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Rapport de stage ouvrier / chantier - Le réseau @archi.fr

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<strong>Rapport</strong> <strong>de</strong> <strong>stage</strong> <strong>ouvrier</strong> / <strong>chantier</strong><br />

Adrián Pablo Gómez Mañas<br />

L2, ENSA Paris Malaquais


Pour choisir mon <strong>stage</strong> <strong>ouvrier</strong> j’ai voulu faire attention à <strong>de</strong>ux critères différents :<br />

d’un côté, j’ai essayé qu’il puisse faire partie <strong>de</strong> mon été, et d’un autre je voulais un travail<br />

en relation directe avec la maçonnerie car, je pense, je n’aurai plus beaucoup d’autre<br />

possibilités d’apprendre un métier que je juge indispensable <strong>de</strong> connaître pour un architecte.<br />

Pour cela, j’ai <strong>de</strong>mandé au maître maçon qui travaillait dans un <strong>chantier</strong> situé dans<br />

le village où habitent mes grands-parents, en Espagne, près <strong>de</strong> ma famille. <strong>Le</strong>s références<br />

que j’avais <strong>de</strong> ce maître maçon étaient bonnes : il est connu dans la région par son savoirfaire,<br />

son amour pour le métier et, plus concrètement, son bon travail avec la pierre. Il<br />

travaillait dans un <strong>chantier</strong> d’élargissement d’une auberge rurale, <strong>chantier</strong> après lequel il<br />

allait se déplacer au village d’à côté pour construire une nouvelle toiture pour une maison.<br />

J’ai choisi donc les dates au milieu pour voir les <strong>de</strong>ux <strong>chantier</strong>s. <strong>Le</strong> maître maçon, M.<br />

Evaristo Luna, n’a posé aucun problème et m’a engagé avec un sourire.<br />

M. Luna est le <strong>fr</strong>ère ainé –il a soixante ans- d’une société, les « Hermanos Luna »,<br />

composé par les <strong>de</strong>ux <strong>fr</strong>ères ainés <strong>de</strong> la famille. Ils apprirent le métier <strong>de</strong> son père, mais<br />

aucun <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux n’a eu <strong>de</strong>s enfants à qui enseigner à son tour. Ils travaillent donc ensemble<br />

pour les grands projets et séparés pour les petits travaux. Chacun d’entre eux a un ai<strong>de</strong>maçon<br />

avec lui. Celui d’Evaristo est un roumain d’environ quarante ans appelé Jorge.<br />

Cet ai<strong>de</strong>-maçon est en Espagne apprenant le métier <strong>de</strong>puis seulement <strong>de</strong>ux ans, mais sa<br />

robustesse lui permet d’accomplir les taches que le chef n’arrive pas à faire à cause bien<br />

<strong>de</strong> son âge, bien <strong>de</strong> sa taille.


Mon rôle était théoriquement d’ai<strong>de</strong>r l’ai<strong>de</strong>-maçon, mais M. Evaristo me traita toujours<br />

plus comme un apprenti que comme un ai<strong>de</strong>-maçon : il m’expliquait tout le temps à<br />

quoi servait chaque outil, quels mesures il fallait mettre ou pourquoi faisait-on cela <strong>de</strong> cette<br />

manière et pas <strong>de</strong> cette autre. <strong>Le</strong> travail était dur, au moins pour mon habitu<strong>de</strong>, mais au même<br />

temps nous rigolions assez et l’ambiance était agréable, <strong>de</strong> façon que j’étais content d’aller<br />

travailler le matin et le soir je dormais bien.<br />

On commençait à huit heures le matin, on faisait une pause d’une <strong>de</strong>mi-heure à once<br />

heures pour manger un sandwich, on arrêtait à quatorze heures, on reprenait à seize heures et<br />

on finissait le soir à dix-neuf heures et <strong>de</strong>mie. Pendant mes <strong>de</strong>ux semaines <strong>de</strong> <strong>stage</strong> la fille <strong>de</strong><br />

M. Evaristo a été hospitalisée, <strong>de</strong> manière que le week-end on n’a pas travaillé. Par contre,<br />

pour voir la fin du <strong>de</strong>uxième <strong>chantier</strong> <strong>de</strong> la toiture, une semaine plus tard je suis retourné<br />

pendant trois jours juste le matin –<strong>de</strong> huit à quatorze heures.<br />

