Mise en page 1 - Algérie news quotidien national d'information
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C U L T U R E 23<br />
un docum<strong>en</strong>taire comme Corumbiara de<br />
Vinc<strong>en</strong>t Carelli, qui met à l'image la lutte<br />
inégale des indigènes face aux grands propriétaires<br />
brésili<strong>en</strong>s, ou dans Era uma vez<br />
eu, Verônica, qui interroge le conflit <strong>en</strong>tre<br />
épanouissem<strong>en</strong>t personnel et lutte collective.<br />
Dans la carte du cinéma émerg<strong>en</strong>t, les<br />
films colombi<strong>en</strong>s aujourd'hui quasim<strong>en</strong>t<br />
tous intégralem<strong>en</strong>t traversés par la question<br />
des déplacem<strong>en</strong>ts et des assassinats<br />
sauvages. Les réalisateurs chili<strong>en</strong>s sont eux<br />
davantage tournés vers un cinéma qui<br />
interroge la liberté individuelle et son usage<br />
dans une société très libérale sur le plan<br />
économique mais <strong>en</strong>core très habitée par le<br />
conservatisme social et moral ; une situation<br />
que connaît le Chili mais que viv<strong>en</strong>t<br />
beaucoup de sociétés europé<strong>en</strong>nes, ce qui<br />
peut expliquer le succès actuel du cinéma<br />
chili<strong>en</strong> <strong>en</strong> Europe. Dans ce domaine, La<br />
Sagrada familia de Sebastian Campos<br />
(2006) a été une œuvre marquante dans<br />
l'univers du jeune cinéma chili<strong>en</strong> r<strong>en</strong>aissant.<br />
Le succès de Gloria de Sebastian Lelio<br />
à la Berlinale reflète aussi cette préoccupation<br />
pour la place que chacun peut s'offrir<br />
dans une société artificieuse <strong>en</strong> désagrégation.<br />
Au mom<strong>en</strong>t où Cinélatino commémore<br />
ses 25 ans d’exist<strong>en</strong>ce sous le signe du<br />
cinéma et de la politique, on peut constater<br />
que le cinéma latino-américain, ces<br />
dernières années, a diversifié ses thèmes.<br />
Ce n’est plus l’âge des grands manifestes<br />
politiques même si la mémoire et les questions<br />
sociales rest<strong>en</strong>t prégnantes dans les<br />
films. Effet de génération, des mutations<br />
libérales des années 1980 de la mondialisation<br />
?<br />
Il est vrai que, y compris dans le<br />
domaine du docum<strong>en</strong>taire, la dominante<br />
thématique des films n'est plus du tout<br />
exclusivem<strong>en</strong>t politique comme elle a pu<br />
l'être dans les années 1970 ou 1980. Moins<br />
que la libéralisation économique, c'est plutôt<br />
la libéralisation politique et surtout<br />
l'élargissem<strong>en</strong>t du spectre des réalisateurs,<br />
peut-être originaires de milieux plus divers,<br />
qui a favorisé la diversification des sujets<br />
abordés par les cinémas d'Amérique latine.<br />
L'impératif politique étant moins prégnant,<br />
il a laissé place à l'analyse des relations<br />
sociales et même au questionnem<strong>en</strong>t<br />
exist<strong>en</strong>tiel, notamm<strong>en</strong>t à travers la<br />
réflexion sexuelle. On peut dire que les<br />
cinémas d'Amérique latine s'autoris<strong>en</strong>t<br />
désormais à parcourir tous les champs de la<br />
p<strong>en</strong>sée, même si la description ou l'analyse<br />
socio-anthropologique reste dominante<br />
aussi bi<strong>en</strong> dans la fiction que dans le docum<strong>en</strong>taire.<br />
Une évid<strong>en</strong>ce, la famille est un<br />
sujet majeur des réalisations du cône sud.<br />
