MusiqueL UCP LAMONDONRarement écoutons-nous vraiment les paroles des chansons, sinonpour détacher du bruit ambiant, sur une durée de trois minutestrente secondes, quelques mots qui sonnent. Quand cela arrive,avons-nous encore en tête autre chose qu’un nom, un visage,une incarnation répétée sur les murs et les premières pages desjournaux ? Fondues à une voix, une image de vedette, lesœuvres ne signifient rien par elles-mêmes. Paroles dePlamondon, paru chez Lanctôt, permet de se faire une plusjuste idée du répertoire du grand parolier de langue française.<strong>Le</strong>s rêveries d’unpromeneur solidairePar Mathieu Simard, librairie PantouteCe recueil de qualité compte 470 pages, les dernièresaccueillant un index des textes par ordre alphabétique,puis un autre par interprètes. <strong>Le</strong> professionnelenvisageant de « muscler » son tour de chant autantque le curieux souhaitant jeter un oeil rapide sur unerime trouveront de quoi se contenter avec 300 chansonssur les 505 écrites par Luc Plamondon en trentecinqans de carrière.On fait tous du show-business<strong>Le</strong> 23 novembre dernier, lors de notre entretien à lalibrairie Pantoute, l’auteur prenait soin de dédicacerchaque exemplaire à ses lecteurs par un ou deux verstirés de leur chanson favorite. Pour cette jeuneenseignante lui signalant <strong>Le</strong> Fils de Superman,Plamondon s’anime, évoque quelques anecdotes.Puis, enchaînant sur la deuxième demande, Ziggy, ils’émerveille de ce que, à l’époque de l’album Dionchante Plamondon, les petits Français la chantaientdans la cour des écoles. À moi qui lui parle desRêveries du promeneur solitaire, gravée par Charleboisà une époque où les mots de Jean-Jacques Rousseau,« Me voici donc seul sur la terre / Comme sur uneplanète étrangère », convenaient à merveille au déclinde sa popularité, le parolier raconte qu’elle étaitd’abord destinée à Julien Clerc.Qu’ils souhaitent être emmenés au Parc Belmont ouqu’ils dansent dans leurs têtes, les personnages deschansons de Plamondon sont seuls, entre un rôle àtenir et une lucidité impossible à exprimer.« Qu’est-ce que c’est que cette starmania ? », sedemande l’extraterrestre à la fin du célèbre opérarock. Telle est la question obsessionnelle de cet ovnide la pop, star lui-même, que Jacques Godbout, dansun livre paru à la fin des années 80, décrivait commeun poète tragique.La tragédie, historiquement, présente des gens quel’on ne voit pas : des rois inflexibles, des reines incestueuses,des héros pestiférés. Elle consiste au momentde leur immolation par la fatalité et permet au spectateurde mesurer son rapport au monde. Ses propresmalheurs et devoirs lui paraissent dès lors plus supportables.<strong>Le</strong> tragique de Plamondon représente ce qu’onvoit partout, des idoles inaccessibles à qui on demanded’être de parfaits reflets du commun des mortels. Il n’y aplus de distance possible, ni, par conséquent, de moraleà tirer. On fait tous du show-business.<strong>Le</strong> temps des cathédralesPlamondon fait adopter par des personnages cette interprétation.Chacun d’entre eux, par son histoire, affirme laconscience d’un désenchantement. Lorsque j’interrogel’auteur sur ce qui l’a frappé à la relecture de ses proprestextes, sa réponse abonde en ce sens : « Je n’ai pas écritbeaucoup de chansons d’amour dans ma vie. En général,c’étaient plus des chansons de rupture. » De désamour ?