Quant à les tâches que j’ai dû accomplir, j’ai eu la chance d’être pendant une semaine<br />

et <strong>de</strong>mie dans le <strong>chantier</strong> <strong>de</strong> l’auberge, car au même temps que nous il y avait <strong>de</strong>s travailleurs<br />

<strong>de</strong> toutes les corporations travaillant avec nous, et tous ont <strong>de</strong>mandé <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> à M. Evaristo<br />

à un moment ou un autre, <strong>de</strong> manière que j’ai pu ai<strong>de</strong>r et voir travailler à <strong>de</strong>s menuisiers, à<br />

<strong>de</strong>s électriciens, à <strong>de</strong>s plombiers, à <strong>de</strong>s peintres, <strong>de</strong>s verriers et à un badigeonneur. En plus,<br />

en tant que maçon, j’ai aidé aussi dans la construction <strong>de</strong> trois murs <strong>de</strong> pierre, la finalisation<br />

d’un coin <strong>de</strong> mur mal achevé et la finalisation <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux toitures.


<strong>Le</strong> seul inconvénient <strong>de</strong> ce <strong>stage</strong> <strong>ouvrier</strong>, duquel je suis cependant très content, est justement<br />

le langage. Comme je l’ai fait en Espagne, même si au long <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>ux semaines j’ai appris<br />

beaucoup <strong>de</strong> mots techniques du travail, je les ai appris en espagnol. Pour plusieurs d’entre<br />

elles il existe une traduction facile à chercher dans le dictionnaire, mais il ne faut pas oublier<br />

que M. Evaristo est un maitre-maçon <strong>de</strong> soixante ans qui n’a jamais vécu hors la région, et que<br />

Jorge le ai<strong>de</strong>-maçon a appris espagnol avec lui : la plupart <strong>de</strong>s mots utilisés par eux en rapport<br />

au travail sont <strong>de</strong>s mots régionaux qui n’ont pas une traduction précise qui soit sur un dictionnaire.<br />

Je vais essayer <strong>de</strong> traduire le plus possible, mais il est possible que parfois je trouve <strong>de</strong>s<br />

mots que je ne puisse pas écrire en <strong>fr</strong>ançais.<br />

Quand je suis arrivé au <strong>chantier</strong> ils venaient <strong>de</strong> terminer un <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux murs symétriques<br />

d’hauteur moyenne qui vont marquer l’entrée du jardin. Sur ces <strong>de</strong>ux murs il y a <strong>de</strong>s jardinières.<br />

<strong>Le</strong>s murs sont faits avec <strong>de</strong>s pierres naturelles, prises directement <strong>de</strong>s champs, unies avec du<br />

béton gris. <strong>Le</strong>s trois premières tâches, faites presque au même temps, sont d’un côté faire le<br />

trou <strong>de</strong>s ciments du mur, qui ne va pas être très profond parce que le mur n’aura qu’un mètre<br />

et <strong>de</strong>mi. La profon<strong>de</strong>ur du trou est d’environ trente centimètres. La <strong>de</strong>uxième tâche entreprise,<br />

faite par le maître maçon, est <strong>de</strong> mesurer, niveler et marquer avec <strong>de</strong>s règles et <strong>de</strong>s cor<strong>de</strong>s exactement<br />

quels seront les limites du mur. La troisième tâche, celle que j’ai fait le plus souvent,<br />

c’est d’aller aux champs chercher <strong>de</strong>s pierres adéquates pour le mur.<br />

J’allais avec quelqu’un dans un tracteur (le propriétaire <strong>de</strong> l’auberge, l’autre ai<strong>de</strong>-maçon)<br />

jusqu’à <strong>de</strong>s endroits entre les champs <strong>de</strong> blé où il y a <strong>de</strong>s tas <strong>de</strong> pierres. Il fallait alors chercher<br />

parmi les pierres celles qui étaient suffisamment gran<strong>de</strong>s, plates ou moins d’un côté, <strong>de</strong> préférence<br />

avec un angle droit… Il fallait ensuite les amener jusqu’au tracteur et les jeter dans la<br />

pelle mécanique jusqu’à la remplir. Tout ça semble facile, mai c’est un travail fatiguant dû au<br />

poids <strong>de</strong>s pierres, au mouvement pour les ramasser… Mais au même temps, comme il faut aller<br />

loin du village pour trouver les pierres, le paysage est toujours très beau.