Dans cet esprit, parlons du docum<strong>en</strong>taire<br />
qui est produit <strong>en</strong> grand nombre <strong>en</strong><br />
Amérique latine. A quoi est due cette vivacité<br />
du g<strong>en</strong>re, son éclectisme et son intérêt<br />
maint<strong>en</strong>ant plus prononcé aux sociétés<br />
indigènes ?<br />
Le docum<strong>en</strong>taire est un g<strong>en</strong>re vivace<br />
dans les pays d'Amérique latine, à mon s<strong>en</strong>s<br />
pour deux raisons : D'abord pour une raison<br />
économique : à tort ou à raison, on<br />
considère que le docum<strong>en</strong>taire coûte moins<br />
cher à produire. Ce qui est vrai, c'est qu'un<br />
réalisateur peut réaliser quasim<strong>en</strong>t seul un<br />
film, ce qui n'est évidemm<strong>en</strong>t pas le cas<br />
pour la fiction. La deuxième raison est que<br />
les sociétés d'Amérique latine sont très<br />
divisées : cet état de fait favorise la curiosité<br />
pour l'autre et l'<strong>en</strong>vie de compr<strong>en</strong>dre ce qui<br />
est différ<strong>en</strong>t. L'<strong>en</strong>quête docum<strong>en</strong>taire est<br />
souv<strong>en</strong>t une recherche de l'autre. Le foisonnem<strong>en</strong>t<br />
culturel et social de l'Amérique<br />
latine attire l'œil docum<strong>en</strong>taire. Cette<br />
richesse sociale et culturelle peut aussi<br />
expliquer, outre les raisons financières, que<br />
les docum<strong>en</strong>taristes latino-américains se<br />
p<strong>en</strong>ch<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core peu sur les réalités d'autres<br />
contin<strong>en</strong>ts.<br />
Quant à l'intérêt pour les sociétés indigènes,<br />
il est à la fois lié à une prise de<br />
consci<strong>en</strong>ce politique, à cette attirance pour<br />
l'autre que je soulignais, mais aussi au<br />
développem<strong>en</strong>t d'une cinématographie<br />
indigène : depuis une vingtaine d'années,<br />
surtout au Brésil ou <strong>en</strong> Bolivie, les peuples<br />
indigènes sont passés derrière la caméra et<br />
se film<strong>en</strong>t eux-mêmes. En 2012, As hiper<br />
mulheres de Carlos Fausto, Leonardo Sette<br />
et Takumã Kuikuro faisait figure de proue<br />
de ce mouvem<strong>en</strong>t, <strong>en</strong> apparaissant dans la<br />
compétition docum<strong>en</strong>taire de Cinélatino,<br />
R<strong>en</strong>contres de Toulouse.<br />
Depuis Santiago Alvarez, Fernando<br />
Solanas et Patricio Guzman, pour ne citer<br />
que ces pionniers, le docum<strong>en</strong>taire latinoaméricain<br />
s’est voulu une arme de libération<br />
et de « décolonisation culturelle ».<br />
Y-a-t-il une exception docum<strong>en</strong>tariste<br />
latino-américaine? Comm<strong>en</strong>t expliquezvous<br />
son inv<strong>en</strong>tivité et dans quelles conditions<br />
historiques est interv<strong>en</strong>u son avènem<strong>en</strong>t<br />
?<br />
Je ne suis pas sûr que ces réalisateurs se<br />
reconnaiss<strong>en</strong>t tous dans le mouvem<strong>en</strong>t que<br />
vous décrivez. Je ne crois pas qu'il y ait une<br />
exception docum<strong>en</strong>tariste latino-américaine,<br />
d'autant que la recherche formelle<br />
des réalisateurs dans ce domaine <strong>en</strong> est<br />
<strong>en</strong>core à ses balbutiem<strong>en</strong>ts. On voit bi<strong>en</strong><br />
comm<strong>en</strong>t, d'un point de vue cinématographique,<br />
Nostalgie de la lumière est le plus<br />
grand film de Patricio Guzman <strong>en</strong> raison<br />
