11.06.2014 Views

ÉTUDE Regard sur la littérature féminine algérienne

ÉTUDE Regard sur la littérature féminine algérienne

ÉTUDE Regard sur la littérature féminine algérienne

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Notons aussi, dans <strong>la</strong> littérature de dénonciation des maux sociaux, le roman de Fettouma Touati, Le<br />

Printemps désespéré (L’Harmattan, 1984) : l’intrigue en est assez ténue et ne sert que de prétexte à <strong>la</strong><br />

démonstration qui sous-tend l’œuvre ; l’accent est mis <strong>sur</strong> <strong>la</strong> souffrance des femmes, leur enfermement,<br />

<strong>sur</strong> l’échec multiforme de leur vie. Le tableau dressé, sans concession mais aussi sans nuance, ne recule<br />

pas devant les exagérations, mais cette œuvre rageuse et pessimiste, à <strong>la</strong> limite du littéraire, ne manque<br />

pas d’intérêt. L’auteure n’a pas, à notre connaissance, publié d’autres romans, comme si, son cri de protestation<br />

<strong>la</strong>ncé, elle avait le sentiment d’avoir accompli <strong>la</strong> tâche qu’elle s’était proposée : il est vrai que le<br />

phénomène n’est pas nouveau, on l’a noté plus haut.<br />

Djanet Lachmet, elle non plus, n’a pas écrit d’autre roman que Le Cow-boy (Belfond, 1983) et on<br />

peut le regretter car cette œuvre inquiète et complexe aurait mérité d’être prolongée. Récit d’une enfance<br />

pendant <strong>la</strong> colonisation, le roman met en scène une narratrice en révolte contre sa mère soupçonnée<br />

de ne pas l’aimer assez, contre l’école (ce qui est assez original quand on sait comme est valorisé<br />

dans toute <strong>la</strong> production féminine cet espace d’où peut venir <strong>la</strong> liberté), soupçonnée de mentir et où sa<br />

re<strong>la</strong>tion, combien innocente, avec un jeune Français, le cow-boy, est perçue comme scandaleuse dans un<br />

univers où chaque communauté se protège soigneusement de l’autre ; faisant une telle p<strong>la</strong>ce à une re<strong>la</strong>tion<br />

hors norme, le roman lui-même s’inscrit en marge du discours littéraire habituel plus enclin à montrer<br />

les barrières que <strong>la</strong> transgression que représente à l’époque cette amitié amoureuse, bien plus “ choquante<br />

” que <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion à l’étrangère, présente, <strong>sur</strong> un mode plus ou moins fantasmatique dans une<br />

bonne part de <strong>la</strong> littérature masculine. Ce roman à <strong>la</strong> première personne décrit <strong>la</strong> révolte de <strong>la</strong> petite fille<br />

puis de l’adolescente (le traitement paradoxal de l’espace montre fort bien cette révolte) dont <strong>la</strong> re<strong>la</strong>tion<br />

perturbée avec <strong>la</strong> mère rend douloureux le passage à l’âge adulte dans un pays en proie lui-même à de<br />

douloureuses mutations.<br />

Un seul roman aussi pour Myriam Ben, Sabrina, ils ont volé ta vie (L’Harmattan, 1986) mais<br />

l’auteure s’était fait connaître par un très beau recueil de nouvelles paru en 1982 (pour le XX° anniversaire<br />

de l’indépendance), Ainsi naquit un homme (Alger, La Maison des livres) : l’une des nouvelles,<br />

“ Nora ”, <strong>la</strong> plus connue, est un texte fort, émouvant et désespéré, dont les protagonistes sont des jeunes<br />

gens qui ont participé à <strong>la</strong> révolution et se sont trouvés confrontés à <strong>la</strong> torture mais aussi à <strong>la</strong> passion, au<br />

désenchantement des lendemains de révolution, à <strong>la</strong> folie et à <strong>la</strong> mort. Myriam Ben est également peintre<br />

et poétesse : le roman apparaît comme une parcelle d’une production très diverse. Sa parution avait provoqué<br />

une polémique, certains lui reprochant son pessimisme — l’intrigue montre <strong>la</strong> destruction par <strong>la</strong><br />

société d’un couple de jeunes gens qui s’aiment — , l’auteure affirmant que son roman était “ le résultat<br />

d’une observation exacte ”. Il est heureusement plus que ce<strong>la</strong>, l’imagination et <strong>la</strong> poésie y trouvant <strong>la</strong>rgement<br />

leur p<strong>la</strong>ce.<br />

115

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!