionnelle, de la rééducation passive.
La rééducation passive est préférable pour modifier une posture
à l’aide d’appareils fonctionnels comme l’enveloppe linguale
nocturne de Bonnet [102] et les perles linguales.
Auxiliaires de rééducation : mode d’action des écrans
linguaux
Les écrans linguaux fixes ou amovibles comme les guidelangues,
l’enveloppe linguale nocturne ou toboggan à langue,
ou rampe linguale, ont pour objectif de bloquer la route motrice
linguale antérieure par privation du contact des lèvres et de
l’environnement tactile jugal.
Bonnet [102] rappelle que leur mode d’action s’appuie sur une
modification des conditions spatiales, créée par les écrans
linguaux, qui incitent la langue à une nouvelle lecture spatiale
tendant à élaborer une autre référence posturale.
Incidences des traitements orthopédiques
sur la posture linguale
Expansion maxillaire et posture linguale
Le traitement précoce des occlusions inversées antérieures et
latérales par expansion transversale et sagittale entraîne une
modification de la position condylienne, par décompression
d’un condyle.
Les analyses par électropalatographie des adaptations fonctionnelles
linguales confirment, avant l’expansion, l’absence de
contacts entre le palais et la langue lors de la posture et, après
l’expansion, la présence de contacts avec le palais (in Raberin et
Mahourat [99] ).
Page [103] élargit les bienfaits de l’orthopédie fonctionnelle sur
l’état de santé des enfants sujets à des énurésies nocturnes, des
infections des oreilles, des dysfonctions cardiopulmonaires, des
troubles visuels et de concentration, rejoignant les idées de
Talmant sur la thermorégulation cérébrale.
16 Odontologie/Orthopédie dentofaciale

Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale 23-474-B-10
Figure 12.
AàF.Intérêt des écrans linguaux en présence d’interposition linguale latérale à l’origine d’une béance étendue, simultanément à une fermeture mécanique
par multiattaches et tractions élastiques intermaxillaires verticales.
Activateurs fonctionnels et posture linguale
Les activateurs ont une action similaire à l’enveloppe linguale
nocturne, en imposant une posture linguale plus caudale, pour
Lautrou et Salvadori [104] .
La propulsion mandibulaire réalisée par l’effet monobloc
facilite une posture linguale correcte. Les activateurs de type
fonctionnel participeraient à l’équilibre postural langue-lèvre par
la disposition de leurs écrans.
Les activateurs de classe II provoquent une augmentation de
volume des voies aériennes supérieures et une diminution du
risque d’apnée obstructive du sommeil.
Ils induisent un nouveau modèle neuromusculaire par
création d’une nouvelle boucle de rétroaction sensorielle
provenant de la dentition, des ATM et des récepteurs musculotendineux
(in Pelosse [105] ).
Dans les traitements orthopédiques, la protraction maxillaire
par le masque facial procure un gain de place pour la langue
dont les postures et les fonctions vont se normaliser, en
supprimant ainsi toute sollicitation excessive des muscles
ptérygoïdiens responsables à long terme des dysfonctionnements
craniomandibulaires.
Rôle de l’orthodontie dans les modifications
de la posture linguale
Des anomalies de posture linguale peuvent se produire en
cours de traitement orthodontique lors de la création temporaire
d’espace, lors de la réouverture d’espace ou lors d’interférences
occlusales, ou encore lors de la réduction de l’espace
lingual due à un recul important des incisives, et engendrer des
pressions linguales au repos plus importantes qu’initialement.
En denture mixte ou au début de la denture chez l’adolescent,
une fermeture d’une béance antérieure ou latérale peut
être entreprise à l’aide de tractions intermaxillaires verticales et
accompagnée d’un écran pour interdire l’interposition antérieure
ou latérale linguale néfaste à l’action des arcs provoquant
l’égression dentaire (Fig. 12).
Une étude de la thérapie myofonctionnelle a été conduite
avec succès sur des patients de 6 à 22 ans présentant des
béances antérieures. L’association de la myothérapie et d’un
traitement orthodontique permet de traiter avec succès les
anomalies de postures labiale et linguale ainsi que le type de
déglutition [106] .
La fermeture d’une béance par traitement orthodontique
améliore la posture linguale et permet de diminuer une pulsion
Odontologie/Orthopédie dentofaciale
linguale par une adaptation significative de l’activité musculaire
du muscle génioglosse pendant la déglutition.
Gottlieb et al. [107] estiment que la thérapie myofonctionnelle
est importante pour stabiliser une croissance à direction
verticale et contribue à rétablir une respiration normale pour
permettre un espace adéquat des voies aériennes et de l’espace
lingual.
Modifications de la posture linguale par chirurgie
orthognathique
Chirurgie de la dimension sagittale
La chirurgie de recul mandibulaire reporte la langue en
arrière, ce qui aurait tendance à bloquer l’espace aérien. En fait,
l’espace est maintenu et la langue est positionnée en bas et en
avant. La longueur au repos de la musculature hyoïdienne est
apparemment altérée, comme si l’os hyoïde assumait une
nouvelle posture afin de maintenir l’espace aérien nécessaire [73] .
Les travaux de Nakagawa et al. [108] montrent que les pressions
de la langue au repos décroissent en postopératoire, et que la
plupart des patients retrouvent, 1 an après, des pressions
normales. Ces auteurs démontrent que la langue peut s’adapter
à cette nouvelle situation, par un positionnement vers le bas et
vers l’arrière de l’os hyoïde.
