Littérature québécoiseNouveautésUne marxiste qui entraîne des ouvriers dans un mouvement degrève et un journaliste au Rouyn-Noranda Press, marié et pèrede trois filles, qui en tombe amoureux. En toile de fond de cetamour platonique, l’Abitibi des années 30, où Ukrainiens,Chinois, Russes, Finlandais et Juifs se côtoient dans l’harmonie :ils sont tous gauchistes. Née au Nouveau-Brunswick, JocelyneSaucier vit en Abitibi. Elle a publié La Vie comme une image(XYZ, 1995) et <strong>Le</strong>s Héritiers de la mine (XYZ, 2000), tous deuxfinalistes à des prix prestigieux.JEANNE SUR LES ROUTESJocelyne Saucier, XYZ éditeur, coll. Romanichels, 152 p., 22 $<strong>Le</strong> kidnapping d’une fillette fait basculer le destin de trois femmeset de deux hommes ; unis dans le malheur, pendant quatresaisons, ils plongeront au cœur d’eux-mêmes, cherchant à guérirde terribles blessures. Après avoir consacré ses précédentes fictions,plutôt littéraires, aux thèmes de l’exil et de l’errance (Unefemme à la fenêtre, Robert Laffont, 1988 ; <strong>Le</strong>s Nomades,L’Hexagone, 2001), Bianca Zagolin livre un drame familial etamoureux campé dans un village des Cantons-de-l’Est. En exerguede L’Année sauvage, cette citation d’Andreï Makine, qui éclairela suite de cette histoire sobrement écrite : « À un certain degréde souffrance, la douleur nous laisse voir pleinement la beauté dechaque instant… »L’ANNÉE SAUVAGEBianca Zagolin, VLB éditeur, 200 p., 22,95 $Trois ans après la parution du premier tome, la trilogie « LovelieD’Haïti » arrive à son dénouement. Sylvain Meunier a puisé dans salongue expérience d’enseignant auprès d’élèves haïtiens pour créersa jeune héroïne, que l’on suit depuis son enfance. Rappelons que lapetite avait été exilée au Québec par sa famille, qui souhaitait pourelle une vie meilleure. Maltraitée dans son foyer d’accueil, victimed’un réseau de prostitution juvénile, puis amoureuse, à l’adolescence,d’un voyou : on espérait les mésaventures de Lovelie terminées.Mais La Saison des trahisons nous la montre aux prises avec sa familled’origine, qui débarque à Montréal, et toujours éprise d’un mauvaisgarçon. Lovelie trouvera-t-elle enfin sa place ?LA SAISON DES TRAHISONS : LOVELIE D’HAÏTI (T. 3)Sylvain Meunier, La courte échelle, 272 p., 23,95 $Comme la nouvelle, la poésie est un art de dilettante. L’auteurvéritable fait des romans : minces, s’il s’intéresse à l’écriture ;épais, s’il aime les histoires. <strong>Le</strong> héros de Gomme de xanthane, l’unde ces plumitifs, est sommé par son éditeur d’écrire un roman.S’ensuit un bon jeu de mise en abyme sans étalage de tripes, quientraîne dans sa quête d’inspiration les clichés de la création etles figures connues du milieu littéraire québécois. Plaisir d’initié? Pas seulement : Laverdure met son sens de l’observation et sonhumour à la portée de tous les lecteurs.GOMME DE XANTHANEBertrand Laverdure, Triptyque, 193 p., 19 $Ils se déroulent tous deux au Japon et sont également empreintsde sensualité, mais Sexy sashimi, se révèle nettement plus chaudque Geisha, le best-seller d’Arthur Golden. Joanna, jeune professionnellespécialisée dans l’importation de mets exotiques, remplaceà pied levé une collègue, Stacey, qui devait participer à desfoires alimentaires au Pays du Soleil <strong>Le</strong>vant. <strong>Le</strong> séjour de Joannasera pimenté ; dès son arrivée, elle est assaillie d’invitations mystérieuses.Des inconnus, en effet, lui donnent rendez-vous, et ellesuccombe à la curiosité. Stacey avait-elle une double vie ? <strong>Le</strong>splaisirs de bouche ne sont pas toujours ceux qu’on croit…SEXY SASHIMISylvie Ouellette, VLB éditeur, 317 p., 26,95 $Voici l’histoire d’un amour douloureux, destructeur, entre deuxhommes. Séparé d’Émile, Éric décide de lui écrire, de coucher surpapier ses tourments, ses désillusions, ses craintes de ne jamaisguérir de cette peine d’amour. Ce faisant, le narrateur met son âmeà nu. Dans un langage parfois cru, Éric