« Oui, ou de désirs inassouvis, comme dans Notre-Damede-Paris.Esméralda chante « Vivre / Pour celui qu’onaime », mais avant de mourir. C’est la chanson que j’ai eule plus de difficulté à écrire dans ma vie. J’avais les deuxpremières phrases, mais je n’y arrivais pas… C’est quandje me suis dit que j’allais la lui faire chanter avant demourir que j’ai pu l’écrire. »<strong>Le</strong>s conditions d’adaptation du roman de Victor Hugo participentdu même esprit. L’évocation du chapitre « Paris à vold’oiseau », exercice de description vertigineux ! révèle :« Malheureusement, je n’ai gardé que l’histoire entre lespersonnages. J’aurais adoré écrire des chansons qui rendentla vision de Victor Hugo du Paris du Moyen Âge.Comme il nous fait vivre ça, c’est formidable ! Ça dépenddes éditions, mais sur, disons, 600 pages, il y a peut-êtreseulement 200 pages qui racontent l’histoire. Au XIX esiècle, au moment où le cinéma et la télévision n’existaientpas, les écrivains peignaient le décor. Ilsdécrivaient tout. Aujourd’hui, ils n’en éprouvent plus lebesoin. Mais s’il ne restait que des livres, est-ce que ceuxd’aujourd’hui décriraient aussi bien notre époque ? »En dehors des limites du spectacle, Plamondon ne pouvaitdécrire qu’à travers le contexte donné à son adaptation.L’œil de Hugo passe par le regard du parolier sur sescathédrales, ses gratte-ciels et ses tours. Depuis les hauteursdu bureau de Zéro Janvier, ces images sont opposées à unquelconque underground, siège de la clameur des luttes. Lamise en scène se retrouvait en puissance dans <strong>Le</strong>s hauts et lesbas d’une hôtesse de l’air (1975) : « Un jour on finira par tousdormir ensemble / La terre entière sera une grande banlieuedortoir».Cette « grande banlieue-dortoir » explose dans l’opéra Cindy(2002) par l’union entre « Babel », lieu ultime de la communauté,de la fusion en une langue, et « Banlieue », espace dela fracture urbaine, de la rupture sociale : « C’est ma tour deBabel / C’est une tour de banlieue / Dessinée tout exprès /Pour qu’on y soit heureux […] / C’est ma tour de Babel /D’où l’on entend monter / Des voix qui forment entre elles /Un chœur de toutes les couleurs ». Paradoxe moderne : aumoment où nous disposons des prothèses pour nous rassembler,nous produisons de l’exclusion en série. Déjà, dans Weekendsur la lune (1979), Plamondon décrivait une terredévastée, tout droit sortie d’une fiction post-apocalyptique : «<strong>Le</strong> soleil avait des allures / Crépusculaires / Je me suis assisepar terre / Au milieu des canettes de bière […] <strong>Le</strong>s néons dela lune / S’allument / Comme des lampadaires ».Espace public déserté, lune réverbère, actualités d’un autreunivers. Plamondon est le poète d’un miroir brisé. Sensdessus-dessous, comme dans un palais des mirages, l’imageest renvoyée : le sens qui permettrait au personnage de lachanson de s’inscrire dans la suite d’un monde est interdit. Ilrejoint en cela son auditeur, éternel distrait.Paroles dePlamondonLuc Plamondon,Lanctôt, 470 p., 29,95 $M A R S - A V R I L 2 0 0 636
Littérature jeunesseNouveautésVoici, directement venu d’outre-Rhin, l’ineffable Capitaine Ours Bleu, quifut star de la télévision allemande avant de cartonner sur papier ! Perdudans le pays de Zamonie, notre héros couleur d’azur a été créé par le cartoonistevedette Walter Moers. En autant de chapitres qu’il possède devies, Ours Bleu affrontera d’incroyables périls, vivra mille aventures etcroisera des êtres fabuleux. Émaillés de cartes géographiques et dedessins tordants, les deux tomes des aventures d’Ours Bleu, sortis simultanément,se démarquent du Seigneur des anneaux et de la série « HarryPotter » grâce à un côté loufoque qui évoque l’extravagant Baron deMünchhausen. Un moment de lecture inoubliable pour les 7 à 77 ans.LES 13 VIES ET DEMIE DU CAPITAINE OURS BLEU (T. 1 ET 2)Walter Moers, Albin Michel, coll. Wiz, 444 p. et 353 p., 27,95 $ ch.Will Ghündee n’en peut plus de la vie à la ferme : il prend la poudred’escampette