Certains mouvements chirurgicaux sont à toute évidence plus
perturbateurs et leurs retentissements sur le schéma fonctionnel
plus graves que d’autres ; en particulier, la perturbation créée
par une chirurgie de recul mandibulaire a des conséquences
différentes sur les fonctions et la posture que les modifications
apportées par une chirurgie d’avancée maxillaire, d’où l’importance
d’opter parfois pour une chirurgie bimaxillaire dans le
traitement chirurgical des classes III, certes plus complexe mais
plus sécurisante quant aux retentissements sur le volume de
l’« habitacle lingual ».
La chirurgie de propulsion mandibulaire, indiquée pour la
correction d’un rétrognathisme mandibulaire, provoque des
modifications de la place de l’os hyoïde, de la posture céphalique,
de la position et de la morphologie du palais mou, de la
position de la langue et surtout des dimensions de l’espace
aérien postérieur pharyngé.
Les travaux de Achilleos et al. [73] ont montré l’importante
augmentation de l’espace pharyngé postérieur, avec une
stabilité des résultats à long terme permettant de confirmer la
valeur de cette chirurgie pour le traitement des apnéiques du
sommeil.
17

23-474-B-10 Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale
Chirurgie de la dimension verticale
Pour les hyperdivergents, associant un sourire dentolabial
gingival à une position rétrusive du menton, le choix de
l’ostéotomie se porte souvent sur l’ostéotomie de Le Fort I par
impaction maxillaire. La résection chirurgicale maxillaire
verticale provoque une autorotation mandibulaire permettant la
réduction de l’étage inférieur, une avancée du menton mais
aussi un retentissement fonctionnel important. Profitt et al. [109]
rapportent un degré d’instabilité de la diminution de la hauteur
faciale en raison des facteurs musculaires et linguaux et
conseillent, pour favoriser la stabilité, d’effectuer une ascension
maxillaire et une avancée mandibulaire pour protéger l’espace
lingual [74] .
Chirurgie orthognathique et éducation posturale linguale
Les nouvelles conditions anatomiques, obtenues d’emblée au
réveil après anesthésie, modifient totalement et en peu de
temps les rapports morphologiques de leurs maxillaires tout en
ayant conservé leur « schéma corporel » initial [96] . Il y a
création d’une incompétence provisoire entre les données des
acquisitions motrices et posturales originelles et la nouvelle
conformation architecturale faciale immédiate.
À ces données fonctionnelles et morphologiques, il faut ajouter
le contexte psychologique perturbé par le profond changement
morphologique et l’absence de reconnaissance du « moi » qui
perturbe la reconstruction des fonctions et des postures dans un
cadre morphologique normalisé. Deffez et al. [110] parlent de la
rééducation du « lendemain », qui doit être obligatoire après
chirurgie de l’hyperdivergence ou de la classe III.
Indications et limites de la chirurgie linguale
Freinectomie linguale
La freinectomie linguale est indiquée dès le plus jeune âge,
mais demande une grande attention car de nombreuses structures
anatomiques nobles telles que les muscles génioglosses,
l’artère linguale, le nerf lingual et les canaux salivaires sont très
proches. Elle permet d’éliminer les tractions sur le parodonte
marginal rétro-incisif et d’augmenter les mouvements musculaires
linguaux.
Des exercices d’étirement de la langue peuvent parfois
permettre d’obtenir un allongement du frein lingual, mais la
freinectomie linguale est très souvent nécessaire.
Wilder et Gelesko [77] rapportent un cas clinique d’allongement
par thérapie myofonctionnelle d’une enfant de 10 ans de
13 à 27 mm en 3 mois. Ces auteurs ont constaté une élimination
des DCM et une diminution des douleurs chez des patients
qui avaient bénéficié d’un allongement fonctionnel du frein
permettant un sceau palatolingual (30 mm) avec une ouverture
maximale importante (40 mm).
Les freins linguaux trop courts doivent bénéficier d’une
chirurgie d’allongement le plus précocement possible de façon
à obtenir une mobilité linguale normale et à favoriser le succès
de l’éducation de la langue par le « déverrouillage fonctionnel,
ou éducation fonctionnelle cognitive, ou awareness training »
selon Gugino [30] : il faut alors effectuer une « génioglossectomie
».
Pour Petit [98] , la « rééducation active » linguale risque
d’entraîner une hypermusculation qui va à l’opposé du résultat
escompté et il préfère effectuer une « rééducation passive », ou
adapter son volume à celui de la « boîte à langue ».
“ Point fort
Un suivi fonctionnel « kinésio-orthophonique » [110] se
révèle indispensable, surtout pendant la période
postchirurgicale immédiate ; il peut être accompagné
d’une assistance psychologique, qui complète et aide à la
rééducation fonctionnelle de ce nouveau visage.
Glossoplastie
Indications et intensité de la glossoplastie. Les effets de la
glossoplastie sont variables en fonction de l’importance de la
lésion, de l’âge de l’enfant, de ses possibilités de rééducation
fonctionnelle (in [111] ).
De morphologiques, les indications des glossoplasties sont
devenues, pour Vesse [112] , fonctionnelles. Avant toute glossectomie,
il faut s’assurer que la posture linguale antérieure ne soit
pas le reflet d’une hypertrophie amygdalienne, et examiner la
longueur et la tension du voile du palais.
Wolford et Cottreil [113] insistent sur la pseudo-macroglossie,
qui est secondaire à une hypertrophie amygdalienne, ou par
rétrognathie mandibulaire sévère. Le traitement s’oriente vers
une amygdalectomie ou un traitement orthopédique.
