2e partie. Outil 5.pdf - RehabiMed
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II. Diagnose<br />
<strong>Outil</strong> 5<br />
Analyse des paramètres économiques et des valeurs socioculturelles<br />
La population résidente du bâti traditionnel. Le cas de Nicosie<br />
5<br />
réseaux est en train de se développer : magasins vendant des<br />
produits russes à côté d’épices indiennes et de saris, boutiques de<br />
cabines téléphoniques à prix réduits et cafés Internet, agences de<br />
transfert d’argent, laveries, boucheries hallal ne vendant pas de<br />
porc, salons de coiffure ouverts même le dimanche dans des<br />
garages ou des halls, etc.<br />
Avec la concentration d’un grand nombre d’immigrés vivant dans<br />
la ville, une nouvelle géographie urbaine est en train de se<br />
dessiner. Ou bien, pour être plus précis, la ville depuis si longtemps<br />
divisée est en train d’être revitalisée. En conséquence, ce qui avait<br />
été le quartier latino est utilisé aujourd’hui par les Philippins<br />
catholiques, les Indiens et les Sri Lankais qui vont à la messe du<br />
dimanche à la cathédrale (catholique). L’ancienne école Saint-<br />
Joseph a été convertie en un centre communautaire par les<br />
religieuses catholiques, alors que l’ancien couvent prête<br />
aujourd’hui ses jardins et ses zones abritées aux adeptes du<br />
Sunday tea. Le jardin municipal, de même que les murs et les<br />
douves proches, sont utilisés pour le pique-nique ou la promenade<br />
dominicale, ou encore pour y organiser des fêtes, voire même un<br />
petit bazar en plein air. Un plus grand bazar, lui aussi en plein air,<br />
est organisé sur un parking proche des murs datant du Moyen Âge.<br />
Les commerçants chypriotes y offrent leurs produits de mauvaise<br />
qualité à bas prix adaptés au goût de leurs clients immigrés. Ils<br />
emploient souvent des immigrés comme vendeurs pour faciliter les<br />
ventes. De fait, les immigrés sont rarement les patrons, et l’une de<br />
leurs activités habituelles est la vente de cassettes de musique.<br />
La communauté musulmane est organisée autour de la mosquée,<br />
ancienne cathédrale gothique reconvertie au culte musulman<br />
pendant la période ottomane. Les salons de coiffure, les<br />
boucheries, les tout-à-cent-balles, les boutiques de transfert<br />
d’argent ou les « clubs » de DVD sont situés dans des locaux dans<br />
les rues adjacentes pour servir la communauté.<br />
La communauté orthodoxe de la diaspora grecque est installée<br />
dans la zone située autour de l’église orthodoxe Phaneromeni. Ce<br />
sont en fait des colons mais comme ils partagent la même langue<br />
(habituellement deuxième langue pour eux) et une même religion,<br />
ils sont mieux incorporés dans la communauté locale. Leur réseau<br />
est par conséquent moins resserré que ceux des groupes<br />
mentionnés auparavant. Cependant, leur impact sur la vie<br />
quotidienne de la ville est significatif car ils l’utilisent vingt-quatre<br />
heures sur vingt-quatre. La zone qui avait été désertée est<br />
maintenant remplie des rires des enfants, de femmes bavardant<br />
sur les bancs et de groupes d’hommes regardant les passants.<br />
Les Chypriotes vivant dans cette zone sont en général, soit des<br />
personnes âgées qui y demeurent après que leurs enfants les aient<br />
quittées, soit des membres des professions libérales qui y ont leur<br />
studio ou leur bureau mais qui vivent, dans la plupart des cas, à<br />
l’extérieur du quartier historique. Il y a un petit nombre de jeunes<br />
familles qui ont choisi la zone pour y établir leur résidence<br />
permanente ; ce sont des réfugiés logés, soit dans le camp de<br />
réfugiés du gouvernement dans le quartier Chrysaliniotissa, qui a<br />
été réhabilité par la municipalité locale, soit dans des immeubles<br />
mieux préservés ou réhabilités.<br />
La rue principale (Ledras street), cependant, est fréquentée par<br />
tous types de gens. Des familles avec des enfants en bas âge<br />
choisissent la rue piétonnière pour y faire leurs promenades et<br />
profiter du café qu’elles prennent dans d’agréables cafétérias<br />
telles que Starbucks ou Flo (chaînes multinationales). Des gens de<br />
tous les âges, aussi bien de la ville que des villages proches,<br />
viennent acheter leurs glaces chez Heracles. Des Chypriotes turcs<br />
passent le checkpoint pour venir faire des achats et pour « prendre<br />
l’air de l’Occident ». Les touristes sont attirés par l’architecture<br />
traditionnelle, les musées, les boutiques à touristes et les<br />
restaurants.<br />
Ces réseaux de gens de différentes ethnicités, cultures, religions et<br />
intérêts se croisent habituellement ou cohabitent dans le même<br />
tissu urbain et aux mêmes moments, mais sans vivre vraiment<br />
ensemble. Leurs mondes se rencontrent l’espace d’un instant : un<br />
service dans une boutique ou un restaurant, un sourire à un joli<br />
bébé, un instantané, un regard de désapprobation ou d’hostilité,<br />
etc. Chaque groupe transporte sa propre histoire, et son rapport à<br />
la ville diffère sérieusement des autres. Un espace urbain est conçu<br />
et interprété d’une manière différente par chacun. Ce qui est<br />
important pour une personne est indifférent pour une autre. Ce<br />
sont par conséquent les gens qui donnent la vie et la valeur à<br />
l’espace public, mais c’est aussi l’espace qui facilite la<br />
concentration et l’intensité des activités de ces mêmes personnes.<br />
La ville est enrichie de nos jours par différents ensembles de<br />
valeurs ou de symboles inhérents aux différentes cultures qui<br />
l’occupent. C’est une scène où se jouent différentes pièces de<br />
théâtre souvent spontanées ou imprévisibles. La ville semble suivre<br />
sa propre dynamique. Toutefois, cette juxtaposition de différences,<br />
de diversité et d’extrêmes sociaux, d’affluence et de pauvreté crée<br />
une considérable tension et un débat public.<br />
La ville derrière les murailles est dans un indiscutable processus de<br />
régénération. Pour sa réhabilitation physique, 10 000 000 C£ du<br />
Fonds structurel seront dépensées au cours de ces trois prochaines<br />
années. D’autres fonds provenant d’autres sources<br />
gouvernementales seront aussi utilisés. Mais la question<br />
essentielle demeure : Régénération pour qui ? Et comment les<br />
bénéficiaires-cible sont-ils inclus dans le processus de décision ?<br />
Comment exactement les communautés « visiteuses » sont-elles<br />
vues dans le kaléidoscope des problèmes de la ville étant donné<br />
que, actuellement, ce sont elles qui ont l’impact le plus important<br />
sur la vie de la ville et qu’elles seront probablement les plus<br />
affectées par le processus de régénération ? Quel est l’impact de<br />
ces réseaux de personnes sur le processus de régénération ? Enfin,<br />
est-il significatif, ou bien les forces du marché et le pouvoir politique<br />
sont-ils plus puissants que les forces sociales qu’ils créent ?<br />
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