Depuis le premier jour il m’apprit le nom <strong>de</strong>s outils (en espagnol) et les quantités qu’il<br />

faut pour faire le ciment, et <strong>de</strong>s choses comme la différence <strong>de</strong> quantités si le ciment est pour<br />

la partie basse du mur, pour la partie haute ou pour coller <strong>de</strong>s pierres qui pourraient tomber.<br />

Ce premier jour nous finîmes le travail visible du mur, mais j’ai découvert que ce travail n’est<br />

qu’une petite partie. <strong>Le</strong>s jours qui suivirent il fallait arrejuntar (j’ai cherché dans le dictionnaire<br />

mais ça n’apparait pas) qui est finir les jointures entre les pierres pour que ça fasse beau. En<br />

premier lieu il faut passer avec un outil quelconque en raclant tout le ciment qui sortait pour<br />

creuser un peu entre les pierres. Après, avec un ciment blanc très aqueux teint en beige avec le<br />

sable, il faut remplir les trous et peindre les jointures afin que quand il ait séché, il ne semble pas<br />

du béton et il fasse joli. Il fallait aussi finir les jardinières. Ces jardinières avaient été faites par<br />

le maître maçon <strong>de</strong> manière que le mur, dans ses extrémités, mesurait un mètre et <strong>de</strong>mi, mais<br />

dans le reste mesurait juste un mètre dix environ. Donc, ces quarante centimètres qui restent il<br />

mit <strong>de</strong>s pierres très minces pour construire un creux rectangulaire qu’il troua à trois ou quatre<br />

endroits pour faire la sortie d’eau pour les plantes et qu’il arma avec <strong>de</strong>s pierres et <strong>de</strong>s tubes<br />

d’acier qui croissaient à <strong>de</strong>s différents endroits et hauteurs pour qu’il ne puisse pas tomber.<br />

Finalement, il fallait le laisser propre : avec une broche <strong>de</strong> balai vieille on étale le ciment beige.<br />

Puis avec du spart, quand le ciment est déjà assez dur, il faut « laisser la trace », c’est-à-dire<br />

faire que la texture semble naturelle, un peu érodée. Et en <strong>de</strong>rnier lieu il fallait tout nettoyer :<br />

enlever les pierres qui n’avaient pas été utilisées, racler le ciment qui est tombé au sol, remplir<br />

<strong>de</strong> terre les trous au sol autour du mur et nettoyer les taches <strong>de</strong> ciment <strong>de</strong>s pierres avec le spart<br />

aussi.


<strong>Le</strong> <strong>de</strong>uxième <strong>chantier</strong> qu’on a fait est <strong>de</strong>ux murs aussi symétriques qui délimitent le terrain<br />

<strong>de</strong> l’auberge en le séparant <strong>de</strong> la route. Il s’agit <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux murs <strong>de</strong> pierre d’une hauteur qui<br />

varie en forme <strong>de</strong> vagues entre environ vingt centimètres et quarante. Sur les extrémités, là où il<br />

y a l’entrée, les murs montent en pente progressive jusqu’à un mètre et <strong>de</strong>mi. Sur cette extrémité<br />

il y a <strong>de</strong>ux tubes pour mettre une affiche annonçant l’auberge, ainsi qu’un anneau <strong>de</strong> chaque<br />

côté qui servent à mettre une possible chaine pour fermer l’auberge pendant les vacances.<br />

Puisque la technique employée dans ces <strong>de</strong>ux murs est la même que dans l’autre, je ne<br />

vais pas tout re-décrire. Cette fois-ci, par contre, j’ai travaillé dans la tranchée qui servira à faire<br />

les ciments du mur. Pour cela on a utilisé un marteau percuteur et une pelle pour enlever la terre.<br />

Puis, une fois le trou parfaitement mesuré, nivelé et droit, on l’a mouillé pour que la terre se<br />

colle mieux au ciment <strong>de</strong>s pierres et on a commencé à mettre les pierres. C’est la tâche la plus<br />

délicate, puisqu’il faut que les pierres au même temps couvrent la surface qu’il faut qu’elles<br />

couvrent, il faut qu’elles ne puissent pas tomber et, en plus, il faut que le tout soit stable. <strong>Le</strong><br />

résultat fût que, <strong>de</strong> tout le tas <strong>de</strong> pierre qu’on avait apporté, chaque choix était précis et exquis,<br />

et le temps dédié à trouver la bonne position <strong>de</strong> chaque pierre n’était jamais du temps perdu.<br />