La macroglossie vraie est l’indication formelle de
glossectomie.
Une glossectomie ne doit cependant pas être envisagée sans
logopédie pré- et postchirurgicale, et ne devrait être envisagée
qu’après échec de celle-ci.
Pour Deplagne [94] , l’indication de la glossoplastie est basée
sur les examens de l’intensité des béances, en cas de béance très
étendue, où seules les dernières molaires sont en occlusion, en
cas de bivestibuloversion incisive ou de biproalvéolie avec
diastèmes, en présence d’une classe III squelettique, d’un excès
vertical antérieur.
Effets posturaux. La résection d’une partie de la langue
pourrait influencer sa posture avec modifications secondaires
des postures mandibulaire et céphalique.
Ingerval et Schmocker [114] ont trouvé après glossectomies
chez des enfants de 10 ans porteurs de macroglossie vraie :
• une stabilité des postures céphalique et de l’os hyoïde ;
• une motricité linguale identique ;
• une modification de la posture linguale par augmentation de
l’espace entre le dos de la langue et le palais.
Obwegeiser et Herren, cités par Ingervall et Schmocker [114] ,
rapportent que la glossoplastie peut entraîner des effets défavorables
sur la phonation ou une perte de sensibilité et du goût,
ou encore une perte de la mobilité.
Glossoplastie et éthique médicale. Béry [115] relate la
position prise par la section technique du Comité consultatif
national d’éthique qui a émis un point de vue en 1999 en
précisant que « la glossectomie à visée orthodontique a été
préconisée, mais les données actuelles du développement
maxillofacial morphologique et fonctionnel ne lui reconnaissent
plus d’indications orthodontiques. La seule justification de la
glossectomie semble être la pathologie volumétrique de la
langue dans le syndrome de Wiedermann et Beckwith, et la
maladie de Recklinghausen. » Le consentement éclairé des
parents et du patient est donc indispensable avant d’entreprendre
cette phase thérapeutique chirurgicale.
■ Posture labiale
La posture labiale normale correspond à une contraction
minimale de la musculature labiale. Elle est dépendante de
l’ensemble des comportements orofaciaux au repos, du schéma
dentosquelettique, des anomalies anatomiques des tissus mous
(langue volumineuse, lèvres courtes) et de pathologies éventuelles
neuromusculaires. Pour Boileau et al. [116] , le joint labial est
le signe d’un équilibre superficiel et profond de la fonction et
de la forme, à la fois des systèmes musculoaponévrotiques
orofaciaux et de leur soutien alvéolodentaire.
La posture labiale est sous la dépendance de l’enveloppe
faciale [117] , constituée de la « boutonnière labiale », des « piliers
commissuraux » et de l’armature cartilagineuse de la pyramide
nasale.
Talmant et Deniaud [117] précisent l’existence aux commissures
de la fente orale d’une concentration de contraintes.
La configuration cutanée du secteur labionarinaire de l’enveloppe
faciale permet d’optimiser l’écoulement de l’air inspiré en
direction narinaire.
18 Odontologie/Orthopédie dentofaciale

Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale 23-474-B-10
Définition de la posture labiale
Ricketts [118] parle de posture labiale normale lorsque les
lèvres sont closes pour maintenir un joint labial effectif afin de
protéger les dents et les gencives, et d’assister la déglutition
mature.
Il faut différencier, selon les auteurs, la notion de posture
labiale, état de relaxation musculaire labiale, en fonction des
deux types de positions mandibulaires que sont la position de
repos et la position d’intercuspidation maximale. D’autre part,
il faut distinguer dans la littérature les travaux portant sur le
stomion, point de contact vertical des lèvres au repos, et les
travaux portant sur la posture de la lèvre inférieure.
Legan et Burstone [119] ont étudié la posture labiale et ont
montré que :
• le sillon interlabial présente une profondeur de 1,8 mm en
occlusion centrée et de 3,7 mm en position de repos ;
• le contact de la lèvre inférieure relaxée s’effectue au tiers
médian de la surface de l’incisive inférieure ;
• plusieurs positions de relaxation labiale peuvent coexister
chez des patients présentant une dysmorphose dentosquelettique.
Moyens d’étude de la posture labiale
Examen clinique de l’évaluation du contact labial
L’examen doit être impérativement effectué sans tension
musculaire ou recouvrement forcé des incisives qui est fréquent
en présence d’une inocclusion, pouvant être due à une faible
hauteur de la lèvre supérieure ou d’un excès de l’étage inférieur.
L’inspection des lèvres renseigne sur la présence de brides
cicatricielles, fistules embryologiques, séquelles nasolabiales de
fentes congénitales, sur l’importance relative des parties
cutanées et du vermillon, sur la longueur de la lèvre supérieure.
L’aspect desséché, craquelé ou mordillé induit une présomption
de ventilation orale.
La tonicité labiale n’est pas corrélée au volume labial : pour
Fournier [75] , le volume labial n’est pas un signe de tonicité,
mais seule l’éversion signerait une hypotonicité ou une faiblesse
musculaire.
La palpation nous permet de qualifier la tonicité labiale : une
élasticité labiale est le reflet d’une tonicité [101] .
Jauges d’extensiométrie
Les jauges d’extensométrie, instruments indiquant la pression
exercée sur les dents, c’est-à-dire la résultante des forces
s’exerçant sur les faces vestibulaires et de faible volume, sont
utilisées pour contrôler l’équilibre musculaire post-thérapeutique
par des auteurs comme Proffit et Philipps [83] .