vide ses tripes pendant cinqans. Une longue période entrecoupée d’aventures malheureuses quine lui permettent pas d’effacer Émile de sa mémoire, lui renvoyantplutôt en plein visage ses propres faiblesses. La libération, l’espoir, lajoie de vivre reviendront-ils un jour ? Cher Émile est une catharsiséminemment personnelle, un cri du cœur qui met en lumière lacomplexité des relations amoureuses à l’aune de l’homosexualité.CHER ÉMILEÉric Simard, Septentrion, coll. Hamac, 132 p., 17,95 $Catherine Desportes, « environ vingt ans », connaît ce qui estaccessible à une jeune paysanne française du XVII e siècle.Comme elle ignore jusqu’à son âge, elle s’en remet au passagedes saisons et aux limites de sa science du calcul à l’ouverture deson procès pour sorcellerie. Son juge, Thomas Saint-Just, hommede foi et de livres, ne connaît les femmes que par son rôle d’inquisiteur: « Tout n’est que mystère et danger chez elles ».Scénariste pour la télévision, Monique Fournier a écritquelques romans pour la jeunesse. Ce chassé-croisé, sedéroulant sous le regard d’un public partagé entre haine etlubricité, est son premier roman historique.COMME UNE BRÛLURE SUR UNE ROBE DU DIMANCHEMonique Fournier, Libre Expression, 215 p., 19,95 $Irina Egli, née en 1972, vit à Montréal. Son Terre salée est habitépar une telle maîtrise du ton que le lecteur ignorera qu’il s’agit làd’un premier roman. Abordant les amours aussi folles qu’interditesentre Alexandriu et sa fille Anda, l’écriture de la jeuneauteure d’origine roumaine frappe à la porte de l’universalité parl’intermédiaire de la solitude assumée de ses personnages, hantéspar la peur de leur propre mort. Ceux-là, comme des bêtes dansle cirque des demi-vérités des dialogues, déambulent dans uneexistence grise.TERRE SALÉEIrina Egli, Boréal, 245 p., 24,95 $<strong>Le</strong> Maxime-Olivier Moutier qui signait en 1998 Marie-Hélène aumois de mars, s’imposant d’emblée comme un auteur de la relève,n’est plus. Enfin, façon de parler : le jeune écrivain torturé, aux idéessuicidaires, a bien changé. Et pour le mieux. Finie, la psychanalyse(du moins, comme patient) ; terminés, le malheur de vivre et lerepli sur soi : voici un homme plus calme, mieux dans sa peau, pèreet époux aimant. Après un long silence, Moutier renoue enfin avecses lecteurs, qui ne l’ont pas oublié, et les subjugue avec un romande la maturité. Il y parle d’amour, de paternité, de la vie à deux et,car personne n’y échappe, des écueils qui jalonnent une relation decouple. <strong>Le</strong>s Trois Modes de conservation des viandes constitue un traitéde la vie domestique écrit avec lucidité, franchise et talent. Moutiera encore beaucoup de choses à dire : l’un des premiers vrais bonsromans de 2006.LES TROIS MODES DE CONSERVATION DES VIANDESMaxime-Olivier Moutier, Marchand de feuilles, 272 p., 21,95 $Il y a quelques années, Marie José Thériault reprenait le titred’un roman de son célèbre papa et fondait les éditions <strong>Le</strong>dernier havre, d’abord destinées à la réédition des textesd’Yves Thériault. Elle-même écrivaine primée, deux fois lauréatedu Prix du gouverneur général de la traduction, elle nousoffre dans Obscènes tendresses un court roman épistolaire érotiquequi fleure bon la suggestion, où on ne rougit pas d’écrirele nom de l’aimé « pour rien », sinon le bonheur « que procureson tracé. »OBSCÈNES TENDRESSESMarie José Thériault, <strong>Le</strong> dernier havre, 187 p., 24,95 $M A R S - A V R I L 2 0 0 610
