Emmanuel Cocq, Alexis Dantec et Florence Lévy-HartmannAinsi, en 2004, le poste « interprétation » représente en moyenne11,5 % des devis des films d’initiative française, contre 7,5 % pour leposte « droits artistiques » (dont un peu plus d’un quart seulementpour le « sujet »). Le marché de l’interprétation se caractérise doncpar le vedettariat 26 , un petit nombre de stars concentrant à la foisl’offre et les rémunérations d’importance.Ces talents rassemblés, le financement du film se cristallise alorsautour du producteur délégué, responsable du tour de table avec lesdifférents acteurs de l’exploitation du film : distributeurs en salle,télévisions, éditeurs vidéo, exportateurs). Le producteur délégué estle garant de la bonne fin du film, i.e. de sa livraison aux intermédiaires.Il est seul face à ces demandeurs dont les objectifs varient. En France,les producteurs sont majoritairement indépendants 27 des groupes dediffusion/commercialisation par opposition au système des Studiosaméricains.2.1.2. L’exploitation des films en salle: le marché premierSi la part du financement par les à-valoir des distributeurs en sallen’est plus majoritaire (ils ne représentent que 5,8 % des devis en2004), la distribution et l’exploitation en salles constituent toujoursune étape déterminante pour la suite de la carrière d’un film sur lesautres supports.Les internégatifs pris dans un oligopsoneLe distributeur en salles est l’intermédiaire entre le producteur etl’exploitant en salles. Son activité consiste dans la fabrication, la distributionphysique des copies et la promotion des films. Le produitéchangé entre un producteur et un distributeur est donc un internégatif,matrice de reproduction du film et support des droitsd’exploitation. Son prix est constitué (parfois) d’un minimum garantiet (toujours) d’un partage des recettes après commission du distributeur(de l’ordre de 30 %) et récupération des frais d’édition(fabrication et promotion). En 2004, 560 films inédits, dont 37,1 %de productions d’initiative française, ont ainsi été distribués dans lessalles françaises. La distribution se caractérise par un fort niveau deconcentration : en 2004, dix sociétés captent 86 % de l’ensemble desencaissements distributeurs. Le marché des internégatifs apparaît donccomme un oligopsone, avec un grand nombre d’offreurs de films àdistribuer face à un petit nombre de distributeurs.290Revue de l’<strong>OFCE</strong> 9726. La description de ce marché ultra-concentré, un marché de superstars, dépasse le cadrede cet article. Nous renvoyons le lecteur intéressé à Dantec et Levy, (2005).27. La notion d’indépendance regroupe notamment l’absence de liens capitalistiques avec lesgroupes audiovisuels et les trois grands réseaux de salle en France. Ce système s’oppose aux« studios américains » qui produisent la plupart des films qu’ils distribuent en interne.
UNE ANALYSE ÉCONOMIQUE DE LA POLITIQUE CINÉMATOGRAPHIQUE FRANÇAISE1. Les marchés cinématographiques françaisDefiscalisationSources: CNC.Le marché des copies : une concurrence accrue entre les produitsLe distributeur cherche à exposer au mieux le film pour lequel ilest mandaté. Il le propose aux exploitants pour des durées renégociéesen fonction des entrées en salles, l’unité temporelle étant lasemaine. Le prix est un partage des recettes. Il peut varier en fonctiondes semaines afin d’inciter l’exploitant à conserver le film dans une deses salles.Plus qu’un oligopole à frange, ce marché se structure autour de deuxoligopoles bilatéraux :— Les grands distributeurs face aux grands circuits de programmation;— Les distributeurs de films plus modestes face au réseau de sallesArts et Essai (38 % des fauteuils en France en 2004) et au réseau noncommercial (moins d’1 % des entrées en salle).291Revue de l’<strong>OFCE</strong> 97