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Journal de Saclay n°32 - CEA Saclay

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2 e TRIMESTRE 2006 > N°32<br />

Centre <strong>CEA</strong> <strong>de</strong> <strong>Saclay</strong><br />

LE JOURNAL<br />

DOSSIER<br />

Le Temps<br />

■ Gammagraphies<br />

<strong>de</strong> la Vénus <strong>de</strong> Milo p.17<br />

■ Un programme <strong>de</strong> recherche<br />

finalisée pour la sécurité nationale<br />

p.18


Éditorial<br />

Éditeur<br />

<strong>CEA</strong> (Commissariat<br />

à l’énergie atomique)<br />

Centre <strong>de</strong> <strong>Saclay</strong><br />

91191 Gif-sur-Yvette Ce<strong>de</strong>x<br />

Directeur<br />

Yves Caristan<br />

Directrice <strong>de</strong> la publication<br />

Danièle Imbault<br />

Rédacteur en chef<br />

Christophe Perrin<br />

Rédactrice en chef adjointe<br />

Sophie Astorg<br />

Iconographie<br />

Chantal Fuseau<br />

Conception graphique<br />

Mazarine<br />

2, square Villaret <strong>de</strong> Joyeuse<br />

75017 Paris<br />

Tél. : 01 58 05 49 25<br />

Crédits photos<br />

<strong>CEA</strong><br />

CNRS / D. Genty<br />

<strong>CEA</strong> / C. Dupont<br />

CERN / M. Brice<br />

<strong>CEA</strong> / L. Médard<br />

<strong>CEA</strong> / C. Fuseau<br />

<strong>CEA</strong> / IPEV<br />

IRD / G. Cabioch<br />

CNRS / D. Cot<br />

<strong>CEA</strong> / JM Elalouf<br />

CERN / P. Loiez et L. Guiraud<br />

CERN / M. Droege<br />

CNRS / P. Latron<br />

P-L. Martin<br />

C. Sand, Département<br />

archéologique <strong>de</strong><br />

Nouvelle-Calédonie.<br />

<strong>CEA</strong> / F. Vigouroux<br />

©Dargaud-Lombard 2006<br />

DRAC / J. Clottes<br />

DRAC Rhône-Alpes -<br />

Ministère <strong>de</strong> la culture et <strong>de</strong><br />

la Communication – Service<br />

régional <strong>de</strong> l’archéologie<br />

© Adagp, Paris 2006 Arman<br />

(Arman Fernan<strong>de</strong>z, dit)<br />

“L’heure <strong>de</strong> tous” (détail - 1985)<br />

NASA et ESA<br />

N° ISSN 1276-2776 - Centre <strong>CEA</strong> <strong>de</strong> <strong>Saclay</strong><br />

Droits <strong>de</strong> reproduction, texte et illustrations<br />

réservés pour tous pays<br />

Photos <strong>de</strong> couverture : À gauche, “L’heure <strong>de</strong> tous”;<br />

à droite en haut, ours à la grotte Chauvet ; en bas, tunnel du LEP au CERN.<br />

Sommaire n° 32<br />

Éditorial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 2<br />

Dossier : le temps . . . . . . . . . . . . . . . . page 3<br />

Gammagraphies<br />

<strong>de</strong> la Vénus <strong>de</strong> Milo. . . . . . . . . . . . . . page 17<br />

Un programme <strong>de</strong> recherche<br />

finalisée pour la sécurité nationale . . page 18<br />

Livres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . page 19<br />

Ont également participé à la rédaction<br />

du journal :<br />

Jean-Marc Elalouf (p.10),<br />

David Elbaz (p.11),<br />

Daniel Gillet (p.19),<br />

Etienne Klein (p.3-4, p.14-16)<br />

André Ménez (p.19),<br />

Thierry Roll (p.15).<br />

Aujourd’hui, un <strong>de</strong>s<br />

regards les plus<br />

audacieux et les plus<br />

déconcertants porté sur<br />

le temps vient <strong>de</strong> la<br />

physique, c’est pourquoi<br />

il nous paraît intéressant<br />

d’abor<strong>de</strong>r ce thème dans le <strong>Journal</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>Saclay</strong>.<br />

Physicien au <strong>CEA</strong>, spécialiste du temps,<br />

Etienne Klein ouvre ce dossier pour<br />

parler <strong>de</strong> cette « chose introuvable dont<br />

tout le mon<strong>de</strong> parle, mais que personne<br />

n’a jamais vue ».<br />

Il ne faut pas confondre le temps et la<br />

durée, qui en est un <strong>de</strong>s effets les plus<br />

sensibles ; mais comment parler <strong>de</strong> l’un<br />

et non <strong>de</strong> l’autre En marge <strong>de</strong> réflexions<br />

sur la nature du temps, nous avons donc<br />

également choisi <strong>de</strong> présenter certains<br />

<strong>de</strong>s travaux menés au centre <strong>CEA</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>Saclay</strong> en rapport avec la durée. On<br />

pense immédiatement à la datation et<br />

aux techniques utilisant la radioactivité.<br />

Rappelons à ce sujet que <strong>Saclay</strong> abrite<br />

<strong>de</strong>ux laboratoires uniques en France :<br />

ARTEMIS 1 pour la mesure <strong>de</strong> carbone<br />

radioactif (carbone 14) et le Laboratoire<br />

national Henri Becquerel pour la métrologie<br />

<strong>de</strong>s sources radioactives.<br />

Nombreuses sont les thématiques<br />

faisant intervenir <strong>de</strong>s durées extrêmes,<br />

soit très longues, soit très courtes. Nous<br />

n’avons pu retenir que quelques exemples.<br />

Pour les longues durées, nous<br />

avons choisi d’évoquer l’histoire <strong>de</strong>s<br />

galaxies, la corrosion à l’échelle <strong>de</strong> millénaires<br />

et l’analyse d’ADN 2 préhistorique.<br />

Pour les courtes durées, la physique <strong>de</strong>s<br />

particules au CERN 3 et la physique<br />

attosecon<strong>de</strong> 4 fournissent chacune <strong>de</strong>s<br />

exemples frappants.<br />

En plus <strong>de</strong> ce dossier, très « transversal »<br />

et pluridisciplinaire, <strong>de</strong>s articles permettent,<br />

une fois encore, <strong>de</strong> montrer la diversité<br />

<strong>de</strong>s travaux menés à <strong>Saclay</strong> dans <strong>de</strong>s<br />

domaines tels que les sciences <strong>de</strong> la<br />

matière, l’énergie nucléaire, les sciences<br />

du vivant ou la recherche technologique.<br />

Enfin, alors que <strong>de</strong>s initiatives d’envergure<br />

se multiplient concernant le plateau <strong>de</strong><br />

<strong>Saclay</strong> et que <strong>de</strong>s échéances importantes<br />

se profilent, je veux parler ici <strong>de</strong> l’élaboration<br />

du contrat <strong>de</strong> plan Etat-Région,<br />

<strong>de</strong>s projets fédératifs <strong>de</strong> Fondation et du<br />

PRES 5 , je tiens à souligner que le centre<br />

<strong>CEA</strong> saura se mobiliser, aux côtés <strong>de</strong>s<br />

autres acteurs, et s’impliquer dans cette<br />

dynamique si importante pour le développement<br />

économique régional et, plus<br />

largement, pour la recherche européenne.<br />

Yves Caristan,<br />

Directeur du centre <strong>CEA</strong> <strong>de</strong> <strong>Saclay</strong>.<br />

1 ARTEMIS : voir p.6.<br />

2 ADN : aci<strong>de</strong> désoxyribonucléique, véhicule <strong>de</strong>s<br />

caractères héréditaires.<br />

3 CERN : Organisation européenne pour la recherche<br />

nucléaire, située à la frontière franco-suisse près <strong>de</strong><br />

Genève.<br />

4 Attosecon<strong>de</strong> : 10 -18 secon<strong>de</strong>.<br />

5 PRES : Pôle <strong>de</strong> recherche et d’enseignement<br />

supérieur.<br />

Coopération franco-chinoise en recherche électronucléaire<br />

Du 28 au 31 mars 2006, le <strong>CEA</strong> a participé au salon international<br />

Nuclear Industry China 2006 qui réunit, à Pékin, les principaux représentants<br />

du secteur nucléaire civil dans le mon<strong>de</strong>.<br />

Le <strong>CEA</strong> entretient <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> vingt ans <strong>de</strong>s relations <strong>de</strong> coopérations<br />

bilatérales avec la Chine, dans les domaines <strong>de</strong> la recherche et<br />

développement nucléaires, <strong>de</strong> la recherche fondamentale, <strong>de</strong> la<br />

recherche technologique (fusion contrôlée, nouvelles technologies <strong>de</strong><br />

l’énergie) ou encore <strong>de</strong> la formation.<br />

A l’occasion <strong>de</strong> cette manifestation, le <strong>CEA</strong> a présenté quelques-unes<br />

d’entre elles, notamment celle qui concerne la fission nucléaire. Cette<br />

coopération passe en particulier par l’échange d’ingénieurs et <strong>de</strong> chercheurs<br />

dans les domaines <strong>de</strong> la recherche et développement sur les<br />

réacteurs avancés à eau, le traitement <strong>de</strong>s déchets radioactifs ou<br />

encore les réacteurs du futur.


LE TEMPS DES PHYSICIENS<br />

Depuis Galilée, les progrès <strong>de</strong> la physique transforment, voire bousculent, la représentation du temps.<br />

Le Temps<br />

Les historiens <strong>de</strong>s sciences s’accor<strong>de</strong>nt sur un point : le<br />

véritable coup d’envoi <strong>de</strong> la physique « mo<strong>de</strong>rne » fut la<br />

découverte, par Galilée en 1604, <strong>de</strong> la loi <strong>de</strong> la chute <strong>de</strong>s<br />

corps. Pourquoi Parce que cette loi a ouvert au temps<br />

les portes <strong>de</strong> la physique, et bouleversé la représentation<br />

que les hommes s’en faisaient. Jusqu’alors, la notion <strong>de</strong><br />

temps était restée centrée sur <strong>de</strong>s préoccupations quotidiennes,<br />

servant essentiellement <strong>de</strong> moyen d’orientation<br />

dans l’univers social, en conformité avec le cours global<br />

<strong>de</strong>s événements terrestres.<br />

Une variable pour mesurer<br />

le mouvement<br />

Galilée, lui, cherchait le statut à<br />

Il n’y a ni espace ni<br />

temps a priori : à chaque<br />

moment, à chaque <strong>de</strong>gré<br />

<strong>de</strong> perfectionnement <strong>de</strong><br />

nos théories du mon<strong>de</strong><br />

physique, correspond une<br />

conception <strong>de</strong> l’espace et<br />

du temps.<br />

Paul Langevin<br />

accor<strong>de</strong>r au temps pour<br />

rendre possible la mesure<br />

du mouvement et fon<strong>de</strong>r<br />

une véritable science <strong>de</strong> la<br />

dynamique. Il<br />

finit par découvrir<br />

que si le<br />

temps,<br />

plutôt que<br />

l’espace<br />

parcouru,<br />

était choisi<br />

comme variable,<br />

alors la chute <strong>de</strong>s corps<br />

dans le vi<strong>de</strong> obéissait à une<br />

loi très simple : la vitesse<br />

acquise est proportionnelle à<br />

la durée <strong>de</strong> la chute, et elle<br />

est indépendante <strong>de</strong> la<br />

masse et <strong>de</strong> la nature du<br />

corps (un kilo <strong>de</strong> plomb<br />

choit comme une tonne<br />

<strong>de</strong> fer).<br />

Ce résultat capital<br />

venait contredire la<br />

théorie d’Aristote, laquelle<br />

postulait <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>ux<br />

lancinants millénaires<br />

que la vitesse <strong>de</strong> chute était d’autant plus rapi<strong>de</strong> que<br />

le corps était plus massif. Il consacra en outre la première<br />

mathématisation du temps.<br />

Le temps newtonien<br />

C’est sur elle que Newton viendra fon<strong>de</strong>r sa mécanique<br />

éponyme, distinguant le temps tel qu’il est vécu (et qu’on<br />

qualifie aujourd’hui <strong>de</strong> « subjectif »), du temps physique<br />

qui, lui, est universel et absolu. Newton précise que le<br />

temps physique s’écoule uniformément, du passé vers<br />

le futur, selon un cours invariable, « sans relation avec<br />

l’extérieur ».<br />

Le temps newtonien se présente ainsi comme une sorte<br />

d’idéalité, comme un contenant universel et imperturbable.<br />

C’est un temps neutre, indépendant <strong>de</strong> l’espace, et parfaitement<br />

