enjeuxRÉFLEXIONComment faire de Bruxellesune ville créative ?C’est la crise, la consommation baisse, les banques ont été sauvées de la déroute, mais lesfaillites et les licenciements pleuvent. Et c’est précisément maintenant qu’il convient desusciter la capacité créative de la société et ce, surtout dans les villes. Les villes ont toujoursété le berceau des talents et de l’innovation. C’est dans les villes que tout se passe.4N° 3 - MARS 20<strong>09</strong> - ENTREPRENDRE© Reporters/JanVan de VelLa créativité est ce qui nous différenciedes animaux : les hommessont capables de générerune idée dans leur cerveau puis de laconcrétiser de manière individuelleet spécifique dans la réalité. Tout lemonde est potentiellement créatif,mais les structures organisationnelles,les institutions et les habitudesde pensée et de fonctionnement risquentd’étouffer cette créativité: « Lacréativité c’est autant libérer le flotdes idées que de les lier à des règles,à des limites et bien sûr à la réalité», affirme Charles Landry. Est créatifl’artiste qui crée une peinture, toutcomme le directeur des ressourceshumaines qui motive ses collaborateursde manière originale. C’est aussila société qui se prépare avec inventivitéaux problèmes de demain.La créativité n’a pas uniquementtrait aux marchés et aux centres industriels,mais également à la sociétémulticulturelle ou à l’économie dela connaissance. Les nombreuses interactionsau sein des villes aboutissentà la création de nouvelles idéeset visions. C’est ici que se tissent lesliens entre les différentes communautés,mais aussi entre le présent etle futur.Créativité et création d’emploiL’étude de l’impact de la créativitésur l’habitat urbain n’en est qu’à sesbalbutiements. Il est toutefois intéressantd’examiner ce que tentent dedémontrer Charles Landry dans “TheArt of City Making” et Richard Floridadans “The Rise of the Creative Class”et “The Creative City”. Tous deux sontles premiers penseurs urbains à placerla culture, les loisirs, le sport etl’enseignement au cœur de l’économie,soit des secteurs à peine considérésauparavant comme faisant partieintégrante de la « culture sérieuse ».Ceux-ci observent le potentiel qu’ontles secteurs créatifs à générer des emploiset à dynamiser l’économie. Ilsanalysent la mode, le théâtre, les artsfiguratifs.De plus en plus de chercheurs considèrentla créativité comme un facteuressentiel au développement d’uneéconomie urbaine. Florida et Landryfondent leur analyse sur la force desvilles et leur potentiel, et moins surles aspects qui ne fonctionnent pas.C’est désormais l’application de laconnaissance et non plus la productionde biens qui génère une plusvalue.Selon leurs dires, une visionréductrice des villes mettant l’accentsur les volets « socio-économie », « habitabilité» et « écologie » n’aboutira àrien et paralysera le développement.La diversité est primordiale dansla ville et nourrit la créativité, c’estl’essence même de la démocratie. Ladiversité engendre la discussion, lerenouveau et le conflit, desquels peuventnaître de nouvelles formes decollectivité, d’esprit d’entreprise et decréation.Dans ce domaine, les villes sont devéritables laboratoires qui testent lefutur. C’est pour cette raison qu’il nefaut pas seulement regarder les projetsà grande échelle tels que l’infrastructureroutière et les réseaux desmétros, mais aussi prendre en compteles artistes qui, petit à petit, se sontinstallés près de la zone du Canal,entre Molenbeek et Bruxelles-ville, etqui dynamisent les quartiers.Bruxelles est-elle une villecréative?Si une ville veut devenir créative, elledoit éliminer les obstacles. Les spécialistesurbains, souvent tenus à desconsidérations institutionnelles ouélectorales, doivent écouter ce qui sepasse autour d’eux. La machinerie urbaineest maintenue en mouvementEntreprendre <strong>Mars</strong>covr magritte <strong>09</strong> def.indd Sec1:4 27/02/<strong>09</strong> 10:21:28
enjeuxau moyen de règles bureaucratiques,telles que de lentes procédures d’obtentionde permis de bâtir ou encoredes règles d’imposition désuètesqui alourdissent l’entrepreneuriat.Les problèmes ne sont abordés quelorsqu’ils se posent, si bien que cesont les problèmes eux-mêmes quiconstituent les réponses à ces problèmes.Une vue étroite ne permet pas unevue à long terme, à l’hyperspécialisation,à la pensée transversale.Selon Landry, les gens réfléchissenttrop peu aux causes plus profondesdes échecs, alors que la réflexion surl’échec doit précisément faire officede « dispositif d’apprentissage ». « Laparticipation crée la propriété : lesgens sont plus susceptibles de defenderun projet auquel ils ont prispart ». C’est la raison pour laquelleil est si