Emmanuel Cocq, Alexis Dantec et Florence Lévy-Hartmann« d’encourager la production de films dont l’ambition artistique prime lesouci de rentabilité immédiate » 52 , vise un double objectif 53 :1) « Soutenir un cinéma différent indépendant, audacieux au regard desnormes du marché et qui ne peut sans aide publique trouver son équilibrefinancier ».2) « Favoriser le renouvellement de la création en encourageant la réalisationdes premiers films ».La commission d’AR est ainsi divisée en deux principaux collèges.Le premier, se consacrant « à la recherche de nouveaux talents », examineuniquement les projets de premier films. Le second traite les autresdossiers et veille au respect du premier objectif en soutenant en priorité« ceux qui représentent un enjeu culturel, une exigence cinématographique,une ambition dans le processus de production ».Personne ne conteste le bilan de l’AR sur ces deux objectifs jusqu’àla fin des années 1970. Elle a permis de découvrir des premiers filmsde cinéastes jugés prometteurs (objectif de soutien des premier films),puis dans un deuxième temps d’aider à financer leurs œuvres postérieures(objectif de soutien d’œuvres de qualité), et ainsi de confirmerles attentes placées en eux (confirmation du talent supposé). Descinéastes aussi importants depuis la fin des années 1950 que Godard,Truffaut, Chabrol, Resnais, <strong>Po</strong>lanski, Rivette, Demy, Varda, Blier, Sautet,Téchiné, Pialat, Tavernier, ont ainsi bénéficié de l’aide sélective au débutde leur carrière (premier et/ou deuxième film et/ou troisième film),puis pour un grand nombre de leurs œuvres postérieures. Étant donnéel’augmentation des coûts de production, l’AR a-t-elle atteint ces deuxobjectifs de manière satisfaisante ?3.1.1. L’impact positif de l’AR sur le segment des premiers filmsAlors qu’entre les deux premières périodes, le nombre de films d’initiativefrançaise, sous l’impact du recul de l’audience en salles du cinémafrançais (– 38 %), baisse de 11,6 %, celui des premiers films progresselégèrement (tableau 5). Au cours des périodes III et IV, le rétablissementde la compétitivité des films français en salles (progression de + 69,4 %des entrées entre les périodes II et IV) se traduit par une augmentationimportante du niveau unitaire de production (+ 68,6 %), en grandepartie imputable à la croissance du nombre de premiers films. Lesegment des premiers films bénéficie donc d’un effet stabilisateur à labaisse et multiplicateur à la hausse.Seul mécanisme explicitement dédié aux premières œuvres, l’ARjoue un rôle différent selon la conjoncture : l’AR est un élément déclen-308Revue de l’<strong>OFCE</strong> 9752. Décret du 16 juin 1959.53. Le Plan Lang, conformément à sa volonté de privilégier les budgets élevés, lui imposa untroisième objectif finalement abandonné dans le milieu des années 1990: « Aider la productiond’œuvres qui pour traduire une ambition culturelle affirmée doit prendre le risque de budgets élevés ».
UNE ANALYSE ÉCONOMIQUE DE LA POLITIQUE CINÉMATOGRAPHIQUE FRANÇAISEEn moyenne annuelle sur lapériodeSource : CNC, calculs des auteurs.5. L’AR accordée aux premiers filmsPériode I1983-1989Période II1990-1996Période III1997-2000Période IV2001-2004Entrées des films d’initiative 63,64 39,5 46,3 66,9française, (en millions)Films d’initiative française 114,9 101,6 142 171,3Premiers films (1) 28,8 31,6 54,8 60,5Part des premiers films dansles films d’initiative française(en %)25 31 38,6 35,4Premiers films avec AR (2) 12,8 14,6 21 24,5Premiers films sans AR 16 17 33,8 36(2)/(1) (en %) 44,4 46,2 34,2 40,4Part de l’AR captée par les 34,14 25,98 36,6 37,8premiers films (en %)AR moyenne accordée aux 0,27 0,34 0,38 0,35premiers films,(en millions €, prix courants)Part de l’AR dans le financementdes premiers films aidés18,25 13,7 18,7 22,1cheur essentiel en phase de crise, plus modeste dans les périodes plusfavorables. Ainsi sur la période II, la croissance du nombre de premiersfilms produits est imputable pour deux tiers à la progression des filmsbénéficiant d’une AR. En période de croissance de l’audience des filmsnationaux, le marché de la production, conditionné par des obligationsdes diffuseurs, qui ne précisent pourtant pas de priorité d’investissementvers ces premiers films (tableau 3), parvient toutefois à générer unnombre important de premiers films en dehors de l’AR.De plus, la part représentée par l’AR dans le financement des filmsaidés est en augmentation constante, révélant une difficulté croissantede ces films à s’inscrire dans un financement lié au marché (tableau 6)alors même que le budget moyen des premiers films augmente, suivantla tendance générale. Au contraire, le budget moyen des premiers filmsavec AR diminue de 25 % tandis que celui des premiers films sans ARaugmente de 75 %. Ce phénomène explique le redressement, au coursdes périodes III et IV, de la part de l’AR dans le financement despremiers films sans que cela puisse être interprété comme un signaltrès positif.309Revue de l’<strong>OFCE</strong> 97