indifférent aux phénomènes qui se produisent en<br />

son sein.<br />

Cette conception newtonienne du temps permet <strong>de</strong><br />

donner au mot « maintenant » un sens<br />

dénué d’ambiguïté : ce qui se passe<br />

« maintenant » pour moi se passe également<br />

« maintenant » pour tous les autres<br />

observateurs dans l’Univers. En d’autres<br />

termes, le concept <strong>de</strong> simultanéité est<br />

absolu : à tout instant, <strong>de</strong>ux observateurs<br />

peuvent synchroniser leurs montres, et<br />

celles-ci <strong>de</strong>meureront synchronisées quels<br />

que soient les déplacements et les vitesses <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

observateurs. Toutes <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>meurent en phase avec le<br />

temps newtonien.<br />

Un temps lié à l’espace, l’énergie, la matière<br />

Mais au XX e siècle, la physique a enchaîné les révolutions :<br />

relativités restreinte et générale, physique quantique,<br />

cosmologie. Tous ces bouleversements ont remis en<br />

cause, chacun à sa façon, le statut antérieur du temps. Au<br />

bout du compte, le temps physique a perdu un peu <strong>de</strong> son<br />

i<strong>de</strong>ntité supposée et beaucoup <strong>de</strong> son indépendance : il<br />

s’est retrouvé lié à l’espace, associé à l’énergie, ancré<br />

dans la matière. Dans la prairie <strong>de</strong>s concepts physiques, il<br />

y a eu comme <strong>de</strong>s glissements <strong>de</strong> terrain.<br />

Arrêtons-nous un instant sur la théorie <strong>de</strong> la relativité, qui<br />

1<br />

3


Le Temps<br />

vient <strong>de</strong> fêter son premier centenaire. Que démontre<br />

Einstein en 1905 Que le temps physique n’est pas<br />

newtonien, qu’il est en réalité couplé à l’espace, <strong>de</strong> sorte<br />

qu’il dépend <strong>de</strong> la dynamique. Une horloge ralentit le<br />

rythme <strong>de</strong> ses battements aux yeux <strong>de</strong> tout observateur<br />

qui ne l’accompagne pas dans son mouvement.<br />

La longévité <strong>de</strong>s particules rapi<strong>de</strong>s<br />

Ce phénomène est couramment observé sur les particules<br />

instables, les muons par exemple (ce sont <strong>de</strong>s sortes<br />

d’électrons lourds). Leur durée <strong>de</strong> vie « propre », celle<br />

mesurée lorsque l’on est au repos par rapport à eux, vaut<br />

quelques microsecon<strong>de</strong>s (au bout <strong>de</strong> ce temps-là, ils se<br />

désintègrent en d’autres particules plus légères). Mais la<br />

durée <strong>de</strong> vie mesurée d’un muon ne coïnci<strong>de</strong> avec cette<br />

durée propre que s’il apparaît et disparaît en un même<br />

point <strong>de</strong> l’espace, c’est-à-dire est immobile par rapport à<br />

l’observateur. Sinon, sa durée <strong>de</strong> vie effective est augmentée<br />

d’un facteur qui dépend <strong>de</strong> sa vitesse par rapport à<br />

l’observateur : plus il va vite, plus il « dure » longtemps, au<br />

point que si sa vitesse est proche <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> la lumière<br />

3<br />

tous les phénomènes se produisant au même moment<br />

dans tout l’Univers. Le mot « maintenant » se trouve ainsi<br />

privé <strong>de</strong> signification. On ne peut plus parler <strong>de</strong> l’Univers<br />

comme d’un métronome universel, car existent désormais<br />

autant d’horloges fondamentales qu’il y a d’objets en<br />

mouvement uniforme, et il est impossible <strong>de</strong> les synchroniser<br />

<strong>de</strong> façon pérenne : on peut certes ajuster leurs<br />

cadrans à un certain moment, mais les heures indiquées<br />

cesseront <strong>de</strong> coïnci<strong>de</strong>r quelques instants plus tard.<br />

Chaque observateur constatera que les durées indiquées<br />

par les horloges autres que la sienne seront dilatées.<br />

2<br />

La « gran<strong>de</strong> affaire » <strong>de</strong> la physique<br />

Le fait remarquable est qu’à chaque fois qu’elle a dû<br />

approfondir sa conception du temps, la physique a<br />

augmenté son efficacité opératoire, investi <strong>de</strong>s champs<br />

vierges, découvert <strong>de</strong> nouveaux phénomènes. C’est ainsi<br />

que, pour résoudre un problème relatif au temps, <strong>de</strong>s<br />

physiciens théoriciens <strong>de</strong>s années 1930 ont été amenés à<br />

prédire l’existence … <strong>de</strong> l’antimatière.<br />

Pour la physique, tout progrès dans la théorisation du<br />

temps semble se traduire par d’immédiats divi<strong>de</strong>n<strong>de</strong>s.<br />

Le temps serait-il <strong>de</strong>venu sa « gran<strong>de</strong> affaire » <br />

Etienne Klein<br />

dans le vi<strong>de</strong>, il a tout loisir <strong>de</strong> se manifester pendant une<br />

durée bien supérieure à sa durée <strong>de</strong> vie propre.<br />

La simultanéité : une notion relative<br />

De plus, en théorie <strong>de</strong> la relativité, la notion <strong>de</strong> simultanéité<br />

cesse d’être absolue : ce qui nous est présent à un certain<br />

instant n’existe plus, ou pas encore, pour un observateur<br />

en déplacement par rapport à nous. Il <strong>de</strong>vient donc impossible<br />

<strong>de</strong> définir un « instant présent » où se manifesteraient<br />

1<br />

2<br />

3<br />

© Adagp, Paris 2006 Arman (Arman Fernan<strong>de</strong>z, dit)<br />

“L’heure <strong>de</strong> tous” (détail - 1985).<br />

Montage du détecteur ATLAS (novembre 2005), <strong>de</strong>stiné à<br />

équiper le futur collisionneur <strong>de</strong> protons du CERN, vu <strong>de</strong>puis<br />

le tunnel <strong>de</strong> l’accélérateur. Des équipes du <strong>CEA</strong> Dapnia ont<br />

participé à la conception et à la construction d’ATLAS.<br />

Simulation d’une collision <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux protons dans le futur<br />

collisionneur <strong>de</strong> protons du CERN, vue le long du tunnel.<br />

Les couleurs <strong>de</strong>s traces émanant du centre montrent<br />

les différents types <strong>de</strong> particules engendrées par la collision.<br />

4


MESURER DES DURÉES<br />

Le Temps<br />

La métrologie <strong>de</strong>s rayonnements ionisants et la climatologie reposent l’une et l’autre sur <strong>de</strong>s mesures<br />

<strong>de</strong> durées extrêmement fines.<br />

UN INVENTAIRE DES TEMPS<br />

DE VIE DES ATOMES<br />

Chargé <strong>de</strong> concevoir <strong>de</strong>s étalons primaires pour la<br />

métrologie <strong>de</strong>s rayonnements ionisants, le Laboratoire<br />

national Henri Becquerel (LNHB) doit notamment<br />

dresser un catalogue <strong>de</strong>s temps <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> tous les<br />

atomes radioactifs.<br />

En France, le LNHB est responsable <strong>de</strong> la conception et<br />

du développement <strong>de</strong> tous les étalons primaires <strong>de</strong>stinés<br />

à la métrologie <strong>de</strong>s rayonnements ionisants. En amont, il<br />

doit collecter toutes les mesures <strong>de</strong> pério<strong>de</strong>s radioactives<br />

disponibles, et si nécessaire, entreprendre <strong>de</strong>s mesures.<br />

Le cas s’est présenté pour un élément à vie longue,<br />

produit dans les réacteurs nucléaires, le sélénium 79 ( 79 Se).<br />

La méconnaissance <strong>de</strong> sa pério<strong>de</strong> se traduisait par une<br />

incertitu<strong>de</strong> importante sur l’activité <strong>de</strong> cet élément, qui<br />

pénalisait la gestion <strong>de</strong>s déchets nucléaires.<br />

2<br />

résultats obtenus a finalement conduit à diviser par six<br />

l’activité initialement considérée.<br />

Impossible à réaliser directement, la mesure <strong>de</strong> très<br />

longues pério<strong>de</strong>s radioactives passe en effet par <strong>de</strong>s<br />

mesures <strong>de</strong> masse et d’activité. La mesure <strong>de</strong>s courtes<br />

pério<strong>de</strong>s consiste plus simplement à suivre la décroissance<br />

<strong>de</strong> la radioactivité sur une durée pouvant atteindre<br />

quelques années.<br />

Le saviez-vous <br />

Qu’est-ce qu’une pério<strong>de</strong> radioactive <br />

Les atomes radioactifs sont par nature instables. Au bout d’une<br />

pério<strong>de</strong> radioactive, propre à chaque élément, la moitié <strong>de</strong>s<br />

atomes se sont désintégrés en atomes fils. Exprimée en becquerels<br />

(Bq), l’activité du corps est le nombre moyen <strong>de</strong> désintégrations<br />

se produisant par secon<strong>de</strong>. Pour une masse <strong>de</strong> produit radioactif<br />

donnée, l’activité est d’autant plus gran<strong>de</strong> que la pério<strong>de</strong> radioactive<br />

<strong>de</strong> l’élément est courte.<br />

1<br />

1 Mesure <strong>de</strong> masse par ICPMS : couplage torche à plasma et spectrométrie<br />

<strong>de</strong> masse.<br />

Une mesure indirecte<br />

C’est pourquoi le LNHB a entrepris <strong>de</strong> revisiter la pério<strong>de</strong><br />

du 79 Se, pourtant extrêmement difficile à isoler. Au<br />

programme <strong>de</strong>s expériences : séparation chimique <strong>de</strong> 79 Se<br />

à partir d’une solution <strong>de</strong> retraitement du combustible à<br />

l’usine COGEMA <strong>de</strong> La Hague, mesure <strong>de</strong> la masse <strong>de</strong><br />

79<br />

Se présent en quantités infinitésimales dans l’échantillon<br />

au centre <strong>CEA</strong> <strong>de</strong> Cadarache 1 et enfin, mesure absolue <strong>de</strong><br />

son activité au LNHB. A partir <strong>de</strong> là, il a été possible <strong>de</strong><br />

calculer la pério<strong>de</strong> radioactive recherchée. La qualité <strong>de</strong>s<br />

1<br />

2<br />

L’activité du sélénium 79 est mesurée <strong>de</strong> manière absolue<br />

au Laboratoire national Henri Becquerel par scintillation<br />

liqui<strong>de</strong>, en vue <strong>de</strong> déterminer la pério<strong>de</strong> radioactive<br />

<strong>de</strong> cet élément.<br />

Garantir la dose <strong>de</strong> rayonnement délivrée par un accélérateur <strong>de</strong><br />

radiothérapie ou mesurer l’activité d’une solution injectable <strong>de</strong>stinée<br />

à un examen <strong>de</strong> mé<strong>de</strong>cine nucléaire : ces contrôles réglementaires<br />

sont réalisés quotidiennement avec <strong>de</strong>s appareils qui doivent<br />

eux-mêmes être vérifiés périodiquement. Sur la photo, examen<br />

<strong>de</strong> scintigraphie.<br />

5


Le Temps<br />

PROFESSION CHRONOLOGUE<br />

Au Laboratoire <strong>de</strong>s sciences du climat et <strong>de</strong> l’environnement<br />

(LSCE), la datation est à la fois un outil précieux et un<br />

thème <strong>de</strong> recherche fédérateur, au service <strong>de</strong> la climatologie,<br />

<strong>de</strong> l’archéologie et <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong> la Terre.<br />