important d’impliquer dansde nouveaux projets la population etcertainement les quartiers défavorisésdu centre de Bruxelles.Bruxelles brille précisément par sadiversité, la composition de sa populationaux identités et loyautés diverses,mais aussi par son architecture,son histoire et ses quartiers mixtes.En tant que moteur de l’économie,c’est un vivier idéal grâce auquell’économie et la société peuvent bénéficierde nouvelles impulsions.Bruxelles ne connaît pas d’uniformité,pas de régionalisme étriqué, maisbien des formes hybrides de sociététranscendant les anciennes frontièresdes nations et des peuples, relèvela sociologue Nadia Fadil. Sa diversitéest sa grande force. Et pourtant,Bruxelles se profile rarement danscette direction et selon certains, ellene serait pas consciente de sa forceintérieure ni de son potentiel.Négligence ?L’incontestable présence créative, tantau niveau des arts que dans les secteursde l’économie nouvelle, n’est pas assezrespectée et utilisée pour se profiler auxyeux des non-initiés. Bruxelles est toutce qu’elle est, et ce, pas toujours grâce,mais souvent malgré elle. La créativitéa besoin d’espace, d’audace et d’espritd’entreprise pour créer la confiance etl’enthousiasme. Selon Landry, un leadershipfaible contribue de manièresignificative au déclin urbain.Comment pouvons-nous faire deBruxelles une European Green Capital ?Les défis sont grands, mais le potentielest bien présent. Les questions importantesà poser sont les suivantes : commentrendre la ville attrayante ? Commentdévelopper les talents présents ?Comment attirer les talents étrangers ?Comment contrer le dualisme ? Comment,pour citer Fadil, transformer laréalité cosmopolite en mentalité cosmopolite? Bruxelles est toujours à larecherche d’un équilibre entre multiplicitéglobale et identité locale.Il faut arrêter le pessimisme généré pardes évolutions dysfonctionnelles ausein des villes et qui entraîne dans sonsillage division, peur, aliénation, agressionet affaiblissement du sentimentde localité et d’identité partagées. Ettenir plus compte des facteurs qui encouragentle bon esprit d’entreprise, àsavoir : la pensée créative, interdisciplinaireet holistique. En raison de sonpessimisme dominant, Bruxelles aperdu sa vision architecturale ambitieuseet doit maintenant constaterque son attractivité est reléguée ausecond plan par des villes qui ontosé construire dans le style Guggenheim.La route est encore longue pourBruxelles avant de faire de la créativitéun business en soi.Participation de BeciLa pensée doit devenir transversale.Des partenariats entre le privé et lepublic sont nécessaires afin de soutenirles universités, les musées, lesarts, mais également l’enseignement.À titre illustratif, citons le futur muséeMagritte qui, sans la collaborationavec des partenaires privés,n’aurait probablement pas vu le jour.On estime que ce musée pourrait attirerà Bruxelles un demi-million de visiteurspar an. Le secteur hôtelier doits’associer au secteur de la culture afinde remplir les chambres d’hôtel quasimentinoccupées le weekend.Le débat en matière de mobilité doitdépasser les frontières de la Région.Il ne suffit pas d’envisager uniquementla dimension écologique pourcréer un environnement durable ; lesdimensions économique et socialerevêtent elles aussi de l’importance.L’industrie l’a déjà compris. Outreson Routeplan, qui envisage l’économiesous un angle tout à fait inédit,Beci participe également aux Étatsgénéraux de Bruxelles, une initiativede la société civile qui regroupe desreprésentants des syndicats, de Beci,de mouvements d’intérêt bruxellois(Aula magna, Manifesto, Bruxsel-Forum), d’organisations environnementales(BRAL & IEB), des arts (Réseaudes Arts & Kunstenoverleg) etdes trois grandes universités autourd’un processus de réflexion à grandeéchelle. Ce dernier a vu le jour le12 janvier dernier avec la premièreconférence-débat.Beci est également membre de laCommission d’experts de la PlateformKanal Central, qui souhaite associerles talents artistiques locaux ultradynamiques de la zone du Canal auxnombreux talents inactifs de Molenbeek.C’est uniquement en adoptantune pensée transversale et intégréeque se dégageront des solutions auxproblèmes de demain. 20<strong>09</strong> est l’annéeeuropéenne de la créativité et del’innovation. Et Beci met déjà tout enoeuvre pour contribuer à sa totaleréussite. ●Tom SmeetsConseillerCentre de connaissances BeciInfos : www.etatsgenerauxdebruxelles.be5N° 3 - MARS 20<strong>09</strong> - ENTREPRENDRELa plus grande fresque d’Europe est à admirer à la station De WandEntreprendre <strong>Mars</strong>covr magritte <strong>09</strong> def.indd Sec1:5 27/02/<strong>09</strong> 10:21:37