du tissage narratif réalisé. Si on devait parler<br />
d'exception, on pourrait peut-être s'intéresser<br />
au docum<strong>en</strong>taire brésili<strong>en</strong>, qui<br />
d'un point de vue formel est très divers et<br />
cherche souv<strong>en</strong>t des cadrages et des montages<br />
qui interagiss<strong>en</strong>t avec la singularité des<br />
histoires racontées. Cette vivacité du docum<strong>en</strong>taire<br />
brésili<strong>en</strong> s'explique par les fonds<br />
importants mis par l'Etat à travers divers<br />
organismes ou fondations pour accompagner<br />
la création docum<strong>en</strong>taire et par la<br />
multipli-cité culturelle du Brésil. Dans la<br />
jeune génération brésili<strong>en</strong>ne, quelques<br />
noms émerg<strong>en</strong>t comme Gabriel Mascaro<br />
ou Maya Da-Rin. Mais pas de maître incontesté<br />
du docum<strong>en</strong>taire : les réalisateurs sont<br />
beaucoup plus nombreux que dans les<br />
générations précéd<strong>en</strong>tes et il faut plus de<br />
temps pour se faire un nom.<br />
Les capacités de production cinématographiques<br />
d’un pays latino-américain à<br />
l’autre sont inégales. Le Brésil et<br />
l’Arg<strong>en</strong>tine sembl<strong>en</strong>t jouer un rôle de<br />
locomotives ? Peut-on parler d’une industrie<br />
cinématographique latino-américaine<br />
?<br />
Il est difficile de parler d'une unique<br />
industrie cinématographique latino-américaine,<br />
même si les sphères cinématographiques<br />
des différ<strong>en</strong>ts pays sont de plus <strong>en</strong> plus<br />
<strong>en</strong> contact grâce à la multiplication des<br />
r<strong>en</strong>dez-vous professionnels. Les coproductions<br />
qui associ<strong>en</strong>t des pays d'Amérique<br />
latine différ<strong>en</strong>ts rest<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core assez rares.<br />
Il faut aussi distinguer aussi la petite industrie<br />
de cinéma commercial qui se développe,<br />
notamm<strong>en</strong>t au Brésil ou au Mexique<br />
de la multitude de productions indép<strong>en</strong>dantes,<br />
souv<strong>en</strong>t <strong>en</strong>core peu diffusées dans<br />
des circuits de distributions. La plupart des<br />
films latino-américains ont plus de chance<br />
d'être vus <strong>en</strong> Europe ou même <strong>en</strong> Asie que<br />
dans un autre pays d'Amérique latine.<br />
Derrière le Brésil, dans une moindre<br />
mesure l'Arg<strong>en</strong>tine, le Chili comm<strong>en</strong>ce à<br />
développer des systèmes de productions<br />
efficaces. Enfin, on ne doit pas oublier le<br />
Mexique, dont la production indép<strong>en</strong>dante<br />
est peut-être moins florissante qu'elle ne l'a<br />
été, mais qui reste un pays fondam<strong>en</strong>tal<br />
dans la cinématographie mondiale.<br />
La Muestra consacre une section au<br />
thème Medias et pouvoir. N’est-ce pas les<br />
premiers adversaires des productions<br />
cinématographiques qui doiv<strong>en</strong>t déconstruire<br />
les discours et les clichés semés par<br />
ces derniers ?<br />
Dans les productions cinématographiques<br />
de ces dernières années, on a vu plusieurs<br />
films qui s'attaquai<strong>en</strong>t aux complicités<br />
<strong>en</strong>tre les médias et les dictatures.<br />
Nombre de médias sont toujours inféodés<br />
aux pouvoirs économiques et pactis<strong>en</strong>t<br />
avec les pouvoirs politiques. Le cinéma<br />
indép<strong>en</strong>dant a cette liberté de pouvoir critiquer<br />
