Spinoza : vie, immortalitÃ©, Ã©ternitÃ© - de Charles Ramond

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Spinoza : vie, immortalité, éternitéstables, solides, pérennes. Sans doute, si nous étions de telles structures,serions-nous destinés à rencontrer un jour ou l’autre un obstacle qui nouschasserait de l’existence. Mais rien n’empêcherait d’imaginer que cetaccident soit repoussé encore et encore, toujours et toujours, si bien que lamort serait toujours repoussée en un horizon si lointain qu’il finirait par neplus nous concerner, un peu à l’image de ces nouveaux traitements qui,repoussant toujours le déclenchement du SIDA, permettent même à ceuxqui ont été contaminés de prolonger une vie quasi normale, comme s’ils nedevaient jamais le contracter, c’est-à-dire, si l’on revient à l’échelle de notreproblème, ne jamais mourir, et c’est peut-être à ce type d’immortalité, ou depersévérance dans l’existence, de vie comme différance indéfinie de la mort(tel sera aujourd’hui mon hommage à Derrida 22 ), que nous inviterait lespinozisme.Selon un tel point de vue, qui restitue me semble-t-il la violenceintrinsèquement sacrilège, prométhéenne, voire révolutionnaire duspinozisme, la vie serait simplement une forme particulièrement efficace etstable de constitution de certaines choses singulières. Mais rienn’indiquerait nécessairement que l’immortalité, ou persévérance indéfiniedans l’existence, dût toujours passer par la vie qui, comme elle a su sedégager un jour de la matière inerte sans jamais s’en détacher tout à fait,pourrait également un jour peut-être s’y résorber pour laisser place à descombinaisons plus stables encore, plus puissantes, plus durables, peut-êtreà cette « nature plus forte » à laquelle aspirait le jeune Spinoza au début duTraité de la Réforme de l’Entendement, « nature plus forte » dont nous nepouvons pas nier la possibilité sous prétexte que nous n’en avons encoreaucune idée, malgré les progrès extraordinaires de l’allongement de la viehumaine au cours des dernières décennies.____________22 Cette communication a été prononcée à l’Université de Toulouse 2 Le Mirail le02 décembre 2004. Derrida était décédé le 09 octobre.22/23
Spinoza : vie, immortalité, éternitérésumé : On considère le plus souvent, et à juste titre, que la philosophie deSpinoza est une philosophie de l’éternité (au sens d’une rupture qualitative avec ladurée) et non pas de l’immortalité (au sens quantitatif d’une prolongation indéfiniede la vie). Vouloir simplement vivre plus longtemps a d’ailleurs quelque chose devulgaire, comme toute ambition quantitative. Le présent article, en insistant sur lavalorisation constante de la durée chez Spinoza, propose au contraire deredonner sa place, dans le spinozisme, à l’espoir moderne en une « immortalitévulgaire », vie indéfiniment prolongée ou différance indéfinie de la mort, et critiquede ce fait toute lecture du spinozisme en termes de « finitude ».mots clés : vie, éternité, immortalité, durée, finitude.abstract : Spinoza's philosophy is commonly, and rightly, considered to be aphilosophy of eternity (in the sense of a qualitative break with duration) and not ofimmortality (in the quantitative sense of an indefinite continuation of life). The meredesire for a longer life seems somewhat vulgar, as would any quantitativeambition. The present contribution, by insisting on Spinoza’s constant valuation ofduration, tries on the contrary to give its chance, in spinozism, to the modern hopein a "vulgar immortality" (indefinitely prolonged life or indefinite ‘différance’ ofdeath), and criticises therefore any interpretation of spinozism in terms of"finitude".Keywords: life, eternity, immortality, duration, finitude.Bio-biblio brève : Charles RAMOND est né en 1957 à Paris. Ancien élève del’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm (1979-1983), agrégé de philosophie, ila enseigné en Lycée au Havre de 1985 à 1994, avant d’être élu Maître deConférences, puis Professeur, à l’Université Michel de Montaigne Bordeaux 3, oùil est actuellement Directeur de l’Équipe d’Accueil « Centre RecherchesPhilosophiques sur la Nature » (http://crephinat.u-bordeaux3.fr/).Ses travaux portent sur la philosophie moderne et contemporaine. En cequi concerne la philosophie moderne, il a publié principalement : Qualité etQuantité dans la Philosophie de Spinoza (Paris : PUF, « philosophied’aujourd’hui », 1995), Spinoza et la Pensée Moderne –Constitutions del’Objectivité (Paris : L’Harmattan, « la pensée en commun », 1998), LeVocabulaire de Spinoza (Paris : Ellipses, 2000), Spinoza :Traité Politique, nouvelletraduction avec introduction et notes (Paris : PUF, « Épiméthée », 2005), etLectures de Spinoza (dir., en collaboration avec P.-F. Moreau. Paris : Ellipses,2006). À paraître : La philosophie naturelle de Robert Boyle (éd., en collaborationavec Myriam Dennehy. Paris : Vrin, 2006).En ce qui concerne la philosophie contemporaine, ses travaux portent surles philosophes contemporains de langue française. Il a édité Alain Badiou,Penser le Multiple (Actes d’un colloque organisé à Bordeaux en 1999 ; Paris :L’Harmattan, 2002), Derrida : la déconstruction (Paris : PUF, 2005) et publié LeVocabulaire de Jacques Derrida (Paris : Ellipses, 2001), et Le vocabulaire deRené Girard (Paris : Ellipses, 2005), ainsi que des articles sur Gilles Deleuze. Àparaître : Derrida, (Paris : Vrin, parution prévue en 2007).Page professionnelle : http://perso.wanadoo.fr/charles.ramond/default.htm23/23
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