La nature recèle <strong>de</strong> nombreux indices <strong>de</strong>s climats passés :<br />

la glace, les sédiments, le bois, les stalagmites ou encore<br />

datation par le carbone 14 2 , s’applique à <strong>de</strong>s échantillons<br />

dérivés d’organismes vivants, vieux <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 45 000<br />

ans. Elle a pour principal défaut <strong>de</strong> ne pas être une mesure<br />

absolue. Pour caler les âges 14 C sur le calendrier, les<br />

chercheurs du LSCE multiplient les datations croisées.<br />

Ainsi, les stalagmites se prêtent aussi bien à <strong>de</strong>s analyses<br />

par 14 C que par uranium – thorium, une technique qui<br />

autorise une datation absolue. Pareillement, les coraux <strong>de</strong><br />

surface 3 contribuent à la calibration <strong>de</strong>s âges 14 C, indépendamment<br />

<strong>de</strong>s informations climatiques que ces objets<br />

portent.<br />

La Terre et les météorites<br />

Le saviez-vous <br />

L’âge <strong>de</strong> la Terre a été mesuré à partir <strong>de</strong> météorites, plus<br />

anciennes que les plus vieux matériaux terrestres à notre<br />

portée. La Terre et les météorites ont en effet une origine<br />

commune. La métho<strong>de</strong> radioactive utilisée (rubidium – strontium)<br />

a conduit à fixer l’âge <strong>de</strong> la Terre à 4,5 milliards d’années.<br />

1<br />

les squelettes coralliens témoignent <strong>de</strong> conditions climatiques<br />

que seule une analyse isotopique 1 peut révéler. Or<br />

ces informations n’ont <strong>de</strong> sens que si elles sont ordonnées<br />

sur un calendrier. Les substrats qui enregistrent l’alternance<br />

<strong>de</strong>s saisons, comme le bois ou certains sédiments<br />

lacustres, se prêtent bien à l’exercice. Pour chaque région<br />

climatique et chaque essence, les <strong>de</strong>ndrochronologues<br />

ont en effet accumulé <strong>de</strong>s profils <strong>de</strong> cernes provenant<br />

d’arbres et <strong>de</strong> fossiles, sur une pério<strong>de</strong> couvrant près <strong>de</strong><br />

10 000 ans. Ainsi <strong>de</strong>s chercheurs du LSCE étudient-ils le<br />

climat <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers siècles à partir <strong>de</strong> carottes forées dans<br />

les charpentes <strong>de</strong> monuments anciens comme le château<br />

<strong>de</strong> Fontainebleau.<br />

Carbone 14 et datations croisées<br />

Les autres matériaux exigent <strong>de</strong>s mesures plus sophistiquées<br />

utilisant la radioactivité. La plus connue d’entre elles, la<br />

ARTEMIS<br />

ARTEMIS est un accélérateur pour la recherche en sciences <strong>de</strong> la Terre,<br />

environnement et muséologie. L’installation, cofinancée par le <strong>CEA</strong>, le CNRS,<br />

l’Institut <strong>de</strong> recherche et développement, l’Institut <strong>de</strong> radioprotection et<br />

<strong>de</strong> sûreté nucléaire, le Ministère <strong>de</strong> la culture et <strong>de</strong> la communication et<br />

le Conseil régional d’Ile-<strong>de</strong> France, peut traiter plus <strong>de</strong> 4 500 échantillons<br />

par an. Elle est implantée sur le centre <strong>CEA</strong> <strong>de</strong> <strong>Saclay</strong> au Laboratoire <strong>de</strong> mesure<br />

du carbone 14 (unité mixte). ARTEMIS permet <strong>de</strong> mesurer le carbone 14<br />

sur <strong>de</strong>s échantillons <strong>de</strong> quelques milligrammes seulement. La technique<br />

se prête notamment à la mesure <strong>de</strong>s pigments utilisés dans les grottes<br />

ornées préhistoriques.<br />

Dendrochronologie : 0 – 12 000 ans<br />

Carbone 14 : 0 – 45 000 ans<br />

Uranium – thorium : 0 – 450 000 ans<br />

Potassium – argon : 0 – 3 500 000 ans<br />

6


Au service <strong>de</strong> l’archéologie<br />

Pour remonter au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> 45 000 ans, les archéologues<br />

utilisent les éclats <strong>de</strong> silex chauffés. Imaginez un homme en<br />

train <strong>de</strong> tailler un silex au coin du feu : <strong>de</strong>s éclats tombent<br />

dans le foyer… Ces objets sont analysés aujourd’hui par<br />

thermoluminescence : quand on les chauffe, ils émettent<br />

une lumière ténue qui trahit la durée d’exposition du silex<br />

aux rayonnements ionisants 4 <strong>de</strong>puis son <strong>de</strong>rnier chauffage.<br />

2<br />

Cette technique, ainsi que la luminescence optiquement<br />

stimulée, qui lui est apparentée, constitue une <strong>de</strong>s spécialités<br />

du LSCE. Elles sont utilisées pour étudier l’évolution <strong>de</strong>s<br />

populations préhistoriques au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rniers 500 000 ans.<br />

Les fouilles archéologiques situées dans <strong>de</strong>s zones tectoniques<br />

comme le Rift africain bénéficient, quant à elles, <strong>de</strong><br />

la datation <strong>de</strong> basaltes et <strong>de</strong> cendres volcaniques, respectivement<br />

par potassium – argon et argon – argon. Avec<br />

une fréquence moyenne <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 10 000 ans, les<br />

éruptions permettent <strong>de</strong> « quadriller » la pério<strong>de</strong> étudiée.<br />

Comme les laves, les sédiments peuvent enregistrer <strong>de</strong>s<br />

informations relatives à la polarité et à l’intensité du champ<br />

magnétique terrestre. Certaines anomalies magnétiques<br />

bien documentées peuvent ainsi constituer <strong>de</strong>s repères,<br />

car les laves, porteuses <strong>de</strong> ces informations, peuvent être<br />

datées précisément par K-Ar ou Ar-Ar.<br />

Comprendre les transitions climatiques<br />

Ne contenant ni carbone ni uranium, les carottes <strong>de</strong> glace<br />

ne peuvent généralement pas être datées directement.<br />

L’information <strong>de</strong> température (et d’humidité) qu’elles<br />

portent 5 est utilisée pour calculer la quantité <strong>de</strong> neige<br />

déposée. La datation est fournie par un modèle qui prend<br />

en compte à la fois ce calcul, le tassement mécanique <strong>de</strong><br />

la couche <strong>de</strong> neige et les variations d’insolation dues à <strong>de</strong>s<br />

paramètres astronomiques. Les grands cycles climatiques<br />

sont aujourd’hui bien i<strong>de</strong>ntifiés mais il reste à comprendre<br />

les transitions. Où le changement démarre-t-il Comment<br />

se propage-t-il <br />

La réponse à ces questions passe par <strong>de</strong>s datations<br />

encore plus précises. Dans cette perspective, <strong>de</strong> multiples<br />

recoupements sont effectués. Les mêmes événements<br />

climatiques rapi<strong>de</strong>s peuvent ainsi être i<strong>de</strong>ntifiés dans<br />

d’autres archives, comme les stalagmites qui enregistrent<br />

les variations <strong>de</strong> température via l’activité microbienne <strong>de</strong>s<br />

sols. Ces stalagmites, présents sur tous les continents,<br />

offrent l’avantage <strong>de</strong> permettre <strong>de</strong>s datations très préci-<br />

Le saviez-vous <br />

Le Temps<br />

Des coquilles dans les sédiments<br />

Pour les climatologues, les glaces polaires et les sédiments<br />

marins sont une mine : ces matériaux ont notamment<br />

emmagasiné continûment diverses informations reliées à<br />

la température sur <strong>de</strong>s pério<strong>de</strong>s qui peuvent atteindre le<br />

million d’années.<br />

Les carottes marines peuvent être datées grâce à <strong>de</strong>s<br />

mesures <strong>de</strong> 14 C sur <strong>de</strong>s coquilles d’organismes unicellulaires<br />

(foraminifères) ou <strong>de</strong> crustacés (ostraco<strong>de</strong>s) ou par <strong>de</strong>s<br />

mesures U-Th sur <strong>de</strong>s coquilles <strong>de</strong> mollusques (ptéropo<strong>de</strong>s),<br />

pour peu que ces animaux évoluent dans les eaux <strong>de</strong><br />

surface.<br />

Pour améliorer la précision, il faut rechercher <strong>de</strong>s repères<br />

absolus comme <strong>de</strong>s cendres volcaniques, datables par<br />

Ar-Ar. Une autre piste est fournie par le paléomagnétisme.<br />

Le corail et l’âge <strong>de</strong>s masses<br />

d’eau océaniques<br />

Le corail profond contient du 14 C d’origine atmosphérique, qui<br />

est arrivé là avec les grands courants océaniques. La datation<br />

U-Th réalisée sur le corail permet <strong>de</strong> corréler cette mesure<br />

avec la teneur atmosphérique concomittante. Le 14 C sert ici à<br />

dater les masses d’eau.<br />

7


Le Temps<br />

ses pour les <strong>de</strong>rniers<br />

450 000 ans.<br />

Une voie <strong>de</strong> progrès<br />

consiste par ailleurs à<br />

rechercher <strong>de</strong>s indicateurs<br />

valables en tous<br />

points du globe pour<br />

réaliser <strong>de</strong>s datations<br />

synchrones et reconstituer<br />

<strong>de</strong> manière encore<br />

plus fiable <strong>de</strong>s séquences<br />

d’événements<br />

3<br />

climatiques.<br />

1 Les isotopes d’un élément ont tous les mêmes propriétés chimiques<br />

Le saviez-vous <br />

Dater un bassin <strong>de</strong> géothermie<br />

Pour évaluer l’intérêt d’un site <strong>de</strong> géothermie, la datation par<br />

K-Ar <strong>de</strong> la <strong>de</strong>rnière activité volcanique majeure renseigne sur<br />

les potentialités thermiques du bassin.<br />

mais diffèrent légèrement par leur masse.<br />

2 Les mots en couleur et en gras sont expliqués dans le Zoom.<br />

3 Seuls les êtres vivant dans la couche océanique superficielle sont en<br />

équilibre avec le 14 C atmosphérique.<br />

4 Ionisant : capable d’arracher un ou plusieurs électrons aux atomes.<br />

5 Plus précisément le rapport 18 O/ 16 O (oxygène 18 sur oxygène 16).<br />

1 Aux Canaries, la lave a jadis recouvert une forêt, transformant<br />

le bois en charbon : <strong>de</strong>s mesures <strong>de</strong> 14 C et <strong>de</strong> potassium – argon<br />

ont pu être comparées sur <strong>de</strong>s échantillons contemporains.<br />

2 Les stalagmites (ici la grotte <strong>de</strong> Villars, en France) recèlent<br />

<strong>de</strong>s informations climatiques datables par la métho<strong>de</strong><br />

uranium - thorium.<br />

3 Découpe <strong>de</strong>s carottes <strong>de</strong> glace et préparation <strong>de</strong>s échantillons<br />

(qui seront analysés ultérieurement en Europe), sur le site <strong>de</strong><br />

forage en Antarctique.<br />

Zoom<br />

Des chronomètres radioactifs<br />

L’incorporation d’un élément radioactif à un objet peut être datée <strong>de</strong> manière absolue par la mesure <strong>de</strong>s teneurs en père restant et en fils<br />

(voir encadré p.5). C’est notamment le cas <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s potassium–argon (K-Ar), argon – argon (Ar-Ar) ou uranium–thorium (U-Th).<br />

Dans une datation K-Ar sur basaltes (ou Ar-Ar sur cendres volcaniques), le potassium radioactif contenu dans ces roches engendre<br />

un gaz, l’argon, qui s’est trouvé piégé dans l‘échantillon après l’éruption. La mesure du potassium (père) et <strong>de</strong> l’argon (fils) permet <strong>de</strong><br />

dater celle-ci.<br />

La métho<strong>de</strong> U-Th utilise l’aptitu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s coraux et <strong>de</strong> certains mollusques (ptéropo<strong>de</strong>s) à incorporer l’uranium océanique respectivement<br />

dans leur squelette et leur coquille. Ce processus s’interrompant à la mort <strong>de</strong> l’animal, la mesure <strong>de</strong> l’uranium (père) et du thorium<br />

(<strong>de</strong>scendant stable) permet <strong>de</strong> dater cet événement.<br />

Carbone 14 : <strong>de</strong>s mesures à calibrer<br />

Le 14 C est produit dans la haute atmosphère sous l’effet <strong>de</strong>s rayonnements cosmiques.<br />