et soulever ce que la vulgate médiatique<br />
répand à chaque instant. Mais le<br />
cinéma latino-américain indép<strong>en</strong>dant n'est<br />
pas <strong>en</strong>core assez fort pour r<strong>en</strong>verser les<br />
images et idéologies colportées par les<br />
médias populaires. Un film comme No de<br />
Pablo Larrain peut avoir un certain succès<br />
et provoquer une réflexion plus large, bi<strong>en</strong><br />
que le film, lui-même, valorise l'exploit<br />
communicatif individuel plus que la prise<br />
de consci<strong>en</strong>ce collective.<br />
Un dernier mot ?<br />
Le festival a, cette année, été un succès.<br />
Nous nous rapprochons sérieusem<strong>en</strong>t des<br />
40 000 spectateurs-cinéma et de 50 000<br />
personnes pour assister à l'<strong>en</strong>semble des<br />
actions culturelles que nous proposons.<br />
L'an prochain, la Muestra sera consacrée au<br />
« Cinéma des femmes », une thématique<br />
qu'il nous reste à préciser, mais qui ne<br />
devrait pas manquer de films poignants et<br />
de discussions animées.<br />
Palmarès<br />
- Le Grand Prix Coup de<br />
Cœur 2013 -<br />
est attribué à : Polvo de<br />
Julio H<strong>en</strong>àndez Cordéon<br />
(Guatemala-Espagne-Chili<br />
- 2012 - 1h20)<br />
et une m<strong>en</strong>tion est attribuée<br />
à : Las Làgrimas de<br />
Pablo Delgado Sànchez<br />
(Mexique - 2012 - 1h08)<br />
- Le Prix du Public La<br />
Dépêche du Midi - est<br />
attribué à : Jov<strong>en</strong> Y<br />
Alocada de Marialy Rivas<br />
(Chili - 2012 - 1h32)<br />
- Le Prix CCAS - Prix des<br />
électrici<strong>en</strong>s gaziers - est<br />
attribué à : La Piscina<br />
de Carlos Machado<br />
Quintella<br />
(Cuba-V<strong>en</strong>zuela - 2011 -<br />
1h05)<br />
- Le Prix Fipresci<br />
(Fédération inter<strong>national</strong>e<br />
de la presse cinématographique<br />
)- est attribué à :<br />
LA Chupilka Del Diablo de<br />
Ignacio Rodríguez (Chili -<br />
2012 - 1h42)<br />
Le jury Fipresci était composé<br />
de :<br />
- Le Prix Découverte de la<br />
Critique française - est<br />
attribué à :<br />
La Piscina de Carlos<br />
Machado Quintella (Cuba-<br />
V<strong>en</strong>zuela - 2011 - 1h05)<br />
- Le Rail d’Oc - Prix des<br />
cheminots - est attribué à :<br />
Carne De Perro<br />
de Fernando Guzzoni<br />
(Chili-France-Allemagne -<br />
2011 - 1h21)<br />
- Le Prix "Courtoujours" -<br />
est attribué à : O Duplo de<br />
Juliana Rojas<br />
(Brésil - 2011 - 0h25)<br />
et une m<strong>en</strong>tion est attribuée<br />
à : Los Retratos de<br />
Iván D. Gaona<br />
(Colombie - 2012 - 0h14)<br />
- Le Prix Signis du courtmétrage<br />
- est attribué à :<br />
Feijoada Completa<br />
de Angelo Defanti (Brésil -<br />
2012 - 0h20)<br />
- Le Prix Docum<strong>en</strong>taire<br />
R<strong>en</strong>contres de Toulouse -<br />
sous l'égide des<br />
Médiathèques de Midi-<br />
Pyrénées est attribué à :<br />
La Eterna Noche Des Las<br />
Doce Lunas de Priscilla<br />
Padilla<br />
(Colombie-Bolivie - 2012 -<br />
1h29)<br />
- Le Prix Signis du docum<strong>en</strong>taire<br />
-est attribué à :<br />
Cuates De Australia de<br />
Everardo Gonzàlez<br />
(Mexique - 2011 - 1h24)<br />
- Le Prix lycé<strong>en</strong> du docum<strong>en</strong>taire<br />
- est attribué à :<br />
Cuates De Australia de<br />
Everardo Gonzàlez<br />
(Mexique - 2011 - 1h24)<br />
- Le Prix TLT - est attribué<br />
à : Civilizacion de Rubén<br />
Guzman<br />
(Arg<strong>en</strong>tine - 2012 - 0h57)<br />
ALGERIE NEWS Dimanche 31 mars 2013