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Emile ou De l'ducation [Document lectronique] / Jean-Jacques ...

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12raisonnable de refuser son consentement. Mais à mesure que j'avance, mon élève, autrement conduitque les vôtres, n'est plus un enfant ordinaire; il lui faut un régime exprès p<strong>ou</strong>r lui. Alors il paraît plusfréquemment sur la scène, et vers les derniers temps je ne le perds plus un moment de vue, jusqu'à ceque, quoi qu'il en dise, il n'ait plus le moindre besoin de moi.Je ne parle point ici des qualités d'un bon g<strong>ou</strong>verneur; je les suppose, et je me suppose moi-même d<strong>ou</strong>éde t<strong>ou</strong>tes ces qualités. En lisant cet <strong>ou</strong>vrage, on verra de quelle libéralité j'use envers moi.Je remarquerai seulement, contre l'opinion commune, que le g<strong>ou</strong>verneur d'un enfant doit être jeune, etmême aussi jeune que peut l'être un homme sage. Je v<strong>ou</strong>drais qu'il fût lui-même enfant, s'il était possible,qu'il pût devenir le compagnon de son élève, et s'attirer sa confiance en partageant ses amusements. Iln'y a pas assez de choses communes entre l'enfance et l'âge mûr p<strong>ou</strong>r qu'il se forme jamais unattachement bien solide à cette distance. Les enfants flattent quelquefois les vieillards, mais ils ne lesaiment jamais.On v<strong>ou</strong>drait que le g<strong>ou</strong>verneur eût déjà fait une éducation. C'est trop; un même homme n'en peut fairequ'une: s'il en fallait deux p<strong>ou</strong>r réussir, de quel droit entreprendrait-on la première?Avec plus d'expérience on saurait mieux faire, mais on ne le p<strong>ou</strong>rrait plus. Quiconque a rempli cet étatune fois assez bien p<strong>ou</strong>r en sentir t<strong>ou</strong>tes les peines, ne tente point de s'y rengager; et s'il l'a mal rempli lapremière fois, c'est un mauvais préjugé p<strong>ou</strong>r la seconde.Il est fort différent, j'en conviens, de suivre un jeune homme durant quatre ans, <strong>ou</strong> de le conduire durantvingt-cinq. V<strong>ou</strong>s donnez un g<strong>ou</strong>verneur à votre fils déjà t<strong>ou</strong>t formé; moi, je veux qu'il en ait un avant quede naître. Votre homme à chaque lustre peut changer d'élève; le mien n'en aura jamais qu'un. V<strong>ou</strong>sdistinguez le précepteur du g<strong>ou</strong>verneur: autre folie! Distinguez-v<strong>ou</strong>s le disciple de l'élève? Il n'y a qu'unescience à enseigner aux enfants: c'est celle des devoirs de l'homme. Cette science est une; et, quoi qu'aitdit Xénophon de l'éducation des Perses, elle ne se partage pas. Au reste, j'appelle plutôt g<strong>ou</strong>verneur queprécepteur le maître de cette science, parce qu'il s'agit moins p<strong>ou</strong>r lui d'instruire que de conduire. Il ne doitpoint donner de préceptes, il doit les faire tr<strong>ou</strong>ver.S'il faut choisir avec tant de soin le g<strong>ou</strong>verneur, il lui est bien permis de choisir aussi son élève, surt<strong>ou</strong>tquand il s'agit d'un modèle à proposer. Ce choix ne peut tomber ni sur le génie ni sur le caractère del'enfant, qu'on ne connaît qu'à la fin de l'<strong>ou</strong>vrage, et que j'adopte avant qu'il soit né. Quand je p<strong>ou</strong>rraischoisir, je ne prendrais qu'un esprit commun, tel que je suppose mon élève. On n'a besoin d'élever queles hommes vulgaires; leur éducation doit seule servir d'exemple à celle de leurs semblables. Les autress'élèvent malgré qu'on en ait.Le pays n'est pas indifférent à la culture des hommes; ils ne sont t<strong>ou</strong>t ce qu'ils peuvent être que dans lesclimats tempérés. Dans les climats extrêmes le désavantage est visible. Un homme n'est pas plantécomme un arbre dans un pays p<strong>ou</strong>r y demeurer t<strong>ou</strong>j<strong>ou</strong>rs; et celui qui part d'un des extrêmes p<strong>ou</strong>r arriver àl'autre, est forcé de faire le d<strong>ou</strong>ble du chemin que fait p<strong>ou</strong>r arriver au même terme celui qui part du termemoyen.Que l'habitant d'un pays tempéré parc<strong>ou</strong>re successivement les deux extrêmes, son avantage est encoreévident; car, bien qu'il soit autant modifié que celui qui va d'un extrême à l'autre, il s'éloigne p<strong>ou</strong>rtant de lamoitié moins de sa constitution naturelle. Un Français vit en Guinée et en Laponie; mais un Nègre nevivra pas de même à Tornea, ni un Samoïède au Benin. Il paraît encore que l'organisation du cerveau estmoins parfaite aux deux extrêmes. Les Nègres ni les Lapons n'ont pas le sens des Européens. Si je veuxdonc que mon élève puisse être habitant de la terre, je le prendrai dans une zone tempérée; en France,par exemple, plutôt qu'ailleurs.Dans le nord les hommes consomment beauc<strong>ou</strong>p sur un sol ingrat; dans le midi ils consomment peu surun sol fertile: de là naît une n<strong>ou</strong>velle différence qui rend les uns laborieux et les autres contemplatifs. La

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