Les végétaux et les êtres vivants l’incorporent durant la photosynthèse et dans la chaîne<br />

alimentaire. La mesure <strong>de</strong> 14 C permet <strong>de</strong> dater la fin <strong>de</strong> ces échanges <strong>de</strong> carbone,<br />

c’est-à-dire leur mort. Dans le cas du 14 C, le fils est un gaz (azote 14) qui ne peut pas être<br />

différencié <strong>de</strong> l’azote commun. La teneur initiale en 14 C au sein du carbone <strong>de</strong> l’échantillon<br />

reste inconnue. En effet, le champ magnétique terrestre a considérablement varié, sa polarité<br />

s’est même renversée. Comme il joue un rôle <strong>de</strong> bouclier vis-à-vis <strong>de</strong>s rayonnements,<br />

la teneur atmosphérique en 14 C a également beaucoup varié. La métho<strong>de</strong> n’est donc qu’une<br />

mesure relative, qu’il faut calibrer. Il faut quantifier, au moyen <strong>de</strong> datations croisées,<br />

la différence entre les âges absolus et les âges 14 C. Les résultats conduisent à <strong>de</strong>s précisions<br />

très inégales sur les âges 14 C suivant la pério<strong>de</strong> considérée.<br />

8<br />

Photo : grotte ornée <strong>de</strong> calcaire corallien située sur le site <strong>de</strong> Fetra-Hé, dans l'île <strong>de</strong> Lifou (îles Loyauté) en Nouvelle-Calédonie.<br />

Ces mains négatives ont été datées par <strong>de</strong>s chercheurs du LSCE par la métho<strong>de</strong> du carbone 14 en spectrométrie <strong>de</strong> masse par accélérateur<br />

(Tandétron à Gif-sur-Yvette). Il y a près <strong>de</strong> 2 600 ans, <strong>de</strong>s artistes les ont produites en mâchant du charbon puis en le soufflant sur leurs<br />

mains. Des <strong>de</strong>ssins <strong>de</strong> coq et d'anneau (symbole <strong>de</strong> l'eau dans la culture kanake) témoignent d'occupations plus récentes <strong>de</strong> la grotte.<br />

Ces recherches menées en collaboration avec le Musée <strong>de</strong> Nouvelle-Calédonie permettent <strong>de</strong> reconstituer l'histoire du peuplement du<br />

Pacifique à partir <strong>de</strong> l'Asie du Sud-est. Venues dans <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s pirogues, ces populations néolithiques ont également laissé <strong>de</strong>s poteries<br />

aux décors géométriques pointillés (poterie Lapita) sur un espace insulaire <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> quatre mille kilomètres d'étendue.


ENQUÊTER À DE GRANDES DISTANCES TEMPORELLES<br />

Le Temps<br />

L’analyse <strong>de</strong> vestiges anciens, qu’ils soient archéologiques ou astronomiques, permet <strong>de</strong> reconstituer<br />

<strong>de</strong>s événements passés ou <strong>de</strong> prédire l’avenir.<br />

LA CORROSION SUR DES MILLIERS<br />

D’ANNÉES<br />

La question posée est simple : cet acier tiendra-t-il <strong>de</strong>s<br />

milliers d’années La réponse est à rechercher du<br />

côté <strong>de</strong> la modélisation et <strong>de</strong>s fers anciens.<br />

1<br />

Le stockage profond <strong>de</strong> déchets nucléaires à haute activité<br />

et vie longue requiert <strong>de</strong>s conteneurs qui restent étanches<br />

pendant plusieurs milliers d’années. Comment garantir<br />

qu’un acier tiendra sur <strong>de</strong> telles durées Les spécialistes<br />

<strong>de</strong> corrosion du Département <strong>de</strong> physico-chimie 1 (DPC)<br />

ont imaginé une méthodologie innovante qui fait appel aux<br />

connaissances les plus récentes sur l’évolution <strong>de</strong>s interfaces<br />

et aux analogues archéologiques, autrement dit aux<br />

fers anciens qui ont échappé à la <strong>de</strong>struction. Un exemple<br />

fameux est fourni par les colonnes votives en In<strong>de</strong> : malgré<br />

la mousson, ces monuments se sont très peu corrodés en<br />

plus <strong>de</strong> mille cinq cents ans. Plusieurs causes sont avancées<br />

pour expliquer cette<br />

« anomalie » : la composition<br />

du minerai et les<br />

conditions climatiques<br />

auraient concouru à la<br />

formation d’une couche<br />

d’oxy<strong>de</strong> durablement<br />

protectrice.<br />

I<strong>de</strong>ntifier et modéliser un mécanisme<br />

Les essais en laboratoire permettent aux chercheurs du<br />

DPC d’i<strong>de</strong>ntifier les mécanismes <strong>de</strong> corrosion qui sont<br />

ensuite modélisés en vue <strong>de</strong> réaliser <strong>de</strong>s prédictions. Les<br />

analyses, réalisées au DPC et au laboratoire Pierre Süe 2 ,<br />

<strong>de</strong> structures en fer du Palais <strong>de</strong>s Papes d’Avignon ou <strong>de</strong><br />

fers <strong>de</strong> l’époque gallo-romaine ont ainsi permis <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>r<br />

mécanismes et prédictions. Les comparaisons portent en<br />

particulier sur les couches <strong>de</strong> rouille (épaisseur, structure,<br />

composition) et les vitesses <strong>de</strong> corrosion.<br />

Pour les conteneurs, la préférence<br />

<strong>de</strong>s chercheurs du DPC va a priori<br />

à <strong>de</strong>s aciers ordinaires, composés<br />

essentiellement <strong>de</strong> fer, qui ont<br />

tendance à se corro<strong>de</strong>r <strong>de</strong> manière<br />

uniforme et lente 3 , plutôt qu’à <strong>de</strong>s<br />

aciers réputés inoxydables. En<br />

effet, l’inox est recouvert d’une<br />

3<br />

couche superficielle très mince<br />

qui bloque en principe la corrosion généralisée mais ne<br />

protège pas contre les piqûres, susceptibles <strong>de</strong> percer le<br />

matériau <strong>de</strong> plusieurs centimètres en un an. La teneur en<br />

carbone, phosphore ou silicium, la conception <strong>de</strong>s soudures<br />

et plus fondamentalement, le choix entre fonte et acier,<br />

sont aujourd’hui <strong>de</strong>s options ouvertes.<br />

1 Le DPC appartient à la Direction <strong>de</strong> l’énergie nucléaire.<br />

2 Le Laboratoire Pierre Süe appartient à la Direction <strong>de</strong>s sciences <strong>de</strong> la<br />

matière. Il compte une équipe spécialisée dans l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> matériaux<br />

métalliques archéologiques pour la prévision <strong>de</strong> leur comportement futur.<br />

3 La vitesse <strong>de</strong> corrosion peut typiquement atteindre un centième <strong>de</strong><br />

millimètre par an, ce qui représente une couche <strong>de</strong> dix millimètres<br />

d’épaisseur après 1 000 ans.<br />

1 Dispositif expérimental permettant d’étudier la corrosion<br />

<strong>de</strong>s métaux en situation <strong>de</strong> stockage géologique profond.<br />

2 Cristaux <strong>de</strong> rouille.<br />

2<br />

3<br />

Colonnes votives <strong>de</strong> Delhi, en In<strong>de</strong>.<br />

9


Le Temps<br />

ADN ET DATATION À LA GROTTE<br />

CHAUVET<br />

L’ADN extrait d’os trouvés à la grotte Chauvet recèle<br />

<strong>de</strong>s informations inattendues sur la fréquentation <strong>de</strong> la<br />

grotte et sur les ours.<br />

Découverte en 1994, la grotte Chauvet livre peu à peu ses<br />

secrets. Voyageons dans le temps jusqu’au paléolithique<br />

supérieur, il y a quarante mille ans. Les sociétés humaines<br />

connaissent <strong>de</strong> profonds bouleversements. Les <strong>de</strong>rniers<br />

Néan<strong>de</strong>rtaliens disparaissent et l’homme <strong>de</strong> Cro-Magnon<br />

celles <strong>de</strong> la police scientifique,<br />

consistent à faire parler les<br />

gènes en analysant <strong>de</strong>s quantités<br />

infimes <strong>de</strong> matériel. Avec<br />

une difficulté particulière : après<br />

plusieurs milliers d’années<br />

sous terre, l’ADN est dans un<br />

piètre état ! À Chauvet, ce sont<br />

2<br />

<strong>de</strong>s os d’ours que l’on peut<br />

analyser. Présents par centaines, ils vont permettre <strong>de</strong><br />

reconstituer l’histoire <strong>de</strong> la grotte.<br />

1<br />

est déjà là. Ce premier grand 1 Européen est notre ancêtre.<br />

Il nous a légué ses gènes et ses traits culturels. Il a inventé<br />

un art, miraculeusement conservé sur les parois <strong>de</strong>s grottes,<br />

qui évoque un sentiment <strong>de</strong> proximité humaine complète.<br />

Une enquête scientifique<br />

La grotte Chauvet est un site paléolithique majeur, avec<br />

lequel seule la grotte <strong>de</strong> Lascaux soutient la comparaison.<br />

Les <strong>de</strong>ssins et gravures s’y comptent par centaines. Les<br />

fresques <strong>de</strong> Lascaux, âgées <strong>de</strong> dix-huit mille ans, ont<br />

ébloui le mon<strong>de</strong> entier. Celles <strong>de</strong> Chauvet, datées au<br />

LSCE 2 (Laboratoire <strong>de</strong>s sciences du climat et <strong>de</strong> l’environnement),<br />

ont trente-<strong>de</strong>ux mille ans. On imagine la surprise<br />

<strong>de</strong>s archéologues qui avaient pru<strong>de</strong>mment avancé un âge<br />

voisin <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> Lascaux lors <strong>de</strong> la découverte <strong>de</strong> la<br />

grotte. La recherche peut-elle apporter d’autres surprises <br />

Pour la première fois, <strong>de</strong>s techniques <strong>de</strong> pointe <strong>de</strong> biologie<br />

ont été appliquées dans une grotte à peintures pariétales,<br />

à l’initiative d’un chercheur <strong>de</strong> la Direction <strong>de</strong>s sciences du<br />

vivant, Jean-Marc Elalouf. Ces techniques, qui sont aussi<br />

Plusieurs lignées d’ours <strong>de</strong>s cavernes<br />

Première constatation : leur ADN nous apprend qu’il s’agit<br />

d’ours <strong>de</strong>s cavernes, une espèce éteinte <strong>de</strong>puis quinze<br />

mille ans. Ceci montre que la grotte, dont l’entrée naturelle<br />

est comblée par un éboulis, n’est plus accessible <strong>de</strong>puis<br />

<strong>de</strong> nombreux millénaires.<br />

L’analyse <strong>de</strong> l’ADN révèle aussi que plusieurs lignées<br />

d’ours <strong>de</strong>s cavernes, retrouvées <strong>de</strong> l’Espagne à la<br />

Belgique, ont fréquenté la<br />

grotte. Ainsi, la grotte était<br />

située sur un territoire suffisamment<br />

fréquenté par les<br />

ours pour éviter la reproduction<br />

en autarcie.<br />

3<br />

Enfin, la datation <strong>de</strong>s os<br />

contenant <strong>de</strong> l’ADN révèle que les ours, comme les<br />

hommes, allaient dans la grotte il y a trente-<strong>de</strong>ux mille ans.<br />

On peut en déduire une probable alternance saisonnière.<br />

Durant la saison froi<strong>de</strong>, les ours, qui n’admettent aucune<br />

promiscuité lors <strong>de</strong> l’hibernation, occupaient la caverne ;<br />

libérée au printemps, elle pouvait alors accueillir les plus<br />

anciens artistes <strong>de</strong> l’humanité.<br />

1 Taille moyenne voisine <strong>de</strong> 1,75 m.<br />

2 Ces mesures ont été réalisées au moyen d’un accélérateur <strong>de</strong> particules<br />

couplé à un spectromètre <strong>de</strong> masse (voir page 6).<br />

1 Un <strong>de</strong>s quinze ours <strong>de</strong>ssinés dans la grotte Chauvet. La forme<br />

<strong>de</strong> la tête est typique <strong>de</strong> l’ours <strong>de</strong>s cavernes.<br />

