Emmanuel Cocq, Alexis Dantec et Florence Lévy-HartmannStudio Canal, M6 Films), les firmes de production des grands groupesintégrés de la filière cinématographique (Gaumont, UGC Images et PathéRenn Productions) et le groupe de Luc Besson (Europa Corp) : soitl’essentiel du centre oligopolistique de la production cinématographiquefrançaise. Or à l’exception de France 2 Cinéma, l’activité de productionde ces structures se concentre principalement sur des films onéreux.Sous ce double impact, le nombre de films d’initiative de plus de7,62 millions d’euros a plus que quintuplé entre 1985 et 2003,(tableau 8). Sur la période 2002-2003, ces films représentent 11 % dunombre total de films d’initiative française (contre 2,9 % sur la période1985-1988). L’incitation effective à produire des films coûteux a donceu deux effets secondaires : une sur-captation des ressources au profitdes producteurs du centre oligopolistique et un renforcement de l’offresaturante et de son corollaire directe — la sous-exposition des films(2.1.2.)La croissance du nombre de films de plus de 7,62 millions d’euros(multiplication par 5) ne s’est pas en effet accompagnée d’uneprogression similaire des ressources du secteur (multiplication par 2,2en prix courants). Cette évolution contrastée mène à une concentrationimportante des ressources au profit des films chers. Sur la période IV,cette composante de la production mobilise 45 % des investissements(contre 15 % entre 1985-1988). Cette prédominance s’affirme particulièrementdans la captation des ressources télévisuelles. Sur la périodeIV, près de 50 % des investissements cinématographiques des chaîneshertziennes gratuites sont orientés vers des films de plus de7,62 millions d’euros. Canal Plus, de par l’ampleur de ses obligations 62 ,présente cependant à ce niveau une politique d’investissement plusdiversifiée, atténuant quelque peu le phénomène de concentration.En second lieu, la suppression de la dégressivité accentue sansconteste la position privilégiée des firmes du centre oligopolistique dansla captation du soutien. Le recensement des firmes ayant initié depuis318Revue de l’<strong>OFCE</strong> 97leur chiffre d’affaires, la première source de financement du Compte de Soutien à l’IndustrieCinématographique. Ils contribuent ainsi à son financement à hauteur de 5,5 % de l’ensemble deleurs ressources pour finalement profiter en retour des ressources de ce même compte par lebiais de leur filiale. Cocq (2000) met en évidence les effets néfastes qui en résultent au regarddes objectifs initiaux de la politique cinématographique française : « cet enchevêtrement contradictoiredes instruments peut être finalement analysé comme une dépossession (orchestrée parla réglementation) par le secteur télévisuel d’une partie des recettes potentielles des producteursou des autres ayant droits. Une telle situation permet alors à ce secteur d’amoindrir à hauteurde 7,6 % le coût du respect de ses obligations », voir Cocq (2000), p. 317.62. La chaîne doit consacrer 9 % de son chiffre d’affaires de l’exercice précédent à l’acquisitionde droits de diffusion d’œuvres cinématographiques d’expression originale française. Parailleurs depuis l’année 2001, ses investissements sont encadrés par une clause de diversité au titrede laquelle elle s’engage à consacrer 45 % de l’ensemble de ses investissements à des films demoins de 5,34 millions d’euros. Depuis la fin des années 1980, la chaîne s’impose ainsi comme leprincipal argentier du cinéma français. En 2004, elle a participé à la production de 124 films agrées(sur 203), pour un investissement global (hors apports coproduction) de 136,7 millions d’euros(contre 124,4 millions d’euros pour l’ensemble des chaînes gratuites hertziennes).
UNE ANALYSE ÉCONOMIQUE DE LA POLITIQUE CINÉMATOGRAPHIQUE FRANÇAISE8. Évolution du poids des films d’initiative française de plusde 7,62 millions d’euros (base100 en 1995)En moyenne annuelle sur lapériode considéréeNombre moyen de filmsd’initiative française de +7,62 M€<strong>Po</strong>ids des films de + 7,62M€ dans le nombre de filmsd’initiative françaisePart captée par les films de+ 7,62 M€ dans lesinvestissements totauxPart captée par les films de+ 7,62 M€ dans lesinvestissements desdiffuseurs (hors Canal Plus)Part captée par les films de+ 7,62 M€ dans les investissementsdes diffuseurs(y compris Canal Plus)Part captée par les films de+ 7,62 M€ dans le soutienmobiliséNombre d’entrées des filmsfrançais (en millions)Part de marché du cinémafrançais sur le marchédomestiquePart de marché des filmsdomestiques sur leurmarché domestique(Grande-Bretagne, Espagne,Italie, Allemagne *)Période I(1985-1988)1989 Période II(1990-1995)Période III(1996-2001)Période IV(2002-2003)3,75 10 12 19,3 19,52,9 % 9,9 % 11,7 % 13,3 % 11,2 %15,0 % 28,3 % 33,7 % 43,8 % 45,0 %3,1 % 23,6 % 36,3 % 46,5 % 44,1 %3,1 % 23,6 % 31,0 % 41,9 % 41,1 %15,2 % 33,0 % 53,0 % 51,0 %(sur 1996-1997-1998)ND62,4 41,4 41,6 54 62,840,9 % 34,3 % 33,6 % 33,7 % 35,1 %19,4 % 14,0 % 12,4 % 16,9 % 15,0 %* À partir de 1991, prise en compte de l’Allemagne réunifiée.Source : CNC, d’après l’Observatoire Européen de l’Audiovisuel. Calculs des auteurs.1990 des films de plus de 13,7 millions d’euros illustre un lien étroitentre la structure capitalistique d’une firme et son positionnement surce segment de la production. Sur l’ensemble des 33 sociétés actives surle segment des gros budgets entre 1990 et 2003, 14 ont ainsi produitprès de 63 % des 72 films recensés. L’activité de ces 14 firmes s’inscritdans une logique industrielle de groupe. Par ailleurs, 8 des 19 autresfirmes recensées sont certes indépendantes financièrement, mais leuractivité repose soit sur des liens privilégiés avec une firme puissante du319Revue de l’<strong>OFCE</strong> 97