{ Dans les marges }La sélection des dix finalistes du Prix des<strong>libraire</strong>s du Québec 2006 a été rendue publiquele 16 janvier. Rappelons que la liste préliminaire,dévoilée avant Noël, comprenait trente romans.Dans la catégorie « Roman québécois », le jurydevra choisir entre Nikolski de Nicolas Dickner(Alto), L’Âme frère de Gilles Jobidon (VLB), LaFemme de ma vie de Francine Noël (<strong>Le</strong>méac), LaMort de Mignonne et autres histoires de MarieHélène Poitras (Triptyque) et <strong>Le</strong> Siècle de Jeanned’Yvon Rivard (Boréal). Du côté des lettresd’ailleurs (catégorie « Roman hors Québec »),leur choix s’est porté sur Falaises d’Olivier Adam(De L’Olivier), <strong>Le</strong>s Cerfs-volants de Kaboul deKhaled Hosseini (Belfond), <strong>Le</strong> Temps n’est riend’Audrey Niffenegger (Michel Lafon), La Peaudes autres d’Éric Paradisi (Gallimard) et ChickenStreet d’Amanda Sthers (Grasset). Depuis sacréation en 1994, cet honneur dont le mandat estde « repérer les nouveaux talents et de soulignerl’accomplissement d’auteurs établis » a loué laqualité de 120 œuvres romanesques et récompensé24 lauréats. En aucune façon, le critère desmeilleures ventes n’entre en ligne de compte dansle choix du jury, composé de <strong>libraire</strong>s dynamiques.Ainsi, cette année, Robert Boulerice (<strong>Le</strong>Parchemin, Montréal), Susane Duchesne(Monet, Montréal), Éric Simard (Pantoute,Québec), Manon Trépanier (Alire, Longueuil),Patrick Vachon (Groupe Indigo, Montréal),Johanne Vadeboncœur (Clément Morin, Trois-Rivières) et Marie-Hélène Vaugeois (Vaugeois,Sillery) rendront leur verdict le 8 mai prochain, auLion d’Or. Talentueuse comédienne et grande lectrice,Catherine Trudeau a accepté avec joie lerôle de porte-parole de l’événement. Surveillezl’édition du <strong>libraire</strong> de mai-juin 2006 (parution le10 avril) : Catherine a endossé pour vous leshabits du « Libraire d’un jour » !Alors que l’adaptation d’Un dimanche à la piscineà Kigali, best-seller international, prendra l’affichece printemps, Équinoxe Films a acheté lesdroits du second roman de Gil Courtemanche.Sorti en librairie à l’automne 2005, Une bellemort (Boréal) sera réalisé par Léa Pool qui, parailleurs, co-signera le scénario avec l’écrivain etjournaliste.Littérature québécoiseL’Angoissedu héronGaétan Soucy, <strong>Le</strong> lézardamoureux, 60 p., 13,95 $Alors qu’on se demandait cequ’allait bien pouvoir faireGaétan Soucy après le magistral Music Hall !, voilà quenous apparaît ce tout petit objet au format inusité (bravo àl’éditeur pour la qualité et l’élégance de l’ouvrage) et renfermantun très court texte d’à peine 60 pages ! Bien peude chose à se mettre sous la dent, direz-vous ? Au contraire! Pour un écrivain de cette trempe, même les textesles plus courts valent bien des sagas épiques, et la moindreanecdote devient une allégorie poignante sur la conditionhumaine. Et c’est bien de ça qu’il s’agit dans ce texteinclassable. Une fois de plus, l’auteur nous montre qu’il saitnous remuer les tripes avec cette sensibilité parfois brutalequ’on retrouve chez lui d’une œuvre à l’autre.François Boutin MonetArchitecture d’unmarcheur. Entretiensavec Wajdi MouawadJean-François Côté,<strong>Le</strong>méac, coll. L’Écritoire,147 p., 19,95 $Recueil d’entretiens sur la vie et sur le théâtre, ce petit livresavoureux dévoile la pensée du prolifique WajdiMouawad. Contrairement à ce qui est annoncé sur la quatrièmede couverture, une place importante est accordée àla réalité du théâtre. On y trouve une pensée nuancée oùle souci de précision est de mise. Comme le souligne l’intervieweur,le sociologue Jean-François Côté, les conversationsde départ ont été peaufinées à l’aide d’une correspondance: le résultat est très riche. Aux huit entretiens, sesuperposent huit métaphores ou archétypes qui viennentdonner une dimension visuelle aux sujets abordés. Ondécouvre le regard à la fois honnête et sobre de Mouawadsur le cynisme de la société, sa formation d’acteur, son parcoursde créateur, l’imaginaire et l’immigration.Indispensable pour connaître cet homme aux positionsparfois controversées. Yohan Marcotte Pantoutele <strong>libraire</strong> CRAQUEHypatie ou LaMémoire deshommesPan Bouyoucas, Dramaturgeséditeurs, 158 p., 18,95 $Hypatie, érudite et pénétrée d’unejuste philanthropie, consacre sa vieà perpétuer les textes disparus lorsde l’incendie de la bibliothèque d’Alexandrie. Cependant,alors qu’elle retranscrit ce que la