Examens de la tonicité labiale
L’examen manométrique avec le test de Barret permet par
l’évaluation de la puissance du souffle pour faire passer un
liquide, de mesurer la puissance des lèvres et de contrôler
l’efficacité d’une rééducation labiale.
L’échelle de Chatillon comprend un dynamomètre gradué qui
permet d’évaluer la tonicité labiale en soumettant l’orbiculaire
à un effort de contraction.
Le « pommeter » (peri-oral-muscle-meter) mesure la force de
traction soumise à l’orbiculaire.
Analyses céphalométriques de la posture labiale
L’analyse céphalométrique des tissus mous permet d’étudier
la position sagittale, l’épaisseur et la longueur des lèvres au
repos. De nombreux auteurs ont démontré les avantages de leur
analyse esthétique en incluant ou en excluant le nez des
paramètres labiaux (Rapport sur l’esthétique en orthopédie
dentofaciale [15] ). Nous avons montré la nécessité d’effectuer
plusieurs analyses esthétiques afin de mieux cerner les rapports
dentolabiaux sagittaux et verticaux. On peut citer les travaux de
Ricketts, et ceux de Burstone et Legan [119] , qui étudient les
positions labiales, leur épaisseur relative, leurs rapports avec les
incisives, l’angle nasolabial, la profondeur du sillon
labiomentonnier.
Odontologie/Orthopédie dentofaciale
Figure 13. La perception du contact labial dépend de deux voies
sensitives distinctes de la lèvre supérieure et de la lèvre inférieure. Les
informations sensorielles proprioceptives recueillies par le nerf maxillaire
inférieur, provenant des zones tégumentaires de la lèvre inférieure, du
parodonte et de la mandibule, ont une incidence sur la situation posturale
de la mandibule [110] .
Physiologie du contact labial
Contrairement à certains auteurs, comme Burstone, qui
n’envisagent pas le contact bilabial comme la référence posturale
physiologique obligatoire, Deffez et al. [110] le représentent
comme la clé de la posture mandibulaire.
La musculature responsable de la dynamique labiale se
regroupe autour des muscles peauciers ayant une seule insertion,
soit dix dilatateurs et quatre constricteurs [110] . Les muscles
responsables du contact bilabial au repos possèdent des récepteurs
sensoriels dans la zone vermillon (corpuscules de Meissener,
disques de Meckel), des terminaisons libres amyéliniques
autour de ces zones et leurs fibres véhiculent des influx
extéroceptifs.
Les corps cellulaires de ces fibres sont situés dans le ganglion
de Gasser homologue, tandis que ceux des éléments proprioceptifs
(récepteurs neurotendineux, fuseaux neuromusculaires)
se trouvent dans le noyau mésencéphalique du trijumeau
(Fig. 13).
La mise en jeu du contact bilabial, dans la posture labiale et
lors de la déglutition physiologique, est basée sur l’action des
neurorécepteurs suivants :
• capsulaires et musculaires qui coordonnent et mettent en jeu
les mouvements mandibulaires, et rendent compte à la
conscience de la position spatiale mandibulaire ;
• proprioceptifs situés dans le desmodonte, renseignant sur les
contacts occlusaux ;
• sensitifs labiaux, qui peuvent renseigner sur la posture
mandibulaire ; chez le nourrisson, ce sont les seuls vrais
guides de la cinétique mandibulaire, car la posture mandibulaire
n’est pas déterminée par l’occlusion mais par le contact
bilabial, qui s’établit selon Deffez in utero.
Les stéréotypes fonctionnels sont automatisés avant la
naissance, stabilisés par la formation de schémas corporels, puis
sophistiqués par l’acquis progressif des sensibilités tactiles.
Le concept de schéma corporel est indispensable à la compréhension
des règles qui régissent les deux éléments liés que sont
la fonction et la croissance.
L’activité posturale labiale est sous la dépendance de l’activité
posturale des piliers commissuraux, liés à leurs ancrages nasaux
et mentonniers, et des muscles peauciers. L’activité posturale
des muscles peauciers produit un équilibre « agoniste-antagoniste
» entre le secteur antérieur et les secteurs latéraux de
l’enveloppe faciale [120] .
Ekman [121] décrit 58 unités d’action de mise en jeu musculaire,
les « action units », qui interviennent dans la posture des
lèvres.
MI
MS
OF
19

23-474-B-10 Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale
Maturation de la posture labiale
Maturation des rapports sagittaux
Le contact bilabial joue un rôle important dans la détermination
de la position sagittale de la mandibule chez le nouveauné
: le « nursing postural » suffit à guérir la plupart des
syndromes de Robin, lorsque la perception labiale est rétablie.
L’absence de cette perception fausse les informations neurosensorielles
transmises au système nerveux central et majore les
troubles de croissance de l’étage inférieur de la face [110] .
La posture labiale est sujette à des modifications suite aux
changements des structures squelettiques sous-jacentes et de la
croissance propre des tissus mous. Il faut noter que la convexité
du profil diminue avec l’âge. Les lèvres deviennent de plus en
plus rétrusives dans le profil avec l’âge par rapport à la ligne E
de Ricketts [118] , en raison de la croissance sagittale du nez et du
menton, malgré les effets décrits par Burstone d’allongement et
d’épaississement liés à leur croissance propre.
La direction et l’intensité de la croissance nasale interviennent
directement sur les rapports de la lèvre supérieure, sur les
modifications de l’angle nasolabial et sur la posture labiale, et
doivent être pris en compte lors de l’établissement du diagnostic
et du plan de traitement pour obtenir une des finalités thérapeutiques,
la normalisation de la posture labiale.
