Journal de Saclay n°32 - CEA Saclay
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Le Temps<br />
EXPLORER LES BRÈVES DURÉES<br />
Des phénomènes fugaces comme la « vie » d’une particule dans un accélérateur ou une réaction<br />
chimique échappent aux chronomètres les plus performants. Des artifices permettent cependant leur<br />
analyse temporelle très fine.<br />
LA COURTE VIE DU BOSON Z<br />
Le temps <strong>de</strong> vie d’une particule peut être déterminé en<br />
mesurant la probabilité <strong>de</strong> matérialisation <strong>de</strong> la particule<br />
en fonction <strong>de</strong> l’énergie dépensée pour la créer.<br />
Les particules élémentaires constituent un étrange<br />
bestiaire : ainsi, les particules <strong>de</strong> matière interagissent<br />
entre elles en s’échangeant…<br />
d’autres particules,<br />
<strong>de</strong> nature différente, dites<br />
messagères. Par exemple<br />
le grain <strong>de</strong> lumière (ou<br />
photon) est la messagère<br />
<strong>de</strong> l’interaction électromagnétique.<br />
Les accélérateurs<br />
<strong>de</strong> particules ont permis <strong>de</strong><br />
montrer que <strong>de</strong>s messagers<br />
existent également pour<br />
<strong>de</strong>ux autres interactions<br />
fondamentales gouvernant,<br />
l’une la cohésion du noyau<br />
<strong>de</strong> l’atome, et l’autre la<br />
désintégration <strong>de</strong>s noyaux radioactifs. Cette <strong>de</strong>rnière,<br />
appelée interaction faible, admet trois messagers, dont le<br />
boson Z. Au grand collisionneur LEP 1 du CERN, l’énergie<br />
libérée par le choc frontal d’un électron et d’un positron 2<br />
Les points rouges correspon<strong>de</strong>nt à la courbe <strong>de</strong> résonance<br />
du Z et ont été mesurés sur un très grand nombre<br />
<strong>de</strong> collisions. Les énergies <strong>de</strong> collision sont exprimées<br />
en gigaélectronvolts et les probabilités d’interaction en<br />
picobarns (pb), une unité <strong>de</strong> mesure typique <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong><br />
collisions.<br />
était suffisante pour donner naissance à cette particule.<br />
Une fois créé, un Z se désintègre très rapi<strong>de</strong>ment en d’autres<br />
particules, mesurées dans les détecteurs. On parle <strong>de</strong><br />
« voies <strong>de</strong> désintégrations » du Z, qui varient d’une collision<br />
à l’autre et qu’il faut i<strong>de</strong>ntifier par <strong>de</strong>s mesures sur les<br />
particules finales. Grâce à ces mesures, on a pu remonter<br />
aux caractéristiques du Z, comme sa masse ou son temps<br />
<strong>de</strong> vie.<br />
Temps <strong>de</strong> vie et énergie<br />
Le temps <strong>de</strong> vie du Z est extrêmement bref : 2,6.10 -25<br />
secon<strong>de</strong> ! Pour comprendre comment les physiciens ont<br />
pu mesurer très précisément cette durée, il faut s’attar<strong>de</strong>r<br />
1<br />
sur la notion <strong>de</strong> masse. A chaque particule est associée<br />
une masse qui correspond à son « énergie au repos » mais<br />
dans un cadre régi par la mécanique quantique, cette<br />
masse varie un peu d’un Z à l’autre. Il existe une valeur <strong>de</strong><br />
masse préférentielle, mais il est également possible,<br />
quoique moins probable, <strong>de</strong> produire <strong>de</strong>s Z à <strong>de</strong>s masses<br />
légèrement différentes <strong>de</strong> celle-ci. La probabilité d’obtenir<br />
un Z <strong>de</strong> masse donnée a la forme d’une courbe « <strong>de</strong> résonance<br />
» dont la largeur est directement reliée à l’inverse du<br />
temps <strong>de</strong> vie <strong>de</strong> la particule. Entre 1989 et 1995, au LEP,<br />
les physiciens <strong>de</strong>s particules ont enregistré quelque<br />
17 millions <strong>de</strong> matérialisations <strong>de</strong> Z pour reconstruire point<br />
par point cette courbe <strong>de</strong> résonance. Les caractéristiques<br />
du Z ont ainsi été mesurées avec une précision sans<br />
précé<strong>de</strong>nt. « La finalisation<br />
<strong>de</strong>s résultats vient<br />
<strong>de</strong> s’achever. Grâce au<br />
LEP, la compréhension<br />
<strong>de</strong> l’interaction électrofaible<br />
a fait un pas <strong>de</strong><br />
géant », se réjouit Vanina<br />
Ruhlmann-Klei<strong>de</strong>r, physicienne<br />
au Dapnia.<br />
1 LEP : Large Electron and<br />
Positron colli<strong>de</strong>r.<br />
2 Positron ou positon :<br />
antiparticule <strong>de</strong> l’électron.<br />
La qualité <strong>de</strong>s résultats expérimentaux obtenus sur la<br />
particule Z au CERN permet <strong>de</strong> statuer sur le nombre<br />
d’espèces <strong>de</strong> neutrinos. Les courbes correspon<strong>de</strong>nt à<br />
<strong>de</strong>s prédictions avec respectivement <strong>de</strong>ux, trois ou<br />
quatre espèces <strong>de</strong> neutrinos. Les points expérimentaux<br />
sont présentés avec une barre d’erreur multipliée par<br />
dix pour être visible. Les mesures démontrent qu’il<br />
existe trois espèces <strong>de</strong> neutrinos.<br />
1 Tunnel du LEP au CERN qui a fonctionné <strong>de</strong> 1989 à 2000.<br />
Le grand collisionneur <strong>de</strong> protons (LHC) est aujourd’hui<br />
en construction dans ce même tunnel.<br />
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