2<br />

Empreinte d’ours <strong>de</strong>s cavernes sur sol argileux.<br />

3 Prélèvement d’un échantillon animal dans la grotte Chauvet.<br />

Le port <strong>de</strong>s gants évite que la pièce archéologique soit<br />

contaminée par l’ADN du chercheur.<br />

10


REMONTER L’HISTOIRE<br />

DES GALAXIES<br />

L’observation conduit les astrophysiciens du Dapnia 1 à<br />

distinguer différentes générations d’étoiles dans notre<br />

Galaxie et à écrire une histoire <strong>de</strong> la formation <strong>de</strong>s<br />

étoiles dans l’Univers.<br />

Après avoir répertorié étoiles et amas stellaires, les astronomes<br />

ont cherché à remonter l’histoire <strong>de</strong> leur formation.<br />

Une tâche difficile quand on sait qu’une étoile passe la<br />

majeure partie <strong>de</strong> son existence à convertir <strong>de</strong> l’hydrogène<br />

en hélium 2 à un rythme régulier, ce qui ne permet pas <strong>de</strong><br />

savoir <strong>de</strong>puis combien <strong>de</strong> temps ce phénomène a débuté.<br />

De nombreux progrès ont pourtant été récemment<br />

accomplis.<br />

Les âges <strong>de</strong> la Voie Lactée 3<br />

L’âge <strong>de</strong>s étoiles peut être mesuré à partir <strong>de</strong> la composition<br />

chimique du gaz dont elles sont nées. Ce gaz est lui-même<br />

nourri <strong>de</strong>s atomes éjectés par les générations d’étoiles<br />

précé<strong>de</strong>ntes.<br />

De telles étu<strong>de</strong>s montrent que notre Galaxie a vécu<br />

plusieurs âges. Une première génération d’étoiles est née<br />

d’un gaz constitué d’éléments synthétisés au cours <strong>de</strong>s<br />

trois premières minutes qui ont suivi le Big Bang. Les étoiles<br />

huit à cent fois plus massives que le Soleil, qui explosent<br />

en supernovae en moins <strong>de</strong> trente millions d’années, sont<br />

les premières à ensemencer le gaz interstellaire avec une<br />

composition bien spécifique en oxygène, silicium, magnésium<br />

et un peu <strong>de</strong> fer.<br />

Durant le <strong>de</strong>uxième âge, près d’un milliard d’années plus<br />

tard, une gran<strong>de</strong> quantité <strong>de</strong> fer est produite lors <strong>de</strong><br />

l’explosion d’étoiles <strong>de</strong> trois à sept masses solaires.<br />

L’oxygène et le magnésium sont cette fois absents. Pauvres<br />

en oxygène et riches en fer, les étoiles du <strong>de</strong>uxième âge se<br />

distinguent aisément <strong>de</strong> celles du premier âge.<br />

Observer loin l’Univers jeune<br />

Il existe une autre manière <strong>de</strong> remonter le temps : observer<br />

<strong>de</strong>s galaxies lointaines dont la lumière a voyagé pendant<br />

plusieurs milliards d’années avant <strong>de</strong> nous parvenir.<br />

Pour connaître l’« activité » d’une galaxie, une astuce<br />

consiste à observer les étoiles massives présentes.<br />

Celles-ci sont certes formées en faibles proportions mais<br />

elles produisent la majorité <strong>de</strong> la lumière observable et ont<br />

une durée <strong>de</strong> vie éphémère à l’échelle cosmologique. Une<br />

étoile <strong>de</strong> vingt masses solaires rayonne en effet autant que<br />

cent mille Soleils et ne vit que huit millions d’années. En<br />

comptabilisant les étoiles massives <strong>de</strong> galaxies <strong>de</strong> plus<br />

en plus distantes, les astrophysiciens ont pu <strong>de</strong>ssiner<br />

l’histoire cosmique <strong>de</strong> la formation d’étoiles dans<br />

l’Univers. Cette étu<strong>de</strong> indique que la plupart <strong>de</strong>s étoiles<br />

sont nées dans <strong>de</strong>s phases <strong>de</strong> « flambées » <strong>de</strong> formation<br />

d’étoiles qui se sont produites sporadiquement durant les<br />

dix <strong>de</strong>rniers milliards d’années <strong>de</strong> l’Univers, dont l’âge est<br />

aujourd’hui estimé à 13,5 milliards d’années.<br />

1 Dapnia : Laboratoire <strong>de</strong> recherche sur les lois fondamentales <strong>de</strong><br />

l’Univers.<br />

2 Les réactions nucléaires sont la source <strong>de</strong> la lumière <strong>de</strong>s étoiles.<br />

3 Notre Galaxie (la Voie Lactée) compte plus <strong>de</strong> cent milliards d’étoiles<br />

et près <strong>de</strong> 10 % <strong>de</strong> gaz interstellaire.<br />

Le Temps<br />

1 secon<strong>de</strong><br />

8 minutes<br />

4,2 ans<br />

26 mille ans<br />

15 milliards<br />

2,3 millions d’années<br />

d’années<br />

Regar<strong>de</strong>r loin, c’est regar<strong>de</strong>r dans le passé : la lumière <strong>de</strong> la Lune nous parvient une secon<strong>de</strong> après son émission, celle du Soleil,<br />

huit minutes plus tard. Nous voyons l’étoile la plus proche du système solaire (Proxima du Centaure) telle qu‘elle était il y a un peu<br />

plus <strong>de</strong> quatre ans, le centre <strong>de</strong> notre Galaxie tel qu’il était il y a 26 000 ans et la galaxie la plus proche <strong>de</strong> la nôtre telle qu’elle était<br />

il y a 2,3 millions d’années. La lumière la plus ancienne (le fond diffus cosmologique) remonte à quinze milliards d’années. Cette<br />

première lumière a jailli après la formation <strong>de</strong>s atomes, quelques centaines <strong>de</strong> milliers d’années après le Big Bang.<br />

11


Le Temps<br />

EXPLORER LES BRÈVES DURÉES<br />

Des phénomènes fugaces comme la « vie » d’une particule dans un accélérateur ou une réaction<br />

chimique échappent aux chronomètres les plus performants. Des artifices permettent cependant leur<br />

analyse temporelle très fine.<br />

LA COURTE VIE DU BOSON Z<br />

Le temps <strong>de</strong> vie d’une particule peut être déterminé en<br />

mesurant la probabilité <strong>de</strong> matérialisation <strong>de</strong> la particule<br />

en fonction <strong>de</strong> l’énergie dépensée pour la créer.<br />

Les particules élémentaires constituent un étrange<br />

bestiaire : ainsi, les particules <strong>de</strong> matière interagissent<br />

entre elles en s’échangeant…<br />

d’autres particules,<br />

<strong>de</strong> nature différente, dites<br />

messagères. Par exemple<br />

le grain <strong>de</strong> lumière (ou<br />

photon) est la messagère<br />

<strong>de</strong> l’interaction électromagnétique.<br />

Les accélérateurs<br />

<strong>de</strong> particules ont permis <strong>de</strong><br />

montrer que <strong>de</strong>s messagers<br />

existent également pour<br />

<strong>de</strong>ux autres interactions<br />

fondamentales gouvernant,<br />

l’une la cohésion du noyau<br />

<strong>de</strong> l’atome, et l’autre la<br />

désintégration <strong>de</strong>s noyaux radioactifs. Cette <strong>de</strong>rnière,<br />

appelée interaction faible, admet trois messagers, dont le<br />

boson Z. Au grand collisionneur LEP 1 du CERN, l’énergie<br />

libérée par le choc frontal d’un électron et d’un positron 2<br />

Les points rouges correspon<strong>de</strong>nt à la courbe <strong>de</strong> résonance<br />

du Z et ont été mesurés sur un très grand nombre<br />

<strong>de</strong> collisions. Les énergies <strong>de</strong> collision sont exprimées<br />

en gigaélectronvolts et les probabilités d’interaction en<br />

picobarns (pb), une unité <strong>de</strong> mesure typique <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong><br />

collisions.<br />

était suffisante pour donner naissance à cette particule.<br />

Une fois créé, un Z se désintègre très rapi<strong>de</strong>ment en d’autres<br />

particules, mesurées dans les détecteurs. On parle <strong>de</strong><br />

« voies <strong>de</strong> désintégrations » du Z, qui varient d’une collision<br />

à l’autre et qu’il faut i<strong>de</strong>ntifier par <strong>de</strong>s mesures sur les<br />

particules finales. Grâce à ces mesures, on a pu remonter<br />

aux caractéristiques du Z, comme sa masse ou son temps<br />

<strong>de</strong> vie.<br />

Temps <strong>de</strong> vie et énergie<br />

Le temps <strong>de</strong> vie du Z est extrêmement bref : 2,6.10 -25<br />

secon<strong>de</strong> ! Pour comprendre comment les physiciens ont<br />

pu mesurer très précisément cette durée, il faut s’attar<strong>de</strong>r<br />

1<br />

sur la notion <strong>de</strong> masse. A chaque particule est associée<br />

une masse qui correspond à son « énergie au repos » mais<br />

dans un cadre régi par la mécanique quantique, cette<br />

masse varie un peu d’un Z à l’autre. Il existe une valeur <strong>de</strong><br />

masse préférentielle, mais il est également possible,<br />

quoique moins probable, <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s Z à <strong>de</strong>s masses<br />

légèrement différentes <strong>de</strong> celle-ci. La probabilité d’obtenir<br />

un Z <strong>de</strong> masse donnée a la forme d’une courbe « <strong>de</strong> résonance<br />

» dont la largeur est directement reliée à l’inverse du<br />

temps <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> la particule. Entre 1989 et 1995, au LEP,<br />

les physiciens <strong>de</strong>s particules ont enregistré quelque<br />

17 millions <strong>de</strong> matérialisations <strong>de</strong> Z pour reconstruire point<br />

par point cette courbe <strong>de</strong> résonance. Les caractéristiques<br />

du Z ont ainsi été mesurées avec une précision sans<br />

précé<strong>de</strong>nt. « La finalisation<br />

<strong>de</strong>s résultats vient<br />

<strong>de</strong> s’achever. Grâce au<br />

LEP, la compréhension<br />

<strong>de</strong> l’interaction électrofaible<br />

a fait un pas <strong>de</strong><br />

géant », se réjouit Vanina<br />

Ruhlmann-Klei<strong>de</strong>r, physicienne<br />

au Dapnia.<br />

1 LEP : Large Electron and<br />

Positron colli<strong>de</strong>r.<br />

2 Positron ou positon :<br />

antiparticule <strong>de</strong> l’électron.<br />

La qualité <strong>de</strong>s résultats expérimentaux obtenus sur la<br />

particule Z au CERN permet <strong>de</strong> statuer sur le nombre<br />

d’espèces <strong>de</strong> neutrinos. Les courbes correspon<strong>de</strong>nt à<br />

<strong>de</strong>s prédictions avec respectivement <strong>de</strong>ux, trois ou<br />

quatre espèces <strong>de</strong> neutrinos. Les points expérimentaux<br />

sont présentés avec une barre d’erreur multipliée par<br />

dix pour être visible. Les mesures démontrent qu’il<br />

existe trois espèces <strong>de</strong> neutrinos.<br />

1 Tunnel du LEP au CERN qui a fonctionné <strong>de</strong> 1989 à 2000.<br />

Le grand collisionneur <strong>de</strong> protons (LHC) est aujourd’hui<br />

en construction dans ce même tunnel.<br />

12


COURSE AUX IMPULSIONS LASER<br />

ULTRA-BRÈVES<br />

La course aux impulsions lumineuses ultra-brèves a<br />

conduit à la découverte d’étonnants comportements<br />

<strong>de</strong> la matière.<br />

Depuis une vingtaine<br />

d’années, <strong>de</strong>s physiciens<br />

du DRECAM 1<br />

utilisent <strong>de</strong>s lasers<br />

à impulsions ultrabrèves<br />

pour étudier<br />

les interactions entre<br />

laser et matière. Ces<br />

1<br />

impulsions, appelées<br />

aussi trains d’on<strong>de</strong>s en référence à la nature ondulatoire<br />

<strong>de</strong> la lumière, durent une trentaine <strong>de</strong> femtosecon<strong>de</strong>s 2 .<br />