Maturation des rapports verticaux
Le bord inférieur de la lèvre supérieure se trouve en dessous
du bord incisif supérieur jusqu’à 3 ans ; puis, ce décalage
s’inverse et après 9 ans, date d’éruption complète des incisives,
le bord inférieur de la lèvre supérieure se situe environ 3 mm
au-dessus du bord incisif. Les croissances des lèvres et des procès
alvéolaires seraient ensuite identiques selon Subtelny [122] :en
dépit de leur allongement progressif, les lèvres conserveraient
des rapports verticaux à peu près constants avec les procès
alvéolaires sous-jacents. La lèvre supérieure profiterait d’un
allongement total de 7 mm.
Subtelny [122] révèle l’importance dans l’évolution du profil
labial de l’épaississement labial non négligeable, plus important
pour les garçons.
Au stade de denture adulte complète, la lèvre supérieure
recouvre les deux tiers de la hauteur de la couronne de l’incisive
centrale, le reste est pris en charge par la lèvre inférieure.
Legan et Burstone [119] situent le stomion au-dessus de
l’incision, soit à + 2,3 mm ± 1,9 mm.
Maturation de la boutonnière labiale
L’enveloppe faciale est représentée par les muscles peauciers
de la tête et du cou qui ont trois caractères communs principaux
: ils ont tous une insertion mobile cutanée, sont tous
innervés par le facial, et sont tous regroupés autour des orifices
de la face en étant constricteurs ou dilatateurs de ces orifices. La
maturation fonctionnelle de ces muscles est liée à la maturation
des postures céphalique, mandibulaire et linguale, et au mécanisme
de Cook-Gordon décrit par Talmant [117] qui préserve les
commissures de la rupture. Ces maturations sont concomitantes
et une anomalie sur une des entités anatomiques provoque la
perturbation de chacune.
La brièveté de la lèvre supérieure et le sourire gingival de
l’enfant ventilateur oral, contribuant à une immaturité du sceau
labial, ne seraient que des adaptations posturales liées à la
dysfonction ventilatoire [117] . La correction du sourire gingival
ne passerait donc pas par l’ingression des incisives maxillaires et
la béance labiale ne résulterait pas nécessairement de la croissance
excessive du secteur alvéolodentaire incisif maxillaire
et/ou de la croissance insuffisante de la lèvre supérieure.
Les incidences de l’enveloppe faciale sur les structures
dentosquelettiques permettent d’expliquer les répercussions des
écrans qui tendent à éliminer les forces centripètes développées
par des effecteurs antérieurs ou latéraux de l’enveloppe
faciale [117] .
“ Point fort
La croissance propre des lèvres et la maturation du sceau
labial s’effectuent en parallèle à la maturation de la
respiration, en partie dépendante de la descente de l’os
hyoïde, de la croissance de l’oropharynx et de celle des
fosses nasales.
Pathologie de la posture labiale
Anomalies frontales
Dans le plan frontal, la posture labiale est appréciée en
fonction de la largeur de la fente labiale. Pour un équilibre
esthétique et fonctionnel, selon Ricketts les commissures
labiales doivent se situer, en fonction de la règle du nombre
d’or, à l’aplomb des pupilles. Cet auteur distingue des dysmorphoses
labiales transversales, qu’il classe de 1à5enfonction de
la largeur narinaire et de la largeur bipupillaire.
Anomalies sagittales
Les pathologies de la posture labiale peuvent être liées à des
anomalies de forme, de volume ou à la présence d’un frein
labial trop court qui entrave la mobilité labiale ou qui présente
une insertion fibreuse trop épaisse entre les incisives.
Ricketts [118] objective une dysharmonie sagittale labiale
lorsque la position harmonieuse des lèvres est rompue par
rapport à la ligne E :
• la protrusion labiale, en relation avec l’importance de la
protrusion incisive sous-jacente ;
• la rétrusion labiale, le nez et le menton étant plus proéminents.
Anomalies verticales : perturbations du joint
labial
Définitions
Au repos, les lèvres ne sont pas jointes, la pathologie du joint
labial est une inocclusion labiale.
Ricketts [118] caractérise l’inocclusion labiale par une absence
de contact bilabial spontané lors du repos musculaire
physiologique.
Le patient peut acquérir un comportement adaptatif autocontrôlé
pour masquer cette anomalie : l’occlusion labiale est
alors obtenue par contraction volontaire de l’orbiculaire des
lèvres et des muscles peauciers périlabiaux, dont la houppe du
menton.
Facteurs étiologiques des anomalies du sceau labial
L’inocclusion labiale peut être la conséquence d’une dysfonction
orofaciale, due :
• à une ventilation buccale ;
• à un terrain allergique ;
• à l’existence d’une parafonction ;
• à l’intensité d’une dysmorphie verticale et/ou sagittale
squelettique ;
• à une brièveté labiale primitive d’origine musculaire par une
attraction médiane du philtrum vers l’épine nasale, déformant
la lèvre en « chapeau de gendarme » ;
• à une pseudo-brièveté labiale, secondaire à une anomalie
alvéolaire sagittale et/ou verticale maxillaire, qui s’estompera
après correction de celle-ci.