J’ai été surpris <strong>de</strong> la quantité énorme <strong>de</strong> ciment dépensée, ainsi que <strong>de</strong> l’exactitu<strong>de</strong> qu’il arrivait<br />

à avoir sans jamais travailler les pierres pour qu’elles rentrent : elles <strong>de</strong>vaient être utilisées tel<br />

qu’elles avaient été prises <strong>de</strong>s champs. C’est pour ça que le choix <strong>de</strong>s pierres était si délicat, aux<br />

champs et au <strong>chantier</strong>. À un moment donné même, on a dû restaurer un autre mur <strong>de</strong> pierre qu’il<br />

y avait dans l’auberge (fait par un autre maçon moins cher, on m’a dit), et comme les pierres utilisées<br />

avaient toutes une tonalité blanchâtre, on a dû aller pendant trois heures dans les champs<br />

en cherchant <strong>de</strong>s pierres adéquates.<br />

<strong>Le</strong> <strong>de</strong>rnier travail accordé qu’on a fait c’était <strong>de</strong> finir un coin <strong>de</strong> bâtiment inachevé quelques<br />

mois auparavant. L’état <strong>de</strong> ce bâtiment était comme dans la photo, c’est-à-dire, il était fini à<br />

l’intérieur mais à l’extérieur on pouvait voir les briques. On a donc dû monter l’échafaudage et


faire un ciment très chargé pour qu’il prenne vite. On a mit les règles pour que le ciment coule<br />

là il où fallait et on a mi le ciment. C’est M. Evaristo qui mettait le ciment pendant que l’autre<br />

ai<strong>de</strong>-maçon et moi lui apportions le matériel et lui aidions en tout ce que nous pouvions. Une<br />

fois que le ciment était bien mis, on a enlevé les règles et l’échafaudage et on a préparé la peinture<br />

pendant que le ciment séchait. La peinture est faite avec beaucoup d’eau, du ciment blanc<br />

et du teint <strong>de</strong> la couleur qu’on a voulu, dans ce cas on a essayé qu’elle ressemble à la couleur<br />

du reste du bâtiment, même si le résultat n’a pas été complètement satisfaisant. La peinture a<br />

été étalée avec un outil que je n’avais jamais vu et dont la traduction serait « éclabousseur ».<br />

En plus <strong>de</strong> ces tâches, comme je disais au début, nous avons dû ai<strong>de</strong>r ou compléter le<br />

travail d’autres corporations. En concret, le travail le plus important a été le changement d’une<br />

douche, car les plombiers ne savaient pas installer la nouvelle en enlevant la vieille. Nous avons<br />

donc enlevé la vieille en la cassant, puis qu’elle ne servait plus, et on a dû aussi agrandir le trou<br />

car la nouvelle douche était trop profon<strong>de</strong> et trop large. Finalement, après que les plombiers<br />

aient changé le tuyau, on a installé la nouvelle avec du béton, mettant <strong>de</strong>s nouveaux carreaux<br />

là où il le fallait. Par ailleurs, nous avons couvert <strong>de</strong>s trous là où il y avait eu <strong>de</strong>s prises, nous<br />

avons terminé et embelli la finition <strong>de</strong>s nouvelles portes et <strong>de</strong> la plinthe, et j’ai aidé au propriétaire<br />

<strong>de</strong> l’auberge à installer un miroir que les verriers avaient oublié. Tout en pouvant profiter<br />

la présence <strong>de</strong> tous ces <strong>ouvrier</strong>s pour connaître d’un peu plus près leurs travails, qui sont aussi<br />

liés à la construction que celui du maçon.