Lancés à la vitesse <strong>de</strong> la lumière, ces trains ont une extension<br />

spatiale <strong>de</strong> l’ordre du millième <strong>de</strong> millimètre. Dans cette<br />

image, les « wagons » représentent les ondulations du<br />

champ électromagnétique constitutives <strong>de</strong> la lumière.<br />

Aujourd’hui, <strong>de</strong>s spécialistes <strong>de</strong> lasers sont capables <strong>de</strong><br />

produire <strong>de</strong>s trains à un seul wagon qui ne durent que<br />

quatre femtosecon<strong>de</strong>s.<br />

En focalisant <strong>de</strong>s impulsions femtosecon<strong>de</strong>s sur un jet <strong>de</strong><br />

gaz, ils ont observé l’émission d’impulsions lumineuses à<br />

la composition spectrale extraordinaire. Elles comptent<br />

une série <strong>de</strong> couleurs (jusqu’à plusieurs centaines !),<br />

correspondant chacune à un multiple <strong>de</strong> l’énergie <strong>de</strong> l’impulsion<br />

initiale (infrarouge). Résultat : une émission ultraviolette,<br />

un spectre très large et… <strong>de</strong>s impulsions d’une<br />

brièveté record atteignant 130 millièmes <strong>de</strong> femtosecon<strong>de</strong> !<br />

Le saviez-vous <br />

Tester <strong>de</strong>s crèmes solaires dans le noir<br />

Le principe <strong>de</strong> la protection solaire repose sur le mécanisme<br />

suivant : <strong>de</strong>s molécules actives absorbent les rayons lumineux<br />

nocifs puis restituent une partie <strong>de</strong> cette énergie par émission<br />

infrarouge. Or dans l’intervalle, les molécules « saturées »<br />

ne remplissent plus leur fonction. Avec leurs lasers, <strong>de</strong>s<br />

chercheurs du DRECAM ont pu tester dans l’obscurité <strong>de</strong> leurs<br />

laboratoires l’efficacité réelle <strong>de</strong> l’écran…<br />

Le Temps<br />

Une brièveté record<br />

Pour <strong>de</strong>scendre en <strong>de</strong>ssous <strong>de</strong> cette barrière, il faut<br />

surmonter plusieurs limites gouvernées par les lois <strong>de</strong> la<br />

physique. Il faut d’abord raccourcir les wagons eux-mêmes,<br />

c’est-à-dire aller vers <strong>de</strong>s couleurs plus énergétiques. Il<br />

faut ensuite lever l’obstacle <strong>de</strong> la « pureté » <strong>de</strong> la couleur<br />

<strong>de</strong> l’impulsion (sa largeur spectrale) qui interdit <strong>de</strong>s durées<br />

d’impulsions plus courtes : il faut élargir son spectre.<br />

C’est exactement ce qu’ont réalisé <strong>de</strong>s chercheurs du<br />

DRECAM à partir <strong>de</strong> la découverte en 1988 d’un mécanisme<br />

physique inattendu qu’ils ont observé, interprété et<br />

optimisé : la génération d’harmoniques d’ordre élevé 3 .<br />

Zoom<br />

Femtochimie<br />

Grâce aux lasers femtosecon<strong>de</strong>s, les chimistes peuvent mesurer<br />

les mouvements <strong>de</strong> vibration <strong>de</strong>s molécules, qui peuvent<br />

prélu<strong>de</strong>r à la rupture <strong>de</strong> liaisons chimiques. La « femtochimie »<br />

permet d’analyser en détail les mécanismes réactionnels et<br />

ouvre la possibilité <strong>de</strong> contrôler l’orientation d’une réaction<br />

chimique.<br />

2<br />

1 DRECAM : Département <strong>de</strong> recherche sur l’état con<strong>de</strong>nsé, les atomes<br />

et les molécules.<br />

2 Femtosecon<strong>de</strong> : 10 -15 secon<strong>de</strong>.<br />

3 L’impulsion laser arrache un électron à l’atome <strong>de</strong> gaz, l’accélère puis<br />

sous l’effet <strong>de</strong>s oscillations du champ électromagnétique, l’électron<br />

revient sur l’atome en lui cédant son énergie cinétique ; l’atome libère<br />

cette énergie en émettant un flash ultraviolet.<br />

1 Visualisation du phénomène <strong>de</strong> génération d’harmoniques en<br />

ultraviolet, à partir d’impulsions laser femtosecon<strong>de</strong> infrarouges.<br />

2 Enceinte à vi<strong>de</strong> d’expérimentation sur l’interaction entre laser<br />

et matière.<br />

13


Le Temps<br />

VOYAGER DANS LE TEMPS<br />

La physique offre divers arguments contre la possibilité du voyage dans le temps mais est-ce bien son<br />

<strong>de</strong>rnier mot <br />

Chacun d’entre nous a pu ressentir le temps comme une<br />

prison sans barreaux, une prison que nous voudrions<br />

pouvoir quitter pour aller et venir à notre guise <strong>de</strong> part et<br />

d’autre du présent, bref pour « voyager dans le temps ».<br />

Mais que signifie au juste « voyager dans le temps » <br />

Serait-ce revivre en boucle les moments heureux <br />

Retrouver <strong>de</strong>s proches disparus Changer d’époque sans<br />

changer d’âge, comme dans La Machine à explorer le<br />

temps <strong>de</strong> H.G. Wells ou Le Piège Diabolique <strong>de</strong> E. P.<br />

Jacobs Ou bien changer d’âge sans changer d’époque,<br />

comme tentent <strong>de</strong> nous le faire croire ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> crèmes<br />

et autres chirurgiens esthétiques Serait-ce observer<br />

passivement le passé et le futur, grâce à une sorte <strong>de</strong><br />

téléportation temporelle qui désolidariserait notre temps<br />

personnel du temps du mon<strong>de</strong> Ou remonter dans le passé<br />

pour transformer la réalité historique <br />

Newton) été contrainte par le « principe <strong>de</strong> causalité ». Ce<br />

principe impose une chronologie absolue aux événements<br />

qui sont causalement reliés les uns aux autres. Ce faisant,<br />

il interdit les voyages dans le temps, en rendant impossible<br />

toute modification <strong>de</strong>s événements qui ont déjà eu lieu.<br />

Le principe <strong>de</strong> causalité fait du passé une forteresse<br />

imprenable. En pratique, son énoncé et ses conséquences<br />

dépen<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> la théorie considérée. Par exemple, en<br />

physique newtonienne, la causalité implique que le cours<br />

du temps soit linéaire et non cyclique, <strong>de</strong> sorte qu’aucun<br />

observateur ne puisse passer <strong>de</strong>ux fois par le même<br />

instant.<br />

Imagination et incohérences<br />

Les auteurs <strong>de</strong> science-fiction n’ont pas manqué d’imagination<br />

pour mettre en scène ces diverses possibilités,<br />

mais souvent au prix d’incohérences. Car l’idée même <strong>de</strong><br />

voyage dans le temps implique un écart - difficile à mettre<br />

en scène - entre le temps propre <strong>de</strong> celui qui voyage et le<br />

temps extérieur dans lequel il voyage. Elle suppose en<br />

effet que coexistent, au sein d’un seul et même mon<strong>de</strong>,<br />

<strong>de</strong>ux temps différents,<br />

celui du voyageur temporel<br />

d’une part, celui <strong>de</strong><br />

l’Univers <strong>de</strong> l’autre. Si<br />

ces <strong>de</strong>ux temps ne font<br />

plus qu’un, il n’y a plus<br />

<strong>de</strong> voyage…<br />

©Dargaud-Lombard 2006<br />

Principe<br />

<strong>de</strong> causalité<br />

En la matière, que dit la<br />

physique La représentation<br />

que les physiciens<br />

se sont fait du cours du<br />

temps a toujours (<strong>de</strong>puis<br />

1<br />

La preuve par l’antimatière<br />

En théorie <strong>de</strong> la relativité restreinte, elle interdit qu’une<br />

particule puisse se propager plus vite que la lumière dans<br />

le vi<strong>de</strong>. En physique <strong>de</strong>s particules, <strong>de</strong>s théoriciens ont<br />

compris, dès les années 1930, qu’elle rendait<br />

nécessaire l’existence même <strong>de</strong> l’antimatière, c’est-à-dire <strong>de</strong><br />

particules <strong>de</strong> même masse que les particules ordinaires,<br />

mais <strong>de</strong> charge électrique opposée. L’existence <strong>de</strong>s antiparticules<br />

a été constatée expérimentalement peu <strong>de</strong><br />

temps après avoir été prédite, ce qui démontra l’impossibilité<br />

<strong>de</strong>s voyages dans le temps dans le cadre <strong>de</strong> la<br />

physique <strong>de</strong>s particules.<br />

À ce propos, en 1998, une expérience du CERN baptisée<br />

CPLEAR, à laquelle <strong>de</strong>s physiciens du Dapnia ont participé,<br />

a donné <strong>de</strong>s résultats très importants. Elle a démontré que<br />

le rythme auquel certaines particules, appelées les « kaons<br />

14


machines à voyager dans le temps ne peuvent que s’autodétruire<br />

instantanément si l’on cherche à les construire.<br />

Voilà qui n’est guère encourageant.<br />

Le Temps<br />

3<br />

2<br />

neutres », se transforment en leurs antiparticules n’est pas<br />

exactement le même que celui du processus inverse. Ainsi<br />

fut mesurée, pour la première fois, une différence entre un<br />

processus mettant en jeu <strong>de</strong>s particules quasi-élémentaires<br />

et le processus temporellement inversé. Mais le point<br />

remarquable est que, même dans cette situation très<br />

originale, la causalité continue d’être respectée.<br />

Des raccourcis dans l’espace-temps <br />

Aujourd’hui, on parle beaucoup <strong>de</strong>s possibilités que<br />

pourraient offrir d’hypothétiques « trous <strong>de</strong><br />

ver », qui seraient <strong>de</strong>s sortes <strong>de</strong> raccourcis<br />

dans la topologie <strong>de</strong> l’espace-temps.<br />

Qu’est-ce à dire Sur le papier, un trou <strong>de</strong><br />

ver possè<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux entrées pouvant être<br />

distantes l’une <strong>de</strong> l’autre <strong>de</strong> plusieurs<br />

millions d’années-lumière, mais un<br />

« tunnel » dans l’espace-temps permet <strong>de</strong><br />

les relier par un chemin beaucoup plus<br />

court : il suffirait donc <strong>de</strong> passer par ce tunnel pour<br />

parcourir en quelques fractions <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> les annéeslumière<br />

qui séparent les <strong>de</strong>ux entrées, sans avoir à<br />

dépasser la vitesse <strong>de</strong> la lumière. Mais cette<br />

possibilité toute théorique est annihilée dans<br />

l’œuf par le fait que les trous <strong>de</strong> ver, s’ils<br />

existent, sont fondamentalement instables<br />

: leur tunnel serait aussitôt détruit<br />

par la moindre particule qui y pénétrerait. Cette<br />

conclusion a été érigée en<br />

principe par Stephen Hawking,<br />

qu’il a appelé la « conjecture <strong>de</strong><br />

protection chronologique » : les<br />

Il ouvre la fenêtre.<br />

Un instant après, il revient<br />

<strong>de</strong> plusieurs heures <strong>de</strong><br />

vol.<br />

Henri Michaux<br />

Ralentir l’horloge<br />

Mais en un certain sens, il reste une possibilité, qui<br />

consiste à jouer avec le phénomène <strong>de</strong> « ralentissement<br />

<strong>de</strong>s horloges », inhérent à la théorie <strong>de</strong> la relativité, que<br />

nous évoquions plus haut. En 1911, le physicien Paul<br />

Langevin chercha à illustrer l’étrangeté apparente <strong>de</strong> ce<br />

phénomène en énonçant le paradoxe dit « <strong>de</strong>s jumeaux ».<br />

Imaginons <strong>de</strong>ux jumeaux, Paul et Jules, initialement sur<br />

Terre, avec leurs montres synchronisées. Un beau matin,<br />

Paul part à bord d’une fusée très rapi<strong>de</strong> dans l’espace,<br />

tandis que Jules, lui, reste sur Terre.<br />

Des jumeaux qui n’en sont plus<br />

Lorsque Paul revient, il constate que la durée <strong>de</strong> son<br />

voyage mesurée par sa montre est plus courte que celle<br />

indiquée par la montre <strong>de</strong> Jules. Paul et Jules ne sont<br />

donc plus jumeaux, seulement frères : Jules, le « statique »,<br />

est <strong>de</strong>venu l’aîné <strong>de</strong> Paul, le voyageur.<br />

Quelle est la morale <strong>de</strong> cette histoire <br />

Qu’en voyageant vite dans l’espace, on<br />

peut explorer le futur d’un autre observateur,<br />

si celui-ci ne se déplace pas.<br />

Ce résultat, pour étonnant qu’il soit pour le<br />

sens commun, est parfaitement conforme<br />

aux prédictions <strong>de</strong> la relativité, et il a été<br />

expérimentalement établi, non pas avec<br />

<strong>de</strong>s êtres humains, mais avec <strong>de</strong>s horloges atomiques<br />

embarquées à bord d’avions très rapi<strong>de</strong>s. En un certain<br />

sens, à défaut <strong>de</strong> former la jeunesse, les voyages rapi<strong>de</strong>s,<br />

très rapi<strong>de</strong>s, la préservent.<br />

Etienne Klein<br />

1 En 1998, l’expérience CPLEAR du CERN, à laquelle <strong>de</strong>s physiciens<br />

du Dapnia ont participé, a démontré pour la première fois une<br />

différence entre un processus mettant en jeu <strong>de</strong>s particules<br />

quasi-élémentaires et le processus temporellement inversé.<br />

2 Dans une horloge atomique, la mesure du temps est<br />

basée sur la fréquence d’un oscillateur à quartz contrôlée<br />

par un phénomène <strong>de</strong> résonance atomique.<br />

3 Libre représentation <strong>de</strong>s hypothétiques trous <strong>de</strong> ver,<br />

<strong>de</strong>s sortes <strong>de</strong> raccourcis <strong>de</strong> l’espace-temps.<br />