Ricketts [118] décrit dix situations labiales pathologiques
responsables d’anomalies du sceau labial, dans sa classification
des dysharmonies buccales :
• les deux anomalies sagittales labiales précédemment citées ;
• les lèvres courtes : la longueur labiale est insuffisante pour
permettre la fermeture correcte des lèvres, résultat d’une
faible hauteur du philtrum, ou conséquence d’une protrusion
incisive pour la lèvre supérieure ;
20 Odontologie/Orthopédie dentofaciale

Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale 23-474-B-10
• contraction labiale avec contraction de l’orbiculaire des lèvres
et approfondissement du sillon canin ;
• contraction de la houppe du menton, fréquente dans le
tableau squelettique d’un hyperdivergent facial ;
• succion labiale inférieure : la posture labiale permanente se
situe derrière les incisives supérieures, exerçant un tic de
succion ;
• contraction périorale, manifestation d’une déglutition
dysfonctionnelle et visible par des sillons profonds dans la
zone des muscles canins et des ailes du nez ;
• contraction du sillon labiomentonnier, contraction plus
inférieure que lors de la succion labiale inférieure, provoquant
une éversion de la lèvre inférieure ;
• éversion labiale supérieure, en relation avec une vestibuloversion
des incisives latérales supérieures dans certains types de
classes II division 2 ;
• éversion labiale inférieure, en relation avec une vestibuloversion
des incisives inférieures compensatrice d’une rétrognathie
mandibulaire, initiale ou iatrogène suite à un port
excessif de tractions intermaxillaires lors de la correction
d’une classe II dentaire.
L’effort de fermeture labiale implique une mise en tension
des tissus mous périoraux de recouvrement. En présence d’une
inocclusion labiale au repos, la « sollicitation labiale » pour
l’obtention du joint labial volontaire est extrêmement
variable [101] .
Les résultats électromyographiques de Gustafsson et Ahlgren
[123] montrent que la participation de la lèvre supérieure
n’est pas toujours de règle, contrairement à celle de la lèvre
inférieure.
Variabilité de la posture labiale en fonction
de la dysmorphie faciale
Les travaux de Thuer et Ingervall [124] portent sur les relations
possibles entre la force délivrée par la tension de l’orbiculaire,
la pression labiale au repos sur les incisives et le type de
malocclusion.
Haute pression labiale et dysmorphie faciale
La pression de la lèvre supérieure sur les incisives maxillaires
est plus forte pour des sujets présentant un important surplomb.
Basse pression labiale et dysmorphie faciale
Pression labiale supérieure
La pression labiale supérieure serait plus faible en présence
d’une malocclusion de classe II division 2 que pour les classes
I. La situation haute de la ligne interlabiale et la linguoversion
des incisives maxillaires ne seraient pas déterminées par la lèvre
supérieure [124] .
Pression labiale inférieure
Il n’y a pas de différences significatives de pression labiale
inférieure selon les différents types de malocclusions. On ne
peut exclure, cependant, que la position des incisives maxillaires
dans les classes II/2 puisse être déterminée par la pression de la
lèvre inférieure.
Incidences morphogénétiques
des pathologies labiales primitives
La synthèse des opinions sur l’étiologie des pathologies de la
posture labiale et la variabilité des pressions labiales en fonction
de la dysmorphie permet d’émettre des hypothèses sur la
participation, par leur pression et leur tonus, de chacune des
lèvres dans la conformation des structures alvéolodentaires et
squelettiques.
Incidences alvéolodentaires
Certains auteurs ont suggéré que les pressions des tissus mous
pouvaient avoir une influence plus grande sur les procès
alvéolaires que les arcades dentaires elles-mêmes. Ricketts a
Odontologie/Orthopédie dentofaciale
montré les corrélations possibles entre la contraction tonique
des lèvres, la position des incisives et la forme de l’arcade
dentaire mandibulaire. Richardson [125] a trouvé de relations
entre la posture de la lèvre supérieure et l’inclinaison des
incisives supérieures.
La controverse est amenée par Thuer et Ingervall [124] à l’issue
de leurs travaux. Ces auteurs suggèrent que la pression des
lèvres sur les dents pourrait être le résultat de la position des
incisives, et non une participation à l’étiologie du positionnement
incisif.
La posture labiale des classes III est fortement influencée par
les perturbations squelettiques sous-jacentes. Cette posture
labiale participerait à l’établissement des compensations
dentaires, en présence d’un maxillaire petit et situé en arrière de
la mandibule qui modifie les insertions et par la suite les trajets
des fibres du buccinateur. Il en résulte une vestibuloversion des
dents antérieures maxillaires et une linguoversion des dents
antérieures mandibulaires.
L’influence des lèvres sur la forme des arcades et la position
des dents est donc encore loin d’être clarifiée, mais la plupart
des auteurs comme Proffit et Philipps [83] pensent que les
résultats des récentes études sur les influences des pressions
labiales et linguales sur la forme des arcades et la position des
dents indiquent que le schéma postural fonctionnel labial et
lingual tient une importance primordiale par rapport à leur
activité fonctionnelle.
Incidences sur le schéma vertical
Dès le plus jeune âge, l’inocclusion labiale serait un facteur
favorisant une direction anormale verticale de la croissance de
l’étage inférieur et une bascule du plan d’occlusion. Trotman et
al. [126] ont montré l’association entre l’absence du joint labial
et la présence d’une hyperdivergence faciale.
Tosello et al. [127] ont étudié l’activité électromyographique de
l’orbiculaire et des muscles du menton pendant les mouvements
des lèvres chez des enfants en fonction de leur malocclusion. La
tonicité de l’orbiculaire et des muscles mentonniers semble plus
importante chez les patients présentant une béance labiale, et
peut être à l’origine de compensations linguales dentoalvéolaires.