et se retrouve à errer dans la forêt. Soudain apparaîtune bête étrange au corps trapu recouvert d’une épaisse fourrure, etqui... parle ! Will vient de pénétrer dans le « monde parallèle », ununivers peuplé de créatures bonnes et mauvaises, mi-humaines,mi–animales, et d’où le jeune fuyard, après moult périls, aura toutesles peines à s’extirper. Louis Lymburner habite Repentigny, où il estconcierge dans une école. Ce sont les élèves et son fils, à qui il a faitlire son histoire, qui l’ont persuadé de déposer son manuscrit chez unéditeur. Une vraie bonne idée ! La suite des péripéties de Will, <strong>Le</strong>Passage intemporel, est à paraître d’ici peu. À partir de 8 ans.LE MONDE PARALLÈLE : WILL GHÜNDEE (T. 1)Louis Lymburner, Éditions Michel Quintin, 272 p., 17,95 $Depuis l’envoi d’une mystérieuse missive, le père des jumeaux Jolicoeur,parti en mission de paix en Orientie, lointaine contrée dévastée par laguerre, n’a plus donné signe de vie. Jade et Jonas sont déterminés, coûteque coûte, à retracer le disparu. Comment faire pour s’envoler à l’autrebout du monde quand on a seulement 11 ans ? Mais voyons, grâce àJack Poissant, maladroit mais doté de pouvoirs merveilleux, et GrandeLucette, une fée au caractère de cochon ! La seconde incursion en littératurejeunesse d’Alain Beaulieu est aux antipodes du Solo d’André, quise déroulait dans le monde de la musique. Aux portes de l’Orientie marquele début d’aventures fantaisistes et bourrées d’humour. Sans vouloirêtre moraliste, l’auteur de Québec croit que les troubles mondiaux nous concernent touset à tout âge, mais qu’on peut aussi s’amuser en traitant d’un sujet sérieux. Et il a bien raison! À partir de 10 ans.AUX PORTES DE L’ORIENTIE : JADE ET JONAS (T. 1),Alain Beaulieu, Québec Amérique, coll. Gulliver, 270 p., 9,95 $Cette année, toute la ménagerie est inquiète, car la directrice du festivalest bien désorganisée ! Aïe, aïe, aïe ! L’atmosphère est survoltée, c’est ladébandade, mais les animaux mettront tout en œuvre pour avoir droità leur festival… Chacun des 14 textes regroupés dans ce livre-disque degrand format correspond à l’un des 14 morceaux qui composent la fantaisiezoologique créée par Camille Saint-Saëns (1835-1921), pianisteparisien prodige. L’enfant peut d’abord lire toute l’histoire pour ensuiteécouter la musique en regardant les illustrations. D’autres incontournablesde la musique classique sont à découvrir dans cette collection, qui ravit tant les yeuxque les oreilles. À partir de 10 ans.LE CARNAVAL DES ANIMAUXCollectif, Calligram, coll. Musigram, 36 p., 29,95 $Chouette, de la poésie pour les tout-petits ! <strong>Le</strong>s recueils de poèmes pourjeunes sont tellement rares... Et pourtant, proches de la comptine, lesrimes sont pleines d’une musicalité toute prédestinée à ravir les lecteurs.Cela, Édith Bourget l’a bien compris. En effet, après Autour de Gabrielle,lauréat du Prix France-Acadie 2004 et finaliste au Prix du Gouverneurgénéral, cette artiste multidisciplinaire du Nouveau-Brunswick nousouvre les portes de l’univers d’Henri, le petit frère volubile et curieux deGabrielle, qui raconte ses grands et petits bonheurs dans ses saisons« du cœur », « des aventures », « des récréations » et « des délices ».À partir de 6 ans.LES SAISONS D’HENRIÉdith Bourget, Soulières éditeur, coll. Ma petite vache a mal aux pattes, 88 p., 7,95 $Depuis que Marie a découvert ses sentiments pour Mathieu, la fillettesouffre de symptômes très bizarres. Elle a fait un peu de fièvre etressenti de gros frissons… pas si désagréables que ça, dans le fond !C’est que la maladie d’amour s’attrape n’importe quand, n’importe où,n’importe comment : le nez, la bouche, les yeux, les mains… Marieest si amoureuse que les biscuits aux pépites de chocolat n’ont plus lamême saveur. Surtout après le petit baiser sucré de Mathieu ! On sesouvient tous de notre premier amour. Gilles Tibo aussi, qui s’en estinspiré pour écrire Bisou et chocolat, une histoire pleine de douceur etde romantisme habilement imagée par Marie-Claude Favreau.