pdf - 6,35 Mo - Ville de Vincennes
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ICI OU LÀ<br />
Patrimoine<br />
La Tour du Village<br />
<strong>Vincennes</strong> info vous propose, en juin et en juillet, <strong>de</strong> découvrir grâce à l’historienne<br />
Odile Bordaz l’histoire et l’architecture d’un élément éminent du paysage<br />
architectural local : la Tour du Village, porte d’entrée du château pour les Vincennois.<br />
Premier volet ce mois-ci…<br />
Avec ses 42 m <strong>de</strong> haut, son architecture<br />
et son décor sculpté d’une qualité<br />
exceptionnelle, la Tour du Village est la<br />
plus importante <strong>de</strong>s 9 tours du mur d’enceinte<br />
<strong>de</strong> Charles V. C’est aussi la seule<br />
à subsister aujourd’hui dans son élévation<br />
d’origine et en gran<strong>de</strong> partie dans<br />
sa structure. Le nombre <strong>de</strong> ses fenêtres,<br />
la présence à ses différents étages <strong>de</strong><br />
cheminées monumentales, l’ampleur<br />
<strong>de</strong>s salles et la beauté <strong>de</strong> leurs éléments<br />
décoratifs témoignent <strong>de</strong> l’affectation<br />
<strong>de</strong> cette tour dès l’origine. En effet, il ne<br />
s’agissait pas d’une simple tour-porte,<br />
lieu <strong>de</strong> passage et <strong>de</strong> guet, mais aussi et<br />
surtout d’un espace qui avait une fonction<br />
rési<strong>de</strong>ntielle, à l’entrée du château<br />
royal.<br />
Charles V, on le sait, avait voulu faire <strong>de</strong><br />
<strong>Vincennes</strong>, domaine fortifié aux portes<br />
<strong>de</strong> Paris, le lieu privilégié du pouvoir<br />
monarchique, à la fois siège du gouvernement<br />
et rési<strong>de</strong>nce d’agrément.<br />
Comme l’a souligné Jean Chapelot, « la<br />
Tour du Village, d’une surface supérieure<br />
à celle du donjon », est « d’une<br />
qualité exceptionnelle et elle <strong>de</strong>vait<br />
abriter au premier étage, dans un appartement<br />
d’une qualité et d’une ampleur<br />
remarquables, un personnage <strong>de</strong> premier<br />
plan ». La Tour du Village servait<br />
<strong>de</strong> logement au « capitaine » du château.<br />
Des planchers sont venus, au fil <strong>de</strong>s<br />
siècles et <strong>de</strong>s aménagements successifs,<br />
couper les volumes <strong>de</strong>s salles, si bien<br />
qu’aujourd’hui 4 étages, plus le rez-<strong>de</strong>chaussée<br />
et l’entresol, se superposent<br />
dans la tour. Un ample escalier en vis<br />
logé dans la tourelle sud-ouest <strong>de</strong>ssert<br />
chaque niveau. Une autre tourelle située<br />
à l’angle sud-est est vi<strong>de</strong>. La présence<br />
<strong>de</strong> latrines à chaque étage confirme la<br />
fonction <strong>de</strong> rési<strong>de</strong>nce <strong>de</strong> la tour, outre la<br />
présence <strong>de</strong>s gar<strong>de</strong>s chargés du guet.<br />
Les différents étages <strong>de</strong> la<br />
Tour du Village<br />
Le rez-<strong>de</strong>-chaussée est divisé en <strong>de</strong>ux<br />
parties latérales par le porche <strong>de</strong> l’entrée<br />
principale du château, faisant suite<br />
au pont dormant et au pont-levis qui<br />
permettent <strong>de</strong> franchir les fossés. Une<br />
gran<strong>de</strong> arca<strong>de</strong> surmonte ce passage.<br />
Au-<strong>de</strong>ssus <strong>de</strong> l’entresol qui prend le<br />
jour au niveau supérieur <strong>de</strong> la voûte, se<br />
trouve la vaste salle du premier étage.<br />
Elle possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cheminées : l’une <strong>de</strong><br />
dimensions monumentales, au décor<br />
sculpté <strong>de</strong> figures d’anges et d’une<br />
guirlan<strong>de</strong> <strong>de</strong> feuillages, l’autre, la plus<br />
petite, sans décor. Un corridor sans<br />
issue court dans l’épaisseur du mur.<br />
Cette salle donne du côté sud sur le chemin<br />
<strong>de</strong> ron<strong>de</strong>. La porte qui en permet<br />
l’accès a été ouverte dans le mur d’une<br />
niche à mâchicoulis, dont le renforcement<br />
forme à cet endroit-là une terrasse<br />
