avril 2000 - Chambre de la sécurité financière

ASSURANCECHRONIQUELa démutualisation :outil plutôt que solution !par Yves Gosselin, B.Sc. MBADirecteur du marketing, Agence G. Gadoua inc.Le mouvement de démutualisation que connaît leCanada depuis quelques années n'est pas unphénomène isolé. Le phénomène est international.Depuis une quinzaine d'années, les grandes sociétésmutuelles d'assurances ont entamé un processus detransformation, mues par la nécessité de se doter d'unestructure corporative leur permettant de survivre et decroître dans un univers très concurrentiel.Ce que nous vous proposons dans le présent texte, c'estune analyse globale des enjeux de la démutualisation.Après un bref historique, nous permettant de bienévaluer le marché canadien et les joueurs en présence,nous tenterons de situer le processus de démutualisationdans une perspective beaucoup plus large, cellede la transformation fondamentale du marché del'assurance-vie au Canada.LE CONTEXTEEn Amérique du Nord, le processus de démutualisationa été déclenché en 1988 par la compagnieUNUM qui annonçait dans l’indifférence généraleson intention de se transformer en société paractions. Devant le succès de l’entreprise — en 10ans, les revenus de primes ont doublé, les profitstriplé et la capitalisation boursière quadruplé —bon nombre de mutuelles américaines ont décidéd’imiter l’entreprise de Portland.Le processus de démutualisation chez nos voisinsdu Sud a été passablement anarchique, provoquantde nombreuses levées de boucliers chez lesconsommateurs. Procès, recours collectifs, dénonciationset campagnes politiques ont jalonné leprocessus législatif américain même que plusieursprocès sont encore pendants.Au Canada, le processus de démutualisation a étébeaucoup plus serein. D’ailleurs, le législateur canadiens’est inspiré de l’expérience américaine. La loifédérale autorisant la démutualisation contient sixéléments clés qui sont autant de balises pour protégerles droits des détenteurs de polices touchéspar la démutualisation. La répartition intégrale dela valeur de la société mutuelle entre les souscripteursayant droit de vote et l’interdiction pour lesdirigeants de toucher un avantage de la démutualisationsont deux de ces principes fondamentaux.C’est en 1992 que le gouvernement fédéral adonné le coup d’envoi de la démutualisation enadoptant la Loi sur les sociétés d’assurance.La réglementation,adoptée en 1993, précisait que leprocessus de démutualisation ne s’appliquaitqu’aux petites mutuelles de moins de 7,5 milliardsde dollars. En 1996, le gouvernement fédéralannonçait son intention d’élargir le régime dedémutualisation aux grandes entreprises. Dumême souffle, il lançait une vaste consultation quia débouché sur l’adoption d’une loi en mars 1999,autorisant toutes les mutuelles à changer leurstructure corporative.Au Québec, la Loi sur les assurances ne prévoit pasla démutualisation, c’est donc par un projet de loid’intérêt privé, adopté en novembre 1999, quel’Assemblée nationale a permis à L’Industrielle-Alliance de se démutualiser.DES RETOMBÉES ÉVALUÉES À 3 % DU PIB !Au Canada, cinq mutuelles ont indiqué leur intentionde se démutualiser ou l’ont déjà fait. Même sila plus grosse compagnie d’assurances est unesociété à capital-actions, en l’occurrence la Great-West, cinq des six suivantes sont ou étaient desmutuelles. Il s’agit par ordre d’importance de SunLife du Canada, de la Financière Manuvie, deCanada Vie, de Clarica (autrefois Mutuelle duCanada) et de L’Industrielle-Alliance.L’actif total de ces cinq mutuelles représente plusde 460 milliards de dollars et leurs surplus accu-19Avril 2000