À partir de 6 ans.BISOU ET CHOCOLATGilles Tibo (texte) & Marie-Claude Favreau (ill.), Dominique et compagnie,coll. Roman rouge, 45 p., 8,95 $Publié dans la belle série de contes pour enfants du Musée national desbeaux-arts du Québec, Petit Monsieur raconte la touchante amitié qui setisse entre une petite paysanne et un mouton. En s’inspirant de 22 œuvres(huile, aquarelle, fusain) choisies parmi la collection Horatio Walker(1858-1938) détenue par l’institution muséale, l’auteur et éditeur Victor-Lévy Beaulieu signe ici un très réussi premier texte pour la jeunesse.Hommage à la campagne, au travail des paysans et à l’œuvre de celuiqu’on surnommait « le peintre de l’île d’Orléans », Petit Monsieur constitueun voyage dans le temps, à la fois historique et pictural, empli denostalgie et de lumière. À partir de 7 ans.PETIT MONSIEURVictor-Lévy Beaulieu, Musée national des beaux-arts du Québec, 48 p., 21,95 $Construit autour de prénoms, d’Alice à Zoé en passant par Théo, Keikoet Quentin, cet Abécédaire illustré avec les aquarelles de Martine Delerm,qui signe aussi les textes, rappelle les vieux contes de fées tout en possédantun je-ne-sais-quoi de moderne. Au fil des vingt-six lettres de l’alphabet,on tombe sous le charme de ces comptines amusantes et de cesmots mis en image dans des tons de pastel qui laissent transparaîtredouceur et délicatesse ; on caresse avec plaisir ces pages à l’aspect debristol où brillent de merveilleux dessins… Ma foi, de la bien belleouvrage qui fait replonger dans l’enfance. À partir de 5 ans.ABÉCÉDAIREMartine Delerm, Du Rocher Jeunesse, 52 p., 29,95 ${ Dans les marges }Dans le cadre de l’exposition itinérante 100 % Audace, présentée dansquelques villes du Québec en 2005, l’organisme québécoisCommunication-Jeunesse et la Bibliothèque internationale dejeunesse (BIJ), une institution allemande fondée en 1949, ont établi unpartenariat qui profitera aux artistes d’ici. En mars et avril prochains, lesillustratrices Virginie Egger (Voyage en Amnésie et autres poèmes débiles) etJanice Nadeau (Nul poisson où aller), de même que l’auteure ÉlaineTurgeon (Mon prof est une sorcière), s’envoleront donc vers Munich pour unstage d’un mois. Avec son fonds comprenant plus de 530000 ouvrages enplus de 130 langues, la BIJ est la plus grande bibliothèque du monde dédiéeà la littérature pour la jeunesse.Selon la rumeur, le dernier volume des aventures de Harry Potter pourraits’intituler Harry Potter et les Pyramides de Furmat. Sortie del’anonymat et de la pauvreté grâce à la saga du jeune sorcier du collège dePoudlard, Joanne Kathleen Rowling est désormais plus riche que la reined’Angleterre. Elle travaille actuellement à l’écriture du septième tome, dontla parution est prévue pour 2007. L’auteure anticipe néanmoins la vie aprèsHarry : quels seront ses nouveaux projets ? Une histoire à suivre.La jeune Alexandra Larochelle, bientôt 13 ans, verra les trois premierstomes de sa saga fantastique « Au-delà de l’univers » prendre l’affichegrâce aux productions Christal Films. En effet, le producteur ChristianLarouche mise sur Au-delà de l’univers, Mission périlleuse en Erianigami et LaClé de l’énigme (Trécarré) pour créer une sorte de Harry Potter québécois. <strong>Le</strong>quatrième volet de cette série, qui devrait se conclure au sixième tome, paraîtrabientôt.M A R S - A V R I L 2 0 0 637