La pulsion linguale engendre des déformations à expressivité
basale, par comparaison à celles engendrées par les tissus mous
de l’enveloppe faciale, comme le montrent les études portant
sur l’étiologie des anomalies dentosquelettiques des respirateurs
buccaux qui présentent pourtant une inocclusion labiale
permanente.
Incidences de la thérapeutique
sur la posture labiale
Le traitement vise au rétablissement d’une occlusion labiale
spontanée. Il est instauré en période de croissance à l’aide de
moyens orthopédiques associés aux moyens orthodontiques,
assurant la correction des dysmorphoses alvéolodentaires. Chez
l’adulte, le traitement orthodontique ou orthodonticochirurgical,
en fonction de la localisation et de l’intensité des lésions,
peut être complété, si nécessaire, par une chirurgie d’allongement
de la lèvre supérieure ou de rehaussement de la lèvre
inférieure. Quel que soit l’âge du patient, une rééducation de la
posture labiale est mise en œuvre pendant le traitement pour
potentialiser les moyens thérapeutiques et garantir une stabilité
des résultats.
Modifications de la force labiale par rééducation
fonctionnelle
Ingervall et Schmocker [114] ont étudié les effets de la rééducation
labiale sur la position des incisives. Ces auteurs ont
montré que, si la rééducation fonctionnelle des lèvres chez les
patients présentant une inocclusion labiale initiale modifie la
morphologie et la fonction labiale, les effets sur la correction de
la protrusion des incisives n’ont pu être démontrés.
La hauteur des lèvres se trouverait augmentée et une réduction
de l’espace interlabial pourrait être obtenue. En revanche,
21

23-474-B-10 Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale
le traitement combiné d’un écran labial et d’une rééducation
labiale permet la lingualisation des incisives et sa stabilité est
liée à une augmentation de la force labiale.
Le port d’un écran oral peut aider la gymnastique respiratoire
après toute expansion maxillaire [120] . L’écran fait obstacle à
l’entrée de l’air par voie orale. De nombreux appareillages
orthodontiques jouent un rôle d’écran : c’est le cas de l’enveloppe
linguale nocturne, des gouttières élastodontiques, des
appareils monoblocs, des positionneurs. Le port de ces appareillages
dépend de la capacité du patient à adopter une
respiration nasale nocturne.
Tallgren et al. [128] montrent que le port d’un écran oral
entraîne une augmentation des pressions dans les premiers
mois, puis une baisse sensible de l’activité musculaire pendant
les fonctions orofaciales. La chute des pressions serait en
relation avec une adaptation des tissus labiaux à la présence de
l’écran.
La myothérapie labiale vise à éduquer la musculature périorale,
à joindre les lèvres et à les fortifier en suivant un protocole
utilisant un écran buccal. Graber, cité par Chase [129] , propose
un exercice de myothérapie pour combattre l’hypotonie de la
lèvre inférieure dans les béances. Petit reproche à la myothérapie
de provoquer une hypermusculation et de ne pas créer de
ce fait un équilibre musculaire.
La kinésithérapie peut contribuer à l’acquisition du contact
labial à l’aide d’exercices portant sur un renfort de la musculature
de l’orbiculaire par la retenue d’objets de plus en plus
lourds, en association avec des exercices respiratoires couplés à
des exercices d’effort physique (in [111] ).
Modifications de la posture labiale par orthopédie
Deffez et al. [110] pensent qu’en présence d’une rétrognathie
mandibulaire un traitement orthopédique permet à l’enfant
d’adopter très précocement une cinétique et une dynamique
mandibulaire différentes, en modifiant les perceptions labiales et
occlusales, et en facilitant le passage de la déglutition primaire
à la déglutition secondaire par son rôle d’écran lingual.
Le déverrouillage mécanique mis en jeu par les activateurs de
classe II permet de libérer la denture pour permettre l’expression
de la croissance mandibulaire et modifie les rapports labiaux en
normalisant les rapports squelettiques sagittaux et verticaux [30] .
L’interception des maloclusions de classe II division 2, selon
Dunglas et Lautrou [130] , permet un déverrouillage antéropostérieur
précoce de la mandibule pour normaliser les rapports
labiaux et ne pas laisser s’installer l’anomalie posturale labiale.
“ Point fort
La modification apportée par la thérapeutique au schéma
corporel permet une intégration consciente progressive
pour devenir spontanée. Il est alors difficile de connaître si
la modification de la croissance qui en résulte, précède,
accompagne ou suit la mise en jeu de ces différentes
praxies.
Modifications de la posture labiale
par orthodontie
Riedel, Rudee, Stoner, cités par Aknin [131] prouvent par leurs
travaux la présence d’une corrélation importante entre la
rétraction des incisives et la modification du profil labial.
Pour Legan et Burstone [119] , et pour Subtelny [122] , les
modifications des tissus mous ne sont pas le reflet exact des
mouvements dentaires et dépendent surtout de la consistance
de chaque lèvre, ce qui justifie leur analyse labiale prenant en
compte l’épaisseur et la hauteur labiale pour l’estimation du
profil thérapeutique.
Ricketts [118] estime que la rétraction de la lèvre supérieure
correspond aux deux tiers de la rétraction de l’incisive supérieure
puisqu’elle s’épaissit du tiers de la valeur de rétraction
incisive. La lèvre inférieure suit la rétraction incisive en
conservant son épaisseur.
