Le diagnostic territorial : outil de l'action publique - Lara

.La traduction est réussie lorsque le problème d’incompréhension est résolu et qu’ilrésiste à une pratique répétée. Traduire c’est donc déplacer un groupe d’actants d’uncontexte où leur mise en intermédiaire est problématique dans un contexte où leur mise enintermédiaire ne l’est plus. Cette façon de définir la traduction va bien au-delà de latraduction langagière tout en l’englobant.L’exemple d’AramisUn des travaux de Latour (Aramis) portait sur le développement d’un projet de transport encommun tendant à l’individualisation de l’usage (réduction de la taille des rames etautonomies des mini-rames quant à leur arrêt et redémarrage). Une série de problèmestechniques ardus progressivement résolus, le réseau en plein développement se heurte à ladifficulté d’enrôlement d’un ensemble d’actants incontournables : les personnes fragiles, lafigure de la dame âgée… Comment pourrait-elle résister aux accélérations et décélérationque sous-entendrait un tel moyens de locomotion. Cette difficulté technique a réellement etdurablement posé problème. Or, l’enrôlement des dames âgées était une condition sine quanon du développement du réseau porteur de ce projet technique. Un des ingénieurs actantsdu projet propose une traduction : il fait l’analogie entre ce problème et celui du déplacementd’explosifs sensibles aux mêmes contraintes. L’opération de traduction a été réussie lorsqueles pistes de résolution maintenant accessibles dans le contexte de l’industrie de l’armementauront été correctement adaptées au contexte du transport des personnes.Car toute traduction est une approximation efficace : les contextes différents ne permettantpas, par définition, l’expression du même énoncé (procédé). Contextes et énoncés, faits etréseaux scientifiques, acteurs et systèmes, actions et situations s’entredéfinissentl’on ne peut en toute rigueur faire abstraction de la partie sans lequel le tout seraitdifférent et du tout qui produit les conditions de sens de la partie.Le temps particulier sur lequel les sociologues attirent notre attention est celui qui survientlorsque la rallongement du réseau (qui peut s’accompagner de quelques pertes) conduit àson irreversibilité. C’est à dire à l’impossibilité de désengagement massif d’actants ainsi qu’àl’incapacité de réseaux concurrents à faire autrement qu’avec le réseau en son état. Ceciexplique ou plutôt donne une lecture de la propriété si souvent mise en avant de l’activitéscientifique : sa cumulativité. Le nouveau réseau doit conserver en son sein comme un deses segments l’ancien réseau irréversible (prenons pour exemples le domaine de pertinencede la mécanique classique en tant qu’approximation dans le cadre de la mécaniquerelativiste ou encore l’étrange survivance du modèle planétaire atomique en raison de sesliens intimes avec les représentations à l’œuvre dans la l’apprentissage de la pratiqued’électricien).Intérêts et les limites de cette approchePour comprendre maintenant les ponts qui ont été jetés entre sociologie des scienceset des organisations remarquons quatre enjeux.Tout d’abord le modèle théorique permet de saisir des dynamiques, des compositionsd’actants non durablement définies, entre des actants d’ordre extrêmement différents. Et ce,même si les changements occasionnés sont profonds (il peut y avoir disparition del’organisation et continuité du projet ou encore changement de centralité comme dans le casdes microbes les acteurs passant au second plan des non-humains). Gamme dephénomènes qui apparaissent souvent aux yeux du sociologue des organisations.32