J’ai beaucoup apprécié la relation entre les différents travailleurs qui étions à l’auberge.<br />

Hors les hiérarchies évi<strong>de</strong>ntes en raison <strong>de</strong> la difficulté <strong>de</strong>s labeurs et <strong>de</strong> la reconnaissance<br />

régionale <strong>de</strong>s travailleurs, la relation était <strong>de</strong> respect pour l’autre et <strong>de</strong> camara<strong>de</strong>rie, et les <strong>de</strong>man<strong>de</strong>s<br />

d’ai<strong>de</strong> et les coups <strong>de</strong> main, ainsi que les plaisanteries, étaient <strong>fr</strong>équentes entre les uns<br />

et les autres. Moi, j’étais toujours le plus jeune avec différence et le seul qui ne « semblait » pas<br />

un <strong>ouvrier</strong>, mais le traitement n’était guère différent, bien au contraire, puisque M. Evaristo se<br />

vantait souvent d’avoir un stagiaire qui venait <strong>de</strong> Paris et cela occasionnait un certain respect.<br />

Ce respect, complètement nouveau pour moi, c’est un aspect <strong>de</strong> mon apprentissage qui m’a fait<br />

beaucoup réfléchir, mais j’en parlerai à la fin.<br />

Une fois que le travail à l’auberge était fini on s’est déplacé au village d’à côté pour<br />

faire une toiture. <strong>Le</strong> premier travail nous avait pris plus <strong>de</strong> jours que prévu et je n’avais qu’un<br />

seul jour <strong>de</strong> travail dans ce <strong>de</strong>uxième <strong>chantier</strong>. Je suis donc resté <strong>de</strong>ux jours <strong>de</strong> plus allant en<br />

<strong>de</strong>mi-journée (seulement le matin) pour pouvoir connaître entier le processus <strong>de</strong> construction<br />

d’un toit, fait qui m’intéressait spécialement. Dû au peu <strong>de</strong> temps que j’allais y être, j’ai appris<br />

surtout la théorie, mais quand-même je me suis fait une idée assez exacte <strong>de</strong> ce que c’est que<br />

construire un toit. En plus, j’ai eu la chance <strong>de</strong> que l’autre <strong>fr</strong>ère Luma, M. Enrique, nous a appelés<br />

pour aller lui ai<strong>de</strong>r dans le <strong>chantier</strong> où il était. J’ai pu donc connaitre les <strong>de</strong>ux procédés les<br />

plus utilisés pour la construction d’un toit :<br />

<strong>Le</strong> premier, celui où M. Evaristo et moi allions travailler, était un toit d’une seule pente<br />

inclinée à 30% (trente centimètres en hauteur touts les mètres en longueur), construit sur un toit<br />

plat précé<strong>de</strong>nt. Pour cela une structure est construite avec <strong>de</strong>s briques minces tous les cinquante<br />

centimètres en suivant régulièrement la pente. On suit pour cela une technique d’empilement


<strong>de</strong>s briques en laissant beaucoup <strong>de</strong> trous pour que l’air puisse circuler librement entre eux.<br />

<strong>Le</strong>s briques sont disposés en rangs parallèles perpendiculaires à la faça<strong>de</strong>, en formant <strong>de</strong> lignes<br />

droites vu d’en face. Je n’ai pas <strong>de</strong>s photos <strong>de</strong> ce <strong>chantier</strong> car il n’était pas dans le village <strong>de</strong> mes<br />

grands-parents et je ne pouvais <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r à personne <strong>de</strong> les prendre. Une fois cette structure en<br />

place, elle est couverte par un système <strong>de</strong> parquetage avec <strong>de</strong>s briques plates. Cela, à son tour,<br />

est couvert <strong>de</strong> béton d’une couche uniforme, <strong>de</strong> manière qu’avec ces <strong>de</strong>ux couches le toit est soli<strong>de</strong>,<br />

mais en plus la chambre d’air entre le toit et le plafond accomplit une fonction d’isolement<br />

importante. Dernièrement, sur la couche <strong>de</strong> béton, une couche <strong>de</strong> tuiles protège le toi <strong>de</strong> l’eau.<br />

<strong>Le</strong> <strong>de</strong>uxième, celui construit par M. Enrique, est un toit nouveau fait pour un garage en<br />

surface qu’il était en train <strong>de</strong> construire nouveau. Il ne repose donc pas sur un toit plat précé<strong>de</strong>nt<br />

et en plus il ne doit pas accomplir tâche d’isolement, donc il est construit directement incliné<br />

avec <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s poutres <strong>de</strong> béton armé <strong>de</strong> sept mètres <strong>de</strong> longueur. Ces poutres, placées à<br />

peu près tous les soixante centimètres, sont reliées entre elles par gran<strong>de</strong>s pièces <strong>de</strong> polystyrène<br />

qui vont accomplir une fonction isolante mais surtout constructive. Sur le polystyrène et<br />

les poutres, une maille métallique recouvre tout afin <strong>de</strong> tenir et armer le béton qu’un énorme<br />

camion vient couler. C’est à ce moment du processus qu’on doit ai<strong>de</strong>r nous trois, puisque M.<br />

