ÃTUDE Regard sur la littérature féminine algérienne
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manifeste de façon éc<strong>la</strong>tante <strong>la</strong> créativité féminine et le travail d’une écriture inspirée : dans ces descriptions<br />
se déploie ce qu’on a pu appeler un “ luxe textuel ” (Ph. Hamon) , une jubi<strong>la</strong>tion du texte qui se<br />
répercute <strong>sur</strong> le destinataire. En nous montrant le génie créateur du personnage, cette description qui<br />
donne à voir des jardins somptueux, nous fait toucher du doigt, par une mise en abyme, celui de<br />
l’auteure et rend sensible <strong>la</strong> force créatrice des femmes. Cette peinture heureuse n’exclut pas <strong>la</strong> lucidité<br />
et ces espaces précieux ne sont pas épargnés par <strong>la</strong> violence, inscrite dès le sous-titre “ boléro pour un<br />
pays meurtri ” ; cependant le désastre du présent n’empêche pas de résister même si les seuls moyens de<br />
le faire sont <strong>la</strong> colère et le souvenir, comme le dit <strong>la</strong> fin du texte : “ Elle pensa qu’il fal<strong>la</strong>it se souvenir de<br />
tout, des terrasses de <strong>la</strong> ville assassinée, des couchers de soleil, des rires, des recettes de gâteaux, du<br />
métier à tisser, des chansons et des p<strong>la</strong>isanteries, des jasmins, des soies, des jardins… Elle pensa que sa<br />
colère ne devait pas fléchir… ”.<br />
Les années 90<br />
La percée qui s’est opérée dans les années 80, va se poursuivre dans cette décennie pendant <strong>la</strong>quelle<br />
on assiste à une véritable explosion de textes : certaines écrivaines entamant une œuvre abondante, produisent,<br />
en quelques années, trois, quatre, cinq romans et parfois plus, d’autres poursuivent le parcours<br />
inauguré dans <strong>la</strong> ou les décennies précédentes, comme Assia Djebar et Hawa Djabali dont nous avons<br />
déjà parlé. Il faut signaler, du côté de l’édition, le rôle important que joue, depuis 1996, <strong>la</strong> revue Algérie<br />
Littérature / Action qui a révélé un grand nombre de talents.<br />
La plupart des œuvres de <strong>la</strong> décennie sont fortement marquées par le contexte dans lequel elles sont<br />
produites, l’Histoire qui s’accélère alors, infléchissant l’écriture et <strong>la</strong> thématique ; les femmes prennent<br />
encore davantage le parti de s’exposer car si, pour une femme “ écrire a toujours été subversif ”<br />
(B. S<strong>la</strong>ma), écrire en ces années 90, c’est prendre des risques majeurs mais en toute connaissance de<br />
cause.<br />
De grands noms se sont très vite imposés, Malika Mokeddem, Maïssa Bey, Nina Bouraoui, toutes les<br />
trois ayant déjà derrière elles une œuvre majeure, chacune totalement différente. Échappant au témoignage<br />
auquel se limiteront un certain nombre d’auteurs, elles mettent en p<strong>la</strong>ce un monde frappé par<br />
l’horreur, mais <strong>la</strong> dépassent par l’écriture qui recourt aussi à l’imaginaire, au rêve, au désir, à <strong>la</strong> nostalgie<br />
parfois.<br />
Malika Mokeddem<br />
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