15


Le Temps<br />

OUVERTURE VERS D’AUTRES CONCEPTS<br />

Les physiciens s’acheminent vers une révolution conceptuelle qui nous réserve encore <strong>de</strong>s surprises.<br />

Durant ces <strong>de</strong>rnières décennies, les physiciens ont<br />

accompli <strong>de</strong>s progrès extraordinaires en matière d’unification<br />

<strong>de</strong>s interactions fondamentales. Ils sont d’abord<br />

parvenus à i<strong>de</strong>ntifier puis à classifier <strong>de</strong> très nombreuses<br />

particules. Et puis surtout, ils ont démontré que la force<br />

électromagnétique et la force « nucléaire faible » (responsable<br />

<strong>de</strong> certains processus radioactifs), bien que très<br />

dissemblables en apparence, n’étaient pas indépendantes<br />

l’une <strong>de</strong> l’autre : dans un passé très lointain <strong>de</strong> l’Univers,<br />

elles ne faisaient qu’une seule et même force, qui s’est par<br />

la suite dissociée.<br />

<strong>de</strong>vient nécessaire pour décrire les phénomènes qui se<br />

sont déroulés à plus haute énergie, dans l’Univers primordial.<br />

Ensuite, le modèle standard laisse à la marge la quatrième<br />

force, la gravitation, aujourd’hui décrite par la relativité<br />

générale. Comment l’intégrer Ou, si on ne peut pas<br />

l’intégrer, comment construire un cadre synthétique<br />

permettant <strong>de</strong> décrire à la fois la gravitation et les trois<br />

autres forces L’affaire s’annonce délicate, car l’espacetemps<br />

du modèle standard <strong>de</strong> la physique <strong>de</strong>s particules<br />

est plat et rigi<strong>de</strong>, tandis que celui <strong>de</strong> la relativité générale<br />

est souple et dynamique.<br />

1<br />

Cette démarche unificatrice a pu être étendue, dans une<br />

certaine mesure, à l’interaction nucléaire forte, responsable<br />

<strong>de</strong> la cohésion <strong>de</strong>s noyaux atomiques. Le résultat<br />

obtenu, qui permet <strong>de</strong> décrire trois <strong>de</strong>s quatre forces<br />

fondamentales grâce à <strong>de</strong>s principes mathématiques<br />

semblables, est d’une puissance considérable. Il constitue<br />

le « modèle standard » <strong>de</strong> la physique <strong>de</strong>s particules, qui<br />

a été très finement testé grâce à <strong>de</strong> gigantesques<br />

collisionneurs <strong>de</strong> particules.<br />

D’étranges théories<br />

Mais une théorie en cours d’élaboration, dite <strong>de</strong>s « supercor<strong>de</strong>s<br />

», semble prometteuse. Les particules n’y sont<br />

plus représentées par <strong>de</strong>s objets <strong>de</strong> dimension nulle, mais<br />

par <strong>de</strong>s objets longilignes - <strong>de</strong>s supercor<strong>de</strong>s - qui vibrent<br />

dans un espace-temps pouvant avoir plus <strong>de</strong> quatre<br />

dimensions, par exemple dix, voire vingt-six ! Les<br />

dimensions supplémentaires d’espace-temps seraient<br />

« compactifiées », comme enroulées sur elles-mêmes, sur<br />

<strong>de</strong>s distances si petites qu’elles nous seraient imperceptibles.<br />

D’autres théories, tout aussi étranges, mettent en<br />

scène un temps discontinu et non plus lisse (c’est-à-dire<br />

un temps qui passe, puis ne passe plus, puis se remet <strong>de</strong><br />

lui-même à passer...).<br />

Si les équations continuent à être aussi audacieuses, le<br />

temps pourrait donc bientôt cesser d’être ce qu’il était.<br />

Au moins dans les calculs compliqués <strong>de</strong>s physiciens.<br />

Etienne Klein<br />

Les faiblesses du modèle standard<br />

La messe est-elle dite pour autant Non, car <strong>de</strong>s problèmes<br />

persistent. D’abord, à très petite distance, les principes sur<br />

lesquels le modèle standard s’appuie entrent en collision<br />

les uns avec les autres, <strong>de</strong> sorte que les équations ne<br />

fonctionnent plus. C’est l’indice qu’une nouvelle physique<br />

1<br />

Jürg Käppeli, Stefan Theisen (Albert Einstein Institut, Golm) et<br />

Pierre Vanhove (SPhT, Service <strong>de</strong> physique théorique du <strong>CEA</strong>)<br />

calculent <strong>de</strong>s interactions entre supercor<strong>de</strong>s évoluant dans un<br />

espace courbe <strong>de</strong> type Calabi-Yau.<br />

16


Actualités<br />

GAMMAGRAPHIES DE LA VÉNUS DE MILO AU LOUVRE<br />

Avant d’être déplacée, la célèbre statue a subi un test <strong>de</strong> « contrôle non <strong>de</strong>structif » réalisé par <strong>de</strong>s spécialistes<br />

<strong>de</strong> <strong>Saclay</strong>.<br />

La Vénus <strong>de</strong> Milo, qui attire au Louvre <strong>de</strong> nombreux visiteurs<br />

chaque année, doit être prochainement déplacée<br />

pour permettre la rénovation <strong>de</strong> la salle qui lui est consacrée.<br />

Pour cela, il faut vérifier si l’assemblage <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux<br />

blocs <strong>de</strong> marbre qui la constituent est soli<strong>de</strong> et si la statue<br />

présente <strong>de</strong>s zones fragilisées en profon<strong>de</strong>ur. Le<br />

Département antiquités grecques, étrusques et romaines<br />

du musée du Louvre a ainsi fait appel au Service système<br />

et technologies pour la mesure du <strong>CEA</strong> LIST 1 pour une<br />

radiographie du bassin <strong>de</strong> la Vénus. Avec le soutien du<br />

Service <strong>de</strong> protection contre les rayonnements du centre<br />

<strong>de</strong> <strong>Saclay</strong>, pendant <strong>de</strong>ux nuits consécutives, le LIST a<br />

réalisé <strong>de</strong>s gammagraphies 2 pour visualiser l’intérieur <strong>de</strong> la<br />

statue. Chaque nuit, l’exposition du film radiologique a<br />

2<br />

1<br />

duré neuf heures. Cette technologie est habituellement<br />

utilisée en milieu industriel pour analyser <strong>de</strong>s matériaux ou<br />

<strong>de</strong>s pièces usinées, réaliser <strong>de</strong>s étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> faisabilité,<br />

tester et concevoir <strong>de</strong>s équipements <strong>de</strong> contrôle industriel.<br />

Des cavités et <strong>de</strong>s pièces métalliques<br />

Comment procè<strong>de</strong>-t-on à un tel examen La source<br />

radioactive <strong>de</strong> cobalt 60 3 contenue dans le projecteur <strong>de</strong><br />

gammagraphie est guidée à proximité <strong>de</strong> la statue au<br />

moyen d’une télécomman<strong>de</strong> électrique. Le rayonnement<br />

gamma <strong>de</strong> la source traverse la statue et vient impressionner<br />

<strong>de</strong>s films argentiques disposés à l’opposé. Selon la<br />

<strong>de</strong>nsité et l’épaisseur <strong>de</strong>s matériaux rencontrés, il est plus<br />

ou moins atténué, ce qui se traduit sur le film par <strong>de</strong>s<br />

<strong>de</strong>nsités optiques différentes, c’est-à-dire <strong>de</strong>s niveaux <strong>de</strong><br />

gris plus ou moins sombres.<br />

Ces radiographies ont permis <strong>de</strong> dévoiler la présence <strong>de</strong><br />

Idéal <strong>de</strong> la beauté<br />

Célèbre sculpture antique (130 à 100 avant J.C.), la Vénus<br />

<strong>de</strong> Milo symbolise l’idéal <strong>de</strong> la beauté féminine. Elle fut<br />

découverte en 1820 près d’un théâtre antique à Mélos,<br />

une île <strong>de</strong> la mer Égée. I<strong>de</strong>ntifiée comme la déesse<br />

Aphrodite, cette femme au buste dénudé est constituée<br />

<strong>de</strong> <strong>de</strong>ux blocs, selon la technique <strong>de</strong>s pièces rapportées.<br />

Les jambes sont taillées dans un premier bloc complété<br />

d’un second <strong>de</strong>s hanches à la tête.<br />

cavités, ainsi que plusieurs inserts métalliques, notamment<br />

<strong>de</strong>ux pièces verticales, insérées dans la Vénus probablement<br />

à la fin du XIX e siècle, pour consoli<strong>de</strong>r la jonction<br />

entre les <strong>de</strong>ux blocs <strong>de</strong> marbre.<br />

1 LIST : Laboratoire d’intégration <strong>de</strong>s systèmes et <strong>de</strong>s technologies au<br />

sein <strong>de</strong> la Direction <strong>de</strong> la recherche technologique.<br />

2 On utilise ici indifféremment les termes radiographie et gammagraphie.<br />

Il faut noter que dans le domaine médical, le terme radiographie se réfère<br />

aux rayons X <strong>de</strong> faible énergie.<br />

3 La source <strong>de</strong> cobalt 60 émet <strong>de</strong>s rayons gamma <strong>de</strong> 1,17 et 1,33 MeV<br />

(106 électronvolt). L’électronvolt est une unité utilisée en physique<br />

atomique et nucléaire qui vaut 1,6.10 -19 joule.<br />

1 Gammagraphies du bassin <strong>de</strong> la Vénus <strong>de</strong> Milo.<br />

2 Préparatifs pour l’examen aux rayons gamma <strong>de</strong> la célèbre<br />

statue, au musée du Louvre.<br />

17


Actualités<br />

UN PROGRAMME DE RECHERCHE FINALISÉE<br />

POUR LA SÉCURITÉ NATIONALE<br />

Des équipes <strong>de</strong> <strong>Saclay</strong> participent à la lutte contre une agression biologique et chimique.<br />

Ces <strong>de</strong>rnières années, la menace liée à l’utilisation<br />

d’agents biologiques s’est nettement précisée. Le <strong>CEA</strong> est<br />

un acteur majeur <strong>de</strong> la recherche en matière <strong>de</strong> sécurité.<br />