Enrique ne travaille qu’avec un seul ai<strong>de</strong>-maçon et il fallait au moins 3 personnes pour le coulage.<br />

Ils divisèrent le toit en trois parties égales avec quatre gran<strong>de</strong>s règles et, pendant qu’une<br />

personne guidait le tuyau du béton, <strong>de</strong>ux autres aplatissaient le béton avec une cinquième règle<br />

pour que le résultat soit lis et régulier. Pendant tout ça, Jorge et moi on aidait en apportant du<br />

matériel en haut <strong>de</strong> l’échafaudage ou en remuant le béton quand il y en avait trop entassé.


Cependant, tous ces travaux concrets on été surtout réalisés par le maitre-maçon, en tout<br />

cas aidé par Jorge. Moi j’aidais tout le temps là où il fallait que j’ai<strong>de</strong>, bien-sûr, mais la plus<br />

gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> mes tâches étaient d’un côté le nettoyage, et ce fut moi qui nettoyai toute la<br />

salle <strong>de</strong> bain après changer la douche, par exemple, ou les couloirs après la plinthe et les portes.<br />

C’était toujours moi qui nettoyais les pierres <strong>de</strong>s murs une fois finis ou les outils quand on<br />

n’allait plus les utiliser. C’était toujours moi aussi qui étais chargé <strong>de</strong> porter les matériaux et les<br />

décombres, soit pour M. Evaristo soit pour le propriétaire <strong>de</strong> l’auberge quand le maitre-maçon<br />

n’avait du travail à me donner. C’était moi aussi qui montais et démontait normalement l’échafaudage.<br />

Quant aux réflexions à propos <strong>de</strong> tout ça, la première chose qui m’a surpris et qui m’a fait<br />

penser est la différence <strong>de</strong> la « construction-machine » et la « construction-homme », car <strong>de</strong>puis<br />

l’innocence <strong>de</strong> ma distance par rapport à ce genre <strong>de</strong> métiers je voyais la construction, et surtout<br />

la construction <strong>de</strong> bâtiments <strong>de</strong> logement, comme quelque chose <strong>de</strong> très précis, presque mécanique,<br />

faite par <strong>de</strong>s gens qui se dédient à ça et font ça toujours pareil, sans trop y penser, suivant<br />

toujours les ordres d’un autre. J’imaginais le processus lent et mécanique, comme si ce fut une<br />

machine qui construisait et pas <strong>de</strong>s hommes. Par contre, ce que j’ai trouvé est exactement le cas<br />

contraire : c’est un travail inexact, qui est à chaque fois différent, qui avance vite quand on sait<br />

comment faire, qui est difficile et qui rassemble beaucoup <strong>de</strong> travaux différents. J’ai vu aussi<br />

qu’il y a <strong>de</strong>s gens qui adorent leurs travail et le font très bien (comme M. Evaristo) et <strong>de</strong>s gens<br />

qui travaillent « parce qu’il le faut » et le font vite et sans intérêt (les plombiers).


La conception <strong>de</strong> l’œuvre est un autre sujet qui m’a surprit, car selon les lois espagnoles<br />

(je ne connais pas les <strong>fr</strong>ançaises) pour restaurer ou élargir un bâtiment il n’est pas nécessaire<br />

un projet architectural et, puisque c’est cher, normalement on essaye <strong>de</strong> ne pas en utiliser. En<br />

concret, aucun <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>chantier</strong>s dans lesquels j’ai travaillé n’avaient pas été <strong>de</strong>ssinés par un<br />

architecte. Mais tout était très bien planifié : au moins pendant l’été, aucun inci<strong>de</strong>nt n’a eu lieu<br />

et <strong>de</strong>s détails <strong>de</strong> qualité ont été pensés, détails à niveau structurelle, esthétique ou purement<br />

pratique, comme la chambre d’air isolante sous le toit, la double symétrie <strong>de</strong>s murs, la mise en<br />

valeur <strong>de</strong> l’auberge par les mêmes, ou la bonne cimentation <strong>de</strong>s murs.<br />