mémoire a pu sauver descendres, son projet alimente la haine des chrétiens pour quil’Évangile est le seul texte digne de ce nom : ce qu’elleaccomplit pour tenter de préserver la pluralité de la penséedevient paradoxalement source de conflit entre les différentescommunautés de la ville. Une pièce vertigineuseet tragique, qui permet de faire la connaissance d’unefemme restée dans l’ombre de l’histoire.Yohan Marcotte PantouteLast CabaretAlexis Martin (texte) & Katy<strong>Le</strong>may (ill.), <strong>Le</strong>s 400 coups,coll. Style libre, 64 p., 17,95 $Dans Last Cabaret, Alexis Martinévoque la mort de son ami et ilnous emmène avec lui au cœur delui. On peut sentir le chagrin imprégner chaque page, maisc’est ici une peine d’une réelle beauté, car elle n’est pasfeinte : c’est une authentique douleur, exposée sanspudeur. Entre les doigts d’Alexis Martin, la mort n’est pasbelle, elle n’est pas douce, ni apaisante, ni simple. Ellearrache la gueule, elle assomme et jette par terre et faitsaigner. Elle étourdit par les questions et les tourmentsqu’elle engendre. En parcourant Last Cabaret, brusquementon se rappelle que la mort exerce une emprise totalesur la vie. On se rappelle que notre vie et notre mort sontintimement liées à la vie et à la mort des autres. Que tousles destins humains sont connectés, sans trop qu’on sachesi cela est bon ou mauvais. Un petit livre touchant, poétiqueet très intense. Charles Quimper PantouteTraduit en allemand en 2002,Putain, devenu Hure, a été jouésur une scène de Hambourgentre le 9 décembre 2005 et le25 janvier 2006. <strong>Le</strong> best-seller deNelly Arcan a été adapté par lametteure en scène québécoiseIsabelle McEwen. Onze comédiennesse partageaient le rôleprincipal, une distribution quirecréait le soliloque tourmentéde la narratrice.VLB Éditeur a remis en vente Casino d’AllanTremblay en prévision de la diffusion cet hiver,à la télé de Radio-Canada, de la série qui en estinspirée. Drame librement inspiré d’un scénariode Réjean Tremblay, Casino raconte l’histoired’un ex-taulard qui désire se venger de l’établissementqui a poussé son père au suicide. Deuxtélédiffuseurs comptant Loto-Québec parmileurs annonceurs importants ont acheté puisrefusé le scénario. À la lumière du sujet (entreautres les dommages psychologiques causéspar le jeu compulsif), on en déduit facilementles raisons.Vivre ainsi suivi de<strong>Le</strong> Vent sombrePaul Chanel Malenfant,Du Noroît, 121 p., 18,95 $Aux lecteurs de poésie confinés auxédifices, aux grandes artères, aurythme haletant des jours qui se suiventet qui rêvent peut-être d’undépart vers les grands espaces, ce recueil de Paul ChanelMalenfant propose une chose : le trajet inverse. Vivre ainsi,ce sont de vastes territoires clairs-obscurs, de grandspaysages tissés avec mesure et fébrilité qui se rendent ànous et nous traversent. Nous avançons dans ce recueilavec le fleuve à nos côtés, avec des pas d’obsèques meublésde souvenirs, en voyant passer sous nos yeux cette perspectivequi « ploie sur le jardin d’oubli ». Paul ChanelMalenfant, avec une voix douce et heurtée, a pris de sesmains ces panoramas et sa mémoire pour les entailler avecune finesse qui nous foudroie. Jean-Philippe Payette Monet<strong>Le</strong> Procès deKafkaet <strong>Le</strong> Prince deMiguashaSerge Lamothe, Alto,coll. Voce, 207 p., 22,95 $À la suite du succès de la miseen scène de François Girard à l’automne 2004, nous avonsdroit à l’édition du texte adapté par Serge Lamothe. Altole publie conjointement avec une pièce radiophonique dumême auteur, <strong>Le</strong> Prince de Miguasha, où un couple rumineses souvenirs et se déchire à l’annonce de la fin du monde :deux textes riches et étroitement liés. La brève introductionde l’auteur s’avère aussi très intéressante, nous indiquantde ne pas tirer de conclusion de l’œuvre de Kafka,ce que Lamothe a fait lui-même en respectant les mystèresdu texte original. Yohan Marcotte PantouteM A R S - A V R I L 2 0 0 611