En particulier, il conduit le programme interministériel <strong>de</strong><br />

lutte contre les menaces NRBC, qui vise à assurer la<br />

sécurité <strong>de</strong>s citoyens contre d’éventuelles agressions<br />

nucléaire, radiologique, biologique et chimique, avec un<br />

accent particulier sur l’aspect biologique.<br />

Préparer <strong>de</strong>s outils<br />

Au sein <strong>de</strong> ce programme, la Direction <strong>de</strong>s sciences du<br />

vivant (DSV) a été sollicitée pour préparer les outils<br />

indispensables pour la détection, le diagnostic, le traitement<br />

et la décontamination <strong>de</strong>s agents majeurs <strong>de</strong> la<br />

menace biologique et chimique. Cette action mobilise<br />

environ 24 équipes, auxquelles se sont jointes 12 équipes<br />

<strong>de</strong> l’Institut Pasteur, <strong>de</strong> l’IRSN 1 , du CNRS, du CRESSA 2 ,<br />

du Muséum national d’histoire naturelle, <strong>de</strong> l’AFSSAPS 3 et<br />

<strong>de</strong> l’INSERM 4 . Au <strong>CEA</strong>, les<br />

Directions <strong>de</strong> la recherche<br />

technologique et <strong>de</strong>s sciences<br />

<strong>de</strong> la matière, en relation<br />

avec la DSV, mettent<br />

actuellement au point <strong>de</strong>s<br />

systèmes miniaturisés<br />

adaptés à l’emploi sur le<br />

terrain <strong>de</strong>s outils évoqués<br />

précé<strong>de</strong>mment.<br />

2<br />

Le Département d'ingénierie et d'étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s protéines<br />

met au point <strong>de</strong>s tests in vitro <strong>de</strong>stinés à la recherche<br />

d’inhibiteurs <strong>de</strong>s agents du risque bilogique. Ce travail est<br />

réalisé en collaboration avec le Service <strong>de</strong> marquage<br />

moléculaire et <strong>de</strong> chimie bioorganique.<br />

1 Institut <strong>de</strong> radioprotection et <strong>de</strong> sûreté nucléaire.<br />

2 Centre <strong>de</strong> recherche du service <strong>de</strong> santé <strong>de</strong>s armées.<br />

3 Agence française <strong>de</strong> sécurité sanitaire <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> santé.<br />

4 Institut national <strong>de</strong> la santé et <strong>de</strong> la recherche médicale.<br />

1<br />

Tests et inhibiteurs<br />

<strong>de</strong> toxines<br />

A <strong>Saclay</strong>, trois unités <strong>de</strong> la<br />

DSV sont particulièrement<br />

impliquées dans ces<br />

recherches. Le Service <strong>de</strong><br />

pharmacologie et d'immunologie fabrique <strong>de</strong>s anticorps<br />

monoclonaux <strong>de</strong>stinés à la réalisation <strong>de</strong> tests <strong>de</strong> détection.<br />

1<br />

2<br />

Détection d’agents pathogènes par analyse immunologique<br />

sur ban<strong>de</strong>lettes. Ces tests sont développés au Service <strong>de</strong><br />

pharmacologie et d’immunologie à <strong>Saclay</strong>.<br />

Cette plate-forme robotisée <strong>de</strong> chimie combinatoire<br />

implantée à <strong>Saclay</strong> réalise la synthèse <strong>de</strong> nouvelles molécules,<br />

leur purification et leur caractérisation. Elle permet <strong>de</strong> fabriquer<br />

rapi<strong>de</strong>ment plusieurs milliers <strong>de</strong> molécules différentes à partir<br />

d'une structure commune. Cette installation a bénéficié<br />

d’un soutien du Conseil régional d’Ile-<strong>de</strong>-France et du Conseil<br />

général <strong>de</strong> l’Essonne.<br />

18


Actualités<br />

LIVRES<br />

Nous vous proposons une sélection <strong>de</strong> livres grand public, écrits par <strong>de</strong>s chercheurs <strong>de</strong> <strong>Saclay</strong>.<br />

■ « Petit voyage dans le mon<strong>de</strong> <strong>de</strong>s quanta », Etienne<br />

Klein, éd. Flammarion, 224 pages, 04/2004, 8,20 €.<br />

■ « Demain, la physique », ouvrage collectif (auteurs :<br />

Aspect, Balian, Balibar, Brézin, Cabane, Fauve, Kaplan,<br />

Léna, Poirier, Prost), éd. Odile Jacob, 377 pages, 03/2004,<br />

29 €.<br />

■ « Faire <strong>de</strong> la science avec Star Wars », Roland Lehoucq,<br />

éd. Le Pommier, 128 pages, 10/2005, 6,50 €.<br />

■ « Les constantes fondamentales »,<br />

Roland Lehoucq, Jean-Philippe Uzan, éd. Belin, 487<br />

pages, 05/2005, 30 €.<br />

■ « Qu’est-ce que la matière », Françoise Balibar,<br />

Jean-Marc Lévy-Leblond, Roland Lehoucq, éd. Le<br />

Pommier, 04/2005, 192 pages, 8,50 €.<br />

Les chercheurs s’adressent aussi aux enfants<br />

pour partager avec eux <strong>de</strong>s questions <strong>de</strong> science.<br />

■ « Il était sept fois la révolution », Etienne Klein,<br />

éd. Flammarion, 237 pages, 03/2005, 19 €.<br />

■ « Les Nanotechnologies doivent-elles nous faire<br />

peur », Louis Laurent et Jean-Clau<strong>de</strong> Petit, éd. Le<br />

Pommier, coll. Les Petites Pommes du Savoir, 62 pages,<br />

03/2005, 4 €.<br />

■ « Les nanosciences, nanotechnologies et nanophysique »,<br />

coordinateurs <strong>de</strong>s auteurs : Marcel Lahmani, Claire Dupas,<br />

Philippe Houdy, coauteurs : Jean-Philippe Bourgoin,<br />

Arianna Filoramo et Marcelo Goffman, éd. Belin, 605<br />

pages, 11/2004, 47,50 €.<br />

■ « Le climat : jeux dangereux », Jean Jouzel, Anne<br />

Debroise, éd. Dunod, 212 pages, 11/2004, 20 €.<br />

■ « Climat : chronique d’un bouleversement annoncé »,<br />

Didier Hauglustaine, Jean Jouzel, Hervé Le Treut, éd. Le<br />

Pommier, 188 pages, 10/2004, 8,50 €.<br />

■ « L’effet <strong>de</strong> serre : réalité, conséquences et solutions »,<br />

René Ducroux, Philippe Jean-Baptiste, CNRS Editions, 95<br />

pages, 10/2004, 15 €.<br />

■ « Les tactiques <strong>de</strong> Chronos », Etienne Klein, éd.<br />

Flammarion, 219 pages, 10/2004, 7,20 €.<br />

■ « Energie noire, matière noire », Michel Cassé, éd. Odile<br />

Jacob, 306 pages, 08/2004, 25,50 €.<br />

■ « Le climat, <strong>de</strong> nos ancêtres à vos enfants », Valérie<br />

Masson-Delmotte, Bérengère Dubrulle, éd. Le Pommier,<br />

coll. Les Minipommes, 59 pages, 09/2005, 7,60 €.<br />

■ « La lumière à la loupe », Roland Lehoucq, éd.<br />

Le Pommier, coll. Les Minipommes, 59 pages, 09/2005,<br />

7,60 €.<br />

■ « Les atomes <strong>de</strong> l’univers », Etienne Klein, éd.<br />

Le Pommier, coll. Les Minipommes, 05/2005, 7,60 €.<br />

■ « Il était une fois le soleil », document jeunesse<br />

composé <strong>de</strong>s textes primés lors du concours réalisé par le<br />

<strong>CEA</strong> à l’occasion <strong>de</strong> l’exposition « Soleil» <strong>de</strong> la Cité <strong>de</strong>s<br />

sciences et <strong>de</strong> l’industrie, éd. Le Pommier, 62 pages,<br />

11/2004, 15 €.<br />

■ « Le Soleil, notre étoile », Roland Lehoucq, éd. Le<br />

Pommier, coll. Les Minipommes, 57 pages, 09/2004, 8 €.<br />

19


DEUX CONFÉRENCES POUR EN SAVOIR PLUS<br />

« Le temps, entre réalité et illusion »<br />

Le centre <strong>CEA</strong> <strong>de</strong> <strong>Saclay</strong> organise chaque trimestre <strong>de</strong>s conférences <strong>de</strong>stinées à présenter au grand public l’actualité<br />

scientifique et technique.<br />

Lundi 12 juin<br />

« Le temps existe-t-il »<br />

par Etienne Klein, physicien au <strong>CEA</strong>.<br />

« Le temps est un aigle agile dans un<br />

temple », a écrit Robert Desnos. Un<br />

aigle qui rappelle celui <strong>de</strong> Prométhée : il<br />

dévore jusqu’aux entrailles un foie qui<br />

repousse sans cesse ; agile, sans aucun<br />

doute, parce qu’il se dérobe sans cesse ;<br />

quant au temple, il traduit le caractère<br />

hiératique du temps, qui n’évolue pas lui-même mais fait<br />

évoluer le mon<strong>de</strong>.<br />

Comme on le voit, cette définition renferme <strong>de</strong>s notions<br />

contradictoires (comme celles d’invariance et <strong>de</strong> mobilité).<br />

La notion <strong>de</strong> temps est, par nature, emplie d’ambivalences,<br />

et associée à <strong>de</strong>s images pas<br />

toujours nettes. D’abord, le temps,<br />

existe-t-il vraiment Un être qui<br />

n’existe qu’en cessant d’être, est-ce<br />

encore un être Ne s’agit-il pas plutôt<br />

d’une illusion De fait, au cours … du<br />

temps, les philosophes ont convoqué à<br />

peu près autant d’arguments pour<br />

prétendre que le temps existe que pour<br />

prétendre qu’il n’existe pas. Mais dans cette affaire, la<br />

physique a-t-elle quelque chose à dire <br />

Et si oui, quoi <br />

Lundi 19 juin<br />

« La physique a-t-elle<br />

besoin du temps »<br />

par Marc Lachièze-Rey, physicien au <strong>CEA</strong>.<br />

Nous exprimons notre expérience<br />

quotidienne du temps par ce qu’on<br />

peut qualifier notre temps intuitif. La<br />

physique newtonienne est fondée<br />

sur l’existence d’un temps physique,<br />

construit comme une généralisation <strong>de</strong><br />

notre temps intuitif.<br />

Mais l’expérience physique nous a montré <strong>de</strong>puis que la<br />

plupart <strong>de</strong>s notions temporelles comme la durée, la<br />

simultanéité ou la succession chronologique n’ont pas <strong>de</strong><br />

pertinence physique. Les théories <strong>de</strong> la<br />

relativité se fon<strong>de</strong>nt sur cette disparition<br />

du temps. Elles abandonnent les notions<br />

d’espace, <strong>de</strong> temps et <strong>de</strong> chronologie et<br />

se fon<strong>de</strong>nt sur celles d’espace-temps et<br />

<strong>de</strong> structure causale. La physique relativiste<br />

est ainsi une physique sans temps,<br />

mais avec causalité. D’où l’un <strong>de</strong>s<br />

grands débats actuels : faut-il suivre la<br />

voie <strong>de</strong> la relativité et consacrer une physique sans temps<br />

(mais avec causalité ) ou bien vaut-il mieux renier le<br />

message relativiste et réintroduire le temps comme une<br />

composante essentielle <strong>de</strong> la réalité physique <br />

Renseignements pratiques :<br />

Accès : ouvert à tous, entrée gratuite<br />

Lieu : Institut national <strong>de</strong>s sciences et techniques nucléaires, <strong>Saclay</strong> (voir plan)<br />

Horaire : 20 heures<br />

Organisation/renseignements :<br />

Centre <strong>CEA</strong> <strong>de</strong> <strong>Saclay</strong>,<br />

Unité communication et affaires publiques<br />

Tél : 01 69 08 52 10<br />

Adresse postale : 91191 Gif-sur-Yvette Ce<strong>de</strong>x<br />

Les Jeudis du <strong>CEA</strong><br />

Jeudi 15 juin 2006 à 19h30,<br />

La « cybersociété » face aux pirates informatiques,<br />

avec Laurent Oudot, expert en sécurité <strong>de</strong>s systèmes informatiques (<strong>CEA</strong> Direction <strong>de</strong>s applications militaires Ile-<strong>de</strong>-France).<br />

Renseignements : Lieu : café <strong>de</strong> la FNAC Vélizy, centre commercial Vélizy 2, Entrée libre

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