Qui décidait tout ça ? Avait-il idée <strong>de</strong> ce qu’il était en train <strong>de</strong> déci<strong>de</strong>r ? Avait-il les<br />

connaissances, le pouvoir, la crédibilité pour déci<strong>de</strong>r ce qu’il fallait faire ? <strong>Le</strong>s décisions étaient<br />

prises entre le maitre-maçon et le maître d’ouvrage : le premier imposait son opinion en se<br />

basant sur l’expérience et le <strong>de</strong>uxième sur ses besoins, mais tous les <strong>de</strong>ux faisaient preuve d’un<br />

grand sens du raisonnement et du respect pour l’autre, et la négociation était toujours <strong>fr</strong>uctueuse.<br />

Je ne sais pas si j’ai eu juste la chance d’assister à une scène plutôt rare ou au contraire<br />

c’est comme ça que ça se passe toujours, mais l’impression que j’ai eue était fort bonne. J’étais<br />

aussi étonné du pouvoir que chacun avait sur l’autre : j’ai entendu beaucoup <strong>de</strong> fois la phrase<br />

« c’est Evaristo qui l’a dit » ou « Javi (le propriétaire <strong>de</strong> l’auberge) voulait que ce soit comme<br />

ça », et effectivement apparemment ils pensaient tous les <strong>de</strong>ux que si l’autre avait dit <strong>de</strong> le faire<br />

comme ça, il aurait une bonne raison.<br />

Cela mène aussi à pense à propos <strong>de</strong>s connaissances <strong>de</strong> M. Evaristo. À l’âge <strong>de</strong> soixante<br />

ans, travaillant dans le même travail <strong>de</strong>puis enfant avec son père et son petit <strong>fr</strong>ère, peut-on<br />

considérer ces connaissances <strong>de</strong>s savoirs ou du savoir-faire ? Il n’a jamais fait <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s, mais<br />

il fait avec aisance le calcul <strong>de</strong>s structures et <strong>de</strong>s matériaux. S’il dit que ça tien, normalement ça<br />

tien, et au contraire. S’il dit on a dépensé tel quantité <strong>de</strong> briques, donc tel argent, il ne se trompe<br />

pas. En faisant la toiture, quand on allait commencer à la faire, il la regarda un bon moment<br />

et déclara qu’il allait utiliser tel nombre <strong>de</strong> tuiles, et il se trompa juste <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux. Ce ne sont pas<br />

exactement <strong>de</strong>s savoirs, mais il pourrait très bien construire un bâtiment sans l’ai<strong>de</strong> d’aucun<br />

plan : il m’a montré une maison qu’il avait restauré pour ses filles (elle était en ruines, donc il l’a<br />

pratiquement reconstruit) et c’était vraiment une merveille en <strong>de</strong>s aspects tels que la luminosité,<br />

la compréhension <strong>de</strong> l’espace ou la sensation d’amplitu<strong>de</strong> avec très peu <strong>de</strong> surface.


Finalement, la <strong>de</strong>rnière expérience qui m’a beaucoup donné à réfléchir sans arriver à<br />

aucune conclusion c’est ce dont je parlais avant à propos du respect <strong>de</strong>s autres. Ce respect est<br />

quelque chose que je vois même dans mes amis <strong>de</strong> toujours ou ma famille, mais celui-là vient<br />

surtout du fait que je sois parti étudier à Paris et tout cela. Mais dans le <strong>chantier</strong> j’ai senti un<br />

respect un tout petit peu différent : le respect en tant qu’architecte. Tout le mon<strong>de</strong> sait que je<br />

suis en première année et que je n’ai donc pas assez <strong>de</strong> connaissances pour concevoir quoi<br />

que ce soit encore, mais tout le mon<strong>de</strong> à sa manière, <strong>de</strong>puis le maitre-maçon jusqu’au maitre<br />

d’ouvrage, cherchaient à avoir mon accord et mon opinion. On m’écoutait et on me respectait<br />

juste parce qu’on savait que j’étu<strong>de</strong> architecture, et tout le mon<strong>de</strong> le fait avec naturalité, sans<br />

méchanceté ou rancune. J’imagine que c’est juste mon premier contact avec quelque chose qui<br />

sera habituelle dans le futur, mais je ne me sentais pas complètement à l’aise avec cette sensation<br />

nouvelle <strong>de</strong> pouvoir sans mérite.

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