ÃTUDE Regard sur la littérature féminine algérienne
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Toutes ces contraintes font que les femmes sont entrées d’abord à petits pas en littérature et que<br />
longtemps cette littérature s’est limitée à quelques noms de pionnières, objets de curiosité, auxquelles<br />
d'ailleurs de nombreux travaux ont été consacrés, Djami<strong>la</strong> Debêche, les Amrouche : Fadhma Aït Mansour,<br />
<strong>la</strong> mère, Marguerite Taos, <strong>la</strong> fille.<br />
La première publiait en 1947 Leï<strong>la</strong>, jeune fille d’Algérie (Alger, Imprimerie Charras) puis Aziza en<br />
1955 (Imprimerie Imbert), romans bien conventionnels, il faut le dire, où l’intrigue sert de prétexte à des<br />
développements <strong>sur</strong> <strong>la</strong> possibilité pour <strong>la</strong> “ femme musulmane ” de s’émanciper dans l’Algérie coloniale,<br />
<strong>sur</strong> l’opposition tradition/modernité recouvrant une opposition culture musulmane/culture française. Le<br />
premier roman reprend les mythes de l’idéologie coloniale, le second marque une légère évolution ; il<br />
met encore en scène une jeune fille déchirée entre tradition et modernité qui assiste d’abord inquiète à <strong>la</strong><br />
montée du nationalisme puis admet peu à peu l’idée que, peut-être, le monde qui se construit sera de<br />
progrès.<br />
Le récit de Fadhma Aït Mansour, Histoire de ma vie, antérieur aux récits de Djami<strong>la</strong> Debêche puisqu’il<br />
est écrit en 1946, ne sera cependant publié qu’en 1968 (Maspéro), après sa mort et celle de son<br />
mari. L’auteure raconte sa vie, insistant fortement <strong>sur</strong> le statut de marginale auquel <strong>la</strong> condamnent sa<br />
naissance illégitime, son instruction et sa conversion au christianisme. Témoignage <strong>sur</strong> <strong>la</strong> colonisation<br />
culturelle et ses conséquences, le texte est plein de <strong>la</strong> souffrance née de <strong>la</strong> différence, de l’exil et de <strong>la</strong><br />
mort des siens, éc<strong>la</strong>iré cependant, ainsi qu’elle l’écrit, par le travail de “ fixation des chants berbères hérités<br />
des ancêtres qui (lui) ont permis de supporter l’exil et de bercer <strong>la</strong> douleur ”.<br />
Sa fille écrit aussi dès 1947 son premier roman Jacinthe noire (Charlot), suivi en 1960 de Rue des<br />
tambourins (La Table Ronde) et, en 1975, de L’Amant imaginaire (Nouvelle société Morel). Elle est<br />
connue par les chants recueillis avec son frère auprès de sa mère. Les romans, à forte coloration autobiographique,<br />
mettent en scène des jeunes femmes instables, à <strong>la</strong> sensibilité exacerbée, refusant de se<br />
soumettre, s’analysant avec quelque comp<strong>la</strong>isance, et posent le problème de l’exil et de <strong>la</strong> marginalité.<br />
Pendant <strong>la</strong> guerre émerge celle qui sera longtemps <strong>la</strong> figure de proue de <strong>la</strong> littérature féminine algérienne,<br />
Assia Djebar, qui occupera pratiquement seule le terrain pendant quelque temps. (On rappellera<br />
que <strong>la</strong> guerre a favorisé l’éclosion de <strong>la</strong> poésie, genre approprié aux circonstances, permettant<br />
l’expression, parfois sans lendemain, de l’émotion du moment comme l’ont montré Jamel Eddine Bencheikh<br />
et Jacqueline Lévi Valensi dans leur Diwan).<br />
Assia Djebar<br />
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