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ÉTUDE Regard sur la littérature féminine algérienne

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Beaucoup d’œuvres de <strong>la</strong> décennie apparaissent comme des œuvres fortement transgressives, dépassant<br />

tous les interdits, y compris ceux de l’autocen<strong>sur</strong>e.<br />

Ainsi Fériel Assima aborde dans son deuxième roman, Rhoulem ou le sexe des anges (Arléa,<br />

1996) — écrit après Une femme à Alger, chronique du désastre paru en 1995 chez le même éditeur — ,<br />

le thème de l’androgynie et de <strong>la</strong> misère sexuelle avec une telle violence qu’on peut penser que <strong>la</strong> violence<br />

de l’histoire induit souvent celle de l’écriture qui nous installe dans un ma<strong>la</strong>ise parfois insupportable.<br />

Nina Bouraoui<br />

Même ma<strong>la</strong>ise chez Nina Bouraoui : aucun de ses romans — La voyeuse interdite (Gallimard, 1991)<br />

qui <strong>la</strong> fit connaître, Poing mort (Gallimard, 1992), L’âge blessé (Fayard, 1998), Le jour du séisme<br />

(Stock, 1999) — n’est particulièrement facile ni particulièrement euphorique : certains sont même d’une<br />

dureté rare : Le bal des murènes (Fayard, 1996), par exemple, est, à cet égard remarquable. P<strong>la</strong>cé sous<br />

le signe du délire d’un adolescent ma<strong>la</strong>de, partagé entre l’amour pour sa mère et une haine pour elle qui<br />

s’exprime avec violence, il met en p<strong>la</strong>ce un univers cauchemardesque rendu en images pénibles, fantasmatiques<br />

et révé<strong>la</strong>trices d’une souffrance extrême. Derrière cet univers s’en esquisse un autre, horrible<br />

lui aussi quoique d’une nature différente, <strong>la</strong> cave de <strong>la</strong> maison où il vit ayant été un lieu où l’on torturait<br />

des résistants. Aucun répit, aucune p<strong>la</strong>ge de paix, tout est douleur, humiliation : le drame de l’enfant mal<br />

aimé, le saccage de <strong>la</strong> vie de <strong>la</strong> mère, <strong>la</strong> torture qui détruit les êtres et <strong>sur</strong> <strong>la</strong>quelle s’attarde le narrateur<br />

car, comme on l’apprend aux dernières pages du récit, c’est là que se trouve l’origine de toute cette intolérable<br />

souffrance de l’histoire.<br />

L’avant-dernier roman, Garçon manqué (Stock, 2000), semble marquer un tournant ; différent des<br />

romans précédents, il en a cependant <strong>la</strong> force et <strong>la</strong> violence mais elles se trouvent en quelque sorte, et<br />

même si l’univers décrit est toujours marqué par <strong>la</strong> souffrance et <strong>la</strong> révolte, compensées par l’amour qui<br />

s’y exprime sans réticences vis-à-vis des êtres (l’ami, sa famille) et d’un pays enfin nommé, lieu de toutes<br />

les déchirures ; <strong>la</strong> contradiction, l’ambiguïté sont les figures centrales du roman qui décrit <strong>la</strong> difficile<br />

conciliation des contraires dans des sociétés peu ouvertes à <strong>la</strong> différence. La dualité du personnage —<br />

Algérienne par son père, Française par sa mère — se manifeste jusqu’au p<strong>la</strong>n sexuel et elle s’interroge :<br />

“ Française ? Algérienne ? Fille ? Garçon ? ”<br />

L’écriture, dense, haletante comme dans les autres textes, sait dire avec force aussi bien l’amour<br />

d’une terre que <strong>la</strong> bles<strong>sur</strong>e du racisme imbécile.<br />

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