“ Point fort
Les mouvements orthodontiques sagittaux de
linguoversion incisive entraînent des mouvements de
recul des lèvres et permettent de retrouver une posture
labiale lorsque l’inocclusion labiale est due à une
protrusion incisive.
Chirurgie orthognathique et posture labiale
Proffit et Phillips [83] ont étudié les modifications de pression
des lèvres sur les dents avant et après une chirurgie orthognathique,
l’adaptation des tissus mous et la stabilité des incisives.
Proffit note que les effets attendus ne se produisent pas au
niveau des pressions labiales posturales :
• après une chirurgie de type Le Fort I d’avancée maxillaire,
une nette diminution de la pression au repos de la lèvre
supérieure est observée, à la place de l’augmentation de
pression attendue, et la stabilité des incisives ne semble pas
liée aux influences des tissus mous ;
• après une chirurgie d’avancée mandibulaire, de la même
façon, la pression labiale au repos n’augmente pas comme
attendu et les incisives auraient tendance cependant à se
lingualer après la fin de la fixation intermaxillaire ;
• après une impaction maxillaire, les tissus mous sont relâchés
et les pressions labiales diminuent, les incisives mandibulaires
ont tendance à se positionner vers l’avant comme le prédit la
« théorie de l’équilibre musculaire » de Proffit et Philipps [83] :
« De faibles pressions de longue durée issues des tissus mous
au repos paraissent être le composant primordial de l’équilibre
des pressions qui détermine la position des dents ».
La chirurgie de clivage bilatéral mandibulaire produit des
altérations provisoires neurosensitives à la lèvre inférieure et au
menton, pouvant perturber le nouvel équilibre postural labial et
la rééducation labiale [132] .
Les études sur la posture et les pressions labiales chez des
patients ayant subi une chirurgie orthognathique sont intéressantes
pour deux raisons :
• le changement produit par la procédure chirurgicale réalise
une expérience in vivo permettant d’évaluer les influences
des lèvres sur la position dentaire ; le traitement chirurgical
affecte la posture labiale, particulièrement quand une génioplastie
ou une ostéotomie totale du maxillaire sont effectuées
aux dépens d’une incision dans les vestibules, qui affecte la
mobilité de la lèvre supérieure et qui peut en partie expliquer
le manque d’augmentation des pressions labiales au repos ;
• le rapport pressions/posture peut permettre d’analyser les
causes de la stabilité ou de la récidive après chirurgie.
■ Conclusion
L’action morphogénétique de la posture linguale semble
primordiale par rapport aux autres postures, mais l’interdépendance
entre ces postures est reconnue par de nombreux auteurs.
Les travaux sur la maturation de ces postures indiquent que
toute rééducation peut être jugée comme trop précoce avant la
fin des phénomènes de maturation nasopharyngienne et de
morphogenèse des arcades dentaires. L’acquisition d’une
respiration nasale est le facteur primordial à une normalisation
des postures étudiées.
Le diagnostic orthodontique doit s’attacher à la détection des
facteurs iatrogènes physiologiques ou thérapeutiques capables
d’engendrer une pathologie posturale linguale, labiale ou
22 Odontologie/Orthopédie dentofaciale

.
Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale 23-474-B-10
mandibulaire, dont les conséquences sont importantes sur la
physiologie aérodigestive et sur la posture du rachis cervical.
Toute vue simpliste de l’équilibre du couloir dentaire réalisé
uniquement par une opposition des forces antagonistes labiales
et linguales est donc incorrecte ; les examens cliniques et
complémentaires de ces postures permettent de réaliser un
traitement orthodontique qui contribue à l’installation d’un
équilibre esthétique et fonctionnel.
Un succès morphologique peut cacher un échec fonctionnel.
Les critères de succès des traitements exigent l’équilibre myofonctionnel
des postures céphalique, labiale, linguale et mandibulaire,
nécessaire à la stabilité des résultats.
Rechercher une matrice fonctionnelle neutralisée consiste à
mettre tout en œuvre pour éliminer l’influence des dysfonctions,
qui est un préalable à l’obtention d’une harmonie
occlusale durable.
La rééducation fonctionnelle doit être envisagée après
réhabilitation du cadre squelettique par les moyens thérapeutiques
mis en œuvre en fonction de l’intensité de la lésion et de
l’âge du patient. L’éducation fonctionnelle précoce permet de
normaliser la direction de croissance si l’expressivité verticale
génétique n’induit pas un facteur excessif.
La notion de temps est très présente dans la dynamique
dysfonctionnelle : plus on traite précocement, plus la face
s’adapte à notre concept ; inversement, plus on traite tardivement,
plus on doit s’adapter à une face dont l’architecture est
déjà partiellement ou totalement édifiée : le poids des dysfonctions
est d’autant plus lourd qu’elles sont anciennes. Cette
approche fonctionnelle et précoce se rapproche des recommandations
éditées par l’Agence Nationale d’Accréditation et
d’Évaluation en Santé, citée par Fellus [100] , pour établir un
consensus sur les indications et limites des traitements précoces,
définis comme un traitement qui débute en denture lactéale ou
mixte : les interventions précoces orthopédiques constituent la
voie du troisième millénaire.
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M. Raberin, Docteur d’Université, Maître de conférences (mraberin@wanadoo.fr).
Faculté de chirurgie dentaire de l’Université de Lyon I, 142, avenue des Frères Lumière, 69008 Lyon, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Raberin M. Incidences cliniques des postures de la zone orolabiale. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Odontologie/Orthopédie dentofaciale, 23-474-B-10, 2007.
Disponibles sur www.emc-consulte.com
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