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DossIer
Restaurer, c’est d’abord… incorporer
Exigences éducatives et impératifs
budgétaires ne sont pas
incompatibles, comme
en témoigne Saint-Pierre
de Bourg-en-Bresse, à l’origine
d’un « projet génial ».
AURÉLIE SOBOCINSKI
Le choix de la sous-traitance, réalisé par
quatre établissements sur cinq, n’est
pas neutre dans la mise en œuvre de
l’unité et de la cohérence du projet d’établissement.
Rime-t-il pour autant avec perte
d’âme
Il n’y a pas de fatalité en la matière. « Le
statut des personnels peut ne pas être un
problème ! » affirme Louis-Marie Piron,
chef d’établissement de l’institution Saint-
Pierre à Bourg-en-Bresse jusqu’à cette rentrée,
qui a pu créer de toutes pièces avec
sa communauté éducative deux nouveaux
espaces de restauration. Au-delà de l’obligation
qu’ont les sociétés de réembaucher
les personnels liés à l’établissement, d’autres
choix peuvent être faits comme celui à
Saint-Pierre de conserver les personnels – à
l’exception des chefs –, via l’aménagement
de temps pleins incluant le service de l’entretien.
La véritable source de mobilisation se
trouve ailleurs. « Ce qui prévaut, c’est avant
tout notre capacité à intégrer les personnes,
estime Louis-Marie Piron. Si elles se positionnent
sur une entrée trop économique
ou fonctionnelle, c’est parce que nous
avons tendance à les y enfermer nousmêmes.
» En les sensibilisant individuellement
à travers des temps de concertation
voire de formation, en les conviant aux
commissions de restauration ou à certains
moments clefs de réflexion sur le projet de
l’établissement…, de nombreux leviers peuvent
être actionnés.
À Saint-Pierre, à la faveur de la construction
de nouveaux lieux dédiés pour le collège et
le lycée, « le projet génial » a pu être élaboré,
avec l’ensemble des acteurs – enseignants,
équipe de vie scolaire, de pastorale, de restauration,
élèves, parents –, à partir d’un
projet éducatif associé. « Tout le monde a
phosphoré sur ce qu’était la restauration.
Nous avons dicté nos exigences éducatives
À Saint-Pierre de Bourg-en-Bresse, toute la communauté
éducative a imaginé le nouvel espace de restauration.
axées sur la rencontre, la convivialité, la responsabilisation
des élèves, avant d’entrer
dans les considérations budgétaires, et nous
avons mis en concurrence plusieurs sociétés
autour de ce cahier des charges. »
La nouvelle cantine n’est pas encore sortie
de terre à Saint-Pierre que les personnels
de restauration ont déjà coupé la barre de
self pour être au contact des enfants autour
des buffets et des points de tri, et que ces
derniers regardent autrement le contenu
de leur assiette... « Cela a permis de créer
une convivialité nouvelle, un esprit de famille…
On ne va plus à la cantine mais au
restaurant du chef ! »
D. R.
Penser autrement appelle un autre rapport
au temps que l’on se donne à vivre. « Souvent
pour des raisons architecturales, économiques,
de manque de moyens à tous les
niveaux, ou encore d’une journée scolaire
“réaménagée”, ce qui pourrait être une éducation
à la rencontre autour du repas tourne
à l’organisation taylorienne aux cadences
effrénées, où l’élève n’a que quinze minutes
pour avaler son plateau, seul ou avec quelques
copains », constate Daniel Rossignol, chef
d’établissement à Perpignan. « Comment
éduquer dans ces conditions À quel moment
leur permet-on d’échapper à leur déterminisme
Leur offre-t-on une pluralité,
une diversité, une intériorité », s’inquiète
Christiane Durand, de l’observatoire national
de pédagogie.
Au-delà des contraintes
C’est bien toute la problématique de la
proposition au fil de ce temps qui est posée :
faut-il occuper à tout prix, tout sécuriser
ou laisser des espaces de liberté
« L’école, c’est la gestion de l’ensemble des
temps éducatifs, en lien avec les familles »,
fait valoir Françoise Rappelin, de l’école Sévigné
à Marseille, qui travaille avec son équipe
sur les rythmes scolaires et intègre à l’aménagement
de la plage méridienne « ce qui
se passe en amont comme en aval »…
Reste enfin la question de l’espace donné
à la « restauration » des corps comme des
âmes, qui mérite d’être posée au-delà des
contraintes immobilières, tant elle interroge
sur son inscription dans le projet et la place
donnée à chacun au sein de la communauté.
Impossible là aussi de ne pas tenir compte
de l’âge du public… Pour ses lycéens avides
d’indépendance, Saint-Pierre a prévu un
espace modulaire se métamorphosant au
fil de la journée en cafétéria, lieu de travail,
d’animation ou tout simplement de vie…
Pour les collégiens, avec lesquels il faut jongler
entre un bon encadrement et un début
d’accompagnement à l’autonomie, le principe
du self a été retenu, mais organisé
selon un principe de choix dirigé… « Il nous
faut arrêter de penser uniquement à diminuer
le coût du repas, mais rêver de nouveaux
espaces de relation, c’est à la portée
de chaque établissement ! » conclut Louis-
Marie Piron.
N° 345, octobre-Novembre 2011 Enseignement catholique actualités 33