au centre <strong>de</strong> la faça<strong>de</strong>, dans l’axe <strong>de</strong> l’allée<br />
centrale du château.<br />
Le <strong>de</strong>uxième étage, aménagé ultérieurement,<br />
constituait au temps <strong>de</strong> Charles V<br />
la partie sommitale <strong>de</strong> la salle du premier<br />
étage. On peut ainsi y admirer<br />
aisément les sculptures <strong>de</strong>s corbeaux.<br />
Au troisième étage, un corridor voûté,<br />
creusé dans l’épaisseur du mur, conduit<br />
à une petite pièce adjacente à la gran<strong>de</strong><br />
salle et aux latrines. La vaste salle<br />
<strong>de</strong>vait, dans le projet initial, être la<br />
<strong>de</strong>rnière et supporter la plate-forme<br />
supérieure, si l’on en juge d’après les<br />
colonnes <strong>de</strong>mi-engagées dans les murs,<br />
qui traversent désormais le plancher du<br />
quatrième étage où se trouvent leurs<br />
chapiteaux. Néanmoins, la décision<br />
<strong>de</strong> créer cet étage supérieur a certainement<br />
été prise très tôt, car la salle<br />
du quatrième étage est pourvue d’une<br />
cheminée monumentale et <strong>de</strong> latrines.<br />
Comme l’a souligné François <strong>de</strong> Fossa :<br />
« Il y a tout lieu <strong>de</strong> croire que cette disposition<br />
a été changée au cours même<br />
<strong>de</strong> la construction et qu’il y a eu, à ce<br />
moment, un repentir. »<br />
Selon une tradition, la salle du quatrième<br />
étage aurait vraisemblablement<br />
servi <strong>de</strong> chapelle à une époque tardive<br />
(XVIII e ou XIX e siècle). Outre les chapiteaux<br />
<strong>de</strong> <strong>de</strong>mi-colonnes, cette salle<br />
abrite le mécanisme <strong>de</strong> l’horloge, « faite<br />
par Pépin, horloger à Paris, (en) 1768 »<br />
et implantée à la Tour du Village en<br />
© Serge Clairet<br />
1818. C’est à cette date que remonte le<br />
campanile qui domine la faça<strong>de</strong> sud <strong>de</strong><br />
la tour. Il a été construit pour y installer<br />
la cloche commandée par Charles V en<br />
1369 et qui sonnait les heures au-<strong>de</strong>ssus<br />
du cabinet <strong>de</strong> travail du roi, au Châtelet.<br />
Deux cloches beaucoup plus petites<br />
lui avaient été adjointes à la Tour du<br />
Village, l’une sonnant les <strong>de</strong>mi-heures,<br />
l’autres les quartes. Comme l’indiquent<br />
leurs inscriptions, elles ont été fondues<br />
« l’an 1819, par Lepaute, horloger ».<br />
Le nom <strong>de</strong> Lepaute figure sur les <strong>de</strong>ux<br />
cadrans, mais avec <strong>de</strong>s dates différentes,<br />
l’un 1768, l’autre 1818. Au début<br />
<strong>de</strong>s travaux, un seul cadran avait été<br />
prévu, sur la cour du château, <strong>de</strong>stiné<br />
aux militaires, mais les habitants <strong>de</strong><br />
<strong>Vincennes</strong> en réclamèrent un du côté <strong>de</strong><br />
la ville, d’où l’installation d’un second<br />
cadran sur le côté nord <strong>de</strong> la tour en<br />
1822.<br />
Le niveau <strong>de</strong>s combles précè<strong>de</strong> la plateforme<br />
qui couronne la tour, d’où l’on<br />
bénéficie d’une vue particulièrement<br />
intéressante sur le château et sur la<br />
ville <strong>de</strong> <strong>Vincennes</strong>. Cette plate-forme<br />
est relativement récente puisqu’elle ne<br />
date que <strong>de</strong>s travaux <strong>de</strong> restauration<br />
<strong>de</strong> 1858. Jusqu’à cette date, et <strong>de</strong>puis le<br />
règne <strong>de</strong> Louis XIIII, le couronnement<br />
<strong>de</strong> la Tour du Village consistait en un<br />
toit à double pente. Comment se présentait-il<br />
au temps <strong>de</strong> Charles V ? Les documents<br />
ne permettent pas <strong>de</strong> le définir<br />
avec précision.<br />
Suite dans notre prochain numéro.<br />
Texte d’Odile Bordaz. Historienne et docteur en<br />
histoire <strong>de</strong> l’art, auteur <strong>de</strong> plusieurs ouvrages<br />
et romancière, Odile Bordaz, conservateur du<br />
patrimoine, a notamment été administratrice du<br />
château <strong>de</strong> <strong>Vincennes</strong>.<br />
<strong>Vincennes</strong> Juin 2012 • 19